La conférence de presse à
la Maison Blanche jeudi, la première tenue par le président Barack
Obama depuis près de dix mois, a été consacrée à présenter son
gouvernement comme un centre opérationnel de gestion de la crise
provoquée par la catastrophe pétrolière dans le golfe plutôt que
comme valet de BP, le géant pétrolier dont la course aux profits
est à incriminer pour le pire désastre écologique de l'histoire
des Etats-Unis.
Malgré la référence, à
présent rituelle, à sa « colère et frustration »,
Obama suintait l'indifférence. Peu de temps avant qu'il ne
prenne la parole, des rapports contenant de nouvelles évaluations
avaient émergé confirmant que la quantité de pétrole déjà
rejetée dans le golfe dépassait de loin celle déversée lors du
naufrage du pétrolier Exxon Valdez en 1989 - un fait qu'Obama a
omis de mentionner dans ses remarques préliminaires.
La réaction passive et
littéralement non existante du gouvernement est à présent
tellement évidente qu'elle en est devenue un sujet de critique au
sein du propre parti du président, Obama a concentré ses remarques
sur l'affirmation que le gouvernement fédéral, et non pas BP,
était en charge de l'opération de colmatage du puits Deepwater
Horizon et des efforts en vue de protéger des centaines de
kilomètres de littoral vulnérable à présent touchés par un
déversement de pétrole toxique.
« Nos équipes sont
autorisées à diriger BP, tout comme elles étaient autorisées à
diriger ces mêmes équipes si celles-ci étaient, techniquement
parlant, rémunérées par le gouvernement fédéral, » a-t-il
précisé.
Si cette version est
vraie, alors c'est pire encore pour Obama, puisqu'il a dit que son
gouvernement était responsable des actions engagées par PB au
cours du dernier mois : dissimulation de l'ampleur de la
fuite, échec du colmatage du puits et entrave aux opérations de
nettoyage.
La vérité est que le
gouvernement américain est prostré devant la puissance des
compagnies pétrolières multinationales géantes tout comme il l'a
été précédemment devant les exigences de Wall Street pour un
renflouement de plusieurs milliers de millions de dollars. Les deux
partis qui se relayent le contrôle du gouvernement sont tous deux
des instruments politiques du patronat et leur première priorité
notamment en situation de crise, est de sauvegarder les intérêts
de l'aristocratie financière.
Lors de la conférence de
presse, Obama a admis dans ses remarques qu'il y avait eu une
« relation de proximité . une relation scandaleusement
étroite entre les compagnies pétrolières et l'agence qui les
contrôle. » Mais il a suggéré que ces rapports avaient été
établis sous le gouvernement Bush et n'existaient plus
maintenant. Ce n'est là qu'un des nombreux mensonges proférés
durant cette conférence de presse qui a duré une heure.
Le bilan montre qu'Obama
et son secrétaire à l'Intérieur, Ken Salazar - qui est connu
pour ses critiques de droite à l'égard du gouvernement Bush
auquel il reprochait de se montrer trop restrictif vis-à-vis de
l'industrie pétrolière - ont pris de nombreuses mesures ces
seize derniers mois visant à accélérer le forage dans le golfe.
Comme
le soulignait le World Socialist Web
Site le 10 mai ("Obama
administration blocked efforts to stop BP oil drilling before
explosion"), le gouvernement
était intervenu lors d'un procès devant la justice fédérale en
faveur du forage pétrolier dans le golfe du Mexique, et Salazar
avait spécifiquement cité l'opération Deepwater Horizon de BP
comme devant faire partie de celles qu'il fallait autoriser.
Une première décision de
la cour - rendue quelques jours seulement après qu'Obama eut
accordé à BP une dérogation environnementale pour sa plateforme
Deepwater Horizon - avait constaté que le forage pétrolier dans
le golfe se pratiquait sans que des examens appropriés de son
impact n'aient été faits. Salazar avait loué une décision
ultérieure de la cour, rendue en juillet 2009, permettant au projet
de BP d'aller de l'avant condamnant ainsi à une catastrophe
environnementale une grande partie du littoral américain du golfe.
Les propositions d'Obama
suite au désastre sont une preuve de plus de la servilité de son
gouvernement à l'égard des monopoles pétroliers. L'annonce de
vouloir prolonger de six mois un moratoire sur les forages en mer et
de suspendre ou d'annuler de nouveaux projets d'exploration au
large de l'Alaska, de la Virginie et dans la zone ouest du golfe
du Mexique, était la moindre des choses que la Maison Blanche
pouvait faire en ces circonstances d'intense indignation publique.
Le gouvernement a également indiqué que 33 forages de « puits
de prospection » seraient provisoirement suspendus - sans
préciser que la grande majorité des plateformes de la région
continueront d'opérer sans entrave.
Le président n'a
annoncé aucune mesure contre BP ou l'industrie pétrolière en
général. Tout en admettant que l'industrie pétrolière était
engagée dans des relations « corrompues » avec les
responsables fédéraux, Obama n'a pas suggéré que les
dirigeants d'entreprise soient exposés à des poursuites
judiciaires pour de telles activités.
Obama semblait à la fois
ne pas vouloir et ne pas pouvoir exprimer l'indignation et
l'aversion ressenties par des millions de personnes à l'égard
des multinationales géantes du pétrole. Au lieu de cela, il a
déclaré en des termes qui semblent presque refléter une
indifférence provocatrice face au sentiment public, « les
intérêts de BP vont de pair avec l'intérêt public dans la
mesure où ils veulent boucher le puits. C'est mauvais pour leur
entreprise ; c'est mauvais pour leur chiffre d'affaire. Ils
auront à verser pas mal d'indemnités. »
Il n'y a pas eu d'appels
de politiciens démocrates influents pour que des dirigeants de BP
soient arrêtés, poursuivis ou emprisonnés, ou pour la
confiscation des biens de la multinationale géante dans le but de
payer les dégâts passés sous silence qu'elle a causés. Et tout
ceci dans des conditions où une décision de recourir aux
dirigeants mêmes de BP pour colmater la brèche bénéficierait
d'un soutien de masse - comme un choix qui, dans tous les cas,
ne pourrait avoir que des conséquences bénéfiques.
Les
médias qui sont à la botte des grandes entreprises sont tout aussi
sourds à la colère populaire. Lors de la conférence de presse
d'Obama pas une seule question ne fut posée par les représentants
des médias pour suggérer la moindre action punitive à l'encontre
de BP. Ce silence est d'autant plus remarquable que ces derniers
jours des grands quotidiens - le New
York Times, le Los
Angeles Times, et même le Wall
Street Journal - ont fourni
d'amples informations sur les démarches entreprises par des
responsables de BP durant les jours et les heures qui avaient
précédé l'explosion de la plateforme Deepwater Horizon et qui
correspondent à de la négligence criminelle.
Une question posée par
Fox News a critiqué une certaine rhétorique du gouvernement Obama
comme étant extrêmement anti-patronale - l'affirmation de
Salazar de « maintenir le poignard sur leur gorge ».
Obama a rapidement désavoué les propos de Salazar en disant,
« Nous n'avons pas besoin de recourir à un tel langage. »
Loin d'être extrême,
un tel langage n'est que le pâle reflet de l'aversion ressentie
par des millions de personnes à l'encontre des banques et des
groupes géants qui ont d'abord causé la plus grande crise
financière et la récession économique la plus profonde depuis la
Grande dépression et qui ont maintenant causé le plus grand
désastre environnemental de l'histoire des Etats-Unis, voire
peut-être du monde.