Le 13
avril, les travailleurs de Sodimatex ont mis fin à une année de lutte dans leur
usine de Crépy-en-Valois, ville industrielle du département de l'Oise au Nord
de Paris. Leur lutte avait attiré l'attention des médias après que les
travailleurs avaient relié des cocktails Molotov à des bonbonnes de gaz dans
leur usine le 2 avril et menacé de les faire exploser.
Moins de
deux semaines après, les travailleurs acceptaient un accord – préparé
conjointement par les syndicats, les représentants locaux et la direction de
l'entreprise – qui mettait fin à l'occupation de leur usine et leur
faisait perdre leur emploi. En échange, on leur promettait une prime de départ
de 51 000 euros. Les médias annoncent maintenant qu'après un examen plus
attentif des détails de l'accord, les travailleurs recevront moins que cela,
plusieurs milliers d'euros de moins.
Cette
défaite n'était pas inéluctable. La lutte a été trahie en dépit de nombreuses
conditions favorables : une sympathie générale du public envers les
travailleurs de Sodimatex, l'opposition au gouvernement impopulaire du
Président Nicolas Sarkozy, et une vague de grèves en France et en Europe qui
affecte pratiquement toutes les industries importantes.
Cette
défaite est le produit de l'absence d'une politique indépendante dans la classe
ouvrière. Pour les syndicats qui ont dominé la lutte à Sodimatex, il n'était
pas question d'envisager une tentative de sauver l'usine, ni de se pencher sur
les forces économico-politiques à l'œuvre dans cette fermeture, ou
d'adresser un appel à une opposition sociale plus large. Comme nous l'ont déclaré les délégués syndicaux, il n'y avait aucun plan
pour organiser une grève de sympathie, laquelle aurait trouvé un vaste écho.
Ils s'en sont tenus à l'idée que l'usine serait fermée, et que la seule
question était le montant de l'indemnité de départ.
Quant aux
organisations de « gauche » comme le Parti communiste français (PCF),
le Parti ouvrier indépendant (POI), Lutte ouvrière (LO), et le Nouveau Parti
anti-capitaliste (NPA) d'Olivier Besancenot, ils ont joué leur rôle habituel :
couvrir la politique anti-ouvrière des syndicats en lançant des appels
sentimentaux et trop vagues à la solidarité, tout en démoralisant la classe
ouvrière.
Une
année de lutte contre la fermeture
Des
journalistes du WSWS se sont rendus à Crépy-en-Valois pour parler aux
travailleurs de Sodimatex le 12 avril.
Vincent
Ricbourg, travaillant sur une chaîne d'assemblage depuis 10 ans à Sodimatex, se
rappelle lorsque les travailleurs ont reçu l'annonce de la fermeture de l'usine
le 10 avril 2009 : « On a fait 15 jours de grève, pour pouvoir négocier
avec la direction du groupe. Leur principe était de ne pas négocier. »
Les
travailleurs ont par deux fois traduit en justice le
groupe Trèves — propriétaire de Sodimatex — pour obtenir des
négociations. Mais la cour d'appel d'Amiens est revenue sur la décision de
première instance favorable aux travailleurs.
À partir
de l'automne dernier, les travailleurs ont occupé l'usine, espérant pouvoir
organiser une reprise du travail. Vincent a expliqué que « Depuis le 9
septembre, l'usine devait être fermée. Ils nous payent, mais ils ne nous
donnent pas de travail. Le délégué syndical ne sait rien, et le directeur ne
dit rien. »
À l'usine
de Clairoix appartenant au fabricant de pneumatiques Continental, la direction
a tenté de démoraliser les travailleurs en leur proposant de déplacer leurs
emplois vers des pays de langue française en Afrique du Nord, pour des salaires
de misère.
Vincent a
déclaré que les travailleurs de Sodimatex étaient allés manifester devant l'Assemblée
nationale à Paris en février : « On a été gazé et chargé par les CRS; ils
étaient 150 CRS pour 47 travailleurs » Une délégation a rencontré le
député PCF Daniel Paul. Ils ont demandé qu'il enquête sur les 55 millions
d'euros d'aides publiques reçus par Trèves avant la fermeture de l'usine.
Après
cette rencontre, Olivier Besancenot leur a brièvement parlé, affirmant que le
NPA était en solidarité avec Sodimatex et leur promettant qu'il parlerait d'eux
lors d'un passage à la télévision.
Interrogé
sur l'aide que les travailleurs de Sodimatex avaient reçu de la part des
fédérations syndicales, Vincent a répondu, « Les délégués n'ont eu aucun
soutien de leurs fédérations. Elles étaient là seulement quand il y avait des
médias. Nous n'avons jamais eu de contact avec eux, et les délégués ne portent
plus leurs badges. ».
Pascal
Baugrand, chef de machine à Sodimatex, a demandé au WSWS de faire part de sa
gratitude envers la population de Crépy-en-Valois : « Les gens de la
région nous apportent à manger, à boire. L'adjoint au maire va sur Senlis [où
les syndicats négocient avec les autorités] il essaie de calmer le jeu. On est
sous pression. »
Ces
entretiens ont été interrompus lorsque ces travailleurs ont été appelés
ailleurs. Plusieurs personnes portant des badges CGT ont encerclé les
journalistes du WSWS, les traitants de « provocateurs », et les ont
poussés hors des abords de Sodimatex. Lorsque les journalistes du WSWS ont
essayé de distribuer des tracts et d'interviewer des travailleurs devant une
autre entrée de l'usine, ces mêmes délégués syndicaux sont revenus et les ont à
nouveau poussés hors des abords, menaçant de casser leurs appareils photos et
de confisquer leurs notes. Ils criaient que les travailleurs de Sodimatex ne
voulaient pas de « politique » dans leur lutte.
Alors que
les reporters du WSWS se faisaient éjecter, une femme distribuant le journal du
POI, Informations Ouvrières, est arrivée et a été autorisée à le
distribuer à l'intérieur de l'usine.
Comment
les syndicats, l'État, et les directions travaillent ensemble pour fermer les
usines
L'hostilité
des syndicats et des organisations de « gauche » des classes moyennes envers
les journalistes du WSWS ne reflète pas seulement leur propre hostilité envers
une politique de classe, mais aussi la crainte que leur rôle dans les
fermetures ne devienne évident aux yeux des travailleurs.
Le groupe
Trèves a décidé de fermer l'usine Sodimatex ainsi que celle de PTPM à Aÿ
(Marne), au moment où se produisaient des réductions mondiales dans l'industrie
automobile dans les premiers mois de la crise économique. Il a reçu 55 millions
d'euros de la part du Fonds de modernisation des équipementiers automobiles
(FMEA), juste après avoir annoncé la fermeture.
Dans une
lettre récente envoyée à quotidien l'Humanité, proche du PCF, pour
expliquer les fermetures d'usines, Trèves a déclaré : « le Groupe Trèves a mis
en œuvre tous les moyens à sa disposition pour assurer la livraison de ses
clients. Il s’est appuyé sur ses usines implantées au Portugal, en
Espagne et, ponctuellement, sur sa coentreprise Trevertex. » En « volumes
globaux », la filiale roumaine ne représente peut-être pas grand-chose («
seulement 6 % », argue-t-on chez Trèves) », Trevertex travaille pour le
voiturier roumain Dacia, qui a été acheté par Renault en 1999.
Comme
l'ont fait remarquer plusieurs articles de presse par la suite, la fermeture de
Sodimatex a été une délocalisation « financée par l'Etat ». Sur les banderoles
entourant leur usine, les travailleurs de Sodimatex ont dénoncé Trèves comme
des « patrons-voyous », espérant rallier une large opposition populaire à
l'usage des fonds publics par l'entreprise pour piller l'économie.
Ce que
les syndicats et les organisations de la classe moyenne n'ont pas cherché à
expliquer, c'est que les « patrons-voyous » agissaient suivant un plan établi
par l'Etat, en collaboration avec les syndicats. Ces mêmes forces qui ont dit
aux travailleurs qu'elles cherchaient à obtenir un bon arrangement pour leur
compte étaient en fait celles qui ont préparé la fermeture.
Le FMEA a
été créé pour servir d'« états généraux de l'industrie automobile » en janvier
2009, mis en place par des services de l'Etat, des entreprises privées, et les
syndicats. C'est un partenariat public-privé, au capital initial de 300
millions d'euros apporté par les géants de l'automobile Peugeot et Renault
ainsi que par le Fonds d'investissement stratégique français (FIS). Un site Web
du gouvernement français déclare que le but du FMEA est d'aider à « Consolider
et renforcer la compétitivité de l'industrie automobile ».
Les
intérêts de Renault et Peugeot à disposer d'une main d'œuvre et de pièces
détachées à bon marché sont évidents. Le but du FIS n'était pas différent.
Le FIS, disposant
de 20 milliards d'euros, a été créé en 2008 avec de l'argent de l'Etat, de la
Caisse des dépôts (qui supervise les entreprises publiques), et du fonds
d'investissement Mubala appartenant à l'émirat d'Abu Dabi. Le site Web du FIS
déclare que son but est d'aider des « entreprises dont les projets de
croissance sont porteurs de compétitivité pour le pays. » Il insiste même sur
le fait qu'il limitera la durée pendant laquelle il détiendra les entreprises,
pour les rendre au secteur privé une fois rendues profitables le plus vite
possible.
En bref,
en délocalisant sa production, Trèves a joué le rôle qui lui a été assigné par
les banques, l'Etat, et les syndicats : maintenir le taux de profit et la
compétitivité des grands producteurs automobiles français, au détriment des
travailleurs.
La
menace de faire exploser l'usine et le rôle des syndicats
Le matin
du 2 avril, les travailleurs de Sodimatex ont placé des cocktails Molotov
autour d'une bombonne de gaz dans leur usine et ont menacé de la faire
exploser, pendant que les syndicats négociaient avec les autorités et la
direction de Trèves.
Les
syndicats ont accueilli cette action désespérée de la part des travailleurs,
visant à attirer l'attention du public et à améliorer leur posirtion dans les négociations,
avec une franche hostilité. Gérard Decleir, délégue de Force ouvrière (FO) à
Sodimatex, a déclaré au Monde, « Même si on leur dit de ne pas le faire,
y'en a qui sont ingérables ».
La menace
faisant la une des journaux nationaux, plusieurs ministres ont dénoncé les
travailleurs de Sodimatex. Le ministre de l'industrie Christian Estrosi a
déclaré qu'il « condamne avec la plus grande fermeté l'attitude inacceptable
d'une minorité dans laquelle ne se reconnaissent pas tous les salariés de l'usine
». L'usine a été cernée par 15 cars de CRS.
Les
négociations ont continué au cours de la semaine suivante, après que les
travailleurs ont accepté d'enlever les cocktails Molotovs de la bombonne. La
police a également eu la possibilité d'inspecter le site.
Contacté
par le WSWS le 9 avril, le délégué CGT de l'usine, Julio Tavares, a déclaré
qu'il s'attendait a une issue « positive » aux
négociations. Parce que, pour le citer, « on demandait pas grand chose --
seulement 21.000 euros » en prime de départ (soit 21 000 euros de plus que le
minimum légal qui était de 29 000 dans le cas de Sodimatex).
Interrogé
sur d'éventuelles discussions dans les syndicats pour organiser des grèves de
sympathie plus larges, Tavares a répondu, « Non, non. Aucune. Notre fédération,
on n'a rien entendu. J'ai appelé mon secrétaire, je lui a dit les 4 verités --
on ne l'a jamais vu sur le site. La fédération [c'est à dire la direction
nationale de la CGT], on les finance, et ils ne sont jamais derrière nous pour
nous donner un coup de main. »
L'image
qui ressort des commentaires de Tavares – celle d'une bureaucratie
isolée, parasitaire, cherchant à conserver le contrôle des travailleurs –
n'est pas vraiment une nouvelle. Dans un des cas les plus médiatisés de l'année
dernière, le délégué CGT de l'usine de Continental à Clairoix, Xavier Mathieu,
s'en était pris au dirigeant de la CGT, Bernard Thibault, le traitant de «
racaille », parce qu'il ne s'était pas rendu à Clairoix après que la fermeture
avait été décidée.
Le fait
que des syndicalistes puissent se permettre des critiques personnelles contre
Thibault, tout en laissant tomber les travailleurs au même moment, démontre
l'importance cruciale qu'il y a à développer une critique politique des
syndicats. Thibault n'a personnellement que du mépris pour les travailleurs
ordinaires. Mais ce qui est bien plus important, c'est le soutien que les
syndicats accordent à l'État et aux entreprises françaises. C'est cela qui
constitue la base de toute la collaboration des appareils syndicaux à
l'exécution du plan du FMEA pour fermer des usines automobiles.
Ce sont
cette politique corporatiste et les intérêts sociaux qu'elle représente, et non
les traits de caractère de tel ou tel bureaucrate syndical, qui nourrissent
l'hostilité des syndicats envers la classe ouvrière et leur distanciation
sociale.
La
plupart des centrales syndicales ont refusé de faire des commentaires au WSWS
sur la lutte des Sodimatex. Cependant, nous avons pu parler avec le secrétaire
général de la CFDT de Picardie, Dominique Bernichon. Interrogé sur la position
de la CFDT concernant la menace de faire exploser l'usine, Bernichon a déclaré,
« Le sentiment que l'on a envers cette action, dans l'équipe CFDT, [c'est
qu'elle] émane des salariés. C'est une lutte qui se déroule très largement en
dehors des appareils syndicaux. Les salariés ne souhaitaient pas que les
syndicats mettent en avant leurs drapeaux. Cela pose des problèmes, on sent une
exaspération des salariés. »
Interrogé
sur la possibilité pour les travailleurs de trouver un autre travail, Bernichon
a déclaré « C'est toute la difficulté -- la Picardie reste assez industrielle,
c'est sur des bassins très marqués par une culture industrielle. La
reconversion est difficile. Les salariés doivent trouver d'autres qualifications
pour travailler dans d'autres secteurs. Il n'y a pas vraiment d'autres secteurs
qui émergent -- ce n'est pas forcément évident. "
Néanmoins,
il a dit que les travailleurs devaient se battre pour «pour le meilleur accompagnement
et la meilleure indemnité ».
Quand
nous lui avons demandé si la CFDT pourrait répondre aux attentes des
travailleurs avec cette stratégie il a répondu, « Le constat que l'on peut
faire c'est que les représentants salariés sont devenus les porte-paroles des
salariés, on n'est plus dans un approche syndicale. C'est une expérience
pilotée par les salariés . »
Il a
insisté sur le fait que les délégués de l'usine Sodimatex étaient devenus les
porte-paroles de l'usine, «du fait de leur mandat » - autrement dit, pas parce
qu'ils auraient été eux-mêmes favorables à cette action.
Les
critiques que ces délégués d'usines peuvent adresser aux bureaucrates
dirigeants leurs syndicats en ont rendu certains très populaires – en
particulier Xavier Mathieu, qui a bénéficié d'une couverture assez positive
dans les grands médias.
Cependant,
ils ne sont pas les porte-paroles des intérêts de la classe ouvrière. Par leur
formation et leurs conceptions, et aussi leur situation professionnelle, ils
sont en premier lieu responsables devant la bureaucratie syndicale ou l'establishment
politique, ils ont en charge de veiller à ce que la femeture des usines ne
dégénère pas. C'est cela qui les a décidés à expulser nos journalistes du site
de la Sodimatex.
Comme les
autres travailleurs des usines qui vont fermer, ils sont aussi à la recherche
d'un nouvel emploi. Mais leurs "compétences" et leurs aspirations
sont assez différentes de celles des autres travailleurs, et les poussent vers
une orientation de classe différente. Pour ne citer qu'un exemple, Guy
Eyermann, délégué CGT de l'usine New Fabris à Châtellerault que des
travailleurs avaient menacé de faire exploser l'année dernière, fait maintenant
de la propagande pour Ségolène Royal – candidate du PS aux élections
présidentielles de 2007.
La
trahison
Au soir
du mardi 13 avril, le ministre de l'industrie Christian Estrosi avait annoncé
qu'un accord était sorti des négociations entre les syndicalistes et la
direction de Sodimatex. Estrosi avait déclaré que les travailleurs receveraient
« un financement à hauteur de 51.000 euros en moyenne pour chaque salarié en
fonction de son ancienneté, dont 22.000 euros au-delà des indemnités prévues
par la loi ».
Le
Journal du Dimanche notait,
« C'est Christian Estrosi, le ministre de l'Industrie, qui a annoncé la
nouvelle. L'accord a été trouvé dans l'après-midi, mardi, mais il n'a été
révélé que le soir afin de 'blinder l'info', selon les syndicats, qui
souhaitaient que l'accord ne tombe pas à l'eau. »
Alors que
les syndicalistes avaient axé toute leur lutte sur l'obtention d'une prime de
départ moyenne de 51 000 euros, il apparaît qu'ils n'ont même pas obtenu cette
somme, et qu'ils ont d'abord cherché à cacher cela aux travailleurs. Le délégué
de la CFDT Patrick Testard a dit après-coup, au sujet des chiffres d'Estrosi, «
Je ne sais pas d'où il les a sortis, mais ce n'est pas ça ».
Caroline
Substelny, l'avocate des travailleurs de Sodimatex, a déclaré au Journal du
Dimanche que les traailleurs n'avaient en fait reçu que 10 000 euros de
plus que le minimum légal.
Les
travailleurs de Sodimatex se font arnaquer, y compris sur les sommes dérisoires
promises par les syndicats, et se retrouvent jetés sur un marché du travail
avec peu de chances d'obtenir un travail décent. Les statistiques officielles
du chômage dans le département de l'Oise sont de 12,5 pour cent. Ville
d'environ 14.000 habitants, Crépy-en-Valois a déjà perdu 1000 emplois en 2003,
avec la fermeture de l'usine Case Poclain qui fabriquait des pompe
hydrauliques.
Le WSWS a
interviewé Mme Cousin tout en distribuant des tracts devant un supermarché
après avoir été expulsé de Sodimatex.
Elle a
expliqué qu'elle venait de perdre son emploi de comptable en intérim : «
L'emploi, c'est pratiquement tout parti. Les gens qui ont vécu ici de
génération en génération disent que ça va de pire en pire. Les gens de plus de
40 ans sont tous touchés par les licenciements. Il n'y a que les hypermarchés,
mais les salaires sont très bas ... ou on peut toucher le SMIC à Roissy -- mais
ensuite il y a les frais et il faut payer l'essence. Est-ce qu'on peut faire ça
avec quelques centaines d'euros par mois ? »
Dans la
région, a-t-elle dit, « 50 pour cent des travailleurs sont au chômage ou prennent
des postes qui ne sont pas à eux. »
Interrogée
sur ce qu'elle pensait des syndicats et des partis « de gauche », elle a
déclaré « Ils ne se sentent pas concernés par ce qui se passe ... Gauche,
droite -- il n'y a pas de différence. Je comprends pourquoi les gens prennent
leurs patrons en otage; on voit bien des choses en tant que comptable. »
Le
rôle de l'ex-gauche
Les
partis "de gauche" (ou plutôt d'ex-gauche) ont créé le climat
politique dans lequel les syndicats pouvaient mener à bien une trahison aussi
ouverte des travailleurs. Sur tous leurs sites Web, il n'y a eu aucun
commentaire sur l'affaire Sodimatex depuis que cette grève a été trahie.
Au cours
de la lutte elle-même, pourtant, les ex-groupes de gauche ont publié plusieurs
appels, visant à lier les travailleurs à la bureaucratie syndicale. Ils ont
tous proposé la même perspective : prétendre que Trèves fermait l'usine sans
avoir prévenu l'État et les syndicats, et en appeler au gouvernement et au
ministre de l'industrie Christian Estrosi pour qu'il intervienne et organise
une prime de départ et la fermeture de l'usine.
Dans une
déclaration du 2 avril – immédiatement après que les travailleurs ont
menacé de faire exploser l'usine – la secrétaire générale du Parti
communiste français, Marie-Georges Buffet, avait qualifée la décisionde fermer
l'usine de « scandaleuse ». Elle demandait que les travailleurs de Sodimatex
reçoivent 21 000 euros de prime de départ, insistant que « Mr Estrosi à le devoir
d’intervenir au plus vite pour que les négociations puissent reprendre. »
Dans un
article affiché le 15 avril – mais apparement écrit avant le vote de la
fermeture – le NPA de Besancenot faisait les mêmes remarques. Il disait
que la décision de Trèves de prendre 55 millions d'euros des fonds du FMEA puis
de fermer l'usine était une « bonne raison » pour Estrosi « de se mettre en
colère. » S'alignant sur les syndicats et leur demande d'une prime de départ de
21 000 euros, il notait avec espoir, « Pas sûr que Estrosi ne repique pas une
colère, » avant le vote du 13 avril – comme si la pression pouvait
transformer Estrosi en un ami des travailleurs.
Dans sa
déclaration du 2 avril, Lutte ouvrière a demandé pour les travailleurs de
Sodimatex « que leurs modestes revendications soient au moins satisfaites. ».
Elle a fait un appel moral au gouvernement : « L’indécence
n’a-t-elle pas de bornes ? Après avoir rempli les poches de ce patron
délinquant avec l’argent public, faut-il que le ministre s’en fasse
l’homme de main ? » se terminant par
l'affirmation qu'il était temps que « justice soit rendue ».
Pour
répondre à la question de LO – posée par un parti qui se réclame toujours
officiellement comme trotskyste ! – oui, Woerth et Estrosi et le reste du
gouvernement bourgeois français sont, avec les syndicats, complices de Trèves
et des banques. Ce ne sont pas seulement les conclusions que l'on peut tirer en
se penchant sur le FMEA et les détails de l'affaire Sodimatex. C'est l'ABC du
marxisme, ce que tous ces ex-partis de gauche rejettent.
Ces
partis ont rendu un service essentiel à la bourgeoisie, en suggérant
implicitement aux travailleurs que la tactique la plus à gauche sur
laquelle les travailleurs pouvaient s'appuyer était de s'en remettre
entièrement à l'État. Cela a laissé la classe ouvrière désarmée devant la crise
économique, alors que l'État organisait le saccage des salaires et de la
production.
La
décision de cette ex-gauche de désarmer politiquemeent la classe ouvrière va de
pair avec la décision d'isoler chaque lutte usine par usine. Au moment de la
lutte des New Fabris l'année dernière, le NPA notait l"isolement des
luttes des différents lieux de travail et écrivait : « Ce serait une occasion
pour les travailleurs eux-mêmes de débattre de perspectives concrètes à mettre
en avant aujourd'hui ».
La
désunion des luttes des travailleurs a également attiré des commentaires dans
la presse officielle. Le Monde faisait remarquer récemment qu'un grand
nombre de grèves étaient en cours, en citant plus d'une douzaine, et commentait
que la montée des luttes sociales était « discrète ». C'est la manière pour un
journaliste bourgeois de dire que – en dépit de « l'accélération de la
radicalisation » et des « réactions plus fortes » des travailleurs – les
politiciens bourgeois peuvent continuer leurs petites affaires sans être
inquiétés, en faisant des coupes claires dans les programmes sociaux et en
fermant des usines.
La tâche
essentielle qui se présente aux travailleurs ainsi qu'aux étudiants et
intellectuels de tendance socialiste est de populariser la perspective
socialiste dont les travailleurs ont besoin pour monter une grande offensive
politique contre l'Etat et les syndicats.
C'est
inséparable d'une lutte dans la classe ouvrière pour ré-établir les principes
fondamentaux du marxisme, que l'ex-gauche déforme et trahit. C'est toute
l'importance politique du WSWS – créé pour être un organe qui informe,
unifie, et fournisse une direction politique aux luttes de la classe ouvrière,
et également pour servir de forum à la renaissance d'une culture marxiste et
trotskyste dans la classe ouvrière.
Comme l'a
montré l'expérience de Sodimatex, ce sont les conditions nécessaires pour que
les travailleurs puissent tenter de se défendre sérieusement contre les
syndicats, l'Etat et les banques.