L'explosion sur la plate-forme pétrolière Deepwater Horizon
appartenant à la société BP le 20 avril au large des côtes de la Louisiane,
qui a coûté la vie à 11 travailleurs et a entraîné une fuite de pétrole
massive menaçant de ruiner toute la côte du golfe du Mexique sur le plan
économique comme sur le plan environnemental, constitue une mise en
accusation majeure du capitalisme américain.
Chaque jour apporte son lot de révélations sur la manière dont les
autorités fédérales, tant sous Bush que sous Obama, ont aidé et même incité
BP et toute l'industrie pétrolière à négliger les précautions de sécurité et
environnementales qui auraient pu empêcher ce désastre.
Parmi les dernières révélations, on compte :
En 2000, le Service des ressources minières (MMS) a requis un avis
de l'industrie sur des problèmes liés aux dalles utilisées autour des
bouches des puits de haute mer pour empêcher les éruptions de pétrole.
L'industrie pétrolière n'a effectué aucune recommandation, et aucune
règlementation n'a été mise en place.
Une étude de 2002, menée par le MMS a révélé que des éléments
essentiels des dispositifs destinés à empêcher les éruptions sur les
plates-formes ne fonctionnaient pas. Dans des tests en laboratoire menés
sur les systèmes qui coupent les tuyaux après une éruption, la moitié
des modèles d'un constructeur n'ont pas fonctionné. Sept autres
constructeurs ont refusé de faire passer le test à leur système.
Une étude commandée en 2004 par le MMS a élevé de sérieux doutes sur
la possibilité de ces équipements de fonctionner par les pressions qui
régnaient au fond de l'océan. Aucun barème n'a été établi.
Deepwater Horizon n'avait pas d' « interrupteur acoustique », un
système de secours permettant de déclencher le blocage des éruptions en
cas d'explosion. L'industrie pétrolière américaine a trouvé le prix de
ces systèmes (500 000 dollars) trop élevés et la MMS ne les a pas rendus
obligatoires, alors qu'ils le sont en Norvège et au Brésil.
Le nombre d'inspections des sites de forage menées par le MMS a
diminué de 41 pour cent entre 2005 et 2009, alors même que le nombre de
plates-formes opérant dans les eaux américaines augmentait. Le nombre de
pénalités infligées par le MMS pour des violations de ses règlements est
tombé de 66 en 2000 à 20 l'année dernière.
En juin 2009, le MMS a dispensé BP de la publication d'un rapport
d'impact environnemental pourtant exigé par la loi concernant le site
que Deepwater Horizon allait exploiter. Obama avait pourtant été
averti par la NOAA (Administration nationale des océans et de
l'atmosphère) que les études du MMS approuvant les forages en haute mer
n'étaient pas fiables.
Ces décisions ont directement entraîné la mort des 11 travailleurs à bord
de Deepwater Horizon et la catastrophe environnementale dans le
Golfe. Les travailleurs tués dans l'explosion de BP ne sont que les victimes
les plus récentes. D'après les données du Forum international des autorités
de régulation, entre 2004 et 2009, les travailleurs des plates-formes
pétrolières américaines avaient quatre fois plus de risques d'être tués et
23 pour cent de plus de risque d'être blessé que les travailleurs en Europe.
Alors qu'il y a eu 5 accidents de « pertes de contrôle du puit » sur des
plates-formes américaines en 2007-2008, dans cinq autres grands pays du
forage off-shore – le Royaume-Uni, la Norvège, l'Australie et le Canada - il
n'y en a eu aucun.
Depuis 2001, il y a eu 69 morts, 1349 blessés et 858 feux ou explosions
de plates-formes rien qu'en comptant celles opérant dans le Golfe du
Mexique, selon l'Association internationale des entreprises de forage.
Les liens incestueux entre le MMS et l'industrie pétrolière n'ont pas
cessé après l'élection d'Obama. Obama était en fait le principal
bénéficiaire des "employee donations" de BP durant la campagne de
2008, l'entreprise a mobilisé des dizaines de millions de dollars pour une
campagne de lobbying massive avec l'appui de gens influents à Washington
comme le faiseur de rois du parti Démocrate John Podesta, l'ex-dirigeant de
la majorité démocrate à la Chambre des députés Thomas Daschle et l'ex
sénateur républicain Alan Simpson (un membre essentiel du comité bipartisan
sur le Budget créé par Obama). Le directeur actuel de la CIA Leon Panetta a
également servi BP dans son « Conseil de recommandations externe ».
Quelques semaines seulement avant le désastre du Golfe, Obama a fait un
cadeau indéniable aux compagnies pétrolières en déclarant son intention de
rendre de grandes portions de la côte américaine accessibles aux forages
pétroliers. L'explosion de Deepwater Horizon est la conséquence de
décennies de « déréglementation » où on a proclamé que le « libre marché »
était le plus efficace quand il se réglementait lui-même. À partir de la fin
des années 1970, le gouvernement américain, qu'il soit démocrate ou
républicain, a oeuvré à systématiquement éliminer toutes les contraintes
pesant sur les profits des entreprises.
Le résultat en a été désastreux pour la population des États-Unis et du
monde. Des entreprises contrôlant de vastes ressources sociales prennent les
décisions affectant des millions de gens sur la base du profit qu'elles
peuvent en tirer. Travaillant en étroite collaboration avec les « autorités
de réglementation » qui ne sont guère plus que des succursales possédées
entièrement par l'industrie, l’élite des entreprises élimine tous les
obstacles qui réduisent son profit et ceux des actionnaires, qu’il s’agisse
de la protection de l'environnement, de celle des consommateurs ou celle des
travailleurs - comme l'a prouvé toute une série d'accidents mortels récents
sur les lieux de travail.
Dans toutes les industries, l'histoire est la même – que ce soit les
mines, la production automobile, les transports, les télécommunications et,
bien sûr, la finance. En fait, l'éruption de pétrole toxique au fond de la
mer a son pendant dans l'éruption de produits financiers toxiques qui a
déclenché la crise financière de 2008. Sous la direction du gouvernement
Obama, les gouvernements de tous les pays ont répondu au désastre en
renflouant les responsables – l'élite financière – et en laissant la classe
ouvrière payer la note. Dans ce sens, la crise du Golfe et la crise grecque
sont liées par un système économique et social commun.
Les avoirs de BP, Transocean, Halliburton et de leurs dirigeants – des
centaines de milliards de dollars – doivent être pris et utilisés pour les
besoins des habitants du Golfe et pour mettre en place un programme de
nettoyage environnemental de grande ampleur. Les dirigeants et les
régulateurs dont les choix ont causé ce désastre devraient être poursuivis
en justice.
L'emprise des élites entrepreneuriales et financières sur la société et
ses ressources doit être brisée. Cela exige la réalisation d'un programme
socialiste de production d'énergie. Les grandes corporations énergétiques
doivent être reprises et converties en services publics, contrôlées
démocratiquement par la classe ouvrière dans l'intérêt des besoins sociaux.
(Article original paru le 8 mai 2010)
Voir aussi :
Marée noire dans le golfe du Mexique : un Tchernobyl américain