Le mois dernier, les travailleurs de l'usine General Motors de
Strasbourg ont voté, sous la pression d'un chantage, des
concessions majeures exigées par GM et le gouvernement américain
(qui détient 60 pour cent du constructeur automobile) et ce, avec
l'appui du gouvernement français et des syndicats. On avait dit
aux ouvriers de GM qu'ils devraient accepter une réduction de
salaire de 10 pour cent, sans quoi l'usine serait fermée et la
production transférée au Mexique.
L'usine
située dans l'Est de la France emploie environ un millier de
travailleurs et avait été initialement séparée du groupe en
conséquence de la faillite forcée et de la restructuration du
géant de l'automobile par l'administration Obama. Le
« nouveau » GM qui est issu de la faillite a dit ne
vouloir reprendre le site de Strasbourg que si les syndicats
signaient un accord réduisant les salaires - ce qu'ils ont fait
consciencieusement.
Manquant
totalement de confiance dans la volonté
des syndicats d'organiser une lutte pour la défense des emplois,
les travailleurs ont approuvé l'accord à 70 pour cent.
La
restructuration de GM, demandée l'année
dernière par le gouvernement américain, fut effectuée avec
l'entière collaboration de l'UAW (United Automobile Workers),
le syndicat américain de l'automobile. Celle-ci eut pour
conséquence la fermeture de dizaines d'usines GM aux Etats-Unis
et internationalement et la suppression de dizaines de milliers
d'emplois. En échange de sa collaboration - comprenant une
réduction de moitié les salaires des ouvriers nouvellement
recrutés aux Etats-Unis - l'UAW obtenait 17,5 pour cent des
actions de GM.
S'appuyant
sur cette réduction brutale des coûts,
GM a récolté des profits de 1,02 milliards d'euros (1,3
milliards de dollars) au second trimestre et prépare une
introduction en bourse qui pourrait générer des centaines de
millions de dollars de gains pour Wall Street.
A
Strasbourg, les syndicats français - la CFDT (Confédération
française démocratique du travail), Force Ouvrière et la CFTC
(Confédération française des travailleurs chrétiens) - ont
soutenu l'accord. Le syndicat CGT (Confédération générale du
travail - dominé par le Parti communiste stalinien, PCF) avait
d'abord adopté une attitude d'opposition à l'accord mais a
rapidement rejoint le camp opposé aux travailleurs. Il a signé le
28 juillet un accord séparé avec la direction de l'entreprise,
déclarant dans un double langage bureaucratique que « la CGT
réaffirme qu'elle ne signera pas les accords du 23 juillet, mais
elle s'engage à ne pas les contester, sous aucune forme et
moyen. » (souligné par nous)
L'accord
gèle les augmentations de salaires sur
deux ans, réduit d'un tiers les 16 jours de RTT (Réduction du
temps de travail) actuels par an (mettant fin de
facto à la durée hebdomadaire légale
de travail de 35 heures) et permet plus, jusqu'en 2013, de partage
des profits grâce à l'intéressement. L'entreprise affirme
avoir un carnet de commande étoffé jusqu'en 2014 et a « promis »
de maintenir tous les emplois de l'usine jusqu'à cette date.
Toutefois,
dans les heures qui suivirent le vote, GM
a montré clairement son intention d'aller encore plus loin en
introduisant une flexibilité totale des heures de travail sur une
base annuelle (annualisation), supprimant ainsi le paiement des
heures supplémentaires les week-end travaillés. De nombreux
travailleurs qui ont voté « oui » étaient furieux
contre cette déclaration tandis que les syndicats criaient à
l'injustice en feignant d'être choqués vu que ceci ne figurait
pas dans le document de concessions remis avant le vote aux
travailleurs. L'entreprise a insisté, cependant, pour dire que
les syndicats avaient été parfaitement au courant de ses
intentions.
Le
secrétaire du Comité d'entreprise du
syndicat majoritaire CFDT à Strasbourg, Jean-Marc Ruhland, a
qualifié le vote des travailleurs de « bonne nouvelle »
parce que « si nous on leur dit non, ils iront voir
ailleurs. » En conséquence la CFDT s'est efforcée de
« trouver une solution pour faire baisser la masse salariale
de manière à ce que ça fasse le moins mal possible aux
salariés. »
La CGT
a cherché à se couvrir en appelant à
voter « non » tout en refusant toute lutte pour la
défense des emplois et du niveau de vie des travailleurs. Le
délégué CGT de l'usine, Robert Roland, a de manière
démagogique dénoncé le « chantage » de l'entreprise
en ajoutant « nous refusons de signer un chèque en blanc aux
dirigeants de GM. De toute façon le rôle des syndicats n'est
pas de faire baisser le revenu des salariés. Nous n'avons pas à
nous comparer aux travailleurs qu'on exploite au Mexique, en Chine
ou je ne sais où. »
En
fait, le rôle de tous les syndicats a été
précisément de réduire le niveau des salaires. Dans le même
temps ils ont promu le nationalisme économique. Tous les syndicats
sont engagés dans la baisse des salaires, comme ont pu en faire
l'expérience les travailleurs de Continental de Clairoix où la
CGT avait imposé en 2007 de passer de la semaine de 35 à celle de
40 heures soi-disant pour « sauver » des emplois qu'en
fin de compte les travailleurs ont perdu en 2009.
L'année
dernière, la CGT a trahi la lutte des travailleurs de la raffinerie
Total à Dunkerque. Les travailleurs de
New Fabris qui fabriquent des pièces mécaniques pour l'automobile
à Châtellerault ont perdu leurs emplois en 2009 après avoir été
trahis par la CGT. A l'époque, le délégué CGT de l'usine
avait reconnu, « J'ai l'impression d'avoir été
abandonné par ma direction syndicale. la CGT New Fabris est
morte. »
Il y a
beaucoup d'autres exemples de ce genre
de la collaboration de la CGT avec les employeurs et le
gouvernement, notamment depuis qu'elle a signé avec la CFDT, le
gouvernement et les employeurs le document la « Position
commune » pour abandonner la semaine de 35 heures tout en
augmentant les chances de carrière des responsables syndicaux.
La
complicité des syndicats et de leurs partisans dans les partis de
« gauche » de la classe
moyenne découle de leur intégration complète dans les directions
des entreprises et dans l'Etat. Les syndicats collaborent avec les
entreprises sur la base de leur chasse respective à la rentabilité
et à la compétitivité internationale. Les syndicats collaborent
aussi étroitement avec le président Nicolas Sarkozy pour appliquer
les plans d'austérité qui sont soit ouvertement soit tacitement
soutenus par les Partis socialiste et communiste. Entre-temps, les
syndicats ont isolé et trahi chaque action menée par les
travailleurs pour résister aux licenciements et à la destruction
des conditions de travail chez Continental, aux raffineries Total,
chez Goodyear à Amiens et dans beaucoup d'autres usines.
Plus
généralement, les syndicats en Europe ont rivalisé
les uns avec les autres sur une base nationaliste pour maintenir la
présence de GM dans leur pays respectif ou même leur région
respective en faisant des offres à la baisse sur les salaires et en
cherchant à réduire l'écart avec les salaires payés aux
travailleurs brutalement exploités en Asie et en Amérique latine.
Tout comme ses homologues aux Etats-Unis et en France, le syndicat
allemand de la métallurgie IG Metall avait donné son feu vert pour
la fermeture de l'usine GM en Belgique en réduisant de 265
millions d'euros par an les coûts de main-d'ouvre dans les
usines en Allemagne. Ceci avait été la condition requise pour que
GM bénéficie des 1,8 milliards d'euros de subventions promis par
les gouvernements européens.
Les
travailleurs ne peuvent défendre leurs
moyens d'existence et leurs droits qu'en luttant sur la base
d'une perspective qui rejette le nationalisme et le système de
profit. Ceci requiert le développement d'une lutte internationale
commune contre les groupes multinationaux et les gouvernements qui
les soutiennent. Cette lutte devra être basée sur une lutte pour
la réorganisation de l'industrie automobile mondiale sur une base
socialiste et placée sous le contrôle démocratique de la classe
ouvrière. Le développement d'une telle lutte nécessite une
rupture avec tous les syndicats et l'établissement de nouvelles
organisations de luttes industrielles et politiques.