Non aux tactiques collaboratrices du STTP! Pour une lutte politique de la classe ouvrière contre Postes Canada et le gouvernement Trudeau!

La déclaration suivante a été émise par le Comité de la base des travailleurs des postes (CBTP), qui a été créé plus tôt cette année par des travailleurs de Postes Canada pour prendre le contrôle de leur lutte des mains de la bureaucratie du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes. Le Comité tiendra une réunion publique pour discuter de la voie à suivre pour les travailleurs des postes le dimanche 10 novembre à 19 h, heure normale de l’Est. Vous pouvez vous inscrire ici ou contacter le comité en remplissant le formulaire à la fin du présent article.

Après notre vote de grève massif du mois dernier en faveur du débrayage, nous aurions dû être sur les lignes de piquetage dès le dimanche 3 novembre. Mais la bureaucratie du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP) est intervenue une fois de plus pour faire ce qu’elle fait le mieux: saboter notre lutte et continuer de s’arranger avec la direction pour nous faire avaler des concessions.

Les facteurs ruraux et suburbains (FRS) travaillent sans nouvelle convention collective depuis plus de 10 mois, et les travailleurs de l’Exploitation postale urbaine (EPU) depuis plus de neuf mois. Le STTP dit avoir participé à plus d’une centaine de séances de négociation avec la direction de Postes Canada depuis près d’un an, et que l’employeur continue d’exiger de nouvelles et importantes concessions. Le ministre du Travail, Steven MacKinnon, a participé aux négociations jeudi et a déclaré la semaine dernière que le gouvernement Trudeau «s’efforce activement de faciliter» la conclusion d’une nouvelle convention.

Nous savons tous qu’en langage clair, cela signifie que le gouvernement Trudeau a déjà rédigé une loi de retour au travail ou qu’il prépare une autre manœuvre bureaucratique pour nous priver de notre droit de grève légal et faire en sorte qu’un représentant de confiance des grandes entreprises nous dicte notre convention par le biais d’un arbitrage contraignant. Il suffit de regarder ce qui est arrivé aux débardeurs de la côte ouest à l’été 2023 et aux travailleurs du rail cette année pour voir comment le gouvernement libéral pro-guerre piétine nos droits démocratiques pour faire respecter les exigences des patrons. Ceux d’entre nous qui étaient là en 2018 se souviennent bien de la façon dont Trudeau a criminalisé les grèves tournantes pour permettre à Postes Canada d’imposer de nouvelles concessions par le biais de l’arbitrage. Le STTP, sous la houlette du président pseudo-gauchiste Mike Palecek, s’est incliné sans combattre, tandis que le Congrès du travail du Canada nous a maintenus isolés du reste de la classe ouvrière.

Nous n’avons aucune raison de croire que la bureaucratie du STTP agira différemment cette fois-ci. Ils n’ont rien dit sur la façon dont nous devrions nous opposer aux mesures du gouvernement pour empêcher tout arrêt de travail, quand bien même que Trudeau, MacKinnon et compagnie interfèrent dans les négociations depuis des mois.

Grévistes de Postes Canada pendant la campagne de grèves tournantes de 2018 criminalisée par le gouvernement libéral Trudeau

La présidente du STTP, Jan Simpson, a réagi à notre vote de grève massif en annonçant que toute action de grève serait reportée plus ou moins indéfiniment tant et aussi longtemps que Postes Canada faisait preuve d’un «effort réel» à répondre à nos demandes. Qu’entend-elle par «effort réel»? Il n’y a aucun moyen de le savoir, car le STTP exige que nous le croyions sur parole. Ce que nous savons, c’est que vendredi, à moins de 72 heures de notre position de grève légale, le STTP a opportunément découvert que l’employeur faisait un «effort réel» dans les pourparlers, de sorte qu’il n’a pas émis d’avis de grève de 72 heures. Après avoir saboté notre lutte contre les interventions gouvernementales en faveur de l’employeur menées tant par les conservateurs de Harper en 2011 que les libéraux en 2018, nous pensons qu’il est raisonnable de supposer que la découverte de cet «effort réel» n’est qu’une autre excuse du syndicat pour éviter de mener toute lutte sérieuse.

De plus, Simpson offre elle-même ouvertement de collaborer avec l’employeur pour «arriver à une entente», ce qui, tant pour les patrons que les bureaucrates syndicaux, signifie s’assurer que Postes Canada réalise des profits. Comme elle l’a déclaré la semaine dernière, «nous reconnaissons les défis auxquels notre employeur est confronté, et notre objectif n’est pas simplement de formuler des demandes, mais de travailler ensemble à des solutions qui soutiennent le succès à long terme de notre service de poste public tout en réglant les problèmes réels auxquels nos membres sont confrontés quotidiennement».

Les conditions sont propices pour lutter et l’emporter. Nous pouvons nous battre aux côtés des 33.000 grévistes de Boeing aux États-Unis, qui en sont à leur septième semaine de grève. Depuis 2022, partout au Canada et ailleurs dans le monde, la lutte des classes connait un essor considérable, les travailleurs s’efforçant d’obtenir des augmentations de salaire à la hauteur de l’inflation et de mettre un terme à des décennies de régression. Si nous faisons de notre lutte le fer de lance d’une contre-offensive de la classe ouvrière pour défendre les services publics, les droits des travailleurs comme le droit de grève et de négocier collectivement, contre la guerre impérialiste et l’utilisation des changements technologiques pour accroître l’exploitation des travailleurs, nous pouvons obtenir – et nous obtiendrions – un soutien massif.

Le STTP veut imposer les concessions de Postes Canada

Postes Canada veut poursuivre son processus d’«amazonisation» de nos conditions de travail, en nous transformant en machines à générer des profits, sans pratiquement aucun droit et avec des salaires de misère. L’«offre intégrale» de l’entreprise comprend des attaques majeures contre nos conditions de travail, une augmentation salariale dérisoire de 11,5% répartie sur quatre ans, des reculs en matière de régime de soins de santé, la poursuite de la mise en place d’un régime de retraite régressif à cotisations définies et le début de la livraison les week-ends. Après nous avoir détaillé ces concessions dans une mise à jour des négociations, le STTP a dit que l’employeur envisageait de demander encore plus de concessions, avant de nous proposer de lutter contre ces attaques en lançant un appel pathétique à «faire du bruit».

Plutôt que de mobiliser les membres pour défendre leurs conditions de travail, leurs salaires et leur droit de grève, le STTP nous demande d’appeler nos députés pour donner suite à une campagne de cartes postales totalement inefficace menée en septembre. Cette campagne de «pression» consiste à lancer des appels désespérés à un gouvernement bourgeois bien décidé à faire payer aux travailleurs la crise du capitalisme, notamment en éviscérant les dépenses sociales et les services publics pour financer la guerre. Cette politique de pression est une distraction dangereuse qui sert à renforcer l’alliance corporatiste du STTP avec le gouvernement libéral profondément impopulaire. Rappelons que les appels moraux visant à convaincre la classe dirigeante de cesser de soutenir un génocide contre le peuple palestinien sont totalement inefficaces. Alors pourquoi s’imaginer que nous aurions plus de succès? Unis avec le reste de la classe ouvrière, nous sommes une force sociale puissante, mais tant que nous restons isolés et subordonnés aux politiciens capitalistes et aux bureaucrates syndicaux, nos intérêts de classe indépendants ne pourront jamais être mis de l’avant.

Les demandes intégrales proposées par le syndicat pour les facteurs ruraux et suburbains et les travailleurs de l’EPU sont en grande partie les mêmes, demandant une augmentation de salaire de 17,5 % au cours des deux premières années, des indemnités de vie chère qui seraient intégrées aux salaires plus tard (plutôt que d’être versées rétroactivement), et l’ajout de 10 jours de congé de maladie à la liste des congés payés.

C’est insuffisant. Nous exigeons une augmentation de salaire immédiate de 30% pour compenser les décennies de stagnation salariale et de concessions que nous avons connues, accompagnée d’augmentations importantes pour chaque année de la convention afin de suivre le rythme de l’inflation et tenir compte de l’explosion des loyers.

Plutôt que de proposer l’élimination de l’échelle salariale à plusieurs niveaux, le syndicat continue de s’enfoncer dans cette dynamique impopulaire et exploiteuse, en demandant docilement «l’amélioration des droits des employés temporaires» – ce qui constituerait d’ailleurs une nouvelle classification pour toute une section des employés.

Le STTP demande, de manière vague et largement dépourvue de sens, une «amélioration des protections contre les changements technologiques». Cette formulation soulève la question à savoir qui fera appliquer lesdites «protections améliorées»? Avec le déploiement à grande échelle de l’IA et de technologies d’automatisation destructrices d’emplois dans le monde entier, c’est là un enjeu qui devrait préoccuper tout particulièrement les travailleurs des postes. Laissées sous le contrôle autocratique de la classe dirigeante, les nouvelles technologies déplacent les travailleurs, et ceux qui restent se retrouvent aux prises avec de longs horaires de travail encore plus pénibles. Sous le contrôle démocratique de la classe ouvrière, ces nouvelles technologies ouvriraient une ère d’amélioration de l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée tout en allégeant le fardeau des tâches les plus répétitives et les plus exigeantes physiquement; la productivité augmenterait et les heures de travail diminueraient sans perte de salaire. C’est pourquoi la seule revendication sérieuse susceptible d’améliorer nos conditions de travail est le contrôle des travailleurs sur les opérations des services postaux.

Le STTP réclame des «dispositions améliorées en matière de dotation», mais ne donne aucune précision à ce sujet, laissant ainsi les travailleurs dans l’ignorance. Comme tout facteur ne le sait que trop bien, les semaines courtes sont souvent les plus longues, parce que nous avons toujours l’équivalent de 5 jours de travail, mais comprimés en 4 jours de distribution. Nous voulons que davantage de personnel soit présent pendant les semaines courtes, de façon à pouvoir aider à rassembler le courrier publicitaire, numéroter et distribuer les colis et même effectuer le triage par rue dans le cas des dépôts qui n’ont pas encore accès au courrier trié à la machine. Les lundis sont généralement les jours les plus chargés, car les centres de tri ont tout le week-end pour charger nos itinéraires, et nous voulons donc voir plus de personnel le lundi.

La revendication intégrale pour le secteur de l’Exploitation postale urbaine exige «l’élimination totale du système de séparation du tri et de la livraison (STL)». Tous ceux qui ont vécu la restructuration du système de séparation du tri et de la livraison savent exactement pourquoi cette demande est sur la table. Les itinéraires peuvent en effet subir des réductions de salaire massives, tandis que les points d’appel (POC) augmentent. Les travailleurs de l’EPU sont divisés en deux groupes – les travailleurs internes et les travailleurs externes – imposant aux travailleurs externes des itinéraires pouvant compter jusqu’à 2.000 adresses et 25 km de marche par jour.

Le STTP conclut sa liste de revendications en proposant l’assurance «de projets d’expansion des services, notamment de services bancaires postaux, de services de vigilance auprès des personnes âgées et autres». Comme le CBTP explique dans sa déclaration appelant à un vote massif en faveur du «oui» lors de notre scrutin de grève:

L’idée d’une banque postale lancée par la direction du syndicat part du principe que Postes Canada devrait être gérée comme une entreprise à but lucratif. Nous ne sommes pas d’accord. Les postiers ne veulent pas être transformés en distributeurs automatiques de billets et en usuriers! Les frais de service des services bancaires postaux ne se retrouveraient pas dans les poches des travailleurs, mais serviraient à payer les primes des patrons et des cadres supérieurs.

Il en va de même pour les services de vigilance auprès des personnes âgées. Nous sommes des postiers, pas des professionnels de la santé. Rejetant l’idée que le service postal devrait être géré comme une entreprise à but lucratif, le CBTP sait que les revendications pour un service postal public entièrement financé doivent aller de pair avec la demande d’une augmentation considérable du financement de tous les services publics, y compris les soins de santé. Les visites auprès des personnes âgées devraient être effectuées par un système de soins de santé financé par l’État pour améliorer le bien-être de tous, et non par une société d’État à but lucratif pour accroître la richesse et le prestige de ses dirigeants et de leurs partenaires de la bureaucratie syndicale.

Ce que le STTP ne mentionne pas dans ses offres intégrales est pour le moins révélateur. Le syndicat ne dit rien en effet à propos de l’horaire de livraison de 7 jours qui est proposé, et ce parce qu’il nous ferait également travailler les week-ends. Mais de quel droit notre propre syndicat peut-il collaborer avec une société d’État, dans notre dos, pour nous priver de nos week-ends? Pour concurrencer les autres services de livraison, Postes Canada ne peut qu’opposer les travailleurs des postes à leurs homologues des autres services de livraison dans une course pour l’obtention de profits toujours plus importants au sommet, avec pour corollaire des souffrances toujours plus grandes en bas de l’échelle.

Les offres intégrales ne mentionnent pas non plus la COVID. Pendant la durée de la convention actuelle, que la direction du STTP a arbitrairement prolongée au cours de la deuxième année de la pandémie, des milliers de Canadiens sont morts d’un virus qui aurait pu être évité et des millions d’autres ont été infectés. Les travailleurs des postes sont en première ligne depuis l’apparition de la pandémie, et celle-ci continue de propager la maladie et la mort cinq ans plus tard. La COVID est un phénomène social et il est absurde et contre-productif de s’attendre à ce que des travailleurs soient laissés à eux-mêmes et en portent tout le fardeau. Nous avons besoin de mesures d’atténuation dans chaque lieu de travail, telles que des lampes de désinfection UVC, une meilleure circulation de l’air et des masques de haute qualité mis à la disposition de tous les travailleurs. Le mot d’ordre entrepreneurial «des profits avant la vie» doit être remplacé par «La vie avant les profits».

Quelle doit être la prochaine étape pour les travailleurs des postes?

Nous proposons le plan d’action suivant aux postiers qui veulent poursuivre la lutte:

1. Formons des comités de base dans chaque dépôt, centre de tri et autres lieux de travail de Postes Canada. Ces comités nous permettront de contrecarrer l’abandon de notre lutte par la bureaucratie du STTP et de construire un puissant mouvement de travailleurs pour défendre nos revendications.

2. Étendons notre lutte à tous les travailleurs. Le service postal doit être public et entièrement financé comme tel, avec des emplois sûrs et bien rémunérés. Nous pouvons parvenir à cela en transformant notre lutte en une défense de tous les services publics, y compris l’éducation, les soins de santé et les services sociaux, qui bénéficient tous d’un fort soutien parmi la classe ouvrière.

3. Préparons-nous à défier toute loi de retour au travail ou toute autre mesure d’interdiction de notre lutte orchestrée par l’État. Pour cela, il faut préparer la plus vaste mobilisation possible parmi les travailleurs pour résister au gouvernement Trudeau – un gouvernement en faveur de la guerre et de l’austérité, et le forcer à faire marche arrière.

4. Montons une contre-offensive politique contre l’austérité capitaliste et la priorité donnée aux profits des entreprises. Une telle contre-offensive passe par une rupture politique et organisationnelle décisive avec l’alliance conclue entre les Libéraux, les syndicats et le Nouveau Parti Démocratique – l’un des principaux mécanismes utilisés par la classe dirigeante pour étouffer la lutte des classes. Nous exigeons que les besoins des travailleurs soient priorisés en matière d’emplois, de services publics, de conditions de travail sûres et d’utilisation des ressources de la société, afin de satisfaire les besoins sociaux, et non les profits des entreprises et de la guerre.

Pour atteindre notre objectif, nous devons unir notre lutte à celle des postiers et des autres travailleurs d’ailleurs dans le monde. C’est pourquoi nous sommes affiliés à l’Alliance ouvrière internationale des comités de base.

Nous demandons instamment à tous ceux qui sont en accord avec ce programme de distribuer largement cette déclaration et d’assister à notre réunion publique qui se tiendra le 10 novembre à 19 heures (heure de l’Est). Inscrivez-vous ici.

(Article paru en anglais le 3 novembre 2024)

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