Mardi, lorsque les échanges à Wall Street ont clôturé, le Dow Jones ayant baissé de plus de 400 points, c'était la fin du pire trimestre pour les titres depuis la crise financière de 2008. Le marché a chuté de 20 pour cent depuis le début de l'année.
Ce qui est le plus important, ce n'est pas l’ampleur de la chute, mais la vitesse à laquelle elle s'est produite. Le trimestre se divise en deux parties.
Le début d'année a été marqué par une envolée du marché. Il y avait la certitude que la Fed continuerait à fournir de l'argent ultra bon marché pour financer sa spéculation et son parasitisme. En même temps, les tensions commerciales avec la Chine se sont quelque peu apaisées avec la signature d'un accord de «phase un» le 15 janvier.
Le marché a été propulsé à de nouveaux sommets records le 12 février. Il a subi une chute abrupte dans les sept semaines qui ont suivi.
Même si la COVID-19 a été le facteur déclencheur, elle n’est pas la cause fondamentale du krach du système financier: ce dernier est le résultat de la hausse vertigineuse des actifs financiers, surtout les actions, entièrement dissociés de la production dans l’économie réelle.
Il n'a fallu que 16 jours pour que les actions chutent de 20 pour cent de leur niveau record, par rapport au record précédent pour une baisse de 20 pour cent établie en 1929.
L'indice Vix, qui mesure la volatilité et est souvent appelé «indicateur de peur» de Wall Street, a atteint un niveau record à la mi-mars. C'est l'un des facteurs qui a conduit la Fed à lancer une intervention massive sur les marchés financiers dans tous les secteurs.
Cette intervention a permis d'éviter une chute encore plus importante qui aurait vu Wall Street enregistrer son pire trimestre depuis la Grande Dépression.
La Fed est désormais devenue le principal filet de sécurité pour tous les secteurs du système financier.
Elle a abaissé les taux d'intérêt à zéro; a repris ses achats de bons du Trésor et de titres adossés à des créances hypothécaires de plusieurs milliards de dollars; a acheté des dettes sur le marché du papier commercial; est entrée sur le marché des obligations municipales; a repris ses achats de titres adossés à des cartes de crédit et à des prêts étudiants; et, pour la première fois de son histoire, s'est engagé à acheter des obligations de sociétés nouvellement émises.
En outre, elle est intervenue sur le marché des opérations de pensions à hauteur de milliers de milliards de dollars afin de tenter d'empêcher la flambée des taux d'intérêt et le déclenchement d’un gel des marchés du crédit comme cela s'est produit lors de la crise financière de 2008.
La Fed est intervenue pour la première fois sur le marché des titres adossés à des créances hypothécaires (MBS) au milieu du mois dernier avec des achats de 68 milliards de dollars. Cependant, cela n'a pas suffi à stopper la vague de ventes et elle a dû faire des achats supplémentaires d'une valeur de 168 milliards de dollars la semaine dernière.
Cette intervention, bien au-delà de celle de 2008, a eu des conséquences imprévues en raison de son impact sur les couvertures souscrites par les négociants en valeurs mobilières adossées à des créances hypothécaires.
Dimanche, la Mortgage Bankers Association (MBA), dont les membres soutiennent le marché hypothécaire, a publié une lettre avertissant que le marché du logement était «menacé de perturbation à grande échelle» en raison de l'intervention de la Fed.
Les couvertures impliquent la pratique de la vente à découvert dans laquelle les opérateurs de marché vendent un titre qu'ils n'ont pas – l'empruntant à des courtiers – dans l'espoir que son prix chutera, à quel point ils l'achèteront ensuite.
Une telle mesure vise à couvrir les pertes potentielles qui pourraient survenir entre le moment où le titre est initialement acheté puis revendu aux agences parrainées par le gouvernement Fannie Mae et Freddie Mac.
Cependant, l'intervention de la Fed a fait augmenter le prix des titres adossés à des créances hypothécaires, ce qui signifie que ceux qui se sont livrés aux opérations de couverture risquent de subir des pertes. Cela a conduit à une augmentation des appels de marge par les courtiers, obligeant ceux qui sont engagés dans la couverture à vendre leurs avoirs à perte ou à mettre plus d'argent dans leurs comptes clients.
La lettre du MBA indique qu'à la fin de la semaine dernière, les appels de marge des courtiers sur les prêteurs hypothécaires «ont atteint des niveaux stupéfiants et sans précédent». Pour un «nombre important», cela «érodait leur fonds de roulement et menaçait leur capacité de fonctionner».
Le marché MBS n'est pas le seul domaine des marchés financiers confronté à une turbulence accrue.
Le Financial Times (FT) a rapporté que «les grandes banques qui ont aidé les gestionnaires d'actifs à regrouper des prêts risqués en produits d'investissement sont assises sur des milliards de dollars de dettes liées aux entreprises les plus exposées à un ralentissement économique».
Les banques, y compris des sociétés importantes telles que Citigroup et Credit Suisse, se sont impliquées dans la fourniture de crédit au marché sous forme d'obligations de prêt garanties (CLO). Ce marché fonctionne de manière similaire au marché du logement à haut risque (subprime) qui a contribué au déclenchement de la crise financière de 2008.
Des prêts très risqués sont accordés à des entreprises qui, en raison de leur situation financière, n'ont pas une cote de crédit élevée.
Ces prêts sont ensuite regroupés en titres qui sont vendus. L'hypothèse sous-jacente à ces opérations est que, même s'il peut y avoir des défaillances de certaines sociétés, il n'y aura pas de ralentissement généralisé. Il s'agissait du même genre d'hypothèse faite en 2008 que les prix des propriétés ne baisseraient pas tous simultanément aux États-Unis.
Les fondements du marché des CLO ont volé en éclats.
Le FT a indiqué qu'entre le 1er mars et le 20 mars, les notations de crédit d'environ 140 émetteurs détenant des prêts détenus en CLO américains avaient été revues à la baisse ou étaient en attente d’une telle révision, soit environ 10 pour cent du total.
La valeur de ces actifs financiers a chuté en raison de doutes quant à la capacité des entreprises lourdement endettées à résister aux grands coups durs encaissés par l'économie. Un dirigeant d'une entreprise impliquée dans les investissements de CLO, cité dans le reportage de FT, a qualifié la situation de «catastrophe».
Le marché des obligations d'entreprises est également fortement impacté. Mardi, Moody's a abaissé ses perspectives sur la dette des entreprises à un niveau négatif, avertissant qu'en raison de la récession, les taux de défaut augmenteront, les secteurs «les plus sensibles à la demande et aux sentiments des consommateurs étant les plus durement touchés».
Parmi ses mesures de sauvetage, la Fed a déclaré que pour la première fois de son histoire, elle achèterait la dette des entreprises. Moody's a toutefois déclaré que certains secteurs très endettés seraient toujours vulnérables, car les opérations de la Fed seront limitées aux sociétés financièrement solides ayant une qualité de notation financière élevée.
«Il est peu probable que les actions de la Fed préviennent la détresse des entreprises dont la viabilité à long terme est moins certaine», a-t-il déclaré
Ces entreprises seront terrassées par ce qui devrait être le ralentissement le plus grave de l'économie américaine depuis la Grande Dépression
Goldman Sachs a encore revu à la baisse ses prévisions concernant le PIB américain pour le deuxième trimestre de cette année. Il y a un peu plus d'une semaine, elle prévoyait que l'économie diminuerait au rythme annualisé de 24 pour cent d'avril à juin.
Mardi, elle prévoyait que le taux de contraction annualisé serait de 34 pour cent, le taux de chômage américain atteignant 15 pour cent d'ici le milieu de l'année.
(Article paru en anglais le 1er avril 2020)