Intensifiant son agenda mondial agressif des «États-Unis d’abord», l'administration Trump a confirmé la semaine dernière qu'elle imposera de nouvelles sanctions à l'Iran, conçues pour paralyser son économie, affamer son peuple et renverser son gouvernement afin d'imposer un régime pro-américain servile.
Le président américain Donald Trump a tweeté vendredi une photo de lui dans le style d'une publicité pour la série télévisée fantastique Game of Thrones, avec le slogan: «Les sanctions arrivent, le 5 novembre». Il s'agit d'une référence à «L'hiver arrive» («Winter is Coming»), le premier épisode de la série qui a pour thèmes la violence, la vengeance et la guerre. Plus tard, Trump s'est vanté devant les journalistes: «L'Iran prend un très gros coup.»
Les mesures annoncées par Washington sont si vastes qu'elles équivalent à une déclaration de guerre. De plus, elles sont associées à par menaces d'action militaire si l'Iran persiste à défier les diktats américains. Ces sanctions violent les résolutions de l'ONU endossant l'accord nucléaire conclu en 2015 entre l'Iran, les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU (les États-Unis, la Grande-Bretagne, la France, la Russie et la Chine) en plus de l'Allemagne et de l'Union européenne.
Le secrétaire d'État américain Mike Pompeo a effectivement confirmé que Washington, qui a installé et maintenu la dictature du Shah Reza Pahlavi pendant plus de 25 ans de 1953 à 1979, cherche une fois encore à établir une hégémonie incontestée sur ce pays riche en pétrole.
«Tous les efforts visent à donner au peuple iranien non seulement le gouvernement qu'il veut et qu'il mérite», a déclaré l'ancien directeur de la CIA, en employant le langage intimidant et méprisant associé aux opérations américaines de changement de régime dans le monde.
Pour parvenir à ses fins, l'administration Trump punit directement le peuple iranien, dont des dizaines de milliers pourraient mourir à cause des obstacles américains à l'importation de nourriture et de médicaments. Elle vise également les rivaux européens de l'impérialisme américain qui, vendredi dernier, ont condamné conjointement les mesures américaines et se sont engagés à trouver des moyens de les défier.
Conformément au vœu de Trump de couper complètement les revenus pétroliers iraniens, les exportateurs de pétrole, les banques et les pétroliers feront partie des 700 compagnies, individus, navires et avions qui seront ajoutés à une liste noire des sanctions américaines existantes.
Le secrétaire au Trésor américain Steven Mnuchin a également annoncé que SWIFT, le service de messagerie financière privée basé à Bruxelles qui permet aux banques de communiquer en toute sécurité, serait également passible de sanctions. «Nous avons informé SWIFT qu'elle doit déconnecter toute institution financière iranienne que nous désignons dès que cela sera techniquement possible», a-t-il déclaré.
Les puissances européennes, ainsi que la Russie et la Chine, sont menacées parce que les sanctions américaines doivent être appliquées par des sanctions secondaires punitives. Les entreprises et les pays qui commercent avec l'Iran risquent d'être exclus du marché américain et de se voir imposer des sanctions financières et autres pénalités très lourdes.
Pompeo a déclaré que huit «juridictions» se verraient accorder des dérogations temporaires – c'est-à-dire une « autorisation » américaine de continuer à importer du pétrole ou du gaz naturel iranien après l'entrée en vigueur des sanctions américaines – mais seulement sous réserve qu'elles cessent leurs importations ou les réduisent considérablement dans les prochaines semaines. L'objectif, a-t-il réitéré, est de priver dès que possible l'Iran de tout revenu provenant des exportations d'énergie.
Pompeo n'a pas nommé les pays à exempter, si ce n'est pour dire clairement que l'Union européenne n'en faisait pas partie. Il s'agirait de l'Inde, du Japon, de la Corée du Sud et peut-être de la Chine, qui s'est jusqu'à présent conformée aux exigences américaines en réduisant ses importations de pétrole en provenance d'Iran. La Turquie, voisine au nord de l'Iran, a déclaré qu'elle était l'une des huit.
Six pays s'étaient mis d'accord pour «réduire considérablement» leurs achats de pétrole, a dit Pompeo, et deux autres ont déclaré qu'ils mettraient bientôt fin à leurs importations de pétrole iranien. L'argent provenant des ventes aux pays exemptés serait conservé dans des comptes à l'extérieur de l'Iran, a-t-il dit, et ne pourrait être dépensé qu'en articles humanitaires ou en biens approuvés.
Loin d'exempter les denrées alimentaires et les médicaments de base des sanctions, l'administration Trump, selon des responsables européens, a fait en sorte qu'ils soient soumis à l'embargo américain en fait, sinon officiellement.
Gérard Araud, l'ambassadeur de France à Washington, a déclaré cette semaine: «Bien sûr, les biens humanitaires ne sont pas sanctionnés. Mais le fait est que les banques sont tellement terrifiées par les sanctions qu'elles ne veulent rien avoir à faire avec l'Iran. Cela signifie que dans quelques mois, il y a un fort risque de pénurie de médicaments en Iran si nous ne faisons rien de positif.»
En septembre, les ambassadeurs du Royaume-Uni, de France et d'Allemagne aux États-Unis ont effectué des visites conjointes auprès des départements du Trésor et d'État américains pour tenter de persuader l'administration Trump d'établir une «liste blanche». Cela donnerait des lignes directrices sur les canaux que les banques et les entreprises européennes pourraient suivre pour effectuer des transactions exemptées.
Sous les sanctions précédentes, les banques et entreprises étrangères ont évité toutes les transactions avec l'Iran par crainte d'être pénalisées, ce qui a entraîné de graves pénuries de médicaments vitaux et de produits alimentaires de base dans les années précédant l'accord de 2015.
«Il ne fait aucun doute que la vie de milliers de patients sera en danger», a déclaré Ahmad Ghavideh, de la société iranienne d'hémophilie, dans une entrevue au Guardian par téléphone depuis Téhéran. «Tout retard dans l'approvisionnement en médicaments, en particulier dans le secteur dans lequel je travaille, aura des conséquences catastrophiques», a déclaré le responsable de l'ONG.
Vendredi, l'envoyé spécial du département d'État pour l'Iran, Brian Hook, a exclu de prendre des dispositions spéciales pour les biens humanitaires. «Ce n'est pas aux États-Unis qu'il incombe d'identifier les voies de communication sûres», a déclaré M. Hook aux journalistes. «Les banques n'ont pas confiance dans le système bancaire iranien... C'est le problème de l'Iran, pas le nôtre.»
Ellie Geranmayeh, conseillère politique au Conseil européen des relations extérieures, a déclaré aux journalistes: «J'ai parlé à un certain nombre de sociétés pharmaceutiques européennes et elles disent que leurs banques ont signalé qu'elles allaient avoir du mal à faire face à tout paiement en provenance d'Iran. Cela n'est pas conforme à la politique déclarée de l'administration Trump selon laquelle les sanctions ne sont pas contre le peuple iranien.»
Pompeo a déclaré vendredi que les sanctions visaient à «priver le régime des revenus qu'il utilise pour répandre la mort et la destruction dans le monde entier». En réalité, ce sont les États-Unis, la plus grande puissance nucléaire du monde, qui ont une longue histoire documentée d'agressions militaires, de coups d'État, d'assassinats et de soutien au terrorisme, y compris la destruction de sociétés entières à travers le Moyen-Orient depuis 2001 – que ce soit la Libye, le Yémen, la Syrie, l’Irak ou l’Afghanistan.
De plus, les exigences formulées par Washington à l'égard de l'Iran l'obligent à cesser tout enrichissement d'uranium, c'est-à-dire à renoncer définitivement au droit de développer un programme nucléaire civil, y compris pour la production d'électricité et à des fins médicales. Téhéran insiste sur le fait qu'il s'est pleinement conformé à l'accord nucléaire de 2015, ce que l'Agence internationale de l'énergie atomique, l'organe de conformité des Nations unies, a confirmé à plusieurs reprises.
Depuis mai, lorsque Trump s'est retiré de l'accord nucléaire de 2015, connu sous le nom de Plan d'action conjoint, les exportations iraniennes de pétrole brut ont chuté d'environ un tiers, soit environ un million de barils par jour.
Cette situation et les sanctions américaines existantes à l'encontre de 168 individus, entreprises et groupes iraniens ont poussé l'économie iranienne au bord de l'effondrement. Sa monnaie a perdu environ 70 % de sa valeur cette année.
Les actions américaines alimentent les tensions géostratégiques et intensifient le risque de guerre. Pompeo et Mnuchin ont déclaré que les États-Unis tenteraient de contrecarrer tout effort européen visant à contourner les sanctions.
Le chef de la politique étrangère de l'UE, Federica Mogherini, a publié vendredi une déclaration commune avec les ministres des affaires étrangères britannique, français et allemand dans laquelle ils ont déclaré qu'ils continueraient à travailler sur les moyens de maintenir le commerce avec l'Iran. «Notre détermination collective à mener à bien ce travail est inébranlable», peut-on lire dans le communiqué.
La déclaration européenne fait allusion au danger de guerre et défend l'accord nucléaire de 2015 comme «étant essentiel pour la sécurité de l'Europe, de la région et du monde entier».