Les agissements criminels de BP qui ont conduit à l’explosion de la plateforme
de forage Deepwater Horizon et furent documentés lors d’une récente
audition parlementaire, ainsi que l’incompétence et la cupidité de la réponse
du trust à la marée noire qui s’en est suivie, ont provoqué une colère
grandissante dans la population. Des millions de gens se demandent pourquoi on
ne leur a pas encore montré les images télévisées de dirigeants menottés et
embarqués dans des voitures de police, leurs passeports confisqués et leur
fortunes saisies, et toutes les vastes ressources de BP consacrées à stopper la
marée noire et à nettoyer le golfe du Mexique.
Mais l’administration Obama insiste au contraire, depuis le début des
événements, pour que BP garde le contrôle du site de la fuite et des opérations
de nettoyage. Seul BP a l’« expertise » nécessaire à traiter
cette fuite, ont constamment répété les responsables de l’administration.
Chose absurde à première vue. Cela revient à donner à celui qui a perpétré
le crime le contrôle des lieux du crime – au prix de la perte de dizaines
de milliers d’emplois et d’une catastrophe environnementale et
écologique d’une ampleur sans précédent.
Le géant pétrolier a trébuché d’un désastre à l’autre dans sa
tentative de stopper l’hémorragie au fond de l’océan, à 50 miles
des côtes de la Louisiane, ses opérations étant à chaque instant fatalement
compromises par sa préoccupation avec le profit, préoccupation qui domine
toutes les autres sous le capitalisme. Tout comme le désastre de la plateforme
Deepwater Horizon fut créé par la recherche aveugle du profit, la réponse de BP
à la marée noire a été subordonnée à la défense de cette ligne de base.
Après l’explosion, BP a pendant près d’un mois dissimulé la
preuve visuelle contredisant son affirmation selon laquelle l’impact de
la fuite de pétrole serait « très très modeste ». La formule est du directeur
général de BP, Tony Hayward et date de la semaine dernière.
Des milliers de pêcheurs des côtes du golfe du Mexique ont été privés de
leur emploi par la marée noire ; beaucoup d’entre eux n’ont
aucun accès à une allocation chômage. Eux et leurs bateaux sont prêts à
rejoindre les opérations de nettoyage, mais BP n’a embauché qu’un
faible partie d’entre eux et d’abord à condition que les pêcheurs
renoncent à leur droit de poursuive BP en dommages-intérêts.
BP a utilisé environ 3 millions de litres du dispersant chimiques Corexit, plus
toxique et moins efficace que d’autres dispersants aisément disponibles
sur le marché. Le seul avantage apparent de Corexit et que la société qui le
vend, Nalco, est dominée par des directeurs ayant d’étroites relations
avec BP et Exxon.
Des mesures plus efficaces pourraient être prises pour contenir et éliminer
le pétrole – par exemple en déployant des boudins absorbants qui aspirent
le pétrole plutôt que des boudins en plastique qui permettent au pétrole de passer
en dessous et au dessus, où en créant des îles faisant office de barrières le
long des côtes du golfe. Mais ces possibilités, ainsi que d’autres, ont
été écartées à cause de leur coût.
BP affirme qu’il a dépensé jusque-là 760 millions de dollars en
rapport avec la fuite. Même si cela était vrai, c’est là une somme
relativement modeste. Peter Hitchens de Panmere Gordon dit au Wall Street
Journal que BP pouvait « facilement absorber » 20 milliards de
dollars en coûts liés à la fuite. « BP aura tendance à considérer cela
comme une somme unique » dit-il.
De même que Transocean, le propriétaire et l’opérateur de Deepwater
Horizon, a récemment versé un milliard de dollars en dividendes à ses
actionnaires au moment même où il allait devant les tribunaux pour faire limiter
à 27 millions de dollars sa responsabilité financière vis-à-vis des ouvriers
blessés et des familles des onze ouvriers tués dans l’explosion, la marée
noire ne va probablement pas non plus affecter les versements de BP à ses
propres actionnaires.
L’insistance de l’administration Obama pour que BP garde le contrôle
des opérations alors que le désastre augmente de jour en jour, est une cause de
nervosité dans les milieux dirigeants. Le Sénateur Lamar Alexander du Tennessee
dit à une chaîne d’information télévisée durant le week-end que
« selon la loi, le gouvernement fédéral peut prendre le contrôle [de la
fuite] s’il le veut » et le stratège de longue date du Parti
démocrate James Carville, de Louisiane, dit à Obama « Allez, tu dois
descendre là bas et en prendre le contrôle, mettre quelqu’un à la tête de
cette opération et faire avancer les choses ». « On est sur le point
de mourir ici ».
Les politiciens s’inquiètent d’un changement d’attitude
dans la population quant à la marée noire. Selon le dernier sondage USA
Today/Gallup, 60 pour cent des Américains sondés jugent la réaction de
l’administration « médiocre ». Près des trois quarts disent la
même chose de la réponse de BP.
Un trait constant de la réponse de l’administration Obama, qui est
allée de la défense fanfaronne des forages en eau profonde durant les premiers
jours suivant le désastre à une critique impuissante des intérêts patronaux
impliqués, a été son insistance pour que BP garde le contrôle des opérations.
Pourquoi ?
Durant les dernières décennies, le capitalisme américain s’est appuyé
sur l’élimination presque complète de toutes les restrictions légales à
la poursuite du profit. La déréglementation s’est étendue à toute
l’économie, laissant les grands trusts industriels contrôler leur propre
sécurité et leur propre prestation environnementale. Du secteur financier aux
compagnies aériennes en passant par l’industrie énergétique, la
déréglementation est devenue un désastre pour le peuple américain.
L’appareil gouvernemental tout entier, ses divers départements, les
deux principaux partis politiques et leurs politiciens aux ordres se sont si
bien intégrés à la structure du grand patronat et de Wall Street et sont si
parfaitement soumis aux intérêts patronaux que toute imposition d’un
contrôle gouvernemental est presque impensable.
Dans ces conditions, l’administration Obama craint que même un faible contrôle
gouvernemental sur la marée noire n’ouvre la porte à des revendications
populaires en faveur d’actions similaires pour d’autres secteurs de
l’économie. Pourquoi, après tout, les intérêts financiers qui ont mené à
l’effondrement de l’économique mondiale devraient-ils continuer à
contrôler les opérations du « nettoyage » économique – au coût
de billions de dollars de richesse publique ?
Le commandant des gardes-côtes américains, Thad Allen, posa la question
centrale sans le vouloir lorsqu’il déclara lors d’une conférence de
presse cette semaine que seul BP pouvait s’occuper de la marée noire,
parce qu’il « possédait les moyens de production ». Mais pourquoi
devrait-on permettre à BP, ou à toute autre société, de posséder des moyens de
production qui sont le produit du travail collectif de la population
travailleuse et de les utiliser entièrement au profit des fortunes privées de
ses directeurs, des banques et des grands investisseurs.
En fait, la catastrophe du golfe du Mexique parle haut et fort pour
qu’on retire les moyens de productions des mains des criminels qui ont
causé cette marée noire.
On ne peut répondre à ce désastre que sur la base d’une estimation
objective et scientifique de ce qui s’est réellement passé et de ce qui
est requis afin de parer au dommage environnemental et économique. Cela exige
une réponse sociale, mettant à l’œuvre de nombreux milliers de
personnes, guidées par la meilleure connaissance scientifique disponible.
On peut facilement réunir les ressources nécessaires à un effort d’une
telle envergure en saisissant les avoirs de BP, Transocean et Halliburton. Il
faut confisquer les fortunes personnelles de leurs directeurs et entamer des
poursuites judicaires pour crimes.
Les grandes société énergétiques doivent, de même que les établissements
financiers, être placés sous le contrôle démocratique de la classe ouvrière et
gérées de façon à satisfaire les besoins de la société plutôt que pour générer
du profit privé. Ce n’est que sur cette base que les besoins en énergie
de la population peuvent être satisfaits, à bon marché et d’une façon sûre.
Si de telles mesures ne sont pas prises, il est certain que d’autres
marées noires et d’autres catastrophes environnementales se produiront
qui mettront finalement en cause la survie de la civilisation. Bref, la marée
noire du Deepwater Horizon pose la nécessité urgente du socialisme.