Le gouvernement Trudeau a officiellement inauguré le « Monument aux victimes du communisme » au début du mois. Cependant, aucun membre du gouvernement libéral n'a été autorisé à se montrer lors de la cérémonie, de peur d'attirer une fois de plus l'attention du public sur la protection que l'État canadien accorde depuis longtemps aux forces fascistes.
Yvon Baker, député libéral et ancien président du Conseil du Congrès des Ukrainiens canadiens en Ontario, devait prendre la parole lors de la cérémonie d'inauguration du 12 décembre, mais sur ordre du gouvernement, il s'est exprimé lors d'un événement postérieur à l'inauguration, sur invitation uniquement.
Dans un aveu politique accablant, le ministère du Patrimoine canadien a précédemment supprimé tous les noms figurant sur le mur commémoratif des « victimes du communisme ». Cette décision faisait suite à la publication d'un rapport commandé par le gouvernement, qui demandait la suppression des noms de plus de 300 personnes – plus de la moitié du total inscrit sur le monument – qui étaient directement ou potentiellement liées aux nazis ou aux organisations fascistes qui ont collaboré avec eux pendant la Seconde Guerre mondiale.
Lors de l'annonce de l'inauguration officielle du monument, qui, après son achèvement, a langui pendant des années au cœur du centre-ville d'Ottawa, un porte-parole de la ministre libérale du Patrimoine, Pascale St-Onge, a confirmé qu'« au moment de l'inauguration, il n'y aura pas de noms sur le mur du monument ». Son bureau a publié une déclaration disant que le gouvernement « continuera à faire preuve de diligence raisonnable pour s'assurer que tous les aspects du monument restent compatibles avec les valeurs canadiennes en matière de démocratie et de droits de l'homme ».
En fait, la présence de noms de criminels de guerre nazis et fascistes sur un mémorial anticommuniste défendu à la fois par les gouvernements libéraux et conservateurs illustre très clairement l'hypocrisie éhontée et le cynisme total de l'élite dirigeante canadienne qui prétend défendre la « démocratie et les droits de l'homme ». Il s'agit d'une classe dirigeante dont les représentants politiques se sont levés comme un seul homme en septembre 2023 pour ovationner l'ancien membre de la Waffen-SS Yaroslav Hunka, dans un geste qui incarnait le financement et la promotion par l'impérialisme canadien, depuis des décennies, de l'idéologie et des groupes nationalistes ukrainiens d'extrême droite.
Après la Seconde Guerre mondiale, l'État canadien a accueilli avec enthousiasme des dizaines de milliers de collaborateurs nazis originaires d'Ukraine et d'autres régions d'Europe de l'Est, les utilisant comme remparts de sa politique anticommuniste et de guerre froide à l'intérieur et à l'extérieur du pays. Les fascistes qui ont combattu aux côtés des nazis et participé à l'Holocauste ont été présentés comme des combattants de la « libération nationale » contre le « totalitarisme » stalinien, toujours présenté comme la continuation et l'aboutissement inévitable de la révolution russe de 1917.
L'État canadien a soigneusement incubé ces forces politiques d'extrême droite, les utilisant pour promouvoir le renouveau du nationalisme et la dissolution de l'URSS, alors que la bureaucratie stalinienne s'apprêtait à liquider les biens de l'État et à restaurer le capitalisme à la fin des années 1980. Au cours des dernières décennies, les descendants politiques de ces émigrés anticommunistes ont joué un rôle clé dans la mesure où le Canada, aux côtés des États-Unis et de ses autres alliés de l'OTAN, a cherché à transformer l'Ukraine en un État vassal de l'OTAN et de l'Union européenne et l'a utilisée pour déclencher et mener la guerre contre la Russie.
Avec son soutien sans faille au gouvernement israélien génocidaire et au régime d'extrême droite de Zelensky en Ukraine – qui vénère les mêmes collaborateurs nazis honorés par le monument aux « victimes du communisme » – l'establishment politique canadien a adopté avec enthousiasme les fascistes et auteurs de génocides de notre époque dans la poursuite de leurs propres intérêts impérialistes prédateurs.
Un monument qui blanchit les crimes du fascisme
Le « Monument aux victimes du communisme » du Canada a été lancé sous le gouvernement conservateur de Harper, en collaboration avec le Congrès des Ukrainiens canadiens et d'autres associations ethniques/émigrées d'extrême droite, dans le but de raviver un nationalisme canadien belliqueux mieux adapté aux ambitions impérialistes d'Ottawa dans un contexte d'intensification des conflits entre grandes puissances. Sans surprise, le projet a été accueilli avec enthousiasme par l'ensemble de l'establishment politique. Outre le soutien de Harper et de son ministre de la Citoyenneté, de l'Immigration et du Multiculturalisme, Jason Kenney, Thomas Mulcair, alors chef du Nouveau Parti démocratique, Elizabeth May, chef du Parti vert, et Justin Trudeau lui-même ont rédigé des lettres de soutien au monument.
L'anticommunisme est un élément central de l'idéologie impérialiste canadienne depuis plus d'un siècle. Le Canada a envoyé des troupes en Russie pour combattre aux côtés des armées blanches contre-révolutionnaires de la bourgeoisie et de l'aristocratie féodale, qui cherchaient à écraser l'État ouvrier dirigé par les bolcheviks dans la guerre civile qui a suivi la révolution d'octobre 1917. Par la suite, la classe dirigeante canadienne a déployé des troupes pour écraser la grève générale de Winnipeg de 1919 et a procédé à une vague d'arrestations et de déportations massives, tout cela au nom de l'écrasement d'une conspiration « communiste », exprimant ainsi sa crainte mortelle d'une classe ouvrière radicalisée. Tout cela a été réalisé par un fier dominion de l'Empire britannique, qui venait de mener une guerre mondiale pour assurer la poursuite de l'exploitation coloniale brutale du sous-continent indien et d'une grande partie de l'Afrique et des Caraïbes, et pour s'emparer de nouveaux territoires au Moyen-Orient.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, l'impérialisme canadien a changé d'allégeance en faveur de la nouvelle puissance mondiale dominante, l'impérialisme américain. Ottawa devint alors un pilier de l'OTAN, alors que l'alliance américano-militaire affrontait l'URSS, et intégra étroitement son armée à celle des États-Unis par l'intermédiaire du NORAD. Bien que l'URSS eut été dominée pendant des décennies par la bureaucratie stalinienne contre-révolutionnaire – qui a exterminé l'opposition marxiste menée par Léon Trotsky, a renoncé au programme de révolution socialiste mondiale et a contribué à stabiliser le capitalisme mondial après la défaite des nazis – les États-Unis et leurs alliés canadiens ont impitoyablement poursuivi une stratégie d'« endiguement » dans le cadre de la guerre froide. Travaillant en tandem avec Washington, le Canada a soutenu des dictatures de droite brutales qui ont massacré des centaines de milliers de personnes en Asie, en Afrique et en Amérique latine, et a financé des coups d'État militaires et des guerres coloniales, tout en prétendant défendre la « démocratie », les « droits de l'homme » et la « liberté ». En réalité, le seul droit auquel la classe dirigeante canadienne était irrévocablement attachée était son « droit » de posséder à titre privé les moyens de production développés et exploités par la société, c'est-à-dire son « droit » d'exploiter les travailleurs du Canada et du monde entier et de leur soutirer des profits.
C'est dans ce contexte que le Canada a accueilli des dizaines de milliers de fascistes qui avaient fui l'Europe de l'Est et les États baltes lorsque l'Armée rouge avait mis les nazis en déroute, balayant le Troisième Reich et les divers gouvernements et régimes fantoches fascistes alliés. Ils étaient appréciés précisément en raison de leur hostilité véhémente non seulement à l'égard de l'Union soviétique, mais aussi à l'égard de toute politique de gauche.
Après l'effondrement de l'Union soviétique et la restauration du capitalisme, les groupes nationalistes d'extrême droite qu'ils ont formés ont repris l'appel à la commémoration des « victimes du communisme », regroupant arbitrairement les morts de périodes historiques très différentes. Il s'agit notamment des Blancs de la guerre civile russe, des victimes de la famine provoquée par la collectivisation forcée et désastreuse de Staline, des collaborateurs fascistes nazis en Europe et des personnes tuées par le régime nationaliste de Pol Pot au Cambodge à la suite de la dévastation du pays par les bombardements américains.
Cet amalgame pseudo-historique a un double objectif : utiliser les crimes du stalinisme pour salir le marxisme et toute opposition révolutionnaire au capitalisme ; et minimiser et relativiser les brutalités de la réaction capitaliste, surtout du fascisme : en fait, les justifier comme une réponse légitime à la menace du « communisme ».
Un « hommage à la liberté » et aux collaborateurs nazis
Des représentants de l'ensemble des associations ethniques anticommunistes d'Europe de l'Est et d'Asie au Canada se sont réunis pour former la fondation « Tribute to Liberty », le principal groupe soutenant la création du Monument. Son conseil d'administration est actuellement présidé par Ludwik Klimkowski, cadre et ancien vice-président du Congrès canadien polonais pour les affaires canadiennes, et comprend notamment Paul Grod, ancien président du Congrès des Ukrainiens canadiens (CUC), et Ivan Grbesic, avocat d'affaires et membre du conseil d'administration de la Chambre de commerce canado-croate.
Dès le début, le monument anticommuniste a été en proie à la controverse et au scandale, car la liste des noms qu'il proposait de commémorer sur son « Mur du souvenir » comprenait des fascistes et des collaborateurs nazis bien connus. Le chef de l'Armée insurrectionnelle ukrainienne (UPA), Roman Shukhevych, qui a collaboré avec les nazis et dont les forces ont massacré des dizaines de milliers de Bélarusses, de Juifs, de Polonais et d'Ukrainiens, figurait en bonne place parmi ces noms. L'UPA était la division armée de la faction de l'Organisation des nationalistes ukrainiens (OUN) dirigée par Stepan Bandera, qui visait à établir une Ukraine « indépendante » en tant que vassale du Troisième Reich d'Hitler. Le régime Zelensky a cherché à réhabiliter Bandera et Shukhevych, en faisant de ces collaborateurs fascistes des héros et en érigeant des statues de Bandera dans toute l'Ukraine.
Le mur commémoratif du monument devait initialement comporter plus de 1000 noms, mais en 2021, le ministère du Patrimoine a engagé un historien pour revoir une liste réduite à 550 personnes. L'examen a permis de déterminer que 50 à 60 des personnes figurant sur la liste étaient, comme Shukhevych, directement liées aux nazis, et que plus de la moitié des noms figurant sur la liste devaient être supprimés, car ils étaient peut-être liés aux nazis ou à des groupes fascistes.
Le personnel diplomatique du gouvernement Trudeau est même intervenu, avertissant que l'inclusion de collaborateurs nazis dans un monument officiel canadien provoquerait un scandale international. Ils ont mis en garde le ministère du Patrimoine, écrivant que : « Il est important de noter que de nombreux défenseurs et combattants anticommunistes et antisoviétiques étaient également des collaborateurs actifs des nazis, qui ont commis des massacres documentés. »
Même les efforts de collecte de fonds de la fondation « Tribute to Liberty » – un organisme de bienfaisance enregistré qui a reçu des milliers de dons de politiciens comme Harper et Kenney – étaient truffés d'hommages aux fascistes et aux collaborateurs nazis. La campagne « Pathways to Liberty » visant à financer le monument a reçu des dons en l'honneur de Roman Shukhevych, ainsi que d'Ante Pavelić : le chef des Ustaše, le régime nazi fantoche qui dirigeait l'État indépendant de Croatie. Un autre haut fonctionnaire ustaše, Mile Budak, a reçu un don en son honneur, le qualifiant perversement de « poète ». Les Ustaše ont participé à l'Holocauste dans les Balkans, tuant environ 32.000 Juifs, 25.000 Roms et 330.000 Serbes. L'Ordre des chevaliers hongrois de Vitéz a également versé des milliers de dollars. Les membres de l'Ordre de Vitéz, comme László Endre, ont dirigé le régime fantoche nazi en Hongrie qui a organisé la déportation de 430.000 Juifs vers les camps de concentration et d'extermination nazis.
L'inauguration du monument est reportée après l'ovation du Parlement à un ancien combattant de la Waffen-SS
Le monument devait initialement être inauguré en novembre de l'année dernière. Mais la cérémonie a été discrètement annulée après la visite officielle du président ukrainien Zelensky au Canada en septembre 2023, au cours de laquelle lui-même, le premier ministre Trudeau, la vice-première ministre Chrystia Freeland, tous les membres du Parlement canadien et les dignitaires présents ont réservé un accueil enthousiaste à Hunka, un ancien combattant SS ukrainien âgé de 98 ans.
La célébration ouverte d'un membre volontaire de la division Waffen-SS de Galicie au cours de la visite d'État soigneusement orchestrée du président ukrainien, alors que ce dernier et ses maitres impérialistes planifiaient une escalade de la guerre contre la Russie, était une provocation calculée qui s'est retournée de manière spectaculaire contre ceux qui l’avaient organisée. Dans la tempête politique internationale qui a suivi, le gouvernement Trudeau s'est empressé de prétendre que l'invitation à Hunka était une erreur innocente due à l'ignorance, alors que toute personne ayant une connaissance rudimentaire de l'histoire de la Seconde Guerre mondiale – y compris Trudeau, Freeland et Zelensky – aurait su que les seuls Ukrainiens qui ont « combattu les Russes » à l'époque l'ont fait en collaboration avec les nazis.
La division galicienne de la Waffen-SS, composée en grande majorité de nationalistes ukrainiens pro-nazis, a participé à l'Holocauste et au massacre de dizaines de milliers de Polonais alors qu'ils combattaient les Soviétiques dans l'Ukraine occupée par les Allemands. Après la chute du Troisième Reich, le gouvernement canadien a accueilli des dizaines de milliers de nationalistes ukrainiens qui avaient collaboré avec les nazis, dont plus de 2000 vétérans de la division Waffen-SS de Galicie, comme Hunka, et des partisans des deux factions de l'OUN.
Cet afflux de collaborateurs fascistes ukrainiens vint grossir les rangs du CUC, fondé en 1940 à la demande du gouvernement pour lutter contre le sentiment de gauche de la population ukrainienne du Canada, qui constituait historiquement une source majeure de soutien pour le Parti communiste du Canada. Le CUC, soutenu par l'État, a joué un rôle important dans la politique intérieure et étrangère du Canada pendant la guerre froide, en encourageant un nationalisme ukrainien de droite amèrement anticommuniste et en intervenant en Ukraine à la fin des années 1980 et au début des années 1990 pour faire pression en faveur de la restauration du capitalisme et de l'effondrement de l'URSS.
Cette alliance de longue date entre l'impérialisme canadien, le CUC et l'extrême droite ukrainienne – largement documentée par le WSWS – est restée un élément essentiel de la politique étrangère du Canada au cours des dernières décennies, tandis qu'il travaillait aux côtés des États-Unis pour faire entrer l'Ukraine dans l'OTAN et l'utiliser comme mandataire dans sa confrontation avec la Russie. Cette alliance est incarnée par Chrystia Freeland, qui était jusqu'à ce mois-ci vice-première ministre et ministre des Finances du gouvernement Trudeau. Freeland est associée au CUC depuis sa jeunesse. Son grand-père maternel était le rédacteur en chef de Krakivski Visti, le seul journal ukrainien autorisé à paraître sous l'occupation nazie. Ce journal a défendu la création de la division Waffen-SS de Galicie et propageait un antisémitisme odieux.
Sous Trudeau et Freeland, le Canada a acheminé plus de 10 milliards de dollars d'aide aux mandataires ukrainiens de l'OTAN depuis février 2022, dont 4,5 milliards de dollars d'armes. Alors que les fascistes non déguisés de l'armée ukrainienne font la guerre à la Russie et que son utilisation de missiles à longue portée fabriqués aux États-Unis menace le monde d'une conflagration nucléaire, le régime de Zelensky a criminalisé toute opposition politique, emprisonnant des dizaines de dissidents. Parmi eux, le dirigeant socialiste et internationaliste de la Jeune Garde des bolcheviks-léninistes (JGBL), Bogdan Syrotiuk, a été arrêté sous le prétexte fallacieux qu'il est un « propagandiste russe » parce qu'il a appelé à l'unité des travailleurs russes et ukrainiens pour mettre fin à la guerre.
Pendant des décennies, l'élite dirigeante canadienne a parrainé les criminels de guerre fascistes qu'elle avait accueillis après la Seconde Guerre mondiale et a cherché à blanchir leurs crimes, afin qu'ils puissent être utilisés dans la poursuite de leurs propres objectifs prédateurs : répandre un poison nationaliste anticommuniste à l'intérieur du pays et lutter pour l'impérialisme à l'étranger. Le Monument aux victimes du communisme est l'incarnation matérielle de cette alliance entre l'impérialisme canadien et les affreux bas-fonds fascistes de la diaspora anticommuniste au cœur de la capitale nationale. Même si le gouvernement Trudeau a retiré les noms des collaborateurs nazis de son mur commémoratif, cette histoire sanglante demeure.
(Article paru en anglais le 30 décembre 2024)