Nous encourageons tous les travailleurs de Postes Canada à communiquer avec le Comité de base des travailleurs des postes au canadapostworkersrfc@gmail.com ou en remplissant le formulaire se trouvant en fin d’article.
Le Comité de base des travailleurs des postes (CBTP) condamne catégoriquement l’interdiction de grève imposée par le gouvernement libéral, ainsi que la capitulation du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP) et l’application de cette interdiction. Nous avons été contraints de reprendre le travail, après plus d’un mois de piquetage, en raison d’un ordre arbitraire anti-grève émis sans même la feuille de vigne d’un vote parlementaire. Le sabotage de notre grève, coordonné entre le gouvernement, la société d’État et l’appareil syndical, a matériellement affaibli notre lutte pour une nouvelle convention collective. Cependant, si nous tirons les leçons appropriées de cette expérience, nous pouvons saisir l’initiative et reprendre l’offensive. Cela exige avant tout que nous fassions appel au soutien de tous les travailleurs pour qu’ils se joignent à nous dans une mobilisation politique indépendante industrielle de masse contre l’austérité capitaliste et la guerre.
Nous devons nous préparer à l’intensification de l’assaut qui sera mené contre nos conditions de travail et nos salaires d’ici le 22 mai 2025, date à laquelle nous serons à nouveau en position de grève légale.
Les dirigeants de Postes Canada, de connivence en coulisses avec les ministres du gouvernement et les bureaucrates du STTP, tenteront d’utiliser ce répit pour préparer un assaut en profondeur contre nos emplois et nos conditions de travail. Ils savent que si nous sommes vaincus, les entreprises canadiennes pourront utiliser l’automatisation, les conditions d’emploi précaire et l’IA pour étendre leur restructuration à tous les services publics afin de financer l’enrichissement des riches et les guerres impérialistes dans le monde. Nous devons profiter de ce temps pour mettre sur pied des comités de base dans tous les lieux de travail, nous donnant ainsi les moyens organisationnels de contrecarrer la prochaine trahison du STTP et de prendre les mesures que nous, les travailleurs des postes de la base, jugeons nécessaires pour obtenir gain de cause dans nos justes demandes en matière de sécurité d’emploi, d’augmentation du salaire réel et de contrôle ouvrier sur l’utilisation de l’IA et autres nouvelles technologies.
Comment le STTP et le Congrès du travail du Canada étouffent nos revendications
Lorsque notre grève a été interdite par le Conseil canadien des relations industrielles (CCRI), le syndicat a agi comme une police industrielle, sans doute sous l’impulsion du Congrès du travail du Canada (CTC). Après l’annonce de l’interdiction de la grève par le ministre du Travail Steven MacKinnon, le CTC n’a fait aucune déclaration pendant trois jours et le STTP n’a convoqué aucune réunion de masse pour nous permettre de discuter de notre réponse. Lorsqu’il a finalement rompu son silence, le CTC s’est contenté de se plaindre d’une prétendue «utilisation abusive» de l’Article 107 du Code canadien du travail pour interdire notre grève, comme s’il s’agissait simplement d’une simple «erreur» commise par un ministre ou un quelconque haut fonctionnaire du gouvernement. En fait, cette disposition draconienne, qui, selon une nouvelle réinterprétation élaborée par le gouvernement libéral, donne au ministre du Travail le pouvoir d’agir à son gré pour mettre fin à une grève, a déjà été utilisée systématiquement au cours des six derniers mois pour mettre fin à quatre conflits de travail et imposer les conditions de l’employeur.
Tout au long de la grève, le STTP et le CTC ont saboté notre lutte en faisant tout ce qui était en leur pouvoir pour nous isoler et nous démoraliser, rendant ainsi impossible toute mobilisation pour s’opposer aux mesures de cassage de grève antidémocratiques qui allaient inévitablement suivre.
Tout d’abord, ils ont fait exprès de retarder l’appel à la grève, en violation flagrante d’un mandat de grève écrasant, ce qui a eu pour conséquence que nous n’avons pas pu débrayer en même temps que les débardeurs du Québec et de la Colombie-Britannique.
Ensuite, ils ont insisté sur le fait que nous ne sommes engagés que dans un simple combat de renouvellement de «négociation collective», s’abstenant du coup de lancer un appel aux travailleurs de Purolator et des autres entreprises de l’industrie de la logistique, et encore moins des autres secteurs d’activités industrielles, de se joindre à nous. Pourtant, la lutte actuelle s’articule autour de questions revêtant un intérêt crucial pour tous les travailleurs, à savoir le droit de grève, l’utilisation par la classe dirigeante de l’automatisation pour éliminer des emplois et le déploiement de l’intelligence artificielle pour accroître la productivité aux dépens des travailleurs.
Enfin, le STTP et le CTC ont veillé à ce que le retour au travail imposé par le gouvernement soit respecté, démontrant une fois de plus leur engagement loyal à gérer Postes Canada comme une entreprise à but lucratif et assurer la santé du capitalisme canadien dans son ensemble.
Tout ce que nous avons obtenu en échange de la fin de notre grève, c’est une maigre «augmentation» de salaire de 5 % pour la première année depuis l’expiration de notre ancienne convention collective, qui continuera à s’appliquer jusqu’en mai. C’est là une gifle après tant d’années de stagnation salariale et autres attaques sur nos conditions de travail. Le ministre du Travail MacKinnon a annoncé la création d’une «commission d’enquête industrielle» bidon pour justifier l’objectif prédéterminé de l’employeur qui veut restructurer fondamentalement les bureaux de poste en mettant en œuvre la demande de l’élite dirigeante visant à «amazoniser» le service postal par l’élimination de dizaines de milliers d’emplois à temps plein qui seront par la suite comblés en utilisant de façon permanente des travailleurs à temps partiel et temporaires.
Grâce à la collaboration des syndicats dans le sabotage de notre grève, la possibilité de développer une opposition politique indépendante de la classe ouvrière contre le bellicisme du gouvernement libéral Trudeau et son saccage des services publics a reçu un coup sévère. La poursuite de la répression politique de la classe ouvrière par les syndicats laisse l’initiative à la classe dirigeante, qui pourrait bien réussir à porter au pouvoir un gouvernement conservateur d’extrême droite sous la direction de Pierre Poilievre, voué à défendre les intérêts du capital canadien en lançant une contre-révolution sociale à la Trump, avant que nous ne puissions à nouveau débrayer légalement.
La classe dirigeante poursuit un changement fondamental de la société qui va bien au-delà des bureaux de poste, et la façon dont nos négociations vont se dérouler va être utilisée comme exemple dans les autres secteurs économiques. Les acquis durement gagnés par les travailleurs dans le passé ne sont plus compatibles avec le capitalisme. Ces acquis ont été arrachés des mains de la classe dirigeante au moyen d’âpres batailles de classe menées au cours des dernières décennies. Nous devons défendre ces acquis et aller de l’avant pour remporter de nouvelles victoires. Même les plus petites concessions obtenues dans le passé ne peuvent plus être maintenues dans les conditions du capitalisme en crise.
Qu’il s’agisse du gouvernement libéral, de l’opposition conservatrice, néo-démocrate ou bloquiste, ou des bureaucraties syndicales, tous sont d’accord pour dire que les ressources de la société doivent être subordonnées à la capacité de l’impérialisme canadien de mener des guerres dans le monde entier et de maintenir le capitalisme au pays «compétitif» par rapport à ses rivaux internationaux. Cela signifie inévitablement une détérioration de notre niveau de vie et de celui de tous les travailleurs. Cela fait maintenant neuf ans que le STTP et tous les syndicats soutiennent les Libéraux de Trudeau, qu’ils présentent comme l’alternative «progressiste» aux Conservateurs, en dépit que ces mêmes Libéraux ne cessent de s’en prendre au niveau de vie des travailleurs en octroyant des subventions pour renflouer les entreprises lors de la pandémie, en réduisant les salaires réels face à l’inflation et en imposant l’austérité dans les dépenses publiques pour injecter l’argent dans les dépenses militaires, faire la guerre à la Russie et soutenir l’assaut génocidaire d’Israël contre les Palestiniens.
Les postiers sont généralement considérés comme l’une des catégories de travailleurs les plus militantes. C’est pourquoi nous faisons l’objet d’une offensive globale de la classe dirigeante. Si la classe des milliardaires réussit à précariser les services postaux, alors elle pourra intensifier ses attaques dans l’ensemble de l’économie. Les emplois à temps plein assortis de bons avantages sociaux et de bonnes retraites disparaîtront alors.
La trahison du CTC et du STTP porte un coup à notre lutte, tout en renforçant la main de Postes Canada et du gouvernement libéral Trudeau. Nous avons été trahis par notre syndicat au moment même où nous étions en position favorable pour obtenir gain de cause dans nos revendications. Le gouvernement Trudeau est en effet sur la corde raide, sa vice-première ministre, Chrystia Freeland, l’ayant largué, ce qui a multiplié les appels à la démission de Trudeau. Le retard généralisé du courrier et des colis était en train de se profiler jusqu’à l’étranger. Les autres entreprises de livraison de colis étaient incapables de gérer la charge de travail supplémentaire que notre grève leur imposait. La période précédant les fêtes de fin d’année était le meilleur moment pour faire la grève.
Mais notre lutte n’est pas perdue. Les forces sociales qui s’opposent à nous sont peut-être puissantes, mais les forces sociales potentielles sur lesquelles nous pouvons nous appuyer, représentées par la classe ouvrière de partout au Canada et à l’échelle internationale, sont incommensurablement plus puissantes. Pour mobiliser la classe ouvrière à nos côtés, nous devons tirer les leçons de nos récentes luttes au cours des prochaines semaines et, sur cette base, commencer à préparer notre cadre organisationnel et nous armer de la perspective politique nécessaire pour faire avancer notre combat.
Les leçons politiques à tirer de notre grève et la voie de l’avant
Quelles sont les leçons à tirer de nos grèves tournantes de 2011 et de 2018, ainsi que de notre récente grève d’un mois? Ces expériences confirment trois points fondamentaux qui sont à l’origine de la création du Comité de base des travailleurs des postes (CBTP):
Nous sommes confrontés à une lutte politique qui nous oppose à la direction de Postes Canada et à l’ensemble des entreprises canadiennes, qui salivent à l’idée d’utiliser toute défaite des travailleurs des postes pour étendre l’assaut contre les salaires, les avantages sociaux et les conditions de travail à l’ensemble de la classe ouvrière. Les entreprises savent que le gouvernement, quelle que soit sa couleur politique, soutiendra leurs demandes de concessions.
Le STTP et les autres syndicats du CTC ne sont pas des mécanismes qui nous permettent de faire avancer notre lutte, mais des moyens par lesquels les entreprises canadiennes étouffent la résistance de la classe ouvrière. Ils sont les principaux soutiens du gouvernement Trudeau, un gouvernement de guerre et d’austérité. Au cours des dernières décennies, les syndicats ont développé toutes sortes de partenariats corporatistes avec les grandes entreprises et l’État. Ils sont dirigés par une caste de bureaucrates qui tirent des privilèges lucratifs – notamment leurs salaires à six chiffres – en maintenant l’ordre au sein de la classe ouvrière.
Nous devons prendre notre lutte en main. Mettons sur pied des comités de base dans chaque lieu de travail afin de prendre le contrôle de nos luttes contractuelles en le retirant des mains de la bureaucratie du STTP. Nous briserons ainsi l’isolement qui nous est imposé par le CTC en lançant un appel à tous les travailleurs pour qu’ils se joignent à nous dans une grande contre-offensive menée par tous les travailleurs pour la défense des services publics et de tous les emplois, et pour le contrôle ouvrier de la production et de la gestion des services publics.
La force objective des travailleurs réside dans sa capacité à s’organiser au-delà des limites de leur entreprise, leur secteur industriel ou leur pays. Un tel type d’organisation mondiale n’est possible que dans la mesure où la classe ouvrière s’affranchit de l’autorité syndicale pour affirmer ses intérêts de classe indépendants contre toutes les forces qui cherchent à l’affaiblir.
Nous avons une véritable opportunité de mobiliser un soutien de masse, pouvant aller jusqu’à une grève politique générale, parce que les travailleurs du monde entier sont confrontés aux mêmes menaces que les postiers. La technologie – notamment l’intelligence artificielle et l’automatisation – peut considérablement améliorer la productivité de larges pans de la classe ouvrière dans le monde entier. Mais cette augmentation de la productivité peut être utilisée soit contre les travailleurs, sous la forme de licenciements et d’une augmentation de la charge de travail, ou soit au profit des travailleurs en réduisant leur charge de travail sans perte de salaire.
La question clé est de savoir quelle classe au Canada, aux États-Unis et ailleurs dans le monde, contrôlera cette technologie: les capitalistes ou nous, les travailleurs.
Notre programme s’oppose à la subordination des travailleurs à la quête du profit et nous exigeons que Postes Canada soit gérée comme un service public financé à part entière. Dans le monde entier, les travailleurs des postes, d’UPS et d’Amazon font preuve d’un grand militantisme depuis ces derniers mois, sinon même des années. Mais une nouvelle stratégie est maintenant nécessaire. Les mesures de retour au travail de MacKinnon ont pour but de nous priver de notre effet de levier, et la Commission d’enquête sur les relations de travail va s’appuyer sur cet élan pour tenter de nous affaiblir encore plus.
La forme d’organisation des comités de base est essentielle pour le développement de la lutte de classe en menant une lutte politique sur une base internationale unifiant les travailleurs des postes et de l’industrie de la logistique d’Amérique du Nord, d’Europe et d’ailleurs dans un combat commun.
Puisque la classe dirigeante prépare une offensive tous azimuts passant par une provocation massive comprenant d’innombrables suppressions d’emplois et autres concessions massives – il est essentiel de développer notre lutte à un niveau plus élevé.
Nous pouvons encore remporter cette lutte, mais pour cela, nous devons mobiliser une vaste section de travailleurs partageant les mêmes intérêts fondamentaux.
En nous alignant sur l’Alliance ouvrière internationale des comités de base (IWA-RFC), nous pouvons devenir le fer de lance d’une contre-offensive des travailleurs au Canada, aux États-Unis et ailleurs dans le monde contre l’austérité au pays et la guerre à l’étranger.
La clarification de la voie politique à suivre pour les travailleurs est une responsabilité que le CBTP prend très au sérieux. Nous préparons ainsi le terrain pour intervenir lorsque les travailleurs entreront en lutte. Les comités de base sont indispensables maintenant que la classe dirigeante mène un programme de guerre de classe contre nous. Nous ne restons pas inactifs en discutant des problèmes avec la bureaucratie syndicale. Nous armons les travailleurs avec une perspective viable pour obtenir gain de cause dans leurs justes revendications par la lutte.
La classe ouvrière a prouvé son niveau de militantisme à chaque grève et sur chaque piquet de grève, mais maintenant, c’est la question de l’organisation et de la direction politique qui est à l’ordre du jour. Contactez-nous dès aujourd’hui pour mettre sur pied un CBTP dans chaque lieu de travail et sur chaque quart de travail.
(Article paru en anglais le 27 décembre 2024)