Les travailleurs aux
principaux terminaux pétroliers de France et aux dernières raffineries en grève
ont voté un retour au travail vendredi, mettant fin à une grève contre les
coupes du président Nicolas Sarkozy dans les retraites et ses projets de coupes
et privatisations partielles dans le secteur pétrolier.
La grève dans le secteur
pétrolier était l’arme la plus puissante des travailleurs dans un
mouvement de contestation, comprenant des grèves et des blocages lycéens, qui
ébranle le gouvernement Sarkozy depuis deux semaines. Malgré une opposition de
masse aux coupes dans les retraites – 65 pour cent de la population
appuyant de nouvelles grèves contre ces coupes selon les derniers sondages et
une autre journée d’action étant prévue le 6 novembre – les coupes
de Sarkozy dans les retraites ont été adoptées par le Parlement mercredi
dernier.
Les syndicats font
pression sur les travailleurs pour qu’ils rentrent au travail après avoir
refusé de les défendre contre les actions anti-grève de la police. Dès le
début, ils ont suivi une politique de trahison consistant à faire appel à
Sarkozy pour qu’il modifie les coupes. Les difficultés financières et
l’absence d’une direction résolue et d’une perspective
politique pour la défaite de Sarkozy ont alors eu raison des grévistes à
l’usure, forçant ceux-ci à rentrer au travail les mains vides malgré
leurs luttes.
Cinq raffineries en grève
(Gonfreville, Dunkerque, Grandpuits, Feyzin and Donges) ont voté pour rentrer
au travail à partir de vendredi matin. Un responsable de la CGT (Confédération
générale du travail), Charles Foulard, a déclaré avant le vote : « On
pressent qu'on se dirige vers une reprise, c'est un fait ».
La grève a causé une
grosse pénurie d’essence, et il faudra environ une semaine de production
avant un retour à la normale. Vendredi soir, 22 pour cent des stations-service
de la France étaient encore à sec, selon le site internet zagaz.com.
Pascal Galéoté, un haut
responsable de la CGT aux ports de Marseille, a déclaré : « On se met
en configuration de reprendre rapidement le travail ». Il a noté que
l’appel à la grève était maintenu ce week-end par les syndicats des ports
et des débardeurs. Mais, « nous verrons comment nous allons le mettre en œuvre
sur les bassins pétroliers », a-t-il ajouté.
Le communiqué de la CGT
n’a donné aucun détail sur les négociations ni indiqué si les employeurs
avaient fait des concessions sur les questions reliées aux conditions de travail.
Les grévistes contestaient non seulement les coupes de Sarkozy dans les
retraites, mais aussi les projets de privatisations à 40 pour cent des
terminaux pétroliers du port, qui feraient perdre à 220 agents leur statut de
travailleur du secteur public.
La direction du Grand Port
maritime de Marseille (GPPM) n’avait aucun doute que les syndicats
organiseraient un retour rapide au travail. Vendredi, 80 navires étaient au
large du port de Marseille attendant leur déchargement, dont plusieurs dizaines
transportant du pétrole brut ou des produits raffinés. Un communiqué du GPPM a
fait savoir que les navires « vont pouvoir progressivement accoster
aujourd'hui [vendredi] dès 20 heures. Le chargement ou déchargement de leur
cargaison suivra. »
A la Compagnie Industrielle
Maritime du Havre, qui alimente quatre raffineries du nord de la France, le
délégué CGT Fabrice Modeste a annoncé le vote de retour au travail. « Les
gens sont prêts à repartir dans de nouvelles actions si le mouvement reprend »,
a-t-il ajouté.
Jean-Louis Schilansky,
président de l’Ufip (Union française des industries pétrolières), a dit
que les grèves coûteraient « des centaines de millions d'euros » à
l’industrie pétrolière française. Il a affirmé que cela représenterait
une charge « gigantesque » pour l’industrie.
Si les chiffres de Schilansky
sont exacts, cela représenterait des dommages relativement mineurs pour les firmes
françaises de l’énergie. La société pétrolière Total à elle seule a fait
2,47 milliards d’euros de profits au cours du trimestre précédent, sur
des revenus trimestriels de 40,18 milliards d’euros.
Il semble que la grève
sera exploitée pour justifier une attaque majeure sur les travailleurs du
secteur pétrolier. Deux raffineries, Dunkerque et Reichstett, sont déjà menacées
de fermeture.
Des travailleurs du
secteur pétrolier interrogés par la presse à la raffinerie de Feyzin étaient
furieux contre le gouvernement et les syndicats. « Je n'étais pas
favorable à la reprise », a dit Thierry au quotidien Le Monde.
« J'aurais bien poursuivi la grève une semaine de plus, jusqu'à la journée
de mobilisation du 6 novembre. »
Paul, un technicien de 54
ans, a dit qu’« on y a cru jusqu’au bout » chez
les travailleurs de Feyzin. « La retraite, c'est la délivrance pour nous »,
a-t-il ajouté. « Depuis que j'ai 18 ans, je respire des produits chimiques
dangereux. Sans compter qu'à mon âge, grimper sur des colonnes de 60 mètres de
haut, c'est trop éprouvant. On est gouvernés par des gens qui n'ont jamais
poussé nos brouettes. »
Le délégué CGT à Feyzin,
Michel Lavastrou, a dit que « ce n’est pas évident » de prôner
un retour au travail. « Il faut savoir arrêter une grève, mais c'est plus
facile lorsqu'on a obtenu satisfaction. La reprise du travail, dans ces
conditions, ne va pas être glorieuse. »
David Faure, délégué CFDT
(Confédération française démocratique du travail) et secrétaire du comité
d’entreprise syndicat-patronat à la raffinerie, a averti que la colère
montait parmi les travailleurs. « Les gens n'attendent qu'un signe des
organisations syndicales pour descendre dans la rue. La prochaine étape, c'est
la grève générale. Et à ce moment-là, la réponse des salariés sera violente. »
Conscients de la colère de
masse persistante contre les coupes, le gouvernement et les syndicats
s’efforcent de dissoudre l’opposition populaire. Sarkozy a fait
savoir dans un bref communiqué émis vendredi : « Des inquiétudes,
souvent légitimes, ont été exprimées. » Il a dit qu’il allait
« réfléchir » à la réponse à donner. Les coupes dans les retraites
sont bien sûr là pour rester, réduisant les dépenses sociales d’environ
18 milliards d’euros par année.
Foulard de la CFT a
affirmé que les syndicats avaient « gagné la bataille des idées », ce
qu’il a expliqué ainsi : « Les argumentations des syndicats sur
la possibilité d'avoir une autre réforme, notamment sur le financement, ont été
entendues ». Et il a ajouté : « Nous ne sommes pas passés loin
de l'objectif, il a manqué quelques catégories professionnelles en plus dans la
grève ».
Cette affirmation atteste
du cynisme de la direction de la CGT. Les travailleurs du secteur pétrolier ont
été vaincus, non pas par « d’autres catégories
professionnelles » de la classe ouvrière, qui ont largement soutenu les
grèves en opposition aux mesures de Sarkozy, mais par la bureaucratie
syndicale. Celle-ci a refusé de mener une lutte politique pour renverser le
gouvernement Sarkozy, même après que Sarkozy a envoyé la police anti-émeute
pour attaquer des travailleurs en grève du secteur pétrolier.
La défaite de la grève
dans le secteur pétrolier est un avertissement à la classe ouvrière et une
confirmation de l’analyse du World Socialist Web Site, qui a
soutenu que les travailleurs devaient organiser une grève générale pour faire
tomber Sarkozy et lutter pour un gouvernement ouvrier. Le WSWS a régulièrement
mis en garde contre la traîtrise des syndicats et prôné la formation de comités
d’action des membres de la base pour retirer la lutte des mains des
bureaucrates syndicaux.
Même dans les conditions
politiques les plus favorables, où les travailleurs reçoivent un soutien de
masse et contrôlent un secteur stratégique de l’économie, ils ne peuvent
gagner une victoire par le biais des organisations existantes.