Les travailleurs de l’usine d’emboutissage General Motors d’Indianapolis
ont pris une attitude courageuse à l’encontre des intérêts ligués du trust
et du syndicat UAW (United Auto Workers) qui veulent leur imposer une baisse
de salaire de 50 pour cent. Lors d’une assemblée qui s’est tenue le dimanche
15 août, les ouvriers de la base du syndicat ont hué les responsables de la
centrale syndicale de Detroit et les ont chassés de l’assemblée.
L’hostilité viscérale des ouvriers vis-à-vis de fonctionnaires syndicaux
fortement rémunérés est la manifestation d’un sain instinct de classe. Les
travailleurs de l’usine d’emboutissage reconnaissent qu’ils n’ont rien en
commun avec des responsables qui ont des salaires à six chiffres et forcent
les ouvriers à accepter les suppressions d’emplois et les baisses de
salaires voulues par les trusts.
Les efforts déployés pour intimider les ouvriers de la base et leur faire
accepter une baisse qui ferait passer leur salaire horaire de 29 dollars à
15,50 dollars, ont continué les jours suivants. Cela prit la forme d’une
annonce sur toute une page placée dans l’Indianapolis Star du mardi
17 août par JD Norman, l’entreprise qui a pour objectif d’acheter l’usine
d’emboutissage à GM et de la transformer en une usine à sueur et à bas
salaires.
Tant le propriétaire de l’entreprise, Justin D. Norman, un ancien
courtier en bourse de 34 ans devenu parasite industriel que le directeur de
la Région 3 de l’UAW Maurice Davison utilisent le même argument ; ils
affirment tous deux que les travailleurs qui étaient à l’assemblée du 15
août ne représentaient pas une majorité dans l’usine.
L’annonce en question déclare : « Je ne crois pas que seule une poignée
d’adversaires à forte voix devrait déterminer le destin de cette grande
usine industrielle. » Ce sentiment est exprimé lui aussi par Davison, qui a
dit à l’Indianapolis Star, « Des 600 ouvriers qui travaillent là,
environ 200 étaient porteurs de ce message (refuser le vote). Je m’interroge
sur les 400 qui ne sont pas venus à cette assemblée. »
Ni la société ni le représentant du syndicat ne parle du vote du 26 mai
où la base, par une majorité écrasante de 384 à 22, avait rejeté tout
pourparler avec JD Norman. L'UAW a cherché à renverser cette décision
démocratique et à faire passer en force la baisse de salaire, contre la
volonté des ouvriers. Le syndicat agit en tant qu’associé à plein titre de
GM et de JD Norman.
Les ouvriers d'Indianapolis ont porté un coup à cette conspiration montée
contre leurs emplois et leur niveau de vie, mais l'action de dimanche
représente seulement un premier pas. Un large soutien doit être mobilisé
dans la population travailleuse, à Indianapolis, dans l'ensemble de
l’Indiana et au niveau national, sans quoi cette lutte sera isolée et battue
comme tant d’autres l’ont déjà été.
Le point de départ d’une telle lutte consiste à reconnaître que l'UAW est
un outil de la direction. Avec l’UAW, les ouvriers ont en face d’eux un
ennemi aussi brutal que les patrons d'entreprise et les politiciens du grand
patronat.
Le déclin et la chute de l'UAW ont représenté un processus prolongé, mais
la transformation de ce syndicat a été complète. Les bureaucrates comme
Maurice Davison et l'armée des représentants du service après-vente, des
directeurs régionaux et d’autres agents de la société au niveau national et
local a des intérêts économiques entièrement différents de ceux de l’ouvrier
ordinaire. Rien que sur la période allant de 2001 à 2008, le nombre des
adhérents de l'UAW est passé de 701,000 à 431,000 (une baisse de 40 pour
cent) alors que les actifs du syndicat sont eux, passés de 1.1 à 1.2
milliards de $.
Les accords de faillite avec GM et Chrysler ont entre autre fait que
l'UAW est devenue un très gros actionnaire de ces deux sociétés, à travers
le VEBA (fonds de pension n.d.t), donnant aux responsables syndicaux une
motivation financière directe dans la réduction des coûts de main-d'œuvre et
l’augmentation de la valeur des actions. En échange de cette récompense,
l'UAW a consenti à couper les salaires des ouvriers nouvellement embauchés
de 50 pour cent et à offrir ses propres adhérents comme main-d'œuvre bon
marché.
La rébellion d'Indianapolis vient après une série de heurts entre les
ouvriers de l'industrie automobile et l'UAW : le rejet du contrat de Ford en
novembre et décembre 2009, au cours duquel Bob King, l’actuel président de
l’UAW, s’est fait huer dans une réunion d’ouvriers à Ford Rouge; le
soulèvement à l'usine GM/Toyota de Fremont en Californie, où les officiels
locaux ont été hués jusqu’à ce qu’ils quittent la tribune; le rejet voté par
des ouvriers de l'usine de pièces détachées de Saginaw, auxquels on imposa
par une second vote il y a un mois une diminution de salaire énorme.
Les ouvriers de l’usine d’emboutissage d’Indianapolis doivent se libérer
de la camisole de force représentée par l’UAW et former un comité de base,
indépendant du Local 23, de la Region 3 et de Solidarity House (la centrale
de l’UAW à Detroit n.d.t), et mener une lutte militante et intransigeante
pour défendre des emplois et le niveau de vie.
Les travailleurs de cette usine devraient l’occuper afin d’empêcher sa
fermeture par General Motors ou sa reprise par JD Norman. Ils devraient
lancer un appel aux travailleurs de l’automobile de GM, Ford, Chrysler et
des usines d’équipement de toute la région du Midwest et de tout le pays
afin qu’ils les soutiennent. Il faudrait prendre contact avec les
travailleurs de l’automobile d’autres pays qui sont confrontés à des
attaques similaires. Tout appel de la sorte serait accueilli avec un énorme
intérêt, attirerait une très forte attention et recevrait un immense
soutien.
Il y eut une vague nationale de soutien aux ouvriers de Republic Windows
and Doors à Chicago quand ils ont pris le contrôle de leur usine
pendant cinq jours en décembre 2008, après que les propriétaires aient
cherché à fermer l'usine et aient manqué à leur obligation de verser des
primes de licenciement. Une initiative par des ouvriers de l'industrie
automobile à Indianapolis pour s'opposer à une diminution de salaire de 50
pour cent évoquerait une réponse encore plus importante.
Le combat pour préserver des emplois à salaire convenable représente un
défi direct à l'administration d'Obama, qui a forcé GM et Chrysler à la
faillite pour détruire les acquis gagnés par les ouvriers au cours de
décennies de lutte. Le retour de l'industrie automobile à la rentabilité
sera basé sur un retour à des conditions d'exploitation qu’on n’a plus vues
depuis la Grande Dépression.
Tandis que les vies et les communautés ouvrières sont détruites, Wall
Street est sur le point de réussir un beau coup avec l'introduction en
bourse d'actions de GM cet automne.
Les ouvriers doivent tirer de tout cela des conclusions politiques
appropriées : il est nécessaire de défier le système de profit. Les forces
productives de base et les institutions financières géantes ne peuvent plus
rester dans les mains d’individus privés qui les contrôlent dans l’objectif
du profit privé. Les usines et les banques doivent être nationalisées et
transformées en entités publiques, placées sous le contrôle démocratique de
la population laborieuse. Cela exige une rupture d’avec les deux partis du
grand patronat, l’acquisition par la classe ouvrière de son indépendance
politique et une lutte pour un gouvernement des ouvriers.
Le Parti de l'égalité socialiste invite tous les ouvriers à soutenir la
lutte des travailleurs d’ Indianapolis et de faire de ce soutien le point de
départ d’une mobilisation beaucoup plus large de la classe ouvrière contre
le système de profit.
(Article original publié le 18 août 2010)
Voir aussi :
GM et les syndicats français font passer en force des réductions de salaire
(20 août 2010)
Une année de lutte des travailleurs d'un sous-traitant de l'automobile
trahie
Les leçons de la trahison des Sodimatex en France (11 juin
2010)
Un programme socialiste pour la défense des emplois chez Opel
Pour une rébellion contre la politique nationaliste des syndicats
(3 février 2010)
Belgique : fermeture de l'usine Opel d'Anvers (3 février 2010)