Colère généralisée chez les travailleurs de Postes Canada alors que le STTP impose l’interdiction de grève dictée par le gouvernement

Les travailleurs de Postes Canada sont en colère après que le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP) a capitulé devant l’intervention briseuse de grève du gouvernement libéral et a imposé un ordre de retour au travail mardi matin. Les 55.000 postiers ont été contraints de reprendre le travail après quatre semaines de grève, à la suite d'une décision du Conseil canadien des relations industrielles (CCRI) non élu. Cette décision faisait suite à la demande du ministre du Travail, Steve MacKinnon, d'interdire la grève si le Conseil déterminait que les pourparlers avec la direction se trouvaient dans une «impasse».

Travailleurs postaux en grève à Oshawa, Ontario

«Nous demandons à nos membres de retourner à leurs postes habituels à partir de 8h, heure locale, le 17 décembre 2024, et d'attendre d'autres instructions», a écrit Jan Simpson, présidente du STTP, dans un message envoyé aux membres lundi. Elle a ajouté : «Nous comprenons que les membres veuillent défendre leurs positions jusqu'à la dernière minute pour montrer leur dégoût face à ce qui se passe actuellement. Contrevenir à cet ordre pourrait pousser l'employeur à retourner devant le CCRI pour faire appliquer sa décision.»

Cette misérable reculade s'inscrit dans la continuité de la politique du STTP tout au long de la grève. Il a travaillé sans relâche pour isoler les postiers de leurs frères et sœurs de classe et les enfermer dans le système de «négociation collective» pro-employeur. Lorsque l'intervention gouvernementale tant attendue est arrivée, à laquelle le STTP n'a rien fait pour préparer ses membres, la bureaucratie syndicale a baissé les bras sans se battre. Il ne s'agit pas seulement d'une trahison des postiers, mais de l'ensemble de la classe ouvrière, qui a un intérêt direct à défendre le droit de grève et à empêcher les attaques massives contre les services publics.

Exprimant leur opposition au rôle décisif de la bureaucratie syndicale dans les opérations briseuses de grève et leur colère d'être renvoyés au travail, les travailleurs de tout le pays ont maintenu des piquets de grève jusqu'à l'heure de reprise de 8 h, mardi. En Colombie-Britannique, les postiers ont honoré un «piquet de grève communautaire» temporaire mis en place par des non-membres du STTP, qui a maintenu un centre de traitement de Richmond fermé pendant plusieurs heures après l'heure de reprise prescrite.

«J'ai l'impression que nous abandonnons notre pouvoir et notre élan en suivant cet ordre. Je veux trouver d'autres moyens de défier le 1% et de leur faire la vie dure, pour que ce soit eux qui souffrent et non le public canadien», a déclaré un postier de l'Ontario au World Socialist Web Site.

Un autre postier a commenté l'application de l'ordonnance de retour au travail par le STTP en ces termes : «C'est une trahison, c'est certain. Manque d'organisation, manque de communication, manque de direction. Postes Canada n'avait pas l'intention de donner aux employés ce qu'ils méritent. Ils ont attendu, comme la dernière fois.» En 2018, le gouvernement Trudeau a adopté une loi de retour au travail visant à interdire les grèves tournantes, à laquelle la direction du syndicat s'est empressée d'adhérer.

Le Comité de base des travailleurs des postes (CBTP), qui a été créé par des travailleurs de Postes Canada en juin pour lutter contre la bureaucratie du STTP afin que la base prenne le contrôle de la lutte contractuelle, a publié vendredi une déclaration en réponse à l'annonce de MacKinnon, expliquant que les conditions étaient réunies pour défier un ordre de retour au travail. Toutefois, il a souligné que cela ne serait possible que par le développement de l'opposition à la direction du syndicat et la mobilisation du pouvoir social de l'ensemble de la classe ouvrière.

Un geste de défiance collectif et coordonné à l'ordre de retour au travail par les 55.000 travailleurs de Postes Canada aurait galvanisé une contre-offensive de la classe ouvrière à travers le Canada, aux États-Unis et à l'échelle internationale contre les concessions et l'austérité.

Le comité a écrit :

Aujourd'hui plus que jamais, la question centrale est de mobiliser le pouvoir social de l'ensemble de la classe ouvrière. Chaque travailleur a un intérêt dans notre lutte, et nous devons lui en faire prendre conscience.

Le plus grand obstacle que nous devons surmonter pour mobiliser le soutien de la classe ouvrière est la bureaucratie syndicale. Depuis le début, le STTP, les Teamsters (qui n'ont pas levé le petit doigt pour mobiliser les travailleurs de Purolator en notre nom) et les dirigeants du Congrès du travail du Canada (CTC) ont tout fait pour isoler notre lutte. Par-dessus tout, ils n'ont rien fait pour préparer l'opposition de masse de la classe ouvrière à l’intervention briseuse de grève du gouvernement, même si tout le monde savait que c'était au cœur de la stratégie de la direction de Postes Canada et du gouvernement Trudeau : un gouvernement que les dirigeants syndicaux et leurs alliés du NPD continuent de soutenir. Jeudi encore, la bureaucratie du STTP nous exhortait à faire campagne auprès des députés pour faire pression sur le gouvernement afin qu'il intervienne dans le processus de négociation.

La menace d'une intervention gouvernementale par l'invocation par le ministre du Travail de l'Article 107 du Code canadien du travail – un nouveau pouvoir concocté par les libéraux soutenus par le NPD et les syndicats au cours des six derniers mois pour briser les grèves en lieu et place d'une législation de retour au travail – a pesé sur la grève dès le début. Alors que la direction s'est retranchée dans l'attente d'une intervention en sa faveur, ni le STTP ni le Congrès du travail du Canada n'ont proposé de stratégie pour s'opposer à un ordre de retour au travail. Compte tenu de la détermination des postiers à se battre, les directions syndicales étaient manifestement terrifiées à l'idée qu'une telle position puisse rapidement échapper à leur contrôle et remettre en cause leur alliance avec le gouvernement libéral, raison pour laquelle elles ont capitulé sans combattre et se sont engagées à simplement contester l'ordonnance devant le CCRI.

L'ordre de retour au travail orchestré par MacKinnon et accepté par la bureaucratie du STTP force les travailleurs postaux à travailler sous des conventions collectives qui ont expiré il y a plus d'un an et les prive du droit de grève pendant cinq mois, tandis qu'une «Commission d'enquête industrielle» examine les opérations de Postes Canada et établit les grandes lignes de la mise en œuvre de l'«Amazonisation» des services postaux exigée par la direction. Cela comprend l'augmentation du nombre d'employés précaires, d'employés permanents à temps partiel et d'employés temporaires faiblement rémunérés.

Comme l'a expliqué le WSWS dans une perspective mercredi, les attaques au Canada contre les services publics et les droits démocratiques fondamentaux de la classe ouvrière, y compris le droit de grève, font partie d'un processus international dans lequel l'élite dirigeante capitaliste cherche à tout subordonner à son programme de guerre de classe, d'austérité et de guerre.

La classe ouvrière ne peut mobiliser ses intérêts indépendants en opposition à ceux de l'élite dirigeante impérialiste qu'en rompant consciemment avec les bureaucraties syndicales nationalistes et pro-capitalistes et les partis sociaux-démocrates qui ont étouffé la lutte des classes pendant plus de quarante ans et ont imposé une capitulation après l'autre.

La perspective du WSWS met en évidence les leçons pratiques de la trahison de la grève de Postes Canada :

En formant le Comité de base des travailleurs des postes (CBTP) en juin, les travailleurs ont cherché à prendre la direction de leur lutte contractuelle en la retirant des mains de la bureaucratie du STTP. La décision du CBTP de s'affilier à l'Alliance ouvrière internationale des comités de base (IWA-RFC) a permis l'organisation de deux réunions publiques et de nombreuses discussions entre les postiers et d'autres travailleurs du Canada, des États-Unis et de Grande-Bretagne. Une résolution adoptée lors de la première réunion a tracé la voie à suivre : transformer la grève postale en fer de lance d'une mobilisation sociale et politique contre l'austérité et la guerre.

Des leçons doivent être tirées de cette expérience. La construction de comités de base doit être poursuivie dans chaque lieu de travail avec une urgence redoublée. Cela doit être combiné avec une lutte pour armer les travailleurs les plus avancés avec une compréhension du caractère politique de la lutte qu'ils sont obligés de mener, une tâche qui n'est possible que par la construction d'une direction socialiste.

Pour mener à bien cette lutte, tous ceux qui sont d'accord devraient prendre la décision de rejoindre et de construire le Parti de l'égalité socialiste, la section canadienne du Comité international de la Quatrième Internationale (CIQI).

(Article paru en anglais le 19 décembre 2024)

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