Perspective

Le Parti démocrate exploite la fuite des plans de guerre au Yémen pour exiger une intensification de la guerre impérialiste

Le sénateur Mark Warner, démocrate de Virginie, vice-président de la commission du renseignement du Sénat, à gauche, rejoint à droite par le président Tom Cotton, républicain de l’Arkansas, interroge la directrice du renseignement national Tulsi Gabbard et le directeur de la CIA John Ratcliffe sur les plans de guerre envoyés par SMS pour les prochaines frappes militaires au Yémen à un groupe de discussion qui comprenait le rédacteur en chef de The Atlantic, lors d'une audience sur la colline du Capitole à Washington, le mardi 25 mars 2025. [AP Photo]

Le Parti démocrate, qui a été complice et largement silencieux face à l’assaut fasciste du président Donald Trump contre les droits démocratiques, les programmes sociaux et les fonctionnaires fédéraux, a soudainement trouvé sa voix cette semaine. Les sénateurs et les représentants ont crié et brandi le poing, non pas à propos de la sauvagerie de l'administration Trump, mais parce que les principaux adjoints à la sécurité nationale de Trump n'ont pas été suffisamment prudents dans la préparation du bombardement du Yémen : un acte de meurtre de masse que les démocrates soutiennent avec enthousiasme.

La fuite d'un fil de discussion de Signal sur le bombardement par les États-Unis de cibles contrôlées par les Houthis au Yémen – des forces opposées à l'Arabie saoudite et à Israël – est devenue le sujet central du « débat » dans le Washington officiel. Les experts des médias n'ont guère parlé d'autre chose. Des heures d'auditions télévisées devant la commission du renseignement du Sénat, mardi, et la commission du renseignement de la Chambre des représentants, mercredi, ont permis aux démocrates d'interroger les hauts responsables de l'administration Trump sur la faille de sécurité, qui a été déclenchée par l'inclusion accidentelle du rédacteur en chef du magazine The Atlantic, Jeffrey Goldberg, dans le fil de discussion.

Goldberg a détaillé sa participation au fil de discussion dans un article important publié par le magazine lundi. Après que de hauts fonctionnaires ont démenti ses affirmations selon lesquelles des opérations militaires classifiées avaient été discutées, il a publié la transcription complète de la discussion mardi soir. Le document confirme son récit et révèle – sans surprise – que le secrétaire à la Défense Pete Hegseth, le conseiller à la Sécurité nationale Mike Waltz, l'attachée de presse de la Maison-Blanche Karoline Leavitt et d'autres ont menti de manière éhontée sur l'incident.

Comme l'a noté le WSWS hier :

L'inclusion accidentelle de Goldberg dans les plans de guerre a provoqué l'indignation du Parti démocrate et des médias, non pas à cause de la guerre d'agression criminelle ou des crimes de guerre planifiés, mais parce que la discussion avait eu lieu en dehors des canaux militaires sécurisés.

Les deux jours d'auditions de la commission du renseignement du Congrès sont des événements prévus de longue date, qui ont lieu chaque année et au cours desquels les plus hauts responsables du renseignement militaire donnent leur avis sur les principales menaces mondiales pesant sur les intérêts de l'élite dirigeante américaine. Comme d'habitude, elles consistent en une session ouverte le matin, qui se déroule devant les caméras de télévision et où les politiciens prennent souvent de grands airs, et une session fermée l'après-midi pour une discussion plus franche sur les crimes commis par l'impérialisme américain dans le monde entier.

Lors des auditions au Sénat et à la Chambre des représentants, les démocrates ont généralement approuvé la liste des « menaces » : la Chine, la Russie, l'Iran et la Corée du Nord, dans cet ordre. Mark Warner, le démocrate le plus important du panel du Sénat, a souligné que les fonctionnaires de l'administration Biden avaient présenté la même liste il y a un an. Il a critiqué Trump pour sa marche arrière sur la politique américaine à l'égard de l'Ukraine et de la Russie – le principal point de divergence entre les deux partis capitalistes – avant de se concentrer sur les failles de sécurité à la veille de l'attentat au Yémen.

Cela a donné le ton à d'autres sénateurs démocrates, qui ont exigé la démission de Hegseth et Walz et demandé une enquête indépendante sur la façon dont Goldberg a été inclus dans l'appel : qui fait actuellement l'objet d'un examen par la Maison-Blanche de Trump. Plusieurs sénateurs ont opposé le « laisser-aller » du fil de discussion Signal au supposé professionnalisme des protocoles de communication du Pentagone, de la CIA et de la « communauté du renseignement » au sens large.

Pas un seul démocrate n'a remis en question la légalité ou la moralité de l'opération militaire, au cours de laquelle des dizaines de civils yéménites innocents ont été massacrés et plusieurs dirigeants houthis étaient la cible d’attaques meurtrières : deux crimes au regard du droit international.

Lors de l'audition à la Chambre des représentants le lendemain, après que Goldberg eut publié la transcription complète de la discussion sur le Yémen, l'indignation des démocrates est montée d'un cran. Le démocrate Jim Himes, ancien banquier de Goldman Sachs et chef de file de la fraction de droite des Nouveaux Démocrates, a ouvert la séance en disant de la politique de Trump : « Nous sommes maintenant dans l'équipe du Kremlin. »

Himes a rappelé que Steve Witkoff, négociateur en chef pour le Proche-Orient, avait participé à la discussion Signal lors d'une visite à Moscou et a demandé à connaître le type de téléphone qu'il avait utilisé. Himes a fait référence aux « 140 étoiles » du quartier général de la CIA – marquant les agents tués dans l'exercice de leurs fonctions – et a affirmé que « beaucoup d'entre eux sont morts à cause d'un mauvais jugement de la part de journalistes ou de dirigeants ».

La déclaration la plus patriotique a été faite par Jason Crow, démocrate du Colorado, l'un des « démocrates de la CIA », de plus en plus nombreux, recrutés directement par l'appareil de renseignement militaire pour siéger au Congrès. Ancien commandant des forces spéciales en Afghanistan, Jason Crow illustre l'intégration du Parti démocrate dans l'État de sécurité nationale.

Crow a conclu son long interrogatoire du panel d'assistants de Trump comme suit :

J'ai été déployé trois fois au combat au service de cette nation. J'ai appris au cours de mon service que la responsabilité est au cœur du leadership. [...] Il est tout à fait scandaleux pour moi, tout à fait scandaleux que les fonctionnaires de l'administration se présentent devant nous aujourd'hui en toute impunité, sans accepter aucune responsabilité. [...] C'est scandaleux, et c'est un échec de leadership, et c'est pourquoi le secrétaire Hegseth, qui a sans aucun doute transmis des informations classifiées, doit démissionner immédiatement. Rien ne peut arranger cela. Il ne peut y avoir de correction tant qu'il n'y a pas de responsabilité, et j'appelle l'administration à aller de l'avant en rendant des comptes.

Que veut dire « aller de l’avant » ? La principale critique adressée à Trump par les démocrates du Congrès est qu'il affaiblit la position mondiale de l'impérialisme américain en abandonnant ses principaux alliés et États clients, en particulier l'Ukraine et l'OTAN, ainsi qu'en contrariant ces alliés par des provocations telles que le projet d'acquisition du Groenland et l'annexion du Canada.

En ce qui concerne la politique américaine au Moyen-Orient, les démocrates sont totalement alignés, ayant fourni des dizaines de milliards pour soutenir le génocide israélien à Gaza qui s'étend maintenant à la Cisjordanie, au Liban et même au Yémen. C'est l'administration Biden qui a lancé la répression des manifestations pro-palestiniennes sur les campus, une campagne que Trump a maintenant fusionnée avec son offensive anti-immigration pour créer une atmosphère répressive plus radicale que les chasses aux sorcières maccartistes des années 1950.

Lors d'un échange important au cours de l'audition de la commission du renseignement de la Chambre des représentants, la représentante républicaine fasciste Claudia Tenney de New York a demandé au directeur du FBI, Kash Patel, si l'agence surveillait et compilait des listes de personnes impliquées dans les manifestations dites « pro-Hamas » sur les campus. Patel a confirmé que le FBI le faisait. Pas un seul démocrate n’est revenu sur la question ou n'a exprimé une quelconque objection.

Lorsque l'administration Trump kidnappe des étudiants pour leur opposition au génocide de Gaza, prévoyant de les expulser pour avoir exercé leur droit à la liberté d'expression, le Parti démocrate reste silencieux.

Lorsque Trump laisse le champ libre à Elon Musk, son co-président à la politique intérieure, pour qu’il se déchaine sur les travailleurs fédéraux, en licenciant des dizaines de milliers, en les traitant de bureaucrates non qualifiés et paresseux, les démocrates se montrent inquiets. Ils organisent des rassemblements avec des responsables syndicaux tout aussi déterminés à ne rien faire, au cours desquels tous deux s'engagent à soutenir des poursuites qui seront finalement entendues par une Cour suprême remplie d'une super-majorité d'extrême droite.

Lorsque Trump et ses alliés fascistes s'apprêtent à détruire des programmes sociaux vitaux comme la sécurité sociale, Medicare, Medicaid et les bons d'alimentation – dont dépendent des centaines de millions de personnes –, les démocrates se disent impuissants à les arrêter. Ensuite, le chef de la minorité du Sénat, Chuck Schumer, fournit le vote décisif pour maintenir le financement du gouvernement Trump-Musk pendant six mois supplémentaires.

Mais lorsqu'ils ont l'occasion d'attaquer Trump par la droite, les démocrates sautent sur l'occasion. Ils déplorent l'incompétence de ceux que Trump a nommés aux postes les plus élevés de l'appareil de sécurité nationale américain et exigent que la pleine puissance de la machine de guerre, d'espionnage et de provocation des États-Unis soit libérée.

Il s'agit d'une démonstration du caractère de classe du Parti démocrate. C'est l'un des deux partis de l'oligarchie financière américaine, qui s'est engagé de manière inébranlable dans la défense de la classe dirigeante à l'intérieur et à l'extérieur du pays. La défense des emplois, du niveau de vie et des droits démocratiques des travailleurs, en Amérique et dans le monde, dépend de la mobilisation politique de la force sociale opposée, la classe ouvrière internationale, sur la base d'un programme socialiste révolutionnaire.

(Article paru en anglais le 27 mars 2025)