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EuropeLes syndicats français appellent à une nouvelle
journée d’action pour contenir la résistance
Par Alex Lantier
8 novembre 2010
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Tandis que la résistance se poursuit contre les coupes du président Nicolas
Sarkozy dans les retraites, l'intersyndicale a annoncé hier qu’elle
appellerait à une nouvelle journée d’action nationale durant la semaine du
22 au 27 novembre. Le 27 octobre, le parlement a adopté définitivement le
projet de loi réduisant les retraites, mais les syndicats ont continué
d’appeler à des journées de mobilisation nationales le 28 octobre et le 6
novembre. Les syndicats ont dit que la date et les « modalités » de la
journée d’action de fin novembre seraient précisées la semaine prochaine.
Par cette démarche, les syndicats signalent qu’ils n’organiseront pas de
résistance soutenue contre les coupes qui ont été votées en dépit d’une
écrasante opposition populaire. Bien que les sondages aient révélé qu’entre
65 et 71 pour cent de la population soutenaient les grèves contre la loi,
les syndicats ont isolé une puissante grève des travailleurs du secteur
pétrolier en n’organisant aucune action de solidarité alors que Sarkozy
envoyait les CRS briser les grèves. Néanmoins, les dirigeants syndicaux sont
confrontés à des protestations continues organisées par les travailleurs et
les étudiants partout dans le pays.
Juste avant la réunion, les dirigeants syndicaux étaient divisés quant à
la position à adopter: une capitulation immédiate devant les coupes de
Sarkozy ou bien l’organisation d’une nouvelle action sur la base de cette
perspective en faillite consistant à supplier Sarkozy de rediscuter les
détails de la loi. Sarkozy n’a apporté aucune modification significative à
la loi sur les retraites durant le mouvement de grève.
Le dirigeant de la Confédération générale du travail (CGT), Bernard
Thibault, a dit : « Nous sommes favorables à une autre journée de
mobilisation interprofessionnelle en novembre, » en ajoutant : « On voit que
le gouvernement va s’efforcer de tourner la page. Nous allons lui faire la
démonstration que ce boulet, il va le traîner aussi longtemps qu’il
n’acceptera pas de rediscuter. »
Plusieurs autres dirigeants syndicaux, tout en ne voulant pas exprimer
directement leur hostilité à la grève, ont clairement fait savoir qu’ils
souhaitaient la fin des protestations. Le dirigeant de la Confédération
française des Travailleurs chrétiens (CFTC), Jacques Voisin, a déclaré :
« On ne va pas continuer à faire des manifestations tous les huit jours
comme cet automne. »
Le dirigeant de la Confédération française démocratique du Travail
(CFDT), François Chérèque a déjà manifesté son opposition à d’autres grèves
en proposant « une négociation sur l’emploi des jeunes et des séniors » avec
le Mouvement des entreprises de France (Medef), la principale organisation
patronale. Le Medef s’apprête à avoir des « délibérations sociales
bilatérales » avec divers syndicats. La CFDT, la CFTC et Force ouvrière (FO)
ont déjà accepté l’invitation du Medef à discuter.
L’hostilité à un nouveau mouvement de grève est cependant partagée par
tous les syndicats. Le journal Le Point a fait remarquer que « les
dirigeants syndicaux reconnaissent en privé qu’il faut passer à autre
chose. » Il a cité la responsable de la CGT, Nadine Prigent, qui a proposé
« des formes décentralisées, des débrayages, des initiatives séparées, »
autrement dit, écarter toute réponse unifiée de la classe ouvrière.
Les délibérations ont duré plusieurs heures. Pascal Pavageau de FO a
précisé, « On voit bien qu’en termes de modalités d’action, il y a une
difficulté à se mettre d’accord. » FO n’a pas signé le communiqué publié par
l’intersyndicale.
Signe de la désillusion existant au sein d’une large couche de la
population par rapport à la ligne droitière des syndicats, des travailleurs
et des jeunes se sont rassemblés près du lieu de la réunion en scandant :
« Grève générale. Thibault, Chérèque, Mailly, la grève n’est pas finie. »
D’importantes sections de travailleurs et de jeunes continuent de lutter
contre le gouvernement Sarkozy et la loi sur les retraites. Après la défaite
de la grève dans le secteur pétrolier, leurs luttes – isolées par les
syndicats et ne bénéficiant d’aucune perspective politique de la part des
partis existant en France – se limitent de plus en plus à des lieux de
travail et des établissements scolaires combatifs.
Il y a eu des protestations dans plusieurs universités à travers le pays.
Plusieurs centaines d’étudiants à l’université Lyon 2 ont manifesté dans les
rues du centre ville. Les manifestants ont réclamé la libération des
manifestants emprisonnés suite aux protestations du 21 octobre à Lyon et ont
appelé les lycéens à rejoindre les manifestations.
Les lycéens n’ont pas rejoint en grand nombre les manifestations depuis
leur départ en vacances la semaine passée. Avec la grève dans le secteur
pétrolier, leur mobilisation de masse, avec blocages de centaines de lycées
de par le pays a joué un rôle majeur dans les protestations. L’Union
nationale des Etudiants de France (Unef) a lancé un appel aux étudiants à
participer aux manifestations de samedi.
Des manifestants ont déclaré à Lyon-Capitole qu’un autre objectif
important était de « bousculer » l’intersyndicale qu’ils ont qualifiée de
« bureaucratique. » Le personnel administratif a fermé l’université.
Selon le Progrès de Lyon, à Saint Etienne environ 120 étudiants ont
organisé une manifestation hier. Mercredi matin les forces de police avaient
attaqué des étudiants qui bloquaient des bâtiments de l’université de Saint
Etienne, ville située à côté de Lyon. Le président de l’université, Khaled
Bouabdallah, avait critiqué le blocage comme étant « préjudiciable à la
sécurité des personnes et des biens. »
Les étudiants de l’université de Lettres de Toulouse-Le Mirail ont voté
jeudi le blocage de l’université pour exiger le retrait de la loi sur les
retraites. Les étudiants ont dit qu’ils se réuniront à nouveau mardi
prochain pour savoir s’ils poursuivraient le blocage. En gros, 400 étudiants
ont défilé dans Toulouse en scandant des slogans contre le chômage. Deux
autres universités de Toulouse (Capitole et Le Sabatier) ont également voté
en faveur de grèves contre les coupes sociales.
Les étudiants de Toulouse ont dit à La Dépêche que leur objectif était de
donner un nouveau souffle à l’opposition contre la réduction des retraites.
Les étudiants de l’université de Montpellier 2 (sciences et techniques)
et 3 (arts et littérature) ont bloqué leur université et projeté d’organiser
un manifestation de protestation jeudi soir.
De nombreux lieux de travail étaient toujours en grève et bloqués. Parmi
ceux-ci on trouve l’hôpital Marchant à Toulouse, les usines d’incinération
de déchets de Saint Ouen et d’Ivry-sur-Seine près de Paris et les services
de transports publics de nombreuses villes. Plusieurs aéroports étaient en
partie bloqués par les manifestants dont Toulouse Blagnac, Nantes,
l’aéroport Charles de Gaulle près de Paris, Clermont-Ferrand et Lyon.
L’agence Pôle emploi a appelé à la grève le 9 novembre pour protester
contre les réductions d’effectif et les mauvaises conditions de travail.
L’Etat et les syndicats luttent pour empêcher que des protestations ne se
déclenchent à nouveau dans d’autres industries qui avaient été touchées
antérieurement par les grèves. Des sources syndicales de la CGT ont fait
état de la possibilité que les travailleurs des terminaux pétroliers de
Marseille reprennent la grève. Bien que la CGT ait refusé de publier un
communiqué sur les conditions dans lesquelles ils ont négocié une reprise du
travail, on soupçonne qu’ils n’ont rien obtenu à part le paiement des jours
de grève.
Sarkozy s'en est pris aux travailleurs du port de Marseille dans un
brutal accès de colère en disant qu’il était « désolé qu’Anvers [en
Belgique] soit devenu le premier port français parce qu’on a les problèmes
qu’on sait. » Il a critiqué les grévistes comme étant « une infime minorité
[qui] ne comprend pas que les ports ne leur appartiennent pas. »
Il y a aussi le risque que les actions de protestation se propagent à
l’industrie française de l’automobile durement touchée et qui a connu de
nombreuses fermetures d’usines après le déclenchement de la crise économique
mondiale. Le médiateur, nommé par l’Etat pour superviser les pourparlers
entre les syndicats et la direction de Continental, l’équipementier
automobile, a annoncé hier qu’il mettait un terme à sa mission. Continental
veut imposer une baisse de salaire de 8 pour cent dans ses trois usines de
la région Midi-Pyrénées, dans les alentours de Toulouse, et qui emploient
2.500 travailleurs.
La question cruciale à laquelle sont à présent confrontés les
travailleurs en lutte contre Sarkozy est de mettre en place des
organisations et de lancer un appel politique à la mobilisation de vastes
sections de la classe ouvrière dans une lutte pour le renversement du
gouvernement. Il devient de plus en plus évident à une grande partie de la
population que les syndicats et les autres organisations existantes ne
remplissent pas ce rôle et qu’ils sont hostiles à la classe ouvrière.
Une assemblée générale interprofessionnelle de la gare de l’Est à Paris a
affiché une déclaration dénonçant les syndicats. « La stratégie de
l’intersyndicale de ne pas s’appuyer sur les secteur en grève pour étendre
ce mouvement est un échec pour tous les travailleurs. Au lieu de cela,
l’intersyndicale se contente d’appeler à deux nouvelles kermesses les 28
octobre et 6 novembre » – dates des dernières journées d’action organisées
par les syndicats.
Elle a mis en garde que l’intersyndicale « n’hésitera pas à laisser
démarrer de nouveaux secteurs en grève reconductible les uns après les
autres pour essayer de nous décourager, de nous épuiser afin d’éviter
l’émergence d’un mouvement de masse. »
La tâche cruciale à laquelle sont confrontés les travailleurs est de
former des comités d’action pour organiser les luttes indépendamment des
syndicats et des partis de « gauche. » L’objectif d’un tel mouvement doit
être des grèves politiques de masse contre le gouvernement Sarkozy dans le
but de le renverser pour le remplacer par un gouvernement ouvrier luttant
pour une politique socialiste, en France et internationalement.
Cette perspective – qui ne pourra émerger que d’une lutte politique
impitoyable contre l’influence des organisations existantes – est la seule
base viable pour impliquer l’ensemble de la classe ouvrière dans la lutte
contre la politique d’austérité en France.
(Article original paru le 5 novembre 2010)
Voir aussi :
La
couverture de la lutte contre la politique d'austérité en France
Le
Nouveau Parti anticapitaliste cache la trahison par les syndicats de la
grève du secteur pétrolier français - 3 novembre 2010
La
bureaucratie syndicale étrangle la grève dans le secteur pétrolier français
- 1er novembre 2010
France:
Le WSWS parle avec des travailleurs lors de la journée d'action du 28
octobre - 1er novembre 2010