La réélection de Donald Trump signifie le réalignement violent de la politique américaine sur sa réalité sociale fondamentale : une société dominée par des inégalités stupéfiantes et dirigée par une oligarchie capitaliste. Ce réalignement s'exprime non seulement dans les nominations de Trump, mais aussi dans la rapidité avec laquelle le Parti démocrate s'est accommodé du nouveau régime, voire l'a accueilli.
Trump est en train de constituer un gouvernement qui incarne la domination des riches. Chaque nomination reflète deux critères primordiaux : une loyauté personnelle envers Trump et un engagement indéfectible envers un programme de guerre, de répression et de contre-révolution sociale.
Les personnes qu'il a sélectionnées pour occuper des postes de direction au cours de la semaine écoulée sont un ensemble de réactionnaires, de multimillionnaires et de fascistes purs et durs, chargés de mettre en œuvre un programme de dictature à l'intérieur du pays et de guerre à l'étranger.
Les nominations les plus significatives sont:
- Matt Gaetz en tant que procureur général, encadré par les avocats personnels de Trump, Todd Blanche et D. John Sauer, respectivement procureur général adjoint et avocat général. Gaetz, l'une des figures les plus fascistes du Congrès avant sa démission, représente la consolidation du ministère de la Justice en tant qu'arme de persécution politique. La nomination de Sauer, en particulier, souligne la base juridique de la dictature : il a plaidé dans l'affaire Trump contre les États-Unis, le cas de la Cour suprême qui a accordé au président « l'immunité absolue » pour des actions inconstitutionnelles.
- Thomas Homan en tant que « tsar des frontières » et Stephen Miller en tant que chef de cabinet adjoint pour la politique, orchestrant ensemble une attaque massive contre les travailleurs immigrés, avec la secrétaire à la Sécurité intérieure désignée par Trump, Kristi Noem. Homan est chargé de mettre en œuvre la promesse de Trump d'expulser des millions d'immigrants, tandis que Miller, l'architecte de la politique de séparation des familles pendant le premier mandat de Trump, supervisera l'expansion des centres de détention et les rafles de masse. Noem commandera la patrouille frontalière, l'ICE (Immigration and Customs Enforcement) et d'autres agences répressives.
- Pete Hegseth au poste de secrétaire à la Défense, Marco Rubio au poste de secrétaire d'État, Elise Stefanik en tant qu'ambassadrice à l'ONU et Mike Huckabee en tant qu'ambassadeur en Israël. Ce cabinet de guerre est conçu pour intensifier le militarisme américain, en particulier contre la Chine, et pour approfondir le soutien à la campagne génocidaire d'Israël contre les Palestiniens. Hegseth, un fasciste chrétien et ancien commentateur de Fox News, a construit sa carrière en défendant les crimes de guerre, tandis que Huckabee appelle ouvertement à l'extermination des Palestiniens.
- Robert F. Kennedy Jr. au poste de secrétaire à la Santé et aux Services sociaux et Jay Bhattacharya, dont le Washington Post a rapporté samedi qu'il était l'un des favoris pour diriger les National Institutes of Health. Tous deux sont des partisans des politiques de « l'immunité collective » sans restriction en relation avec la COVID-19 et d'autres agents pathogènes, garantissant la priorité au profit sur la santé publique, ce qui aura des conséquences catastrophiques pour la population.
- Elon Musk, la personne la plus riche du monde, et le milliardaire de la biotechnologie Vivek Ramaswamy pour diriger le « département de l'Efficacité gouvernementale ». Cette nouvelle agence sera le fer de lance d'un assaut de 2000 milliards de dollars sur les dépenses publiques, ciblant la sécurité sociale, Medicare, Medicaid et l'éducation publique. Musk, qui a personnellement profité de 50 milliards de dollars depuis l'élection de Trump, incarne la fusion du pouvoir politique, de l'intérêt économique et de la corruption personnelle au cœur du nouveau régime.
Pour mettre en œuvre ces politiques profondément impopulaires, Trump et ses conseillers agissent rapidement pour consolider un pouvoir illimité entre les mains de la Maison-Blanche. Un élément central de cette stratégie est le plan de contourner le Sénat par des nominations d’urgence, outrepassant effectivement son rôle constitutionnel de « conseil et d’assentiment ».
Le Wall Street Journal a qualifié dimanche cette initiative de « prise de pouvoir de la Maison-Blanche », en écrivant que « Trump et son équipe ont montré qu'ils poussaient non seulement à des ajustements, mais aussi à une refonte substantielle du gouvernement et de ses structures de pouvoir », c'est-à-dire à l'instauration d'une dictature présidentielle.
Aux États-Unis, plus de 800 milliardaires détiennent aujourd'hui une richesse stupéfiante de 6200 milliards de dollars. Les 10 % les plus riches de la population possèdent plus des deux tiers de toutes les richesses, tandis que la moitié inférieure n'en possède que 2,5 %. Les oligarques individuels fonctionnent presque comme des écosystèmes économiques, contrôlant de vastes pans de la vie économique et profitant de l'exploitation de millions de travailleurs aux États-Unis et dans le monde.
Un système social caractérisé par une si grande inégalité sociale est incompatible avec les formes démocratiques de gouvernement. Les structures de la vie politique sont en train de s'adapter à cette réalité sociale.
Ce réalignement de classe est non seulement évident dans les actions de Trump, mais aussi dans l'acquiescement rapide du Parti démocrate après l'élection. L'invitation de Biden à Trump à la Maison-Blanche la semaine dernière, et sa promesse de s'assurer que Trump ait « ce dont vous avez besoin », ont donné le ton.
Dimanche, le chef de la minorité à la Chambre des représentants, le démocrate Hakeem Jeffries, a déclaré qu'il avait « félicité le nouveau président Donald Trump ». Les démocrates de la Chambre, a-t-il dit, « ont hâte de travailler avec la nouvelle administration chaque fois que possible pour trouver un terrain d'entente bipartite afin de résoudre les problèmes du peuple américain ». L'ancienne présidente de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, dans une interview accordée au New York Times la semaine dernière, a déclaré à propos de Trump : « Nous voulons tous que le président réussisse. »
La réaction la plus lâche a peut-être été réservée au sénateur du Vermont Bernie Sanders, qui a publié une déclaration sur X au cours du week-end, selon laquelle il « se réjouit de travailler avec l'administration Trump pour tenir sa promesse de plafonner les taux d'intérêt des cartes de crédit à 10 % ».
Le Parti démocrate est le parti des agences de renseignement militaire, de Wall Street et des sections privilégiées de la classe moyenne supérieure. Pour les couches sociales qu'il représente, l'autoritarisme de Trump n'a rien d'alarmant ; en fait, ses politiques promettent d'enrichir davantage leurs portefeuilles d'actions.
La priorité centrale des démocrates est de s'assurer que la nouvelle administration poursuit sa politique de guerre, en particulier la guerre des États-Unis et de l'OTAN contre la Russie en Ukraine, le principal sujet de la rencontre de Biden avec Trump la semaine dernière.
Avant le retour de Trump, des responsables de l'administration Biden ont déclaré dimanche au New York Times que la Maison-Blanche avait officiellement donné l'autorisation à l'Ukraine d'utiliser des missiles à longue portée fournis par les États-Unis pour cibler des villes situées au cœur de la Russie. Cet acte d'une imprudence stupéfiante, qui risque d'entraîner une guerre nucléaire, aurait été coordonné avec Trump et discuté lors de leur réunion de la semaine dernière.
L'administration Trump affrontera une énorme opposition, mais elle ne viendra pas du Parti démocrate ou d'une quelconque faction de l'establishment politique. La véritable opposition viendra de la classe ouvrière, qui est la cible centrale du régime Trump.
Cependant, il faut armer cette opposition d'un programme et d'une stratégie politiques. La classe ouvrière doit lutter non seulement contre les politiques immédiates de l'administration Trump, mais aussi contre le système capitaliste qui les sous-tend. Cela nécessite le développement d'un mouvement indépendant et international des travailleurs, armé d'un programme socialiste visant à exproprier les richesses de l'oligarchie et à réorganiser la société pour répondre aux besoins humains, et non au profit privé.
Le Parti de l'égalité socialiste (États-Unis) a annoncé qu'il organise mercredi une réunion en ligne intitulée « Un régime de l'oligarchie, pour l'oligarchie : les nominations de Trump et la restructuration de l'État américain », pour discuter de la deuxième administration Trump et de la perspective politique sur laquelle l'opposition doit être développée. Inscrivez-vous en remplissant le formulaire ici.
(Article paru en anglais le 18 novembre 2024)