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Les raisons de notre opposition à la guerre en Afghanistan

Déclaration du comité de rédaction du WSWS

9 octobre 2001

Le World Socialist Web Site condamne l'assaut militaire américain contre l'Afghanistan. Nous rejetons les assertions malhonnêtes de l'administration Bush voulant que ce soit une guerre pour la justice et la sécurité du peuple américain contre le terrorisme.

Les détournements d'avion et attentats du 11 septembre représentaient des attaques politiquement criminelles contre des civils innocents. Ceux qui ont perpétré ce crime doivent être condamnés en tant qu'ennemis de la classe ouvrière américaine et internationale. Le fait que personne n'en a revendiqué la responsabilité ne fait que souligner le caractère profondément réactionnaire de ces attaques.

Mais si les événements du 11 septembre ont servi de catalyseur à l'assaut contre l'Afghanistan, sa véritable cause est plus profonde. La nature, progressiste ou réactionnaire, de cette guerre ou de toute autre, n'est pas déterminée par les événements qui l'ont immédiatement précédée, mais par la structure de classe, la base économique et le rôle international de chacun des états impliqués. De ce point de vue décisif, l'action menée par les États-Unis est une guerre impérialiste.

Le gouvernement américain a lancé la guerre pour faire valoir les vastes intérêts internationaux de l'élite dirigeante américaine. Qu'est l'objectif central de la guerre ? L'effondrement de l'Union soviétique il y a dix ans a créé un vide politique en Asie centrale, région qui constitue le deuxième plus important bassin recensé de pétrole et de gaz naturel au monde.

La région de la Mer Caspienne, à qui l'Afghanistan fournit un accès stratégique, renferme environ 270 milliards de barils de pétrole, soit 20 pour cent des réserves recensées dans le monde. Elle contient aussi 20 billions de mètres cube de gaz naturel, soit environ un huitième des réserves de gaz de la planète.

Ces ressources critiques sont situées dans la région politiquement la plus instable du monde. En attaquant l'Afghanistan, en installant un régime soumis et en amenant de grandes forces militaires dans la région, les États-Unis cherchent à établir un nouveau cadre politique au sein duquel ils peuvent exercer un contrôle hégémonique.

Ce sont là les véritables motifs de la guerre actuelle. La version officielle, voulant que toute l'armée américaine ait été mobilisée à cause d'un seul individu, Ossama Ben Laden, est ridicule. Le type de politique ultra-nationaliste basée sur l'obscurantisme religieux que pratique Ben Laden est entièrement réactionnaire, comme en témoigne sa glorification de la destruction du World Trade Center et du meurtre de près de six mille civils. Mais en faisant de Ben Laden un démiurge du mal, le gouvernement américain poursuit un objectif cynique, à savoir : cacher les vrais buts et la véritable signification de la guerre actuelle.

Faire un diable de Ben Laden fait partie du modus operandi de toutes les guerres lancées par les États-Unis au cours des deux dernières décennies. Dans chacune d'elles, que ce soit contre le « seigneur de la drogue » panaméen Manuel Noriega, le « seigneur de la guerre » somalien Mohammed Farrah Aidid, ou les « Hitler des temps modernes » Saddam Hussein et Slobodan Milosevic, le gouvernement et les médias américains ont cherché à manipuler l'opinion publique en présentant le chef ciblé comme étant la personnification du mal.

Dans une chronique éditoriale publiée le 8 octobre dans le New York Times, Fawaz A. Gerges, professeur au Sarah Lawrence College, a mis en lumière les véritables buts qui sous-tendent la campagne de guerre américaine. Décrivant une conférence d'organisations arabes et musulmanes qui s'est tenue la semaine dernière à Beyrouth, Gerges écrit :

« La plupart des participants ont soutenu que les États-Unis visaient beaucoup plus que la destruction de l'organisation Al-Qaida et le renversement du régime taliban. Ces représentants du monde musulman étaient presque unanimement inquiets des intentions américaines, croyant que les États-Unis poursuivent une stratégie bien définie qui comprend le contrôle des ressources pétrolières et gazières de l'Asie centrale, la compression des sphères d'influence de la Chine et de la Russie, la destruction du régime irakien, et la consolidation de l'emprise américaine sur les régimes producteurs de pétrole du Golfe Persique.

« De nombreux musulmans ont suspecté l'administration Bush de vouloir exploiter cette tragédie pour régler de vieux comptes et faire valoir l'hégémonie américaine dans le monde. »

Ces suspicions sont tout à fait légitimes. Si les États-Unis devaient expulser les talibans, capturer ou tuer Ben Laden et détruire ce que Washington appelle ses camps d'entraînement terroristes, l'atteinte de ces objectifs ne serait pas suivie du retrait des forces américaines. Le résultat serait plutôt l'établissement permanent de forces militaires américaines pour positionner les États-Unis comme arbitre exclusif des ressources naturelles de la région. Dans ces objectifs stratégiques résident les germes de futurs conflits encore plus sanglants.

La pertinence de cet avertissement est confirmée par une brève étude de l'histoire récente. Les guerres américaines des deux dernières décennies ont invariablement découlé de la politique précédemment suivie par les États-Unis. Il y a une chaîne ininterrompue d'événements qui voit les alliés américains d'hier devenir ses ennemis d'aujourd'hui.

La liste comprend l'ex-pion de la CIA, Noriega, l'ancien allié du Golfe Persique, Saddam Hussein, et le protégé américain d'hier, Milosevic. Ben Laden et les talibans sont les derniers de la série d'éléments pro-américains transformés en hommes à abattre.

Dans le cas de l'Iraq, les États-Unis ont soutenu Saddam Hussein dans les années 1980 en tant qu'allié contre le régime iranien de Khomeyni. Mais lorsque le régime irakien a menacé les intérêts pétroliers des États-Unis dans la région du Golfe Persique, Saddam Hussein a été transformé en démon et la guerre lancée contre Bagdad. Le but principal de la Guerre du golfe était d'y établir une présence militaire américaine permanente, présence qui continue plus d'une décennie plus tard.

Le résultat du parrainage américain de Ben Laden et des talibans s'est avéré encore plus tragique. Ceux-ci sont les produits de la politique américaine, commencée à la fin des années 1970 et poursuivie tout au long des années 1980, consistant à encourager le fondamentalisme islamiste pour affaiblir l'Union soviétique et miner son influence en Asie centrale. Ben Laden et d'autres fondamentalistes islamistes ont été recrutés par la CIA pour mener la guerre contre l'URSS et déstabiliser l'Asie centrale.

Dans le chaos et la destruction qui s'ensuivirent, les talibans ont été encouragés et portés au pouvoir avec la bénédiction du gouvernement américain. Les responsables de la politique américaine pensaient que les talibans serviraient à stabiliser l'Afghanistan après près de deux décennies de guerre civile.

Les dirigeants politiques américains voyaient en cette secte ultra-réactionnaire un instrument pour faire avancer les objectifs américains dans le bassin caspien et le Golfe Persique, et accroître la pression sur la Chine et la Russie. Si, comme le prétend l'administration Bush, l'attentat contre le World Trade Center est l'oeuvre de Ben Laden et de ses protecteurs talibans, alors, dans le sens le plus profond et le plus direct, la responsabilité politique de cette terrible perte de vies humaines retombe sur l'élite dirigeante américaine elle-même.

On peut trouver la source de la montée des mouvements intégristes islamistes, avec les forts sentiments anti-américains, non seulement dans l'appui des États-Unis aux Mujahedin en Afghanistan et au Pakistan, mais encore dans les assauts américains contre le monde arabe. Alors même que la CIA armait les intégristes en Afghanistan, elle donnait son soutien à l'invasion du Liban par l'Israël. Ensuite, les Américains ont bombardé Beyrouth en 1983, leur navire New Jersey a lancé des bombes de 1000 kg dans des zones résidentielles. Ces gestes criminels sont directement responsables des rétributions sous la forme des bombardements d'un camp militaire américain à Beyrouth, qui a coûté la vie à 242 soldats.

Tout le phénomène qu'on associe avec le personnage d'Oussama Ben Laden vient de surplus de l'alliance de Washington avec l'Arabie Saoudite. Les États-Unis, pendant des décennies, ont consolidé cette autocratie féodale, qui a fait campagne pour son propre type d'intégrisme musulman comme moyen de renforcer sa mainmise sur le pouvoir.

Tous ces détours et ces revirements, aux conséquences désastreuses, découlent de la nature de la politique étrangère américaine, qui n'est pas développée sur la base des principes démocratiques ou par une discussion ouverte et un débat public. Plutôt, elle est une façon de défendre des intérêts économiques que l'on cache au peuple américain.

Lorsque le gouvernement américain parle de guerre au terrorisme, il est parfaitement hypocrite, non seulement parce que les terroristes d'hier sont les alliés d'aujourd'hui, et vice versa, mais plus encore parce que la politique américaine a résulté en une catastrophe sociale qui est le terreau duquel recrutent les organisations terroristes. Il n'existe pas d'endroit où le rôle prédateur de l'impérialisme américain n'est plus évident que la pauvreté indescriptible et le retard qui afflige le peuple d'Afghanistan.

Que peut-on attendre de la dernière explosion de militarisme américain ? Même si les États-Unis réussissaient à atteindre leurs objectifs immédiats, il n'y a aucune raison de penser que la poudrière politique et sociale en Asie centrale ne devienne moins explosive.

Les États-Unis basent leurs discours de « construction d'une nation » en Afghanistan sur leur coopération avec l'Alliance du Nord, un mouvement anti-taliban, avec lequel le Pentagone coordonne ses attaques militaires. Tout comme Washington avait utilisé les terroristes albanais de l'Armée de libération du Kosovo comme délégué au Kosovo, aujourd'hui se sont une bande de seigneurs de la guerre basés dans le nord de l'Afghanistan qui deviennent leur bande armée en Asie centrale.

Puisque l'Alliance du Nord sera désormais décrite comme les défenseurs de la liberté et de l'humanisme, il est instructif de noter que récemment, des articles du New York Times et dans d'autres journaux déclaraient que la très grande majorité du commerce de l'opium afghan venait du petit territoire sous contrôle de l'Alliance. Les officiers militaires de l'Alliance du Nord sont de plus célèbres pour avoir assassiné des milliers de civils en bombardement Kaboul sans discrimination au début des 1990.

Combien sordides et illusoires sont les propositions de « reconstruction » de l'Afghanistan une fois que les États-Unis auront fini leur oeuvre d'anéantissement, c'est cela que laisse entrevoir un article du New York Times écrit juste avant que la guerre ne commence. « L'espoir du Pentagone, pouvait-on y lire, est que l'union du choc psychologique causé par les frappes aériennes, des pots-de-vin aux forces opposées aux talibans appuyées secrètement par Washington et l'opportunisme ouvert poussera plusieurs des combattants du côté des talibans à déposer leurs armes et à se rendre. »

Étant donné la nature de la région, avec ces énormes réserves de ressources clés, il est de plus évident qu'aucune des puissances de l'Asie centrale ne pourra accepter un arrangement où les États-Unis deviendront l'unique arbitre. La Russie, l'Iran, la Chine, le Pakistan et l'Inde y ont tous leurs intérêts propres, et ils chercheront à les défendre. De plus, la présence américaine va inévitablement entrer en conflit avec les intérêts des régimes bourgeois montants dans les États de la région qui viennent juste de se former avec l'effondrement de l'URSS.

À chaque nouveau développement du militarisme américain, l'ampleur des désastres qui en furent la conséquence s'est toujours accrue. Aujourd'hui, les États-Unis se sont embarqués dans une aventure dans une région qui est depuis longtemps l'objet d'intrigues de la part des grandes puissances, une région du monde, de plus, qui regorge d'armes nucléaires et est minée par les tensions sociales, politiques, ethniques et religieuses exacerbées par la pauvreté la plus abjecte.

Le New York Times, dans un rare moment de lucidité, a décrit les dangers que recèle l'opération militaire américaine dans un article qu'il publia le 2 octobre intitulé : « Le Pakistan : un allié peu fiable ». L'auteur écrivait : « En donnant à cette nation fragile et factieuse un rôle clé dans la "guerre au terrorisme", les États-Unis courent le danger de déclencher un cataclysme dans une région où la violence civile est une possibilité réelle et où l'on trouve des armes nucléaires. »

Ni dans les déclarations des États-Unis, ni dans les reportages peut-on trouver un examen sérieux des véritables buts économiques et géostratégiques qui expliquent les attaques militaires. On ne trouve pas non plus la moindre trace que l'élite politique américaine a considéré sérieusement les conséquences profondes et potentiellement catastrophiques du cours qu'elle a entrepris.

Malgré un battage médiatique continu pour fouetter le chauvinisme et le militarisme, le sentiment du peuple américain n'est pas à l'appui enthousiaste à la guerre. Tout au plus accepte-t-il passivement la guerre comme le seul moyen de lutter contre le terrorisme, un sentiment qui doit beaucoup aux efforts des médias entièrement malhonnêtes qui font comme s'ils étaient une section de l'État. Derrière l'endossement à contrecur de l'action militaire, on trouve un sentiment profond d'inconfort et de scepticisme. Des dizaines de millions de personnes considèrent que rien de bon ne pourra sortir de cette nouvelle explosion de militarisme américain.

Les États-Unis sont à un point tournant. Le gouvernement admet qu'il s'est embarqué dans une guerre dont il ne connaît ni l'ampleur ni la durée. Ce qui prend place, c'est une militarisation de la société américaine alors que s'approfondit la crise sociale.

La guerre va profondément affecter la classe ouvrière américaine et internationale. L'impérialisme menace l'humanité au début du XXIe siècle d'une façon qui dépasse en horreur les tragédies du XXe. Plus que jamais, l'impérialisme et ses déprédations soulèvent la nécessité de l'unité internationale de la classe ouvrière et de la lutte pour le socialisme.

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