Perspective

Le discours de clôture de Harris à la convention démocrate fait sien l'agenda de la guerre mondiale

La candidate démocrate à la présidence, la vice-présidente Kamala Harris, s'exprime lors de la Convention nationale démocrate, le jeudi 22 août 2024, à Chicago. [AP Photo/J. Scott Applewhite]

Les quatre jours de la Convention nationale démocrate se sont terminés jeudi par le discours d'acceptation de la candidature démocrate à la présidence prononcé par la vice-présidente Kamala Harris.

Dans l'ensemble, la convention a consisté en une série interminable de discours ineptes, de hosannahs à Harris qui ont complètement falsifié sa carrière de procureure droitière, de déclarations de milliardaires qu’Harris serait une «présidente de la joie» et d'invocations constantes du caractère «historique» de l'élévation d'une femme afro-américaine et asiatique américaine (multimillionnaire) à la présidence.

Les démocrates ont cherché à substituer le divertissement à la politique, avec une série de célébrités d'Hollywood et de la musique pop qui se sont ralliées à Harris. Mais le contenu réel de la politique qu'ils proposent est apparu dans le discours de clôture de la candidate: un programme d'escalade de la guerre mondiale.

«En tant que commandant en chef, je veillerai à ce que l'Amérique dispose toujours de la force de combat la plus forte et la plus meurtrière au monde», a déclaré Harris. Quant à savoir qui cette force combattra, elle a laissé peu de doute à ce sujet, faisant référence à la Chine, à la Russie, à la Corée du Nord et à l'Iran, ces mêmes pays que le gouvernement Biden-Harris a ciblés dans un nouveau document décrivant la stratégie américaine pour une future guerre mondiale nucléaire.

Comme dans tout discours majeur d'un politicien capitaliste américain, le discours d'acceptation de Harris s'adressait à deux publics. Pour Wall Street et l'appareil militaire et de renseignement, la véritable base du Parti démocrate, Harris s'est engagée à poursuivre la politique étrangère militariste du gouvernement Biden qui vise à défendre les intérêts mondiaux de l'aristocratie financière américaine.

Elle était quelqu’un sur qui on pouvait compter a-t-elle proclamé, contrairement à Trump qui n'était ni fiable ni intéressé. Ce thème fut repris le dernier jour de la convention par toute une série d'orateurs de droite, de l'ex-secrétaire à la Défense et directeur de la CIA Leon Panetta à une série de républicains qui soutiennent maintenant Harris, en passant par un trio de responsables du renseignement militaire qui siègent à présent comme démocrates à la Chambre.

Si la brève mention par Harris de la souffrance de la population palestinienne de Gaza a été soulignée par les médias – et sera sans aucun doute saluée comme un changement significatif par les apologistes du Parti démocrate dans la pseudo-gauche – cela s'est produit après avoir catégoriquement réitéré un engagement sans compromis à fournir une aide militaire américaine illimitée à Israël: «Je défendrai toujours le droit d'Israël à se défendre et je veillerai toujours à ce qu'Israël ait la capacité de se défendre ».

Autrement dit, plus de bombes et de missiles pour tuer des dizaines de milliers d'autres personnes à Gaza et potentiellement en Cisjordanie, au Liban, au Yémen, en Iran et dans d'autres pays de la région ciblés par l'impérialisme.

Pour le grand public, Harris a fait une série de promesses démagogiques sur l'amélioration de son niveau de vie, le renforcement du filet de sécurité sociale et la défense des droits démocratiques, comme le droit à l'avortement.

Mais il est impossible d’avoir à la fois les dépenses massives requises par une guerre mondiale et le maintien des programmes sociaux comme la sécurité sociale, Medicare, Medicaid, les bons alimentaires et Head Start. Il y a soixante ans, le président démocrate Lyndon Johnson avait cherché à combiner «les armes et le beurre» pendant la guerre du Vietnam, mais il a échoué avec fracas. Une présidente Kamala Harris n'essaiera même pas. Ses promesses d'amélioration sociale sont une rhétorique électorale cynique qui doit être rejetée le 6 novembre, si ce n'est plus tôt.

Harris a dénoncé Donald Trump comme une menace pour la démocratie et comme un criminel, mais elle n'a pas mentionné ses complices de haut niveau au sein du Parti républicain ou de l'appareil de sécurité nationale même. Elle n'a pas fait référence aux remarques faites par le président Joe Biden, dans son discours de lundi à la convention, avertissant que Trump n'accepterait pas les résultats de l’élection s'il perdait le 5 novembre. Elle n'a pas non plus fait la moindre allusion à ce que ferait le gouvernement Biden-Harris au cas où Trump et les Républicains chercheraient à s’emparer des élections, soit par des manœuvres juridiques invitant une Cour suprême d'ultra-droite à intervenir, soit par l'incitation directe à la violence politique.

Au lieu de quoi Trump fut présenté simplement comme un mauvais individu lorsque Harris posa cette question: «Comment utiliserait-il les immenses pouvoirs de la présidence des États-Unis. Pas pour améliorer votre vie. Pas pour renforcer notre sécurité nationale. Mais pour servir le seul client qu'il ait jamais eu: lui-même ».

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Le candidat à la présidence du Parti de l'égalité socialiste, Joseph Kishore, a souligné le lien entre la diatribe militariste de Harris et ses appels à l'unité bipartite pour «dépasser l'amertume, le cynisme et les batailles de division du passé. Non pas en tant que membres d'un parti ou d'une faction, mais en tant qu'Américains ».

Kishore écrit: «Dans des conditions où Trump et le Parti républicain complotent la dictature, l'appel de Harris et des démocrates est pour l'unité au sein de la classe dirigeante pour la défense de ses intérêts de classe communs, avant tout la poursuite de la guerre à l'extérieur, ce qui nécessite une escalade de la guerre contre la classe ouvrière à l'intérieur».

Tout au long de son discours, Harris s'est efforcée d'utiliser un langage de droite susceptible de rassurer et de séduire une partie de l'establishment du Parti républicain. La foule a réagi de la même manière, en scandant «USA, USA» à chaque fois que Harris faisait une pause pour reprendre son souffle.

Comme l'a fait remarquer un éditorialiste du Washington Post, «à bien des égards, c'est un discours qu'un républicain des années passées aurait pu prononcer: il a beaucoup insisté sur la lutte contre la criminalité, la sécurisation des frontières, la promesse d'une “société de l'opportunité”, le maintien de l'armée américaine au rang de “plus meurtrière” du monde et la résistance aux dictateurs, tels que le président russe Vladimir Poutine».

Le discours de Harris a réfuté tous les mensonges colportés par les apologistes du Parti démocrate dans la pseudo-gauche, comme ceux de la membre des Socialistes démocrates d'Amérique Alexandria Ocasio-Cortez, qui a pris la parole à la convention, prétendant qu’un gouvernement Harris marquerait un virage à gauche.

C'est là ce qui donne à Trump l'occasion d'exploiter les véritables griefs sociaux et la détérioration des conditions de vie de la majorité des travailleurs. Il fournit un bouc émissaire pour ces conditions – qui sont un produit de la crise du capitalisme – par sa diabolisation raciste des immigrants. En même temps, sa «solution» à la crise, l'utilisation de la violence policière à grande échelle pour rassembler et expulser des dizaines de millions de travailleurs migrants et leurs familles, représente un danger mortel pour les droits démocratiques de la classe ouvrière dans son ensemble.

Après le spectacle fasciste de la convention nationale républicaine le mois dernier, le discours de clôture de la convention nationale démocrate prononcé par Harris a clairement montré quelles étaient les deux alternatives brutales offertes au peuple américain par le système bipartite contrôlé par la grande entreprise.

Les républicains de Donald Trump sont devenus un parti fasciste déterminé à arrêter et à expulser des dizaines de millions d'immigrants tout en en faisant des boucs émissaires pour la crise capitaliste. Le Parti démocrate lui, installerait un gouvernement Harris fou de guerre qui intensifierait la guerre contre la Russie en Ukraine, chercherait avec Israël à provoquer une guerre avec l'Iran et poursuivrait le renforcement militaire massif contre la Chine dans l'Indo-Pacifique. Les différences entre les deux sont relatives. Les deux partis représentent l'oligarchie patronale et financière qui contrôle l'ensemble du système politique.

La question centrale des élections de 2024 est la faillite totale du système capitaliste bipartite et le besoin urgent pour la classe ouvrière de développer une alternative indépendante et socialiste aux partis politiques contrôlés par la grande entreprise.

(Article paru en anglais le 23 août 2024)

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