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Où l'administration Bush conduit-elle le peuple américain?

Par le comité de rédaction du WSWS
22 septembre 2001

Un message clair émane du discours prononcé par le président George W. Bush à une session commune du Congrès jeudi soir dernier : les États-Unis se sont lancés sur une voie de violence globale et de répression interne sans précédent dans l'histoire de la nation.

Au nom d'une « guerre contre le terrorrisme », l'administration Bush demande, et obtient, un pouvoir illimité et non spécifié d'utiliser la force militaire partout dans le monde.

Le cadre aux allures de siège où Bush a prononcé son discours ­ le Capitole encerclé par l'armée et le son des hélicoptèrs militaires filtrant jusqu'à l'intérieur de la chambre ­ allait bien avec la pose que prend l'administration depuis les attaques terrorristes contre New-York et Washington. Le gouvernement a travaillé d'arrache-pied, non pas pour rassurer le peuple américain, mais pour créer une atmosphère de panique. Il encourage un sentiment d'hystérie combinée à un chauvinisme de drapeaux afin d'amener le public, au milieu de la ruée générale, à accepter l'utilisation effrénée de la puissance militaire américaine, ainsi qu'un assaut tous azimuts sur les droits démocratiques de base au sein des États-Unis.

D'où l'absence du vice-président Cheney et l'annonce qu'on l'avait conduit dans un endroit sûr et secret. L'administration veut faire croire au peuple américain que l'immense puissance de l'armée américaine n'était pas suffisante pour garantir la sécurité de chefs du gouvernement à l'intérieur du Capitole. Si Bush et compagnie croient vraiment à cette idée saugrenue, il faut dire qu'ils ont complètement perdu la tête. L'explication la plus vraisemblable est qu'ils veulent faire rentrer dans la tête des gens l'idée que l'Amérique est en guerre, et habituer la population à des mesures de guerre et à un gouvernement qui remplit ses plus importantes fonctions dans le dos du public.

Dans son discours, Bush a employé des termes apocalyptiques pour convaincre le peuple américain qu'il fallait approuver le lancement d'une guerre globale d'une durée indéfinie, contre une série d'ennemis non encore identifiés, sans limite aucune sur la destruction et la mort devant s'abattre sur des gens hors des États-Unis ou le nombre de sacs-cercueils devant ramener les restes de soldats américains.

« Notre réponse », a-t-il déclaré, « implique bien plus que des représailles immédiates et des raids isolés. Les Américains ne devraient pas s'attendre à une bataille, mais à une campagne prolongée très différente de celles que nous avons vues. » Ce ne serait pas une guerre courte et décisive contre un seul pays, comme l'Iraq, a-t-il poursuivi, ni une guerre aérienne sans pertes américaines, comme en Yougoslavie. Il a qualifié sa guerre pour la « défaite du réseau terrorriste global » de « tâche qui ne finit jamais ». Refusant expressément d'écarter l'utilisation d'armes nucléaires, il a ajouté : « Nous mettrons en oeuvre toutes les ressources qui sont à notre disposition et toutes les armes de guerre nécessaires ».

Avançant des arguments pour justifier une attaque contre toute nation jugée, aujourd'hui ou demain, être un obstacle aux ambitions globales des États-Unis, Bush a déclaré : « Toutes les nations dans tous les régions ont maintenant une décision à prendre : soit vous êtes avec nous, soit vous êtes avec les terrorristes ». Toute nation qui refuse d'obéir aux diktats de Washington « sera considérée par les États-Unis comme un régime hostile ».

Au coeur du scénario présenté par Bush se trouvait une anomalie qu'il n'a même pas cherché à expliquer. D'un côté, il a décrit l'ennemi comme étant des éléments fondamentalistes islamiques « marginaux », quelques « milliers » de terrorristes éparpillés dans 60 pays. Mais cette relative poignée de groupes terrorristes faiblement connectés est censée poser une menace grave et directe à l'Amérique et à tout le « monde civilisé », menace dont la portée est telle que seule l'utilisation la plus massive et la plus concentrée de la force militaire peut y venir à bout.

Des ultimatums, mais pas de preuves

Le but immédiat du discours de Bush était de mettre le pays en guerre contre l'Afghanistan. Bush a dressé une liste de demandes qu'il sait être irrecevables par le régime des talibans, demandes qui seraient un suicide politique pour eux, qu'ils ne pourraient accepter même s'ils le voulaient. Il a exigé du régime taliban qu'il livre aux Américains « tous les dirigeants » du réseau Al-Kaïda de Ben Laden, qu'il ferme immédiatement toutes les installations de Al-Kaïda, et qu'il donne aux États-Unis le « plein accès aux camps d'entraînement terrorristes ».

Au fond, l'administration Bush demande au régime taliban d'accepter de faire de l'Afghanistan un protectorat militaire des États-Unis. Cet ultimatum, a déclaré Bush, n'est « pas ouvert à la négotiation ou à la discussion ». Si les dirigeants du régime ne se plient pas aux demandes américaines, a averti Bush, ils partageront le sort des terrorristes, c'est-à-dire qu'ils seront tués.

Aucune demande formelle d'extradition n'a été faite en ce qui concerne Osama Ben Laden. En fait, il n'existe aucune convention en matière de loi internationale pour ce que Bush a exigé. Les demandes de Washington ont été formulées de façon à fournir un prétexte pour une guerre qui a déjà été décidée.

Bush a accusé Ben Laden et ses protecteurs talibans d'être directement responsables des atrocités du 11 septembre. Il s'agit sans doute de forces réactionnaires qui peuvent bien avoir joué un rôle, mais Bush n'a fourni aucune preuve pour appuyer ses accusations. Même le Wall Street Journal, dont les pages éditoriales sont pleines d'appels à la guerre non seulement contre l'Afghanistan mais aussi contre l'Iraq, a dû reconnaître dans un article de nouvelles paru le 19 septembre que les dirigeants américains ont été incapables de réunir des preuves suffisantes pour étayer leur cause contre Ben Laden.

« Mais selon les standards occidentaux du 21ème siècle en matière de loi et de relations internationales », a écrit le Journal, « quelles preuves concrètes les enquêteurs détiennent-ils pour incriminer Ben Laden? Pas assez, si l'on s'en tient à ce qui peut être déduit de déclarations publiques et de renseignements fournis par des représentants du gouvernement prêts à discuter la question. »

Bush a également cherché à justifer une guerre contre l'Afghanistan en pointant du doigt le caractère répressif et totalitaire du régime taliban. Mais le régime taliban est le produit direct de la politique américaine antérieure, et ses méthodes dictatoriales de pouvoir, son intolérance religieuse, ne sont pas du tout différentes de celles des plus proches alliés des États-Unis dans le Moyen-Orient, tels que les monarchies du pétrôle de l'Arabie saoudite, du Koweit et d'autres états du Golfe persique.

Alors que l'administration Bush s'embarque sur la voie de la guerre, elle pense à peine aux conséquences énormes et incalculables de ses actes. Intervenant dans la région la plus instable du monde, où une série de grandes puissances sont en rivalité pour le contrôle de ressources stratégiques et l'accroissement de leur influence géo-politique, au milieu de la pauvreté épouvantable de centaines de millions de gens, les États-Unis sont en train de poser des gestes dont les conséquences peuvent s'avérer catastrophiques pour toute la planète.

Ça vaut la peine de comparer les méthodes de l'administration Bush à celles employées par Kennedy durant la crise des missiles cubains. C'était certainement une des plus grandes confrontations de la guerre froide, où le gouvernement américain faisait face, de son point de vue, à une menace militaire claire. À ce moment, le gouvernement américain est allé aux Nations-Unies et a présenté des preuves détaillées, documents et photos à l'appui, pour plaider sa cause. Il a en outre fait preuve d'un sens de la mesure et de la précaution qui forme un contraste frappant avec la conduite de l'administration Bush.

Aujourd'hui, le gouvernement américain lance les accusations les plus extrêmes, mais ne présente aucunes preuves devant l'opinion publique mondiale ou américaine pour soutenir ces accusations. La comparaison historique démontre que les actes du gouvernement américain sont déterminés aujourd'hui, moins par l'ampleur réelle de la menace, que par ce qu'il perçoit comme étant une occasion de transformer un désastre en prétexte pour la mise en oeuvre d'un projet militaire, politique et économique de grande envergure, mais non déclaré.

C'est ce qui est confirmé par un reportage du New York Times faisant état d'une scission au sein de l'administration Bush entre ceux, dirigés par le secrétaire d'État Colin Powell, qui veulent agir avec un minimum de précautions par crainte de déstabiliser le Moyen-Orient et d'autres grandes régions du monde, et ceux, dirigés par le sous-secrétaire à la Défense Paul Wolfowitz, qui voient la tragédie du 11 septembre comme l'occasion rêvée pour renverser le régime de l'Iraq et établir toute une série de gouvernements fantoches. L'objectif de cette faction c'est la mise en application, le plus rapidement possible, de plans longtemps dressés pour un resserrement de l'emprise américaine sur la région riche en pétrole du Golfe persique et du bassin caspien, et une expansion de la présence militaire américaine sur tout le continent eurasien.

Comment les États-Unis ont nourri les talibans

Dans son discours, Bush n'a fourni aucune explication sur la toile de fond politique et historique du désastre du 11 septembre. Avec la complicité des médias, l'administration cherche à enterrer le fait suivant : ceux qu'elle accuse nommément d'avoir perpétré l'atrocité terrorriste ont été entraînés et financés par les États-Unis. Les fondamentalistes islamiques stigmatisés par Bush, y compris Ben Laden, ont fait leurs débuts en tant que « ressources » de la CIA dans la campagne secrète menée par Washington dans les années 80 pour expulser les régimes soutenus par les soviétiques en Afghanistan. Cette opération a été réalisée alors que Bush père, ancien chef de la CIA, détenait le poste de vice-président sous Ronald Reagan.

Il y a quelques années à peine, les États-Unis ont tacitement endossé l'ascension au pouvoir de leurs vieux alliés talibans. Les talibans deviennent ainsi les derniers dans la longue lignée d'ex-alliés américains qui sont tombés en disgrâce auprès des États-Unis, pour être ensuite dénoncés comme étant des seigneurs de la guerre et de nouveux Hitler, et placés sur la liste noire américaine. On peut citer en l'occurence Manuel Noriega du Panama, Farrah Aidid de la Somalie, Saddam Hussein de l'Iraq et Slovoban Milosevic de la Serbie.

L'establishment des médias connaît bien cette histoire. En fait, il y a environ vingt ans, le présentateur de nouvelles vedette de la CBS, Dan Rather, s'est rendu en Afghanistan et a posé pour les caméras de télévision habillé en robe moudjahiddine afin de rallier un appui pour les forces fondamentalistes islamiques.

Cette histoire est passée sous silence car elle démontre que les éléments qui mènent aujourd'hui le peuple américain en guerre, avec toutes les conséquences désastreuses qui en découleront, sont politiquement impliqués dans la tragédie qui a coûté la vie à des milliers d'Américains à New-York et à Washington.

Les dangereuses implications que la campagne de guerre comporte pour les droits démocratiques ont été soulignées par l'annonce faite par Bush d'un nouveau poste de Cabinet, le bureau de la sécurité nationale, qui sera chargé de coordonner toutes les opérations de renseignement et de sécurité à l'intérieur du pays.

Les opérations de la CIA, jusqu'ici limités par la loi à des cibles externes, seront maintenant coordonnées, au sein d'une agence fédérale de haut niveau, avec celles de la FBI et d'autres forces policières, afin de mettre sous écoute et d'espionner les gens partout aux États-Unis. Cette mesure constitue à elle seule une énorme violation des droits et libertés.

Mais ce n'est qu'une partie d'un assaut plus large sur les droits démocratiques, qui comprend la détention à durée indéfinie d'étrangers légalement établis, la déportation sans recours judiciaires et une vaste expansion du pouvoir gouvernemental de mettre les téléphones sous écoute et d'intercepter les communications électroniques.

Un État à parti unique

Pas une seule section de l'establishment politique n'a remis en cause la demande de Bush qu'un chèque en blanc lui soit accordé pour mener la guerre à l'étranger et fouler aux pieds les droits et libertés au pays. Dès la mise en branle de la croisade militaire, les deux partis ont mis au rancart toute forme de dissenssion.

Le parti démocrate a démontré son abondon de toute prétention à l'opposition en laissant tomber la réponse traditionnelle du parti minoritaire à un discours présidentiel au Congrès. Le leader démocrate de la majorité au sénat, Thomas Daschle, a plutôt choisi de faire une apparition conjointe avec le chef de la minorité, Trent Lott, au cours de laquelle ce dernier a résumé ainsi l'état de la politique américaince: « Il n'y a pas de parti d'opposition ».

Les médias, qui ont tous applaudi le discours de Bush, demeurent silencieux sur la contradiction entre la rhétorique démocratique qui régnait au Capitole et l'établissement de facto d'un état à parti unique. Les « experts » n'ont pas non plus pris la peine de noter que l'explication de Bush sur l'hostilité des terrorristes à l'endroit des États-Unis ­ « Ils haïssent ce qu'ils voient juste ici dans cette chambre : un gouvernement démocratiquement élu » ­ venait d'un homme qui a été installé à la Maison blanche par des moyens anti-démocratiques et illégitimes.

C'est un fait à la fois ironique et menaçant que le lancement d'une guerre au nom de la liberté soit accompagnée de la désintégration des principes les plus élémentaires de démocratie et le démantèlement de protections constitutionnelles de base. L'injonction de Bush, « Soit avec nous, soit avec les terrorristes », est non seulement une formule pour mener la guerre et renverser des gouvernements outre-mer, mais aussi un cri de ralliement pour une chasse-aux-sorcières à la McCarthy contre toute expression de dissenssions politiques au sein des États-Unis.

L'effondrement à toutes fins pratiques de la moindre opposition remplit une fonction politique additionnelle : il ne pourra y avoir aucun examen sérieux des extraordinaires failles en matière de sécurité qui ont rendu possibles les attaques sur le World Trade Center et le Pentagone.

L'atmosphère de peur et de panique permet au gouvernement d'échapper à la nécessité de rendre compte de ce qui était, à tout le moins, un cas de négligence criminelle, puis de se retourner pour insister que le peuple doit accepter, pour sa propre sécurité et son propre bien-être, la mise au rancart de ses droits démocratiques.

Le discours de Bush était également significatif pour ce qu'il ne disait pas. Reflétant les intérêts de classe extrêmement privilégiés et mesquins qu'il représente, Bush a annoncé un renflouement des compagnies aériennes à mêmes les taxes payées par la population, mais n'a eu rien à dire au sujet des millions de travailleurs, petits commerçants et retraités dont le gagne-pain est menacé par l'effondrement du marché boursier, la chute de la consommation et les licenciements massifs qui ont suivi le désastre du 11 septembre. Ni Bush ni les démocrates ne proposent des mesures sérieuses pour venir en aide aux familles des employés de l'industrie aérienne qui sont jetés à la rue en grand nombre. Ni ne proposent-il d'établir un filet de sécurité pour les propriétaires de commerces à New-York qui ont été dévastés par la destruction de toute une section de la ville. Quant aux petits investisseurs et aux retraités dont les économies de toute une vie et les pensions fondent d'un coup, ils ne peuvent s'attendre à aucune aide de la part de Washington.

La terrible perte de vies humaines survenue le 11 septembre était, en dernière analyse, le produit de la politique internationale impitoyable, irresponsable et réactionnaire appliquée depuis des décennies par des gouvernements américains qui représentent, non pas le peuple américain, mais l'élite financière et industrielle. Cette même élite s'empare maintenant des événements tragiques survenus à New-York et Washington pour entraîner la population, sans débats ni discussions démocratiques et au milieu de l'hystérie et de l'intimidation politique, dans une « guerre sans pareille » qui ne peut produire que de nouveaux désastres et de nouvelles tragédies, tant à l'étranger qu'à l'intérieur.

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