Alors que Rubio et Netanyahu discutent de la «vision de Trump pour Gaza»

Le ministre israélien des Finances dit espérer que le déplacement des habitants de Gaza pourra commencer dans les semaines à venir

Dimanche, le ministre israélien des Finances Bezalel Smotrich a évoqué la possibilité d'une mise en œuvre imminente du plan du président américain Donald Trump visant à expulser la population palestinienne de Gaza. «C'est un processus qui, je l'espère, commencera dans les semaines à venir», a-t-il déclaré à la chaîne d'information israélienne Channel 12.

«Même si le processus est lent au début, il s'accélérera et s'intensifiera progressivement » ; il s'agirait « d'une  énorme opération logistique pour faire sortir un si grand nombre de personnes d'ici».

Smotrich a fait ces remarques alors que le secrétaire d'État américain Marco Rubio rencontrait le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou, les deux hommes s'engageant à collaborer à la mise en œuvre du plan de Trump pour nettoyer ethniquement Gaza.

«Nous avons discuté de la vision audacieuse de Trump pour l'avenir de Gaza et nous nous efforcerons de faire en sorte que cette vision devienne réalité», a déclaré Netanyahou à l'issue de sa rencontre avec Rubio. «Nous avons une stratégie commune», a-t-il ajouté.

Pour sa part, le secrétaire d'État américain a salué la proposition de nettoyage ethnique de Gaza de Trump et de l'annexer en tant que territoire américain. «Cela a peut-être choqué et surpris beaucoup de monde », a déclaré Rubio, ajoutant « ce qui ne peut pas continuer, c'est le même cycle où nous répétons [les choses] encore et encore et nous retrouvons exactement au même endroit ».

Début février, Trump avait déclaré que la bande de Gaza «ne devrait pas faire l'objet d'un processus de reconstruction et d'occupation par les mêmes personnes qui y ont vécu une existence misérable». Trump a appelé «d'autres pays» à «construire divers domaines qui seront finalement occupés par les 1,8 million de Palestiniens vivant à Gaza».

Une photographie aérienne prise par un drone montre les destructions causées par l'offensive aérienne et terrestre israélienne à Jabaliya, dans la bande de Gaza, le dimanche 16 février 2025. [AP Photo/Mohammad Abu Samra]

La semaine dernière, Trump a précisé que les États-Unis s'empareraient de Gaza pour en faire leur propre territoire. «Nous prendrons possession de Gaza», a déclaré Trump. «Nous n'avons pas besoin d'acheter. Il n'y a rien à acheter. Nous aurons Gaza. ... Nous allons la prendre.»

Le projet de Trump d'expulser la population de Gaza est une violation flagrante de la quatrième convention de Genève, qui interdit le transfert forcé de civils pendant les conflits armés.

Conscients qu’ils étaient de la criminalité totale de leur plan de nettoyage ethnique de Gaza, Rubio et Netanyahou ont consacré une bonne partie de leurs remarques à condamner la Cour pénale internationale, les Nations unies et toutes les autres institutions du droit international.

Dans ses remarques, Netanyahou a vitupéré contre le caractère « anti-américain » des institutions internationales. «Nous le voyons à l'Assemblée générale des Nations unies, à la Commission des droits de l'homme des Nations unies, où l'antiaméricanisme est omniprésent et où l'on adopte plus de résolutions sur Israël que sur le reste du monde réuni, et nous le voyons surtout dans la guerre juridique qui est menée contre l'Amérique et Israël à la CPI, à la CIJ et ailleurs».

Netanyahou a fait l'éloge de Trump pour avoir imposé des sanctions à la Cour pénale internationale, déclarant: «Israël félicite le président Trump et son administration pour avoir rétabli son décret contre la CPI et pour avoir agi rapidement pour sanctionner les responsables de la CPI.»

Netanyahou a qualifié les institutions du droit international de «menace» à «neutraliser». Il s'est vanté ainsi: «Le secrétaire d'État et moi-même avons discuté de la possibilité de travailler ensemble à la formulation d'une stratégie commune pour faire face à la menace de la guerre du droit et neutraliser cette menace une fois pour toutes».

En novembre, la Cour pénale internationale (CPI) avait officiellement inculpé le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou et l'ancien ministre de la Défense Yoav Gallant de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité dans le cadre du génocide israélien à Gaza. La Cour a inculpé Netanyahou et Gallant de «crime de guerre consistant à utiliser la famine comme méthode de guerre, et de crimes contre l'humanité consistant en meurtres, persécutions et autres actes inhumains».

La cible principale de Netanyahou et de Rubio était cependant l'Iran. «Israël et l'Amérique sont solidaires dans la lutte contre la menace iranienne », a déclaré Netanyahou, ajoutant: « Nous sommes d'accord pour dire que les ayatollahs ne doivent pas avoir d'armes nucléaires, et nous sommes également d'accord pour dire que l'agression de l'Iran dans la région doit être repoussée».

Rubio a pour sa part qualifié l'Iran de «plus grande source d'instabilité dans la région, derrière chaque groupe terroriste, derrière chaque acte de violence, derrière chaque activité déstabilisatrice, derrière tout ce qui menace la paix et la stabilité pour les millions de personnes qui vivent dans cette région, il y a l'Iran».

Au cours du week-end, Israël a reçu une cargaison de bombes de 2 000 livres en provenance des États-Unis, suite à l'annonce la semaine dernière d'une vente d'armes à Israël d'une valeur de 7 milliards de dollars par le Département d'État. L'administration Biden avait fourni à Israël plus de 14 000 bombes de ce type depuis le 7 octobre.

Malgré un «cessez-le-feu» symbolique à Gaza, Israël a continué à perpétrer des meurtres dans toute la Palestine, à Gaza comme en Cisjordanie. Au cours du week-end, les forces israéliennes ont détruit des maisons et des infrastructures dans le camp de Nur Shams en Cisjordanie. Dimanche, une frappe aérienne israélienne a tué trois policiers palestiniens à Gaza.

Netanyahou et Rubio ont menacé d'intensifier leur attaque contre Gaza. «Le Hamas ne peut pas continuer à être une force militaire ou gouvernementale», a déclaré Rubio. «Tant qu'il restera une force capable de gouverner ou d'administrer, ou une force capable de menacer par la violence, la paix deviendra impossible ». Il a ajouté: «Ils doivent être éliminés, ils doivent être éradiqués».

Au début du mois, le ministère de la santé de Gaza a actualisé son estimation du nombre de morts depuis le 7 octobre 2023 à plus de 60 000, dont 14 222 personnes disparues et présumées piégées sous les décombres. Plus de 70 % des bâtiments de Gaza ont été détruits ou endommagés et plus de 90 % de la population déplacée.

Les médias américains, quant à eux, se sont efforcés de normaliser le plan de nettoyage ethnique de Trump pour Gaza. Dans un article intitulé «Si les Indiens et les Pakistanais peuvent déménager, pourquoi les Gazaouis ne le peuvent-ils pas?», le Wall Street Journal déclare que «de nombreux transferts de population ont eu lieu au cours du siècle dernier». L'article cite en exemple la partition de l'Inde, qui a fait près de 2 millions de morts.

(Article paru en anglais le 17 février 2025)