Netanyahou organise une conférence israélienne sur «l’antisémitisme» avec la participation de l’extrême droite européenne

La Conférence internationale israélienne sur la lutte contre l'antisémitisme, qui doit se tenir à Jérusalem les 26 et 27 mars, vise à consolider le partenariat d'Israël avec les politiciens de l'extrême-droite européenne. Si Israël flirte depuis longtemps avec ces forces, c'est la première fois qu'il invite des politiciens européens d’extrême-droite à un événement national.

Le ministre israélien des Affaires de la diaspora et de la Lutte contre l'antisémitisme, Amichai Chikli, du Likoud, le parti du Premier ministre Benyamin Netanyahou, accueille la conférence. Les principaux intervenants politiques sont des idéologues de droite, des ultranationalistes et des néofascistes, principalement issus du groupe des Patriotes pour l'Europe au Parlement européen. Parmi eux figurent :

  • Jordan Bardella, leader du Rassemblement national français.
  • Giorgia Meloni, Première ministre italienne et cheffe des Fratelli d'Italia qui réclament ouvertement des origines historiques dans le régime fasciste de Mussolini.
Elon Musk, PDG de Tesla (à droite), remet un prix à la Première ministre italienne Giorgia Meloni lors du dîner des Global Citizen Awards, le lundi 23 septembre 2024, à New York. [AP Photo/Michelle Farsi]
  • Hermann Tertsch, député européen du parti espagnol Vox, est également vice-président des Patriotes pour l'Europe. Son père, chef des SA, fut envoyé à Madrid comme diplomate de l'État nazi.
  • L'eurodéputé Charlie Weimers, membre des Démocrates de Suède et vice-président du groupe des Conservateurs et Réformistes européens.
  • L'eurodéputée Kinga Gál, du parti au pouvoir en Hongrie, le Fidesz, dont le chef Viktor Orban fait l'éloge de l'amiral Miklos Horthy, le dictateur hongrois collaborateur des nazis dans l'extermination de plus d'un demi-million de Juifs hongrois.

Le président argentin Javier Milei devrait également prendre la parole à cet événement auquel participera l'eurodéputée Marion Maréchal, petite-fille du fondateur du Front national de Jean-Marie Le Pen, fervent défenseur de la théorie complotiste du Grand Remplacement. Des représentants du Parti de la liberté de Geert Wilders, leader du populisme anti-islam néerlandais, étaient également annoncés.

Le président argentin Javier Milei arrive à la Conférence d'action politique conservatrice à Buenos Aires, en Argentine, le mercredi 4 décembre 2024. [AP Photo/Natacha Pisarenko]

L'antisémitisme d'extrême droite et les violences néonazies contre les Juifs sont absents de l'ordre du jour de la conférence. Celle-ci se concentre bien plutôt sur la préoccupation centrale d'Israël : l'opposition au sionisme et aux actions criminelles de l'État israélien, qualifiées d'« antisémitisme de gauche ». Parmi les sujets abordés figurent : « Les préjugés anti-israéliens dans les institutions internationales », « L'antisémitisme au sein de l'Autorité palestinienne et des Frères musulmans », « Le deux poids, deux mesures, du champ de bataille à la Cour pénale internationale», « Le déni : le sionisme chrétien », « Le déni, de l'Holocauste au 7 octobre » et « Quand le progressisme devient hostile : l'antisémitisme dans le discours universitaire ».

Qualifiant d’antisémitisme toute opposition à la guerre génocidaire d’Israël à Gaza, le gouvernement israélien encourage également une rhétorique d’extrême droite anti-immigrés et islamophobe promouvant l’image d’une Europe envahie par les musulmans, avec un débat sur «l’antisémitisme islamiste radical».

Les participants auront le choix entre des visites guidées à Gaza ou en «Judée et Samarie», le nom biblique de la Cisjordanie occupée, pour un «voyage remarquable à travers des communautés captivantes» où ils pourront «se plonger dans d'anciens sites bibliques et acquérir une compréhension globale de l'importance stratégique de la région».

Le fait qu’Israël, dont la fondation a été défendue au motif qu’il offrirait un refuge contre le fascisme et l’antisémitisme, accueille aujourd’hui des fascistes et des antisémites et s’allie à eux est une source d’inquiétude et de révulsion extrêmes dans les masses du monde entier, comme en témoignent les manifestations et protestations de masse, auxquelles ont participé de nombreux Juifs.

Cela a obligé certains participants réactionnaires et pro-sionistes, qui craignaient que cela ne discrédite leurs références en matière de droits de l’homme, à se retirer.

Parmi eux, le philosophe français Bernard-Henri Lévy, qui devait prononcer le discours d'ouverture du dîner de la conférence; le rabbin Ephraim Mirvis, grand rabbin du Royaume-Uni; David Hirsch, directeur académique et PDG du Centre londonien pour l'étude de l'antisémitisme. Et d'Allemagne, Felix Klein, son ‘coordinateur de la lutte contre l'antisémitisme’ ; Volker Beck, le président de l'Association germano-israélienne ; et Armin Laschet, ancien candidat chrétien-démocrate à la chancellerie.

Jonathan Greenblatt, PDG de la tristement célèbre Ligue anti-diffamation (ADL) aux États-Unis, l’agence de renseignement quasi-étatique sioniste peut-être la plus connue, a également senti le besoin de se retirer.

Le président israélien Isaac Herzog, qui devait s'exprimer à la conférence aux côtés de Netanyahou, s'est lui aussi retiré.

Le Likoud de Netanyahou: désormais membre observateur des Patriotes pour l'Europe (extrême droite)

L'invitation adressée aux idéologues d'extrême droite n'est que le dernier épisode en date de l'alliance de plus en plus ouverte entre l'État sioniste et les forces renaissantes de l'extrême droite et du néofascisme, en Europe et au-delà. Elle intervient alors que le Likoud de Netanyahou est devenu membre observateur des Patriotes d'Europe, troisième groupe du Parlement européen, qui comprend le Rassemblement national français, le Parti de la liberté hongrois et le Vlaams Belang belge, le Parti de la liberté néerlandais de Geert Wilders, le Parti de la liberté autrichien, la Ligue italienne, le Vox espagnol et le Chega portugais. Ce sont des partis qu'Israël a autrefois boycottés en raison de leurs liens avec les nazis et de leur antisémitisme.

Les Patriotes, qui ont tenu leur congrès inaugural à Madrid en février, ont accueilli chaleureusement le Likoud en tant qu'observateur, invoquant leurs «valeurs communes». Le Likoud a mis fin à son adhésion au Groupe des Conservateurs et Réformistes européens, qu'il avait rejoint en 2016, alors qu'il était la principale formation de droite. Il collaborera désormais avec les Patriotes sur leurs «priorités communes», notamment «la lutte contre l'islam politique et le terrorisme qu'il alimente» et la lutte contre «l'immigration clandestine massive vers l'Europe».

Capture d'écran du communiqué de presse du «Patriots Summit» [Photo: patriots.eu]

Début février, Amir Ohana, membre du Likoud et président de la Knesset, et Yossi Dagan, également membre du Likoud et leader des colons, ont accueilli des membres de Vox à Jérusalem. Santiago Abascal, dirigeant de Vox et président du bloc des Patriotes, soutient ouvertement Israël depuis le 7 octobre, dans le cadre de sa campagne plus large contre « l'islam radical». Il a condamné ce qu'il a qualifié de «dictature mondiale» imposée par les Nations Unies et la Cour pénale internationale, qui a émis un mandat d'arrêt pour crimes de guerre contre Netanyahou et son ancien ministre de la Défense, Yoav Gallant.

Le ministre israélien des Affaires étrangères, Gideon Saar, qui a récemment quitté l'opposition pour rejoindre le Likoud, a annoncé que Jérusalem établirait officiellement des relations avec les Démocrates de Suède, le Rassemblement national de Le Pen et Vox. Le conseiller de Netanyahou, Ariel Bulshtein, a engagé des discussions ouvertes avec le Parti de la liberté autrichien, fondé par un ancien général nazi et dont la direction compte de nombreux sympathisants nazis.

Le Likoud a refusé de commenter s'il établirait des relations formelles avec le Parti de la liberté et l'Alternative pour l'Allemagne (AfD), mais le ministre de la Diaspora Chikli a indiqué sa volonté d'établir des relations avec l'AfD, affirmant que sa co-dirigeante, Alice Weidel, avait «le contact facile» et «un patriotisme libéral sain, des politiques d'immigration responsables et une vision lucide des dangers de l'islam radical».

Amichai Chikli en 2021 [Photo by עמיחי שיקלי/ תומר בן אבי / CC BY-SA 4.0]
Netanyahou propose une réhabilitation aux néonazis européens en échange de leur soutien au Grand Israël

Il ne s’agit pas là d’une conférence visant à combattre l’antisémitisme, mais à rassembler des soutiens pour la politique expansionniste d’Israël, y compris pour sa «solution finale» concernant les Palestiniens.

Les partis d'extrême droite européens vont en Israël pour tenter de blanchir leur passé fasciste et antisémite en obtenant l'approbation officielle d'Israël pour une résurgence des dictatures militaires et du fascisme. Ces fondamentalistes chrétiens, antisémites et xénophobes souhaitent eux aussi – à l'instar de leurs prédécesseurs politiques – voir leurs propres citoyens juifs émigrer en Israël.

Netanyahou est plus que disposé à réhabiliter politiquement le fascisme en Europe et dans le monde. Depuis plus de 25 ans durant lesquels la position morale d'Israël dans le monde s'est évaporée, y compris auprès des Juifs, il milite pour une répression de l'antisionisme sous couvert de lutte contre l'antisémitisme.

Le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou et l'ancien ministre de la Défense Yoav Gallant lors d'une conférence de presse à la base militaire de Kirya à Tel Aviv, en Israël, le samedi 28 octobre 2023. [AP Photo/Abir Sultan]

Il ne cesse d'insister pour dire que: «l'antisémitisme européen est le nouvel antisémitisme qui vient de l'extrême gauche et aussi des poches islamiques radicales en Europe»; «l'idée qu'Israël n'a pas le droit d'exister est l'antisémitisme ultime aujourd'hui»; et qu'Israël a le droit de «se défendre» par tous les moyens nécessaires contre les Palestiniens.

Cette conférence offre également à Israël l’occasion de commercialiser son matériel militaire, sa technologie de surveillance répressive et ses logiciels de renseignement, testés et éprouvés sur les Palestiniens.

L'idéologie de plus en plus réactionnaire du sionisme

L'alliance d'Israël avec l'extrême droite européenne et internationale est une alliance entre deux compagnons de route politiques. Netanyahou incarne l'émergence d'une tendance fasciste en Israël. En 2018, sa coalition de partis ouvertement racistes et fascistes a introduit la «Loi sur l'État-nation», imitant l'Afrique du Sud de l'apartheid. Elle a consacré la suprématie juive comme fondement juridique de l'État.

En 2022, Netanyahou a formé une alliance électorale avec les partis ouvertement fascistes du Sionisme religieux et du Pouvoir juif et les a intégrés à son gouvernement de coalition, leur conférant ainsi un pouvoir sans précédent sur l'économie, la Cisjordanie et la police. Même lorsqu'il a eu la possibilité de se séparer d'eux après l'arrivée de trois dirigeants de l'opposition dans sa coalition après le 7 octobre, il les a maintenus au pouvoir. Ils ont joué un rôle clé dans l'incitation à la violence et la création de groupes de milices contre les Palestiniens en Cisjordanie occupée, ainsi que dans la promotion de la guerre d'anéantissement à Gaza, qu'ils sont déterminés à annexer.

Le mensonge dangereux de «l’antisémitisme de gauche»

Les gouvernements successifs de Netanyahou ont versé des millions de dollars à des groupes sionistes et à des personnalités politiques pro-israéliennes pour les aider à criminaliser la gauche. La campagne la plus connue est celle menée contre Jeremy Corbyn, alors chef du Parti travailliste britannique, et ses partisans, accusés d'avoir transformé le Parti travailliste en parti antisémite. Corbyn a été destitué, grâce à son refus de s'opposer à la chasse aux sorcières menée contre ses partisans et d'exclure les blairistes pro-sionistes du Parti travailliste.

Son remplaçant, Keir Starmer, est un homme de droite virulent, tristement connu pour avoir aidé et encouragé la guerre de Netanyahou contre Gaza à l’aide d’armes et d’un soutien quotidien en matière de renseignement.

Keir Starmer au Parlement britannique, avec le ministre des Affaires étrangères David Lammy (assis à gauche), le 21 novembre 2024 [Photo by UK Parliament/Flickr / CC BY-NC-ND 2.0]

L'accent mis sur une prétendue montée de l'«antisémitisme de gauche» sert à masquer le fait que dans le monde entier les gouvernements capitalistes développent et cultivent des forces d'extrême droite ou néofascistes. Ce tournant vers l’extrême-droite représente le réalignement violent de la politique avec la réalité des inégalités sociales, de la crise économique et de la guerre. La classe dirigeante de chaque pays cherche dans ces conditions à en finir avec la démocratie, montrant par là le visage brutal du capitalisme en période de crise aiguë.

Le gouvernement Netanyahou s'apprête à se débarasser de toutes les contraintes restreignant son pouvoir et à se défaire de ses opposants politiques au sein de l'appareil d'État – entre autres le chef de l'agence de renseignement intérieure Ronen Bar et la procureure générale Galia Beharav-Miara – en prévision d'une répression plus large de toute opposition à sa politique. L'alliance de l'élite politique israélienne avec les forces les plus réactionnaires dans le monde montre que le sionisme est un ennemi tout aussi acharné des travailleurs et des jeunes juifs, qu'ils soient de la diaspora ou en Israël, que des Palestiniens.

(Article paru en anglais le 25 mars 2025)