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Les États-Unis se préparaient à attaquer l'Afghanistan bien avant le 11 septembrePar Patrick Martin Ce n'est pas un hasard si ces révélations ont été publiées à l'étranger plutôt qu'aux États-Unis. Les classes dirigeantes de ces pays ont en effet leurs propres intérêts économiques et politiques à défendre, des intérêts qui ne coïncident pas, et qui même s'opposent dans certains cas directement aux poussées de la classe dirigeante américaine pour s'emparer du contrôle de l'Asie Centrale riche en pétrole. Les médias américains cachent systématiquement les véritables intérêts économiques et stratégiques sous-jacents de la guerre en Afghanistan en prétendant que cette guerre est survenue du jour au lendemain aussi puissamment uniquement en réaction aux attentats terroristes du 11 septembre. Les experts des chaînes d'informations télévisées et des principaux quotidiens américains qualifient la rapide défaite militaire du régime taliban de coup de chance inattendu. Ils détournent ainsi l'attention du public de la conclusion que n'importe quel observateur sérieux est contrait de tirer des événements des deux premières semaines de novembre : la victoire rapide des forces soutenues par les États-Unis démontre que la planification et les préparatifs minutieux effectués par les militaires américains a dû commencé bien avant les attentats contre le World Trade Center et le Pentagone. Selon le mythe américain officiel, « tout a changé » le jour où quatre avions de ligne ont été détournés et que près de 5 000 personnes ont été tuées. Ce faisant, l'intervention militaire des États-Unis en Afghanistan aurait été improvisée à la hâte en moins d'un mois. Dans une entrevue télévisée en date du 18 novembre, le sous-secrétaire à la Défense Paul Wolfowitz a d'ailleurs déclaré que trois semaines seulement furent nécessaires pour planifier cette boucherie militariste. C'est là l'un des innombrables mensonges émanant du Pentagone et de la Maison Blanche relativement à la guerre en Afghanistan. La vérité est que l'intervention des États-Unis était planifiée en détail et minutieusement préparée bien avant que les attentats terroristes ne fournissent le prétexte recherché pour appliquer ce plan. Si les événements du 11 septembre n'étaient jamais arrivés, il est fort plausible que les États-Unis auraient attaqués l'Afghanistan de toutes façons, et selon le même échéancier. La classe dirigeante des États-Unis envisageait de mener la guerre en Asie centrale depuis au moins une décennie. Dès 1991, suivant la défaite de l'Iraq lors de la guerre du golfe Persique, le magazine Newsweek publiait un article intitulé « Opération bouclier de la steppe ? » dans lequel il rapportait que l'Armée américaine préparait une opération au Kazakhstan modelée sur le déploiement de l'Opération Bouclier du désert survenue en Arabie Saoudite, au Koweït et en Iraq. Si la dissolution de l'Union Soviétique survenue en 1991 a donné l'occasion à la puissance américaine de se projeter en Asie centrale, la découverte de vastes réserves de pétrole et de gaz a fourni l'incitatif. Le littoral de la mer Caspienne en Azerbaïdjan (Bakou) est certes un centre de production pétrolière depuis un siècle, mais c'est seulement depuis dix ans que de vastes réserves inconnues jusqu'alors ont été découvertes au nord-ouest (Kazakhstan) et au sud-ouest (Turkménistan) de la mer. Les pétrolières américaines ont acquis les droits pour plus de 75 p. 100 de la production de ces nouveaux champs pétroliers. Les hauts-fonctionnaires du gouvernement américain ont présenté la région de la mer Caspienne et l'Asie centrale comme une alternative possible à la dépendance pétrolière de cette région instable qu'est le golfe Persique. Les troupes américaines sont arrivées après la conclusion des contrats. Les forces spéciales des États-Unis ont commencé des opérations conjointes avec le Kazakhstan dès 1997, puis avec l'Ouzbékistan un an plus tard. Les exercices portaient sur des interventions principalement dans la région montagneuse au sud comprenant le Kyrgyzstan, le Tadjikistan et le nord de l'Afghanistan. Le principal problème à surmonter pour exploiter les richesses énergétiques de l'Asie centrale est de faire parvenir le pétrole et le gaz de que l'on trouve dans cette région encaissée sur le marché mondial. Les hauts-fonctionnaires des États-Unis se sont opposés à l'utilisation du réseau d'oléoducs russe et à l'emprunt de la route terrestre la plus facilement accessible (par l'Iran) pour aboutir au golfe Persique. De concert avec les pétrolières américaines, ils ont préféré explorer depuis les dix dernières années toute une série d'autres tracés d'oléoducs - vers l'ouest au travers de l'Azerbaïdjan, de la Géorgie et de la Turquie jusqu'en Méditerranée; vers l'est en passant par le Kazakhstan et la Chine jusqu'au Pacifique, et, en ce qui a trait à la crise actuelle, vers le sud depuis le Turkménistan en passant par l'ouest de l'Afghanistan et du Pakistan jusqu'à l'océan Indien. Ce projet d'oléoduc traversant l'Afghanistan est le favori d'Unocal, une pétrolière américaine qui s'était engagée dans des négociations intensives avec le régime taliban. Ces pourparlers se sont terminés en catastrophe en 1998, lorsque les relations des États-Unis avec l'Afghanistan se sont embrasées suite aux attentats contre les ambassades des États-Unis au Kenya et en Tanzanie et pour lesquels Oussama ben Laden est tenu responsable. En août 1998, l'administration Clinton a lancé des attaques avec des missiles de croisière contre les camps d'entraînement situés dans l'est de l'Afghanistan qui appartiendraient en principe à ben Laden. Le gouvernement américain a demandé depuis aux talibans de leur livrer ben Laden et imposé des sanctions économiques. Les pourparlers à propos des oléoducs ont ainsi piétinées. Le renversement des talibans Tout au long de 1999, les pressions des États-Unis contre l'Afghanistan augmentèrent. Le 3 février, Karl E. Inderfurth, assistant du secrétaire d'État, et Michael Sheehan, chef des opérations anti-terroristes au secrétariat d'État, se sont envolés pour Islamabad, au Pakistan, afin de rencontrer le sous-ministre des Affaires étrangères taliban, Abdul Jalil. Lors de cette rencontre, ils l'informèrent que les États-Unis tiendraient pour responsable le gouvernement de l'Afghanistan pour tout acte terroriste posé par ben Laden. Selon un article du Washington Post (édition du 3 octobre 2001), l'administration Clinton et le premier ministre du Pakistan d'alors, Nawaz Sharif, s'entendirent pour mener une opération secrète conjointe pour assassiner Oussama ben Laden en 1999. Les États-Unis assureraient la collecte de renseignements par satellite, le soutien aérien et le financement de l'opération, alors que le Pakistan fournirait des agents parlant pashtoune qui pénétreraient au sud de l'Afghanistan et se chargeraient de l'assassinat. Toujours selon le Post, le commando pakistanais avait été formé et était prêt à frapper en octobre 1999. Le quotidien rapporte les propos d'un ancien fonctionnaire : « l'entreprise était en cours ». Les aides de Clinton étaient ravis à l'idée de réussir leur assassinat, l'un d'entre eux allant même jusqu'à déclarer « on se serait crû à Noël ». L'attaque fut avortée le 12 octobre 1999 lorsque Sharif fut renversé lors du coup militaire mené par le général Pervez Musharraf, qui stoppa l'opération clandestine proposée. L'administration Clinton dut se contenter de présenter une résolution au Conseil de sécurité des Nations-Unies demandant que les talibans livrent ben Laden « aux autorités appropriées », sans mentionner spécifiquement les États-Unis. La subversion des États-Unis contre les talibans continua en 2000, selon le compte-rendu écrit par nul autre que Robert McFarlane, l'ancien conseiller en matière de sécurité de l'administration Reagan, et publié le 2 novembre par le Wall Street Journal. Les services de McFarlane furent retenus par deux riches spéculateurs immobiliers de Chicago, Joseph et James Ritchie, pour les aider à recruter et à organiser un mouvement de guérilla anti-taliban parmi les réfugiés afghans du Pakistan. Leur principal contact afghan était Abdul Haq, l'ancien leader moujahidines qui a été exécuté par les talibans le mois dernier suite à une tentative infructueuse de déclencher une révolte dans sa province natale. McFarlane rencontra Abdul Haq et d'autres anciens moujahidines à l'automne et à l'hiver 2000. Après l'arrivée au pouvoir de l'administration Bush, McFarlane profita de ses contacts républicains en une série de rencontres avec les hauts-fonctionnaires du Département d'État, du Pentagone et même de la Maison Blanche. Tous encouragèrent la préparation d'une campagne militaire contre les talibans. À l'été, bien avant que les États-Unis ne lancent leurs frappes aériennes contre les talibans, James Ritchie alla au Tadjikistan avec Abdul Haq et Peter Tomsen, ancien envoyé spécial des États-Unis auprès de l'opposition afghane à l'époque de la première administration Bush. Là ils rencontrèrent Ahmed Shah Massoud, le leader de l'Alliance du nord, avec pour objectif de coordonner les attaques lancées du Pakistan avec la seule force militaire pouvant encore résister aux talibans. Selon McFarlane, Abdul Haq « décida à la mi-août d'aller de l'avant et de lancer les opérations en Afghanistan. Il retourna à Peshawar, au Pakistan, pour mettre la main aux derniers préparatifs ». Autrement dit, cette phase de la guerre contre les talibans était déjà engagée bien avant le 11 septembre. Les médias américains ont présenté les Ritchie comme des individus agissant seuls, motivés par les liens émotifs qu'ils entretiennent à l'égard de l'Afghanistan, un pays dans lequel ils ont vécu brièvement lorsque leur père y travaillait à titre d'ingénieur civil dans les années 1950. Mais au moins un article fait un lien avec les discussions relatives aux oléoducs et les talibans. En 1998, James Ritchie visita l'Afghanistan pour discuter en effet avec les talibans d'un plan pour commanditer des petites entreprises dans le pays. Il était accompagné par un représentant de Delta Oil d'Arabie saoudite, qui, en partenariat avec une entreprise argentine, voulait construire un gazoduc qui aurait traverser l'Afghanistan. Les révélations de McFarlane surviennent en même temps que fait rage une diatribe acerbe contre la CIA accusée d'avoir « trahi » Abdul Haq en n'appuyant plus ses opérations en Afghanistan et en l'abandonnant à sa mort aux mains des talibans. La CIA considérait évidemment McFarlane et Abdul Haq comme peu fiables. Elle poursuit sa propre guerre secrète dans la même région, la partie sud de l'Afghanistan, où la population parle principalement pashtoune. Selon un article publié en première page du Washington Post du 18 novembre, la CIA effectuerait des opérations paramilitaires dans le sud de l'Afghanistan depuis 1997. L'article est signé par Bob Woodward, le célèbre journaliste du Post qui doit sa notoriété à l'affaire du Watergate. Woodward sert fréquemment de relais pour les fuites des hauts-responsables militaires et du renseignement. Woodward donne des détails sur le rôle de la CIA dans le conflit actuel, notamment sur le déploiement d'une unité secrète paramilitaire appelée la Special Activities Division. Cette force a participé aux combats dès le 27 septembre en se déployant au sol et en utilisant des drônes de surveillance Predator munis de missiles pouvant être lancés à distance. Selon Woodward, la Special Activities Division est formée « d'équipes comptant environ une demi-douzaine d'hommes qui ne portent pas d'uniformes militaires. L'organisme compte environ 150 combattants, pilotes et spécialistes, principalement des vétérans aguerris qui ont quitté les forces armées américaines. « Au cours des 18 derniers mois, la CIA a travaillé avec les tribus et les seigneurs de la guerre au sud de l'Afghanistan, et des unités de la Special Activities Division ont contribué à créer un vaste nouveau réseau dans le bastion des talibans ». Cela signifie que l'agence d'espionnage des États-Unis est engagée dans des attaques contre le régime afghan, ce qui dans d'autres circonstances serait qualifié de terrorisme par le gouvernement américain, depuis le printemps 2000, soit depuis plus d'un an avant les détournements suicidaires qui ont détruit le World Trade Center et endommagé le Pentagone. Avec l'arrivée de George Bush à la Maison Blanche, le point central de la politique américaine en Afghanistan est passé des incursions limitées pour tuer ou capturer ben Laden aux préparatifs d'une intervention militaire beaucoup plus robuste contre l'ensemble du régime taliban. Le magazine britannique Jane's International Security rapportait le 15 mars 2001 que la nouvelle administration américaine travaillait avec l'Inde, l'Iran et la Russie « dans un front concerté contre le régime taliban en Afghanistan » L'Inde fournissait du matériel militaire, des conseillers et des techniciens pour les hélicoptères de l'Alliance du nord, en plus d'utiliser conjointement avec la Russie des bases au Tadjikistan et en Ouzbékistan pour mener des opérations. Le magazine poursuit : « plusieurs réunions récentes entre les groupes de travail indo-américain et indo-russe sur le terrorisme nouvellement institués ont mené à cet effort pour contrer tactiquement et logistiquement les talibans. Les sources de renseignement à Delhi ont déclaré que pendant que l'Inde, la Russie et l'Iran mènent la campagne anti-taliban au sol, Washington fournit le soutien logistique et les renseignements à l'Alliance du nord ». Le 23 mai, la Maison Blanche annonçait la nomination de Zalmay Khalilzad au poste d'assistant spécial du président et directeur en chef pour les questions du Golfe, de l'Asie du sud-est et régionales au Conseil de sécurité national. Khalilzad est un ancien responsable sous les administrations Reagan et Bush père. Après avoir quitté le gouvernement, il est allé travailler pour Unocal. Le 26 juin dernier, le magazine IndiaReacts rapportait plus en détails les efforts conjoints des États-Unis, de l'Inde, de la Russie et de l'Iran contre le régime taliban : « l'Inde et l'Iran vont "faciliter" les plans des États-Unis et de la Russie pour une "action militaire limitée" contre les talibans si les nouvelles sanctions économiques sévères envisagées ne font pas céder le régime fondamentaliste de l'Afghanistan ». À cette étape des préparatifs militaires, les États-Unis et la Russie devaient fournir une assistance militaire directe à l'Alliance du nord, depuis l'Ouzbékistan et le Tadjikistan, afin de repousser les lignes des talibans vers la ville de Mazar-e-Sharif -un scénario ressemblant étrangement aux événements des deux dernières semaines. Un troisième pays non nommé a approvisionné l'Alliance du nord avec des lance-roquettes antichar qui ont déjà été employés contre les talibans au début de juin. Toujours selon le magazine, « les diplomates soutiennent que l'alliance contre les talibans a été créée suite à la rencontre entre le secrétaire d'État des États-Unis Colin Powell et le ministre des Affaires étrangères russe Igor Ivanov, suivie de celle de Powell avec le ministre des Affaires étrangères indien Jaswant Singh à Washington. La Russie, l'Iran et l'Inde ont également mené une série de discussions et d'autres activités diplomatiques sont à prévoir ». Contrairement à la campagne actuelle, le plan d'origine impliquait l'utilisation de forces militaires de l'Ouzbékistan et du Tadjikistan, ainsi que de la Russie. IndiaReacts soutient qu'au début de juin le président russe Vladimir Poutine a déclaré lors d'une rencontre de la Communauté des États Indépendants, organisme réunissant plusieurs des anciens républiques soviétiques, que des actions militaires contre les talibans étaient en vue. L'une des conséquences du 11 septembre a été de créer les conditions permettant aux États-Unis d'intervenir directement, sans participation directe des forces militaires des États ayant succédé à l'Union Soviétique, et ainsi de s'arroger d'un droit indiscutable de dicter la forme que prendra toute entente en Afghanistan. Immédiatement suite aux attaques terroristes contre le World Trade Center et le Pentagone, deux mentions étaient faites dans les médias britanniques démontrant que le gouvernement américain avait menacé d'entreprendre des sanctions militaires contre l'Afghanistan plusieurs mois avant le 11 septembre. Le correspondant de la BBC George Arney rapporta en effet le 18 septembre que des hauts-fonctionnaires américains avaient fait part, dès la mi-juillet, à l'ancien secrétaire aux Affaires étrangères du Pakistan, Niaz Naik, de plans pour mener des actions militaires contre le régime taliban : « M. Naik a déclaré que de hauts-fonctionnaires
des États-Unis lui ont fait part d'un plan lors de la
rencontre d'un groupe de discussion international commandité
par l'ONU sur l'Afghanistan qui s'est tenue à Berlin. Quatre jours plus tard, le 22 septembre, le Guardian confirmait ces propos. Les avertissements adressés à l'Afghanistan le furent lors d'une rencontre de quatre jours réunissant de hauts-responsables des États-Unis, de la Russie, de l'Iran et du Pakistan dans un hôtel de Berlin à la mi-juillet, la troisième d'une série de conférences baptisées « remue-méninges sur l'Afghanistan ». Parmi les participants il y avait Naik, ainsi que trois généraux pakistanais, l'ancien ambassadeur iranien aux Nations-Unies Saeed Rajai Khorassani, Abdullah Abdullah, le ministre des Affaires étrangères de l'Alliance du nord, Nikolai Kozyrev, l'ancien envoyé spécial russe en Afghanistan et divers autres hauts-fonctionnaires russes, ainsi que trois Américains : Tom Simons, l'ancien ambassadeur des États-Unis au Pakistan, Karl Inderfurth, l'ancien assistant au secrétaire d'État pour les affaires sud-asiatiques, et Lee Coldren, l'ex-directeur du bureau des affaires du Pakistan, de l'Afghanistan et du Bangladesh du Département d'État jusqu'en 1997. La réunion fut organisée par Francesc Vendrell, alors et toujours représentant adjoint de l'ONU pour l'Afghanistan. Le but de la conférence à l'origine était de discuter de la conclusion possible d'un accord politique en Afghanistan, mais les talibans refusèrent d'y participer. Les représentants américains annoncèrent alors le changement de la politique des États-Unis à l'endroit de l'Afghanistan qui, avec le départ de Clinton et l'arrivée de Bush, suggérait fortement qu'une action militaire était envisageable. Bien que les trois anciens hauts-fonctionnaires américains ont nié avoir fait des menaces spécifiques, Coldren a néanmoins déclaré au Guardian « qu'il y a eu des discussions à propos du fait que les États-Unis étaient tellement dégoûtés des talibans qu'ils étaient prêts à envisager de mener des actions militaires contre eux ». Naik a également affirmé que l'un des Américains présents aurait déclaré qu'une action contre Ben Laden était imminente : « ce coup-ci, ils étaient très certains de leur coup. Ils disposaient de tous les renseignements voulus et disaient qu'ils ne le rateraient pas à nouveau. Il s'agirait d'une frappe aérienne, possiblement effectuée avec des hélicoptères d'attaque, directement en Afghanistan et à proximité immédiate ». Le Guardian concluait : « selon de hautes sources diplomatiques, le régime des talibans s'est vu informé hier par l'entremise du gouvernement pakistanais que s'il ne livrait pas Oussama ben Laden, des opérations militaires seraient lancées en Afghanistan. Les talibans refusèrent de s'incliner mais la gravité des menaces soulève la possibilité que ben Laden, loin d'avoir lancé les attaques contre le World Trade Center à New York et le Pentagone sans raison apparente il y a 10 jours, aurait lancé une frappe préventive en réponse à ce qu'il considérait comme des menaces des États-Unis ». D'autres révélations relatives aux contacts secrets entretenus entre l'administration Bush et le régime taliban sont révélées dans un livre publié le 15 novembre dernier en France et intitulé Ben Laden la vérité interdite. L'ouvrage a été écrit par Jean-Charles Brisard et Guillaume Dasquié. Brisard est un ancien agent des services secrets français, auteur d'un rapport sur Ben Laden et le réseau Al-Qaïda, et ancien directeur stratégique pour l'entreprise française Vivendi, alors que Dasquié est un journaliste d'investigation. Selon les deux auteurs français, l'administration Bush était prête à accepter le régime des talibans, malgré leurs accusations selon lesquelles ces derniers commanditaient le terrorisme, en autant qu'ils coopéraient avec les plans pour développer les ressources pétrolières de l'Asie centrale. Jusqu'en août, écrivent les auteurs, le gouvernement américain voyait dans les talibans « une source de stabilité en Asie centrale qui permettrait la construction d'un oléoduc à travers l'Asie centrale ». Ce n'est que lorsque les talibans ont refusé d'accepter les conditions des États-Unis que « le raisonnement de la sécurité énergétique s'est transformé en sécurité militaire ». Corroborant cela, il faut noter le fait curieux que tant les administrations Clinton que Bush n'ont jamais mis l'Afghanistan sur la liste officielle du Département d'État des États accusés de commanditer le terrorisme, malgré la présence connue d'Oussama ben Laden dans le pays en tant qu'invité du régime taliban. Une telle désignation aurait en effet rendu impossible toute signature d'un accord pour les entreprises pétrolières ou de construction américaines avec Kaboul pour un réseau d'oléoducs permettant de transporter le pétrole et le gaz de l'Asie centrale. Les pourparlers entre l'administration Bush et les talibans ont commencé en février 2001, peu de temps après l'inauguration de Bush. Un émissaire taliban arriva à Washington en mars chargé de présents pour le nouveau chef exécutif, dont un coûteux tapis afghan. Mais les pourparlers furent loin d'être cordiaux. Brisard déclara « à un moment donné, pendant les négociations, les représentants des États-Unis ont déclaré au représentant taliban : où bien vous acceptez notre offre d'un tapis d'or, ou bien nous vous enterrerons sous un tapis de bombes ». Aussi longtemps que la possibilité d'un accord pour la construction d'un oléoduc semblait possible, la Maison Blanche laissa traîner les enquêtes sur les activités d'Oussama ben Laden, écrivent Brisard et Dasquié. Ils rapportent également que John O'Neill, sous-directeur du FBI, a démissionné en juillet pour protester contre cette obstruction. O'Neill a déclaré lors d'une entrevue avec les auteurs que « les principaux obstacles à surmonter pour enquêter sur le terrorisme islamiste étaient les intérêts des entreprises pétrolières des États-Unis et le rôle qu'y occupe l'Arabie saoudite ». Par une étrange coïncidence, O'Neill accepta le poste de chef de la sécurité au World Trade Center après avoir quitté le FBI et y trouva la mort le 11 septembre. Confirmant le compte rendu de Naiz Naik à propos de la réunion secrète de Berlin, les deux auteurs français ajoutent qu'il y eut une discussion ouverte sur la nécessité pour les talibans de faciliter la construction d'un oléoduc partant du Kazakhstan pour assurer la reconnaissance de leur pouvoir par les États-Unis et le monde. Les pourparlers de plus en plus acrimonieux entre les États-Unis et les talibans cessèrent dans la discorde le 2 août, après une dernière rencontre entre l'envoyée des États-Unis Christina Rocca et un représentant taliban à Islamabad. Deux mois plus tard, les États-Unis bombardaient Kaboul. Ce compte-rendu des préparatifs de guerre contre l'Afghanistan nous amène au 11 septembre même. Les attaques terroristes qui ont détruit le World Trade Center et endommagé le Pentagone sont certes des liens importants dans la chaîne des événements qui ont entraîné les États-Unis à attaquer l'Afghanistan. Mais le gouvernement américain a planifié la guerre bien à l'avance. Le choc du 11 septembre n'a que contribué à la rendre politiquement faisable en stupéfiant l'opinion publique au pays et en donnant à Washington un coup de main essentiel pour convaincre ses alliés réticents à l'étranger. Tant le public américain que les gouvernements étrangers ont été pressés d'appuyer les actions militaires contre l'Afghanistan au nom de la lutte contre le terrorisme. L'administration Bush a frappé Kaboul sans même présenter la moindre preuve que ben Laden ou le régime taliban étaient responsables des atrocités survenues au World Trade Center. Elle a vu dans les événements du 11 septembre l'occasion de mettre de l'avant ses ambitions depuis longtemps nourries de renforcer la présence américaine en Asie centrale. Il n'y a pas de raison de penser que le 11 septembre ne fut rien de plus qu'une coïncidence fortuite. Tous les détails de la guerre contre l'Afghanistan avaient en effet été préparés avec soins. Il est peu vraisemblable que le gouvernement américain allait laisser passer l'occasion de s'embarrasser de fournir un prétexte viable pour ses actions militaires. Immédiatement après le 11 septembre, des rapports de presse apparurent -encore une fois surtout en dehors des États-Unis- selon lesquels les agences de renseignement américaines avaient reçues des avertissements spécifiques à propos d'attaques terroristes de grande envergure, comprenant notamment l'utilisation d'avions détournés. Il est bien possible que la décision a été prise aux plus hauts niveaux de l'État américain de laisser survenir une attaque, possiblement sans imaginer clairement l'ampleur des dommages qu'elle causerait, afin de fournir l'étincelle nécessaire pour déclencher la guerre en Afghanistan. Comment autrement expliquer des faits aussi bien établis que la décision des hauts-dirigeants du FBI de bloquer l'enquête menée contre Zaccarias Massaoui, l'immigrant franco-marocain soupçonné après qu'il ait supposément cherché à suivre des cours de pilotage dans une école de pilotage aux États-Unis pour piloter un avion de ligne commercial mais sans prendre de cours pour apprendre à décoller et atterrir ? La succursale du FBI à Minneapolis a procédé à l'arrestation de Massaoui au début d'août et a demandé au quartier-général du FBI l'autorisation de mener une enquête en profondeur et de vérifier notamment le contenu du disque dur de son ordinateur. Les hauts responsables du FBI ont refusé en affirmant qu'il y avait pas assez de preuves d'intentions criminelles de la part de Massaoui - une décision étonnante pour une agence qui est loin d'être connue pour sa délicatesse en ce qui a trait au respect des libertés civiles. Tout cela ne veut pas dire que le gouvernement américain
a planifié délibérément tous les
détails des attaques terroristes ou anticipé que
près de 5 000 personnes seraient tuées. Mais l'explication
la moins plausible du 11 septembre est bien la version officielle
: que des douzaines de fondamentalistes islamistes, dont plusieurs
avec des liens connus avec Oussama ben Laden, ont pu mener une
vaste conspiration sur trois continents ciblant les symboles
les plus proéminents de la puissance américaine,
sans même que les agences de renseignement des États-Unis
aient eu la moindre idée de ce qui se préparait. Voir aussi :
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