Confrontation entre la Chine et le Vietnam en mer de Chine méridionale

Le 29 septembre, deux navires de la Garde côtière chinoise ont affronté un bateau de pêche vietnamien dans les eaux contestées des îles Paracels en mer de Chine méridionale. Les garde-côtes ont arraisonné le navire, qui, selon eux, pêchait illégalement dans les eaux chinoises, ont confisqué leurs prises et ont expulsé le bateau de pêche de la région des Paracels.

Navire des garde-côtes chinois [Photo by Tyg728 via Wikimedia Commons / CC BY-SA 4.0]

Le gouvernement vietnamien a affirmé qu’au cours de la rencontre, les garde-côtes chinois ont agressé l’équipage du navire de pêche, blessant dix personnes. Le capitaine du bateau de pêche a déclaré à un journal vietnamien que trois membres de l’équipage avaient subi des fractures. Un compte-rendu publié par Voice of America, organe de presse qui fonctionne comme diffuseur de la propagande du gouvernement américain, était beaucoup plus lugubre, alléguant que les garde-côtes chinois avaient battu les pêcheurs vietnamiens avec des tuyaux en fer.

Le porte-parole du ministère vietnamien des Affaires étrangères, Pham Thu Hang, a publié une déclaration le 2 octobre disant : «le Vietnam est extrêmement préoccupé, indigné et s’oppose résolument au comportement brutal des forces de l’ordre chinoises contre les pêcheurs vietnamiens et les navires de pêche opérant dans l’archipel des Paracels du Vietnam ».

Le ministère chinois des Affaires étrangères a déclaré: «Les opérations sur place ont été professionnelles et modérées, et aucun blessé n’a été constaté.» Le Global Times, journal qui présente les points de vue de l’Armée populaire de libération (APL) de Chine, a affirmé que les images de la confrontation montraient que les autorités chinoises avaient intercepté, arraisonné, inspecté et expulsé un bateau vietnamien des îles Paracels, mais que ces mesures avaient été menées avec «retenue et en pleine conformité avec la loi».

La confrontation entre les garde-côtes chinois et les pêcheurs vietnamiens traduit des tensions similaires à celles qui sont à l’origine des affrontements et des collisions avec les Philippines sur la rive orientale de la mer de Chine méridionale. Dans ces affrontements aussi il y a des allégations de blessures et de fractures.

L’un des facteurs qui ont contribué à cette recrudescence des affrontements a été la révision de la loi sur les garde-côtes chinois qui est entrée en vigueur à la mi-juin, autorisant la saisie de navires étrangers et la détention, pour une durée pouvant aller jusqu’à 30 jours, des équipages soupçonnés d’intrusion dans les eaux revendiquées par la Chine. Les navires de la Garde côtière chinoise ont été chargés d’effectuer des activités de maintien de l’ordre dans les eaux revendiquées par la Chine. La Chine a étendu la capacité d’application de la loi de la Garde côtière comme moyen de faire respecter ses intérêts sans utiliser de navires militaires réels.

Mais si ce changement juridique a contribué à des affrontements plus fréquents, ce n’est pas ce qui alimente les tensions sous-jacentes. Tous les acteurs régionaux se positionnent en vue d’un conflit armé en mer de Chine méridionale de plus en plus probable et imminent. La Chine a pris le contrôle des Paracels et a entrepris la construction d’îles pour faciliter le réapprovisionnement et le déploiement. Le Vietnam a procédé à la construction rapide d’îles dans les Spratleys. Les Philippines entretiennent et tentent également d’améliorer une base de fortune dans les Spratleys.

Les différends maritimes et territoriaux en mer de Chine méridionale sont complexes, se chevauchent et durent depuis longtemps. La Chine et Taïwan revendiquent toutes deux des droits historiques sur la quasi-totalité de cette mer. Les Philippines, le Vietnam, la Malaisie, Brunei et l'Indonésie en revendiquent tous des parties.

Ce sont les États-Unis, qui ne possèdent aucun droit juridique dans ces différends ni aucun droit historique sur ces eaux, qui ont déstabilisé la région, transformant ce qui revenait en grande partie à une note de bas de page géopolitique en théâtre plausible d’une Troisième Guerre mondiale. Depuis l’affirmation d’Hillary Clinton en 2010 que les États-Unis avaient un «intérêt national» en mer de Chine méridionale jusqu’au déploiement par Washington d’un système de missiles à moyenne portée aux Philippines en 2024, chaque escalade des tensions a été le résultat de machinations américaines.

Le porte-parole du département d'État américain, Matthew Miller, a publié une déclaration le 4 octobre indiquant que les États-Unis étaient «profondément préoccupés par les informations faisant état d'actions dangereuses de la part de navires de maintien de l'ordre de la RPC ... Nous appelons la RPC à renoncer à toute conduite dangereuse et déstabilisante en mer de Chine méridionale».

Mais ce sont les États-Unis, et non la Chine, qui ont déstabilisé la mer de Chine méridionale. Sous le gouvernement du président Ferdinand Marcos Jr, les Philippines sont devenues le principal mandataire des intérêts américains dans la proche région. Depuis sa présidence, le Pentagone développe activement des bases dans toutes les Philippines, conformément aux termes de l’Accord de coopération renforcée en matière de défense (EDCA). Les États-Unis exploitent une installation secrète de drones à Pampanga sur l’île de Luzon, et ces drones ont survolé, documenté et probablement coordonné chaque confrontation entre les Philippines et la Chine en mer de Chine méridionale depuis le début de l’année.

Conformément à ce rôle, les Philippines ont publié des déclarations dénonçant la récente confrontation de la Chine avec le Vietnam . Alors que Hanoï a soulevé des protestations bilatérales avec l’ambassade de Chine, Manille a tenté d’aggraver l’affaire en invoquant le droit international.

Le conseiller philippin à la sécurité nationale, Eduardo Año, a publié une déclaration le 4 octobre accusant les Chinois d’«agression injustifiée», ajoutant que «l’usage de la force contre les civils viole de manière flagrante le droit international».

Manille n’a aucun droit pour dénoncer les «agressions injustifiées» contre les pêcheurs. En 2013, un navire de la Garde côtière philippine a ouvert le feu à la mitrailleuse sur un navire de pêche taïwanais non armé et sur son équipage non armé, dans le canal de Bashi. Il a tiré plus d’une cinquantaine de balles et tué un pêcheur de 65 ans. Comme excuse, la Garde côtière a prétendu qu’elle pensait que le navire venait de Chine continentale, et non de Taïwan.

Alors que les Philippines dénoncent régulièrement la Chine pour sa poldérisation et la construction d’îles en mer de Chine méridionale, cette activité a largement stagné au cours des deux dernières années. C’est le Vietnam qui est engagé dans la construction d’îles. Ces deux dernières années, il a récupéré et développé plus de terres en mer de Chine méridionale que durant l’ensemble des années précédentes.

Au cours des six mois allant de décembre 2023 à juin 2024, le Vietnam a récupéré 955 hectares, selon l’Asia Maritime Transparency Institute (AMTI), basé aux États-Unis. C’est plus de la moitié du montant total que la Chine a jamais récupéré. Ces deux dernières années, la Chine n’a presque rien construit, le Vietnam lui, a développé autant de terres que la Chine au total.

Les Philippines ont par le passé déposé des plaintes contre la poldérisation vietnamienne en mer de Chine méridionale, alléguant que ces activités modifiaient le statu quo et compliquaient les différends territoriaux, mais se sont abstenues de telles protestations contre la vague de ces deux dernières années. Un silence conforme aux objectifs géopolitiques de Washington, qui tente de réunir Vietnam et Philippines comme alliés et mandataires, pour une future guerre avec la Chine.

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