Le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP) a annoncé lundi que quelque 50.000 travailleurs et travailleuses de Postes Canada ont voté massivement en faveur de la grève. Ce vote ouvre la voie à un mouvement de grève dès le dimanche 3 novembre.
Les travailleurs de l'unité des opérations urbaines et de l'unité des facteurs ruraux et suburbains ont voté à plus de 95% en faveur de la grève, montrant clairement leur détermination à se battre après des années de concessions. La société d'État poursuit ses plans de restructuration et de déploiement de nouvelles technologies afin de réduire les travailleurs à des emplois précaires et mal rémunérés, comme ceux d'Amazon, et à des services de messagerie à but lucratif hautement exploités. Les travailleurs doivent prendre le contrôle de la mise en œuvre de ces nouvelles technologies, qui pourraient être utilisées pour alléger la charge de travail de tous les travailleurs postaux sans perte de salaire.
Les travailleurs qui ont parlé du vote de grève au World Socialist Web Site ont exprimé leur désir de lutter pour de meilleurs salaires et conditions, tout en n'accordant aucune confiance à la bureaucratie du STTP.
Kelly, membre du CMRS de l'Ontario, a expliqué: «Les postiers ont voté massivement en faveur de la grève, car nous connaissons notre valeur en tant qu'employés. La grève nous donne une meilleure position pour défendre nos intérêts. Dans aucune autre entreprise, vous ne travaillez plus d'années pour gagner moins d'argent (c'est-à-dire les restructurations), ou vous ne voyez pas vos pensions réduites alors que les hauts responsables continuent de recevoir leurs primes.»
Daniel, un autre CMRS de l'Ontario, a déclaré: «Pourquoi faisons-nous la grève ? Laissez-moi vous le dire. Je suis un CMRS depuis près de 10 ans maintenant, et j'ai tout vu. Je ne suis pas surpris que Postes Canada s'en prenne à notre régime de retraite à prestations déterminées, à nos prestations de santé et à nos salaires. Leur offre d'une augmentation de moins de 12% sur quatre ans est une véritable gifle».
Linda, une employée des postes à la retraite qui est maintenant une employée contractuelle travaillant dans le même dépôt que celui où elle a pris sa retraite, a déclaré: «C'est de la folie ici! Je n'ai même pas les moyens de profiter de ma retraite! J'ai 63 ans et je dois livrer des colis surdimensionnés dans toute la ville pour joindre les deux bouts. Je dois pointer pour l'amour du ciel, et on me reproche toujours les pannes de mon véhicule.
«J'ai participé à la fermeture de l'aéroport de Toronto en 1991, je me suis couché au sol et tout le reste, et lorsqu'ils nous ont chassés de l'aéroport, nous sommes passés à Purolator, que nous avons également fermé, mais je ne rejoindrai pas le piquet de grève cette année. Les choses ont vraiment changé. Le syndicat ne s'occupe plus de nous».
Bien que les travailleurs postaux soient en position de grève légale ce week-end, la bureaucratie du STTP n'a rien dit sur la question de savoir si et quand elle prendrait acte, sans parler d'une grève nationale. L'annonce de l'autorisation de grève par le syndicat a réitéré qu'il ne prendrait des mesures que «si aucun progrès n'est réalisé à la table des négociations». Cette formulation vague laisse toute latitude aux bureaucrates syndicaux, qui ont des liens corporatistes étroits avec la direction de Postes Canada et le gouvernement libéral de Trudeau. Il leur suffit de prétendre que les pourparlers avancent ou que «l'atmosphère» à la table de négociation s'est améliorée pour reporter indéfiniment l'action de grève. Ils préféreraient imposer une capitulation de dernière minute avant la période chargée des fêtes de fin d'année en novembre et décembre, mais cela s'avérerait risqué en raison du niveau d'opposition au sein de la base.
Les postiers doivent prendre les déclarations du syndicat comme un avertissement que la bureaucratie du STTP est déterminée à éviter, et si cela s'avère impossible, à limiter l'action des travailleurs. Ils sont surtout déterminés à empêcher que la lutte des postiers ne devienne le fer de lance d'une mobilisation plus large de la classe ouvrière contre le démantèlement des services publics, l'aggravation constante des conditions de travail et l'attaque de l'État contre le droit de grève et de négociation collective des travailleurs.
Les pourparlers entre le syndicat et Postes Canada durent depuis près d'un an et ont donné lieu à plus d'une centaine de séances de négociation, sans qu'aucun progrès ne soit réalisé dans l'intérêt des travailleurs. Entre-temps, les contrats précédents ont expiré le 31 décembre 2023 pour Urban et le 31 janvier 2024 pour les travailleurs de RSMC.
Une grève entraînerait les travailleurs de Postes Canada dans une confrontation frontale non seulement avec la direction et l'appareil du STTP, mais aussi avec le gouvernement du Premier ministre libéral Justin Trudeau, soutenu par le syndicat.
S'il ne fait aucun doute que les libéraux soient prêts à recourir à une loi de retour au travail, comme ils l'ont fait en 2018, ou à d'autres manœuvres pour interdire les mouvements de grève, comme cela a été le cas pour les travailleurs du rail, le STTP n'a rien dit sur la manière dont il lutterait contre l'intervention du gouvernement.
À l'instar des services postaux du monde entier, y compris les États-Unis, le Royaume-Uni et l'Australie, Postes Canada est déterminée à faire payer aux travailleurs les pertes croissantes dues à l'évolution de la nature de la livraison des lettres et des colis. La société d'État, qui est contrôlée et supervisée par le gouvernement fédéral, mais qui dépend du financement provenant de la vente de produits postaux, a annoncé en mai qu'elle avait enregistré une perte avant impôts de 748 millions de dollars en 2023 et qu'elle s'attendait à ce que des pertes importantes se poursuivent. Ces sommes sont dérisoires par rapport aux dizaines de milliards de dollars que le gouvernement Trudeau a alloués au soutien de la guerre déclenchée par l'OTAN contre la Russie en Ukraine et au réarmement des forces armées canadiennes pour qu'elles se joignent aux guerres menées par les États-Unis dans le monde entier.
Le fait est que Postes Canada, comme tous les services publics du Canada, a été systématiquement privée de fonds pendant des décennies. Un programme d'austérité pour tous les services publics, mis en œuvre par tous les gouvernements au pouvoir, a conduit Postes Canada à la crise.
Le président du conseil d'administration, André Hudon, a averti en août que la situation financière de Postes Canada était «insoutenable» et que le service postal national se trouvait à un «point critique». Il a déclaré aux participants à l'assemblée générale annuelle: «Il est urgent d'apporter des changements importants pour préserver le réseau de distribution de Postes Canada, qui est vital parce que c'est le seul réseau de distribution conçu pour desservir tous les Canadiens». En bref, cela signifie que la direction exige des concessions massives par le biais de l'amazonisation de ses opérations et qu'elle a l'intention de faire porter le fardeau directement sur le dos des travailleurs.
Tout au long des négociations, la présidente du STTP, Jan Simpson, a proposé à plusieurs reprises de collaborer avec la direction pour atteindre ce qu'elle appelle le «succès». Dans le communiqué annonçant le vote de grève, Simpson a déclaré: «Nous reconnaissons les défis auxquels notre employeur est confronté, et notre objectif n'est pas simplement de formuler des demandes, mais de travailler ensemble à des solutions qui soutiennent le succès à long terme de notre bureau de poste public tout en abordant les luttes réelles auxquelles nos membres sont confrontés quotidiennement».
La direction de Postes Canada partage l'idée que Simpson se fait du «succès». Tous deux conviennent que la société d'État doit être gérée comme une entreprise à but lucratif, et que les intérêts des travailleurs doivent être subordonnés à cela.
La dernière offre de Postes Canada présentée mercredi comprend une augmentation salariale insultante de 11,5% sur quatre ans, soit moins de 2,9% par an, après des années qui ont connu la pire poussée d'inflation depuis plus de quarante ans. Les travailleurs du Canada sont confrontés à un coût de la vie prohibitif, le loyer mensuel moyen avoisinant les 2.200 dollars et le coût d'une hypothèque immobilière étant hors de portée pour la plupart d'entre eux. Entre-temps, les prix des denrées alimentaires ont augmenté de près de 23% depuis 2020.
L'offre la plus récente du STTP, présentée le 7 octobre, prévoyait une augmentation de salaire de 12,65 % la première année du contrat et de 4,5% la deuxième année. L'offre prévoyait de nouvelles négociations sur les augmentations salariales ultérieures pendant le reste de la durée du contrat. Cependant, même cela ne suffirait pas à compenser l'érosion dramatique du niveau de vie des travailleurs au cours des quatre dernières années, laissant les travailleurs dans l'expectative avec un contrat à durée indéterminée.
Le syndicat a également continué à réclamer l'institution de services bancaires postaux, l'enregistrement des personnes âgées et la mise en place d'une plateforme de commerce électronique pour concurrencer Amazon comme solutions supposées à la crise financière de Postes Canada.
Contrairement à la bureaucratie du STTP, le Comité de la base des travailleurs et travailleuses des postes (CBTP) a publié en septembre une déclaration appelant les travailleurs et travailleuses à voter massivement pour autoriser une grève et à se préparer à une lutte politique contre l'alliance corporatiste entre la direction de Postes Canada, le STTP et le gouvernement libéral. Le CBTP rejette catégoriquement l'idée que Postes Canada soit gérée comme une entreprise à but lucratif et insiste plutôt sur le fait que les travailleurs et travailleuses des postes doivent faire appel à l'ensemble de la classe ouvrière pour qu'elle se joigne à une contre-offensive à la défense de tous les services publics et contre l'austérité et la guerre capitaliste.
Le Comité a été créé au début de l'année pour organiser les travailleurs postaux indépendamment et en opposition à la bureaucratie du STTP, qui a été complice de décennies de concessions et a saboté à maintes reprises les luttes militantes. Le Comité a expliqué:
Nous déclarons ne pas faire confiance à la direction du STTP, qui a appelé au vote de grève comme rien de plus qu'une tactique de négociation et comme un moyen d'étouffer ce qu'elle sait être une opposition bouillonnante parmi les postiers de la base aux demandes de concessions massives de la direction. Nous déclarons ouvertement que notre lutte est avant tout politique et qu'elle doit être dirigée contre le gouvernement libéral, qui est un proche allié politique du STTP et qui appuie les attaques de la direction de Postes Canada contre nous.
Le WSWS encourage tous les travailleurs et travailleuses de Postes Canada à se joindre au CBTP afin de préparer une véritable lutte et de placer les négociations contractuelles entre les mains de la base et des travailleurs et travailleuses. Toutes les personnes intéressées doivent remplir le formulaire ci-dessous.
(Article paru en anglais le 31 octobre 2024)