Pendant une épidémie de rougeole au Texas et la menace grandissante de la grippe aviaire

Trump et Kennedy congédient 5200 travailleurs du ministère de la Santé et ravagent le service de surveillance des épidémies

Le président Donald Trump assiste à l’assermentation de Robert F. Kennedy Jr en tant que ministre de la Santé et des Services sociaux par le juge de la Cour suprême Neil Gorsuch, tandis que sa femme Cheryl Hines tient la Bible, dans le bureau ovale de la Maison-Blanche, jeudi 13 février 2025, à Washington. [AP Photo/Alex Brandon]

Vendredi, un jour seulement après la confirmation de Robert F. Kennedy Jr à la tête du ministère de la Santé et des Services sociaux (HHS), l'agence a annoncé le licenciement de près de 5200 employés. Sur ce nombre, 1300 sont employés par les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC), les Instituts nationaux de la santé (NIH) venant en deuxième position pour le nombre de suppressions d'emplois.

Le légendaire service de surveillance sur les épidémies des CDC, dont les meilleurs éléments traquent les agents pathogènes dans le monde entier et travaillent sans relâche pour prévenir les nouvelles épidémies et pandémies, est voué à être presque totalement éliminé.

Kennedy, adversaire acharné des vaccins et de la santé publique en général, est en train de tenir sa promesse de campagne de « donner un répit aux maladies infectieuses pendant environ huit ans ». Il s'agit là d'un tournant dangereux pour la santé publique, dans un contexte de recrudescence récente de nombreuses maladies infectieuses, dont l'une des saisons grippales les plus meurtrières depuis plus de dix ans, ainsi que la pandémie actuelle de COVID-19 et la menace croissante d'une pandémie de « grippe aviaire » H5N1.

L'apparition de la rougeole dans une petite ville texane du comté de Gaines (21.598 habitants), située à la frontière occidentale de l'État, est particulièrement inquiétante. Le comté a vu ses taux de vaccination s'effondrer : près de 14 % des élèves de la maternelle à la 12e année ont bénéficié d'une exemption de vaccination au cours de l'année scolaire 2023-2024. Selon les données de l'État de l'année dernière, seuls 82 % des enfants de maternelle du comté ont été vaccinés contre la rougeole, les oreillons et la rubéole.

Cependant, le comté de Gaines n'est pas seulement un cas isolé au Texas, mais un signe avant-coureur de ce à quoi il faut s'attendre, car les pourvoyeurs d'anti-science et de charlatanisme total ont réquisitionné les institutions de santé publique pour y faire ce qu'ils veulent. Selon le département des services de santé de l'État du Texas (DSHS), le pourcentage d'enfants texans qui ont été exemptés au niveau de l'État au cours de la dernière décennie est passé de 0,76 % à 2,32 %.

Laura Anton, porte-parole du DSHS, a averti que le nombre réel d'enfants non vaccinés est probablement beaucoup plus élevé, car beaucoup d'entre eux sont scolarisés à domicile et leurs données de vaccination ne sont pas communiquées à l'État. Elle a écrit dans un communiqué : « En raison de la nature hautement contagieuse de cette maladie, il est probable que d'autres cas surviennent dans le comté de Gaines et dans les communautés environnantes. »

Depuis le 23 janvier 2025, date à laquelle les deux premiers cas ont été identifiés, 22 autres cas ont été signalés au 11 février 2025. Sur les 24 cas recensés à ce jour, seuls deux concernaient des adultes. Zach Holbrook, directeur général du district de santé publique de South Plains, a déclaré aux médias qu'il y avait désormais au moins 14 hospitalisations, principalement des enfants, dont beaucoup ont passé du temps en soins intensifs. Étant donné qu'une personne sur cinq atteinte de l'infection rougeoleuse hautement contagieuse devra être soignée dans un hôpital, cela laisse supposer que l'épidémie est bien plus importante que ne le laissent supposer les chiffres actuels.

Holbrook a ajouté : « Il se peut qu'il y ait des cas actifs et que les personnes concernées aient choisi de ne pas consulter un médecin. » Rekha Lakshmanan, responsable de la stratégie de The Immunization Partnership à Houston, déplore : «Nous allons voir plus d'enfants infectés. Nous allons voir plus de familles s'absenter du travail, plus d'enfants à l'hôpital. Ce n'est que la partie émergée de l'iceberg. »

Le Texas et d'autres États ont activement promu des projets de loi qui permettent aux parents d'obtenir plus facilement des exemptions tout en empêchant les employeurs (privés et publics) d'imposer des vaccins à leurs employés, tels que les vaccins anti-COVID. Les médecins et les prestataires de soins de santé, surchargés de travail, devront assumer des charges administratives encore plus lourdes en termes de documentation et de consentement à ces vaccins, sous peine de se voir infliger des sanctions par l'État. Les écoles, où une grande partie du public peut obtenir des informations de base sur les questions de santé publique, seront contraintes de supprimer les références aux vaccins dans leurs programmes.

Le fait que les pages web des CDC aient été récemment démantelées et que sa publication hebdomadaire, le Morbidity and Mortality Weekly Report (MMWR), ait été suspendue, témoigne du danger réel et croissant de la censure sur ce front. Jusqu'à récemment, le rapport était publié chaque semaine depuis 1961. Il recueille plus de 17 millions de pages vues chaque année et est l'un des rapports les plus cités sur un large éventail de sujets de santé, y compris les maladies infectieuses. Dans un article du New England Journal of Medicine publié mercredi, les trois rédacteurs en chef du rapport des CDC ont expliqué la gravité de ces attaques :

Une préoccupation cruciale concernant la pause imposée par l'administration Trump n'est pas seulement son effet sur le MMWR, mais aussi l'effet potentiel sur d'autres communications de santé publique des CDC, y compris les messages du réseau d'alerte sanitaire sur les menaces émergentes, les nouveaux conseils aux voyageurs et les communications avec les départements de santé des États et locaux et d'autres agences de santé. En conséquence, les informations sanitaires essentielles et opportunes nécessaires pour prévenir les maladies et sauver des vies ont été perturbées. Les communications des NIH et de la FDA ont également été interrompues, ce qui a entraîné des perturbations dans l'examen des subventions de recherche et des retards potentiels dans l'approbation des médicaments. Cette interruption des communications des CDC et d'autres agences de santé est d'une grande portée et pourrait avoir de graves conséquences pour la santé publique [...]

Les menaces qui pèsent sur la santé publique sont omniprésentes et permanentes et constituent des risques pour notre économie et notre sécurité nationale. Les informations récentes sur le virus de la grippe H5N1 chez les poulets et maintenant chez les vaches, avec une propagation limitée à l'homme, sonnent l'alarme. L'une des plus grandes épidémies de tuberculose de l'histoire des États-Unis est en cours au Kansas, et la réapparition du virus Ebola en Ouganda pourrait conduire à son importation aux États-Unis. Les menaces actuelles et potentielles qui pèsent sur la santé de la population américaine soulignent que nous ne pouvons pas nous permettre de cesser de recevoir des mises à jour fondées sur des données de la part de la principale agence de santé publique de notre pays.

En effet, les États-Unis sont confrontés à l'une des saisons grippales les plus graves de ces dernières décennies, avec plus de 24 millions de cas depuis octobre et un nombre d'hospitalisations estimé à 650.000, soit trois fois plus que le nombre officiel d'hospitalisations liées au COVID-19 à l'heure actuelle. Les CDC ont estimé que les décès hebdomadaires dus à la grippe représentaient 2 % de l'ensemble des décès au niveau national, alors que le COVID-19 en représentait 1,5 %. Cependant, la communauté médicale ne sait pas pourquoi la saison actuelle est si grave. Certains pensent qu'il s'agit d'une indication de la déficience immunitaire qui, selon des études, peut survenir après une infection par le COVID-19.

Parallèlement, la coqueluche est en augmentation. La semaine dernière, au moins 360 cas ont été recensés au niveau national, soit une augmentation de 27 % par rapport à la semaine précédente. En 2024, les CDC ont confirmé au moins une douzaine de décès, ce qui représente l'un des taux les plus élevés depuis la recrudescence de la maladie en 2017. Dans un communiqué publié par les CDC, on peut lire ce qui suit : «Les personnes de tous âges risquent de contracter la coqueluche. Toute personne qui n'est pas à jour de sa vaccination contre la coqueluche devrait se faire vacciner. » La coqueluche est l'un des « microbes » qui avaient été supprimés par les mesures de santé publique limitées adoptées en 2020-21 contre le COVID-19, soulignant la capacité à prévenir la transmission de tout pathogène respiratoire grâce au port du masque, en particulier.

Le docteur Marcos Mestre, chef des opérations cliniques au Nicklaus Children's Health System de Miami, en Floride, l'État récemment frappé de plein fouet par l'infection bactérienne, a déclaré à CBS News : « Nous avons constaté une certaine augmentation des cas de coqueluche dans nos services d'urgence. Ils ne nécessitent pas nécessairement une admission, mais viennent pour une évaluation et un traitement. » Cependant, les jeunes bébés qui présentent un risque plus élevé de complications en raison d'une trachée plus étroite « toussent au point de ne plus pouvoir reprendre leur souffle. C'est pour ces enfants que nous nous inquiétons vraiment, lorsque les nourrissons sont infectés et que cela peut entraîner une maladie plus grave. »

La menace de la grippe aviaire n'ayant pas été maîtrisée, l'état de préparation à une pandémie n'a jamais été aussi grave au moment où Kennedy prend ses fonctions de ministre de la Santé. L'aggravation des épidémies actuelles de rougeole, de coqueluche, de grippe et la pandémie actuelle de COVID témoignent de la réaction politique qui caractérise cette période et du virage du capitalisme vers des formes fascistes de gouvernement.

(Article paru en anglais le 15 février 2025)