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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

GM et les syndicats français font passer en force des réductions de salaire

Par Pierre Mabut
20 août 2010

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Le mois dernier, les travailleurs de l'usine General Motors de Strasbourg ont voté, sous la pression d'un chantage, des concessions majeures exigées par GM et le gouvernement américain (qui détient 60 pour cent du constructeur automobile) et ce, avec l'appui du gouvernement français et des syndicats. On avait dit aux ouvriers de GM qu'ils devraient accepter une réduction de salaire de 10 pour cent, sans quoi l'usine serait fermée et la production transférée au Mexique.

L'usine située dans l'Est de la France emploie environ un millier de travailleurs et avait été initialement séparée du groupe en conséquence de la faillite forcée et de la restructuration du géant de l'automobile par l'administration Obama. Le « nouveau » GM qui est issu de la faillite a dit ne vouloir reprendre le site de Strasbourg que si les syndicats signaient un accord réduisant les salaires - ce qu'ils ont fait consciencieusement.

Manquant totalement de confiance dans la volonté des syndicats d'organiser une lutte pour la défense des emplois, les travailleurs ont approuvé l'accord à 70 pour cent.

La restructuration de GM, demandée l'année dernière par le gouvernement américain, fut effectuée avec l'entière collaboration de l'UAW (United Automobile Workers), le syndicat américain de l'automobile. Celle-ci eut pour conséquence la fermeture de dizaines d'usines GM aux Etats-Unis et internationalement et la suppression de dizaines de milliers d'emplois. En échange de sa collaboration - comprenant une réduction de moitié les salaires des ouvriers nouvellement recrutés aux Etats-Unis - l'UAW obtenait 17,5 pour cent des actions de GM.

S'appuyant sur cette réduction brutale des coûts, GM a récolté des profits de 1,02 milliards d'euros (1,3 milliards de dollars) au second trimestre et prépare une introduction en bourse qui pourrait générer des centaines de millions de dollars de gains pour Wall Street.

A Strasbourg, les syndicats français - la CFDT (Confédération française démocratique du travail), Force Ouvrière et la CFTC (Confédération française des travailleurs chrétiens) - ont soutenu l'accord. Le syndicat CGT (Confédération générale du travail - dominé par le Parti communiste stalinien, PCF) avait d'abord adopté une attitude d'opposition à l'accord mais a rapidement rejoint le camp opposé aux travailleurs. Il a signé le 28 juillet un accord séparé avec la direction de l'entreprise, déclarant dans un double langage bureaucratique que « la CGT réaffirme qu'elle ne signera pas les accords du 23 juillet, mais elle s'engage à ne pas les contester, sous aucune forme et moyen. » (souligné par nous)

L'accord gèle les augmentations de salaires sur deux ans, réduit d'un tiers les 16 jours de RTT (Réduction du temps de travail) actuels par an (mettant fin de facto à la durée hebdomadaire légale de travail de 35 heures) et permet plus, jusqu'en 2013, de partage des profits grâce à l'intéressement. L'entreprise affirme avoir un carnet de commande étoffé jusqu'en 2014 et a « promis » de maintenir tous les emplois de l'usine jusqu'à cette date.

Toutefois, dans les heures qui suivirent le vote, GM a montré clairement son intention d'aller encore plus loin en introduisant une flexibilité totale des heures de travail sur une base annuelle (annualisation), supprimant ainsi le paiement des heures supplémentaires les week-end travaillés. De nombreux travailleurs qui ont voté « oui » étaient furieux contre cette déclaration tandis que les syndicats criaient à l'injustice en feignant d'être choqués vu que ceci ne figurait pas dans le document de concessions remis avant le vote aux travailleurs. L'entreprise a insisté, cependant, pour dire que les syndicats avaient été parfaitement au courant de ses intentions.

Le secrétaire du Comité d'entreprise du syndicat majoritaire CFDT à Strasbourg, Jean-Marc Ruhland, a qualifié le vote des travailleurs de « bonne nouvelle » parce que « si nous on leur dit non, ils iront voir ailleurs. » En conséquence la CFDT s'est efforcée de « trouver une solution pour faire baisser la masse salariale de manière à ce que ça fasse le moins mal possible aux salariés. »

La CGT a cherché à se couvrir en appelant à voter « non » tout en refusant toute lutte pour la défense des emplois et du niveau de vie des travailleurs. Le délégué CGT de l'usine, Robert Roland, a de manière démagogique dénoncé le « chantage » de l'entreprise en ajoutant « nous refusons de signer un chèque en blanc aux dirigeants de GM. De toute façon le rôle des syndicats n'est pas de faire baisser le revenu des salariés. Nous n'avons pas à nous comparer aux travailleurs qu'on exploite au Mexique, en Chine ou je ne sais où. »

En fait, le rôle de tous les syndicats a été précisément de réduire le niveau des salaires. Dans le même temps ils ont promu le nationalisme économique. Tous les syndicats sont engagés dans la baisse des salaires, comme ont pu en faire l'expérience les travailleurs de Continental de Clairoix où la CGT avait imposé en 2007 de passer de la semaine de 35 à celle de 40 heures soi-disant pour « sauver » des emplois qu'en fin de compte les travailleurs ont perdu en 2009.

L'année dernière, la CGT a trahi la lutte des travailleurs de la raffinerie Total à Dunkerque. Les travailleurs de New Fabris qui fabriquent des pièces mécaniques pour l'automobile à Châtellerault ont perdu leurs emplois en 2009 après avoir été trahis par la CGT. A l'époque, le délégué CGT de l'usine avait reconnu, « J'ai l'impression d'avoir été abandonné par ma direction syndicale. la CGT New Fabris est morte. »

Il y a beaucoup d'autres exemples de ce genre de la collaboration de la CGT avec les employeurs et le gouvernement, notamment depuis qu'elle a signé avec la CFDT, le gouvernement et les employeurs le document la « Position commune » pour abandonner la semaine de 35 heures tout en augmentant les chances de carrière des responsables syndicaux.

La complicité des syndicats et de leurs partisans dans les partis de « gauche » de la classe moyenne découle de leur intégration complète dans les directions des entreprises et dans l'Etat. Les syndicats collaborent avec les entreprises sur la base de leur chasse respective à la rentabilité et à la compétitivité internationale. Les syndicats collaborent aussi étroitement avec le président Nicolas Sarkozy pour appliquer les plans d'austérité qui sont soit ouvertement soit tacitement soutenus par les Partis socialiste et communiste. Entre-temps, les syndicats ont isolé et trahi chaque action menée par les travailleurs pour résister aux licenciements et à la destruction des conditions de travail chez Continental, aux raffineries Total, chez Goodyear à Amiens et dans beaucoup d'autres usines.

Plus généralement, les syndicats en Europe ont rivalisé les uns avec les autres sur une base nationaliste pour maintenir la présence de GM dans leur pays respectif ou même leur région respective en faisant des offres à la baisse sur les salaires et en cherchant à réduire l'écart avec les salaires payés aux travailleurs brutalement exploités en Asie et en Amérique latine. Tout comme ses homologues aux Etats-Unis et en France, le syndicat allemand de la métallurgie IG Metall avait donné son feu vert pour la fermeture de l'usine GM en Belgique en réduisant de 265 millions d'euros par an les coûts de main-d'ouvre dans les usines en Allemagne. Ceci avait été la condition requise pour que GM bénéficie des 1,8 milliards d'euros de subventions promis par les gouvernements européens.

Les travailleurs ne peuvent défendre leurs moyens d'existence et leurs droits qu'en luttant sur la base d'une perspective qui rejette le nationalisme et le système de profit. Ceci requiert le développement d'une lutte internationale commune contre les groupes multinationaux et les gouvernements qui les soutiennent. Cette lutte devra être basée sur une lutte pour la réorganisation de l'industrie automobile mondiale sur une base socialiste et placée sous le contrôle démocratique de la classe ouvrière. Le développement d'une telle lutte nécessite une rupture avec tous les syndicats et l'établissement de nouvelles organisations de luttes industrielles et politiques.

(Article original paru le 14 août 2010)


Voir aussi :

GM Europe et la lutte mondiale pour l'emploi [19 mai 2009]

France: Les syndicats appellent à la fin de la grève chez Total [25 février 2010]

La fin des luttes chez Continental et New Fabris
Le rôle de Lutte ouvrière
[31 août 2009]

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