Une plainte au nom d’une infirmière qui a travaillé jusqu’en juillet dans un centre de détention de l’Immigration and Customs Enforcement (ICE) a été déposée dans le sud de la Géorgie. Selon cette plainte, on aurait stérilisé par hystérectomie sans leur consentement un certain nombre de femmes immigrées détenues au centre.
Dans la plainte, déposée par le groupe de défense juridique Project South, l’infirmière décrit les conditions de vie au centre comme s’apparentant à celles d’un «camp de concentration expérimental».
La plainte détaille également le refus des administrateurs du centre d’effectuer des tests de COVID-19 ou de mettre en place des mesures de protection, exposant les détenues et les employés de tout le réseau de centres de détention du pays à un risque d’infection. Elle allègue qu’on a placé en isolement les détenus qui avaient parlé sur les conditions de vie dans l’établissement.
Ce rapport effrayant fournit des preuves supplémentaires des abus sadiques commis par le gouvernement Trump dans sa guerre fasciste contre les immigrants. Sous la garde de l’ICE, au moins 17 personnes sont mortes cette année pour diverses raisons dont le COVID-19. Deux gardiens d’un établissement en Louisiane sont morts d’une infection de coronavirus en avril.
La cible de la plainte est le Centre de détention du comté d’Irwin (ICDC) dont la société privée LaSalle Corrections est le gestionnaire. Celui-ci a déjà fait l’objet de plaintes déposées par l’Union américaine des libertés civiles (ACLU) en 2012, qui a demandé que le centre soit fermé en raison d’abus généralisés et de sa location isolée. Une enquête menée dans le cadre du Projet Sud en 2017 a révélé que l’ICDC était coupable de violations des droits de l’homme, de violations du droit à un procès équitable et de conditions de vie insalubres.
L’infirmière qui a déposé la dernière plainte, Dawn Wooten, a expliqué que les femmes détenues étaient envoyées chez un médecin connu comme le «collecteur d’utérus». Beaucoup d’entre elles n’avaient pas une compréhension complète de ce qui leur arrivait ou de la raison pour laquelle elles subissaient cette procédure. «Quand j’ai rencontré toutes ces femmes qui avaient subi des opérations, j’ai pensé que c’était comme un camp de concentration expérimental», a déclaré Wooten. «C’était comme s’ils expérimentaient avec notre corps».
Bien que l’ampleur des stérilisations soit inconnue, une immigrante détenue a déclaré à Project South qu’elle connaissait cinq femmes qui avaient subi des hystérectomies pendant leur détention à l’ICDC entre octobre et décembre 2019.
«Toutes celles qu’il examine ont une hystérectomie, à peu près tout le monde», a déclaré Wooten au sujet du médecin qui a effectué ces procédures à l’ICDC.
«Il a même retiré le mauvais ovaire à une jeune femme», a déclaré Wooten. «Elle était censée se faire enlever l’ovaire gauche parce qu’elle avait un kyste sur l’ovaire gauche; il a enlevé le droit. Elle était bouleversée. Elle a dû revenir pour retirer le gauche et elle a subi une hystérectomie totale. Elle voulait toujours des enfants, alors elle doit rentrer chez elle maintenant et dire à son mari qu’elle ne peut pas avoir d’enfants… elle a dit qu’elle n’était pas sous anesthésie tout le temps et l’a entendu [le médecin] dire à l’infirmière qu’il avait pris le mauvais ovaire».
Wooten a également noté qu’il y avait souvent des problèmes avec l’obtention du consentement, car le personnel médical dépend de la recherche de phrases espagnoles sur Google ou de l’interprétation par d’autres détenus des informations sur la procédure médicale. «Ces femmes immigrées, je ne pense pas qu’elles comprennent vraiment, totalement, à fond ce qui va se passer, selon la personne qui leur explique», a déclaré Wooten.
Une détenue qui s’est adressée au Projet Sud a rappelé sa pénible expérience d’une procédure de stérilisation. On a arrêté la procédure à l’hôpital uniquement parce qu’un test d’anticorps pour le COVID-19 est revenu positif et elle a été renvoyée au centre de détention.
Un médecin lui a d’abord dit qu’elle devait se rendre à l’hôpital pour se faire enlever un kyste ovarien dans le cadre d’une procédure non invasive. Cependant, le jour de l’intervention, l’officier qui la transportait lui a dit qu’en fait, elle était sur le point de se faire enlever l’utérus par hystérectomie. La procédure a échoué du à son test de coronavirus, qui était positif.
Après son retour à l’ICDC, une infirmière lui a dit qu’elle devrait subir l’intervention en raison de saignements abondants. L’infirmière lui a alors dit que c’était pour corriger un utérus épais.
La femme a expliqué qu’elle n’avait jamais été diagnostiquée avec l’une ou l’autre de ces choses et que les médecins avaient parlé d’une procédure totalement différente. L’infirmière se serait mise en colère et aurait commencé à crier après que la femme lui ait expliqué qu’elle ne voulait pas d’hystérectomie. En réfléchissant à son expérience, la détenue a dit qu’elle avait «l’impression qu’on voulait se servir de mon corps pour expérimenter».
Le rapport de Project South et le témoignage de Wooten ont passé en revue les différentes formes de fautes médicales commises dans l’établissement, notamment la rétention de médicaments contre le cancer et le VIH. Même si les détenus étaient gravement malades, l’unité médicale se contentait de leur fournir de l’ibuprofène et de les renvoyer dans leurs cellules.
Wooten rapporte que l’ICDC a ignoré à plusieurs reprises les directives des Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) sur le traitement des patients positifs au COVID-19 afin de prévenir la propagation du virus.
Une vidéo de détenus de l’ICDC plaidant pour la protection, mise en ligne en avril, a obligé l’administration à leur fournir un seul masque en tissu ou en papier, mais depuis ils n’ont rien eu. Le New York Times a rapporté que les détenus ont eu recours à la fabrication de masques de fortune à partir de morceaux de tissu ou de récipients de repas cassés afin de se protéger.
L’ICE a rapporté en août que 41 détenus de l’établissement avaient été testés positifs pour le coronavirus, mais Wooten a déclaré que le nombre réel était certainement plus élevé, puisque l’ICDC ne testait pas activement les détenus, refusait les tests à ceux qui en faisaient la demande, et ne signalait pas tous ses cas positifs à l’ICE ou au Département d’État.
Elle a également noté que les détenus qui étaient positifs au COVID-19 étaient toujours transférés vers d’autres établissements ou expulsés, et que les nouveaux arrivants n’étaient pas mis en quarantaine de manière appropriée, ce qui garantissait que le virus continuerait à se propager. Les employés qui ont déclaré eux-mêmes qu’ils avaient des symptômes de coronavirus étaient toujours obligés de travailler, et au moins 13 agents de l’établissement ont été testés positifs.
Les horreurs divulguées par Wooten surviennent alors que les droits des immigrants se trouvent de plus en plus bafoués à l’approche des élections du 3 novembre, alors que Trump s’efforce de renforcer sa base d’extrême droite. Lundi, un panel de la Cour d’appel fédérale a approuvé l’arrêt par le gouvernement Trump du statut protégé des immigrants du Salvador, d’Haïti, du Nicaragua et du Soudan. Cela supprime le statut légal de près de 400.000 personnes, dont beaucoup vivent aux États-Unis depuis des décennies et ont des enfants qui sont citoyens américains. L’arrêt 2-1 de la Cour d’appel pour le neuvième circuit ouvre la voie à l’expulsion de ces immigrants s’ils ne quittent pas le pays volontairement.
(Article paru d’abord en anglais le 16 septembre 2020)