La déclaration suivante a été rédigée et approuvée par le Comité de base des travailleurs des postes (CBTP), qui a été créé plus tôt cette année pour organiser les postiers indépendamment de la bureaucratie du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP) et en opposition à celle-ci. Pour participer au CBTP, contactez-nous.
* * *
Le Comité de base des travailleurs des postes (CBTP) exhorte les 55.000 travailleurs des postes des groupes Exploitation postale urbaine (EPU) et Facteurs ruraux et suburbains (FRS) du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP) de voter OUI au vote de grève qui a débuté le lundi 9 septembre et qui se terminera le 20 octobre. Un vote retentissant en faveur de la grève enverra un message clair à tous les travailleurs : nous sommes prêts à mener une lutte sans merci contre la destruction des services publics et de nos conditions de travail.
Cependant, nous ne faisons pas confiance à la direction du STTP, qui n’a organisé le vote de grève qu’en guise de tactique de négociation et afin d'étouffer ce qu'elle sait être une opposition bouillonnante parmi les postiers de la base aux vastes concessions qu’exige la direction. Nous déclarons ouvertement que notre lutte est avant tout politique et qu'elle doit être dirigée contre le gouvernement libéral, qui est un proche allié politique du STTP et qui appuie les attaques de la direction de Postes Canada contre nous.
Si on laisse la bureaucratie du STTP décider, nous ne ferons jamais la grève, même si nous obtenons un vote de grève unanime. La bureaucratie a retardé un vote de grève pendant près de neuf mois, tout en organisant plus de 100 réunions avec la direction de Postes Canada qui n'ont résolu aucune de nos demandes. Le STTP invoque maintenant le cadre pro-employeur de la «négociation collective» pour nous entraîner dans un faux processus de «négociation» supervisé par le gouvernement, qui nous empêche de faire la grève jusqu'en novembre au plus tôt.
Le 31 décembre 2021 et le 31 janvier 2022, les conventions collectives des FRS et de l'EPU, respectivement, devaient expirer. Au lieu de se préparer à une grève totale contre l’offensive de l'État et de l’employeur pour une exploitation capitaliste accrue, alors que la politique de pandémie du gouvernement libéral Trudeau des «profits avant la vie» était en pleine action, le STTP a unilatéralement accepté des prolongations de convention collective de deux ans.
Nous étions indignés par la réponse officielle à la pandémie, comme l'étaient les travailleurs plus généralement au Canada et dans le monde. Le moment aurait été idéal pour revendiquer de meilleurs salaires et conditions de travail, car notre lutte était naturellement et manifestement liée à celle de la classe ouvrière dans son ensemble. Le STTP – et tous les syndicats – ont abdiqué leurs responsabilités les plus élémentaires, donnant au gouvernement et aux entreprises le feu vert pour maintenir une ligne dure contre les travailleurs, et continuer à nous exposer à l'infection et possiblement à la mort dans des lieux de travail dangereux. Ce que nous vivons actuellement, avec les négociations contractuelles qui durent depuis plus de deux ans, c'est du théâtre, pas de l'action.
Les postiers étaient prêts à se battre pour de meilleures conditions de travail à l'époque, et cela n'a pas changé ! Les deux conventions collectives prolongées arbitrairement ont expiré il y a plus de sept mois, fin décembre 2023 et janvier 2024. Et maintenant que nous disposons enfin d'un vote de grève, nous n'avons toujours pas de plan clair pour une véritable lutte visant à renverser des décennies de reculs et à obtenir des améliorations de nos conditions misérables ! Au lieu d'un plan, nous recevons des mises à jour sommaires, faisant état de toutes les concessions exigées par la société, sans aucune discussion sur une stratégie cohérente pour confronter la direction de Postes Canada, le gouvernement et le grand patronat canadiens.
La prolongation des conventions collectives et le cadre de la «négociation collective» favorable à l'employeur ont remplacé la lutte pour de meilleures conditions de travail. Maintenant que le syndicat ne peut plus faire marche arrière, on nous dit qu'il n'y aura pas de grève avant le 3 novembre au moins. Cette date, près d'un an après l'expiration de nos conventions collectives, a été fixée après que le syndicat a déposé un «avis de litige» à la fin du mois de juillet. Les dispositions antidémocratiques du Code canadien du travail ont ensuite donné au gouvernement, qui a soutenu toutes les attaques de la direction de Postes Canada contre nous par des interdictions de grève et de l'intimidation, deux semaines pour nommer un conciliateur. Ce délai est suivi de 60 jours de «conciliation», période dans laquelle nous nous trouvons actuellement, et enfin d'une période de «réflexion» de 21 jours. Cela montre à quel point le système est truqué : il y a tellement d'obstacles à franchir qu'il faut des mois avant que nous soyons en position de grève légale.
Pendant ce temps, nous peinons dans des conditions de travail de plus en plus pénibles. À l'instar de nos confrères et consœurs de l'United States Postal Service (USPS), l'inflation et les évaluations annuelles des itinéraires grignotent nos chèques de paie, tandis que la direction de Postes Canada prépare ses attaques contre nous en coulisses, sachant pertinemment que le gouvernement la soutiendra par une législation briseuse de grève ou une autre manœuvre sournoise le moment venu.
Élargissez la lutte pour empêcher l’intervention briseuse de grève du gouvernement !
Nous avons suivi de près le sort des travailleurs du rail au cours des trois dernières semaines, et cela montre que quand ça se gâte, l'État capitaliste se montre sous son vrai jour. Le fait que les cheminots aient voté massivement en faveur de la grève et que leurs revendications en matière de sécurité des lieux de travail et d'équilibre entre vie professionnelle et vie privée soient partagées par une grande partie des travailleurs, dont nous faisons partie, ne compte pas. Le gouvernement libéral est intervenu, mobilisant le Conseil canadien des relations industrielles (CCRI) non élu pour priver les cheminots du Canadien National (CN) et du Canadien Pacifique Kansas City (CPKC) de leurs droits de grève et de négociation collective, imposant à la place des ententes dictées par l'État qui maintiennent la dictature des entreprises sur les chemins de fer d'Amérique du Nord, si essentiels aux intérêts impérialistes de Washington et d'Ottawa.
La même perspective nous attend si nous n'organisons pas une lutte politique contre toutes ces forces, y compris la bureaucratie du STTP, qui présentent le gouvernement libéral comme un acteur neutre, voire une force «progressiste» susceptible de subir les pressions de la gauche, et notre lutte comme un simple conflit de négociation collective. Ce n'est pas le cas. Nous menons une bataille politique contre l'ensemble des entreprises canadiennes et nous avons besoin du soutien de l'ensemble de la classe ouvrière pour gagner. La recrudescence des luttes militantes menées au Canada et aux États-Unis par les travailleurs de l'automobile, du rail, de la livraison, des dockers et des secteurs de la santé et de l'éducation montre à quel point les conditions sont favorables pour nous rallier de l’appui, à condition que nous fassions de notre combat le fer de lance d'une contre-offensive de la classe ouvrière pour défendre les services publics et l'ensemble des emplois.
La direction du STTP craint cette perspective comme la peste. Les négociations sont au point mort, le syndicat admettant publiquement que la centaine de séances de négociation qu'il a tenues avec la direction depuis l'année dernière n'a pas permis de progresser vers un accord acceptable pour nous. La société d'État exige des concessions brutales de la part des travailleurs, et pourtant, aucune contre-offensive de la classe ouvrière n'est même envisagée par les lâches bureaucrates syndicaux.
Le rôle objectif de classe du STTP est de désarmer et d'isoler politiquement les travailleurs. L'appareil syndical forme une alliance tripartite avec le gouvernement et Postes Canada. Même s'ils parlent d'une grève, les dirigeants du STTP conspirent en fait avec Postes Canada pour déterminer la meilleure façon d'imposer une convention collective pourrie. C'est pourquoi ils ne disent rien sur la façon dont les travailleurs devraient se préparer à contrer la menace d'une loi briseuse de grève ou d'un ordre de retour au travail émis par le CCRI, alors que tout le monde sait que la menace d'une intervention de l'État est au coeur de la «stratégie de négociation» de Postes Canada, tout comme elle l'était pour les chemins de fer et les compagnies de transport maritime de la Colombie-Britannique en 2023.
Les services publics ne doivent pas être subordonnés au profit capitaliste !
Au lieu de négocier des salaires et des conditions de travail décents, la présidente nationale du STTP, Jan Simpson, préfère se concentrer sur l'imposition d'un fardeau encore plus lourd aux travailleurs postaux qui sont déjà débordés par le tri et la livraison du courrier. Dans une mise à jour syndicale, Simpson a déclaré : «Le STTP a proposé de nombreuses idées pour aider la Société à se développer et à se remettre de la situation financière dans laquelle elle se trouve depuis quelques années, y compris de nouveaux services générateurs de revenus tels que les services bancaires postaux.»
L'idée d'une banque postale lancée par la direction du syndicat part du principe que Postes Canada devrait être gérée comme une entreprise à but lucratif. Nous ne sommes pas d’accord. Les postiers ne veulent pas être transformés en distributeurs automatiques de billets et en usuriers ! Les frais de service des services bancaires postaux ne se retrouveraient pas dans les poches des travailleurs, mais serviraient à payer les primes des patrons et des cadres supérieurs. Quels types de pots-de-vin financiers aux dirigeants syndicaux et quels conflits d'intérêts pourraient être impliqués dans un tel arrangement ?
L'Australie dispose d'une banque postale depuis plus d'un siècle, et elle est toujours confrontée aux mêmes problèmes que les travailleurs postaux du Canada. Du CBTP (Australie) :
Dans un contexte de déclin précipité du courrier, pratiquement tous les services postaux nationaux sont engagés dans des opérations impitoyables de réduction des coûts alors qu'ils sont de plus en plus en concurrence avec des sociétés de distribution mondiales telles qu'Amazon, FedEx et UPS pour le contrôle de l'activité lucrative de livraison de colis. Les travailleurs des services postaux et d'autres services logistiques, ainsi que les livreurs de l'économie parallèle, sont mis en concurrence les uns avec les autres dans une course vers le bas où les emplois, les salaires et les conditions de travail sont réduits.
On pourrait dire la même chose de Postes Canada. Le fait de lier la lutte avec les travailleurs à l'échelle internationale est l'une des nombreuses choses qui distinguent le CBTP des bureaucrates nationalistes du STTP qui luttent pour la rentabilité du service postal, sachant très bien que le fardeau de la rentabilité mènera à des emplois éreintants et mal rémunérés pour les travailleurs des postes.
Le CBTP (Canada) a affirmé dans sa déclaration fondatrice :
[...] nous sommes confrontés à des ennemis puissants. Mais nos alliés potentiels sont encore plus forts. En créant le Comité de base des travailleurs des postes, nous invitons la classe ouvrière du secteur de la logistique, ainsi que des autres secteurs économiques de partout au Canada, de même que les travailleurs des postes des autres pays et la classe ouvrière internationale dans son ensemble, à se joindre à notre lutte. Nous affirmons qu’il n’y a pas de solution possible dans le cadre du système étouffant de la négociation dite «collective» organisé par l’État. En effet, nous ne pouvons contrer la menace imminente d’une législation briseuse de grève qu’en faisant de notre lutte le point de départ d’une contre-offensive dirigée par les travailleurs contre l’austérité capitaliste et la guerre.
Tout en rejetant le cadre de négociation traître, nous exhortons les travailleurs des postes à voter OUI et à faire de ce vote le point de départ d'une lutte pour la mobilisation politique de masse de la classe ouvrière à travers le Canada en défense des services publics et des droits des travailleurs et contre le gouvernement Trudeau et ses alliés de la bureaucratie syndicale.
Le CBTP (Canada) annoncera bientôt la tenue d'une réunion publique qui discutera de comment retirer l'initiative des mains de la bureaucratie syndicale pro-capitaliste et des prochaines étapes d'une rébellion politique des travailleurs contre l'alliance corporative entre le gouvernement, le STTP et la direction de Postes Canada et son programme d'austérité et de conditions de travail dignes de l'esclavage. Contactez-nous pour participer à la lutte !
(Article paru en anglais le 10 septembre 2024)