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WSWS : Nouvelles et analyses : Etats-Unis

Marée noire dans le golfe du Mexique : un Tchernobyl américain

Par le Comité politique du Parti de l'Egalité socialiste (Etats-Unis)
6 mai 2010

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Chaque jour qui passe accroît l'ampleur du désastre déclenché par l'explosion de la plateforme dans le golfe du Mexique. Entre 5.000 (chiffres officiels) et 25.000 (chiffres évalués par certains scientifiques) barils de pétrole s'échappent chaque jour dans le golfe. Jusqu'à l'arrêt de la fuite, des millions sinon des dizaines de millions de litres de pétrole se seront déversés sur le littoral et les zones humides côtières et marines.

Onze ouvriers ont déjà trouvé la mort dans cette récente catastrophe industrielle de l'industrie énergétique américaine. A présent, l'on s'attend à la fermeture de l'industrie de la pêche et des fruits de mer le long des côtes pendant des années et peut-être même une génération entière. La destruction du fragile écosystème de la région pourrait se révéler être irréparable.

Impliquée dans le désastre on trouve l'une des plus grandes entreprises mondiales, British Petroleum, ainsi que ses partenaires et des sous-traitants tels Transocean Ltd., spécialisé dans les forages en haute mer, de même que Halliburton qui avait effectué, à peine une semaine avant l'explosion, d'importants travaux à la tête de puits.

Aucune des entreprises géantes qui ont provoqué ce désastre n'a de solution. Lorsqu'elle avait initialement entrepris le projet de forage en eau profonde il y a 15 mois, PB avait assuré qu'il était « improbable qu'un déversement accidentel de pétrole puisse survenir du fait des activités proposées ». Et même, dans le cas d'une fuite, avait affirmé l'entreprise, « en raison de l'éloignement du littoral (75 kilomètres) et des capacités de réaction qui seraient mises en ouvre, aucun impact négatif significatif n'est attendu ».

Les assurances données depuis l'explosion sont aussi peu crédibles. BP et ses partenaires ont affirmé tout d'abord que la plateforme était solide et que la sortie du puits était bouchée et ne comportait pas de fuites. Après que la plateforme a sombré et que le pipeline s'est rompu, BP a déclaré qu'il n'y avait eu qu'une fuite accidentelle de pétrole. Même après avoir reconnu l'existence d'une fuite, l'entreprise a cherché à minimiser la fuite et des estimations ont été corrigées vers le haut à plusieurs reprises. Dans le cas du scénario le plus pessimiste, le déversement du pétrole pourrait atteindre 100.000 barils par jour.

Entre jeudi matin et vendredi soir, l'étendue de la nappe de pétrole résultant de la fuite de pétrole a triplé pour atteindre près de 10.000 mètres carrés. En plus de souiller la Louisiane, l'Alabama et le Mississippi, la nappe pourrait progresser le long des côtes du golfe de Floride pour toucher les Florida Keys d'où le courant du golfe Stream répandrait le pétrole brut flottant jusqu'au bout de la péninsule et le long des littoraux de l'Atlantique.

Cette catastrophe représente la pire marée noire de l'histoire des Etats-Unis. Si les efforts déployés pour boucher ce qu'un observateur a qualifié de « volcan sous-marin » échouaient, la fuite pourrait se poursuivre jusqu'à ce que le bassin de pétrole tout entier touché lors du forage se soit vidé, ce qui en ferait de loin la plus grande marée noire de l'histoire.

Alors que des références sont d'ores et déjà faites au « Katrina d'Obama », une autre comparaison est peut-être plus appropriée : Tchernobyl. La fusion du cour du réacteur nucléaire en 1986 à Tchernobyl avait contaminé une vaste étendue de l'Ukraine et de la Biélorussie en faisant environ 50.000 victimes. L'événement avait montré qu'en dépit des affirmations de prospérité économique et de force militaire, le régime stalinien de l'URSS s'était paralysé et évidé.

La première réaction de la bureaucratie stalinienne avait été de dissimuler et de minimiser l'ampleur du désastre. Ce n'est qu'au fil du temps que son étendue réelle a été connue. Ce faisant, l'incompétence de la bureaucratie et son indifférence face au sort de la population furent révélées.

Pour le capitalisme américain, ces trois dernières décennies ont été une période de putréfaction - socialement, économiquement, culturellement et politiquement. Les Etats-Unis se sont accrochés à leur position de plus grande puissance mondiale militaire, mais la putréfaction intérieure n'a fait que s'aggraver.

Au nom du « Libérons-nous du gouvernement » et en déchaînant la puissance du libre marché, l'Amérique des grandes entreprises a obtenu le droit de piller tandis que l'infrastructure sociale du pays se dégradait de façon drastique - un fait qui fut révélé de façon dramatique par les défaillances des digues à la Nouvelle-Orléans à l'occasion du passage de l'ouragan Katrina en 2005.

Le gouvernement Obama n'a rien à envier au gouvernement Bush dans sa servilité à l'élite patronale et son indifférence face au bien-être de la population américaine. Le désastre du 20 avril est survenu à peine un mois après qu'Obama a accordé l'autorisation d'étendre le forage au large du golfe du Mexique et de la côte atlantique ; en affirmant que le forage était parfaitement sûr, il a fait la démonstration de sa servilité envers les entreprises pétrolières.

Depuis l'explosion, la principale préoccupation du gouvernement a été de détourner des monopoles pétroliers la colère de la population. BP a gardé la direction des travaux de forage, ce qui équivaut de fait à laisser à l'auteur du crime le contrôle de la scène du crime.

Le haut fonctionnaire gouvernemental sur place, le commandant des garde-côtes américains, Thad Allen, a pris vendredi la défense de BP contre les critiques formulées à son égard pour n'avoir rien prévu dans le cas d'une telle défaillance d'un équipement et qui semble avoir causé le désastre. « Il est difficile d'élaborer un plan pour un événement catastrophique qui est sans précédent, et c'est le cas ici, » a-t-il dit, « qu'aurait-on pu prévoir, pour un événement que l'on ne pouvait pas prévoir ? »

Qu'une telle déclaration puisse être faite n'est que la preuve de l'irresponsabilité de la classe dirigeante américaine qui n'est motivée que par son obsession pour les fluctuations déterminant les cours du lendemain à la bourse. En fait, une explosion comme celle qui vient de se produire était tout à fait prévisible. Des accidents identiques sont survenus ailleurs - y compris au large des côtes australiennes l'année dernière. Comme dans le cas de l'ouragan Katrina, depuis des années, les scientifiques redoutaient un incident vraiment grave (« big one ») - une fuite ne pouvant être colmatée provenant d'un puits en haute mer près des côtes américaines.

Après avoir en grande partie ignoré la catastrophe durant la première semaine, la Maison Blanche espère qu'une opération de relations publiques (« photo op ») pourrait en quelque sorte redresser la situation. La visite d'Obama sur la côte du golfe du Mexique ne peut toutefois pas cacher le fait que ni lui ni le gouvernement n'a rien à offrir pour empêcher une catastrophe imminente. Comme le reconnaît le gouvernement lui-même, cela pourrait prendre des mois avant qu'on ne trouve de solution à la nappe de pétrole.

Une fois de plus, il est présenté à la population du monde un rappel sobre de l'énorme potentiel destructeur que possèdent les grands groupes industriels qui contrôlent l'économie mondiale. A commencer par l'effondrement financier mondial, en passant par la destruction de l'environnement et le réchauffement climatique, à l'appauvrissement de masse et aux maladies - la subordination de la société de masse aux intérêts de profit de ces entreprises engendre un désastre après l'autre.

Ceux qui sont responsables de ce dernier désastre en date, y compris les dirigeants des groupes et les responsables gouvernementaux, doivent rendre des comptes et être traduits en justice. Ce qui est avant tout une nécessité pressante c'est la transformation de ces grands groupes en des entités devenant propriété publique démocratiquement contrôlée - permettant ainsi une régulation consciente de leur rapport à la nature et à la société dans le but de satisfaire les besoins de la société.

(Article original paru le 3 mai 2010)

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