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La résolution de l'ONU contre l'Irak : une couverture cynique pour une agression américaine

Par le bureau de rédaction
9 novembre 2002

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Avec son vote unanime sur la résolution américano-britannique menaçant de «sérieuses conséquences» l'Irak s'il ne se conforme pas au nouveau régime d'inspection des armements, le Conseil de sécurité des Nations unies vient de donner à l'administration Bush un feu vert international pour la guerre qu'il prépare contre cette nation arabe.

La résolution n'est qu'un cynique document qui met délibérément de l'avant des exigences impossibles à respecter pour l'Irak. Il satisfait en ce sens les exigences de Washington: fabriquer un prétexte pour lancer une guerre dont les préparatifs sont déjà très avancés, sans être obligé d'obtenir une autorisation du Conseil de sécurité.

Présentée par l'administration Bush et les médias, comme étant le résultat de négociations intenses sur des questions substantielles, la résolution représente en fait la capitulation des autres membres permanents du Conseil de sécurité, la France, la Russie et la Chine, en réponse aux intenses pressions de Washington.

Le vote de la Syrie en faveur de la résolution est une illustration supplémentaire du rôle profondément réactionnaire et traître de la bourgeoisie nationale arabe, toujours prête, nonobstant ses prétentions pan arabe, d'obtenir des faveurs de l'impérialisme américain en soutenant ses crimes contre les masses arabes.

Dans une conférence de presse donnée dans le Rose Garden de la Maison blanche, Bush explicitait clairement que la résolution signifiait pour les États-Unis la reconnaissance de son plan de guerre. Il n'a laissé planer aucun doute de l'intention de son administration de lancer une guerre totale au premier geste de «non-respect» qui sera allégué. «Avec l'adoption de cette résolution» déclare-t-il, «le monde ne doit pas glisser dans un débat stérile à savoir si tel où tel "non-respect" par l'Irak de la résolution est sérieux ou non. Tout défaut de l'Irak est sérieux»

Bush continue : «l'Amérique ne déterminera qu'une seule chose : l'Irak respecte-t-il les conditions de la résolution du Conseil de sécurité ou non ? Les États-Unis se sont mis d'accord pour discuter des violations avec le Conseil de sécurité, mais sans mettre en péril notre liberté d'action pour défendre notre pays. Si l'Irak fait défaut de respecter entièrement la résolution, les États-Unis et d'autres nations désarmeront Saddam Hussein.»

Faisant écho au discours guerrier de Bush à partir de Londres, le premier ministre britannique Tony Blair disait à Bagdad, «Défiez la volonté des Nations unies, et nous vous désarmerons par la force.»

Initialement, la France ainsi que la Russie insistait pour que le Conseil de sécurité prenne un second vote pour autoriser une action militaire contre l'Irak dans le cas où le pays ne respecterait pas le régime d'inspection militaire. Cette demande a cependant été abandonnée face à l'intransigeance de Washington.

À la fin, la résolution n'engage le Conseil de sécurité qu'à se réunir afin de «considérer la situation» pour déterminer si l'Irak devait être accusé d'interférence dans l'inspection des armes. Le tiraillement diplomatique sur le texte à adopter n'était motivé par les autres membres du Conseil de sécurité que pour se donner une couverture politique pour masquer leur capitulation face à Washington.

Les États-Unis vont maintenant présenter la résolution comme étant une autorisation des Nations unies pour une guerre d'agression non provoquée. Initialement, l'administration Bush n'exprimait que du dépit pour un rôle quelconque des Nations unies. Mais sous la pression tant des sondages qui révélaient qu'une large majorité s'opposait à une action unilatérale des États-Unis et de la montée de l'opposition dans la rue tant au pays qu'internationalement, l'administration a finalement décidé que la sanction des Nations unies valait l'effort.

La France, la Russie et la Chine n'ont réussi qu'à sauver la face dans le texte final de la résolution, qui n'autorise pas spécifiquement une attaque unilatérale des États-Unis, mais ne l'interdit pas non plus. Chacun pourra être libre de l'interpréter selon les termes qu'il jugera à propos. Les autres membres du Conseil de sécurité sont libres de discuter, alors que les États-Unis et l'Angleterre sont libres d'attaquer.

La France, la Russie et la Chine se sont toutes opposées à une guerre unilatérale contre l'Irak du point de vue de leurs intérêts substantiels dans les richesses pétrolières du pays. La compagnie russe Lukoil a les intérêts les plus importants ­ un contrat de 3.5 milliards sur 23 ans pour développer l'imposant champ pétrolifère de West Quormah. La compagnie d'État française TotalFinaElf est tout près de compléter une entente pour exploiter le champ pétrolifère de Majnoon, avec des réserves estimées à 30 milliards de barils. Pendant ce temps, la China National Petroleum Corp. a un contrat pour participer au développement de la région pétrolière du Rumaila.

Les trois gouvernements reconnaissent qu'une invasion américaine sous le prétexte d'imposer le respect des résolutions des Nations unies relativement aux «armes de destructions massives» aura pour objectif central la consolidation du contrôle américain sur les réserves de pétrole de l'Irak, la deuxième en importance après l'Arabie Saoudite. Les plans que Washington a fait pour conquérir et gouverner l'Irak par le biais d'un gouvernement d'occupation militaire, comprend sans aucun doute la remise du contrôle des réserves de pétrole irakien entre les mains des compagnies du secteur de l'énergie américaines.

Derrière les coulisses, il y a eu des négociations visant à garantir aux alliés européens que, dans l'éventualité d'une guerre menée par les États-Unis, ils conserveraient certains de leurs intérêts. Cependant, ceux qui sont près de l'administration à Washington disent que rien de tel n'a été promis.

La résolution passée par les Nations unies ne fait que souligner que la question des inspections n'est qu'un prétexte utilisé par Washington pour la guerre. Des dirigeants de la précédente équipe des inspecteurs ont insisté sur le fait que l'arsenal militaire de l'Irak avait déjà été effectivement détruit durant les sept années d'inspection qui ont suivi la dernière guerre du Golfe. De plus, la nouvelle résolution introduite des conditions qui ne visent pas la destruction des armes, mais la souveraineté et le droit à l'auto défense de l'Irak.

Les diplomates des Nations unies se félicitaient d'avoir adopté une résolution sans y avoir caché un «élément déclencheur» qui aurait pour effet d'entraîner une action militaire. En effet, les éléments déclencheurs y sont en pleine lumière. Parmi les mesures adoptées se trouvent des dispositions que les inspecteurs des armements des Nations unies avaient eux-mêmes rejetés comme étant inutilement provocatrices, mais aussi irréalisables.

Le premier de ces «éléments déclencheur» est l'affirmation que l'Irak «a été et demeure dans un état de violation» de ses obligations envers les précédentes résolutions des Nations unies. On n'attend même pas pour voir quelles armes les inspecteurs vont découvrir s'ils retournent en Irak. Le langage qui est employé justifie effectivement une agression militaire, quoi que fasse Bagdad.

Le document continue en donnant trente jours à l'Irak pour fournir «une déclaration à jour, exacte et complète» non seulement sur ses supposés programmes d'armement, mais aussi sur tous ses programmes de recherches et ses installations chimiques, biologiques et nucléaires même si elles ne sont pas à vocation militaire. Étant donné le niveau de développement de l'industrie pétrochimique de l'Irak, des représentants de l'ONU ont dit qu'il est impossible pour Bagdad de répondre à cette exigence en trente jours.

«Même si les Irakiens voulaient respecter les termes de la résolution, et je ne suis pas certain qu'ils voudront le faire, je ne crois pas qu'il soit possible qu'ils puissent y arriver», a dit Denis Halliday, l'ancien secrétaire général adjoint des Nations unies. Halliday, qui a démissionné de son poste à cause de son opposition aux sanctions contre l'Irak qu'il a décrit comme un «génocide», a ajouté que la résolution adoptée incluait des clauses qui «n'ont pour but que la guerre de M. Bush».

Si on devait trouver que le régime irakien a présenté des «informations fausses» dans son rapport à l'ONU, alors ceci constituerait «une nouvelle violation substantielle des obligations de l'Irak» et entraînerait des représailles militaires. Étant donné les accusations sans fondements de l'administration Bush sur les programmes d'armements irakiens, ces derniers niant leur existence même, il n'est pas difficile de prévoir que Washington va accuser Bagdad de mentir.

La longueur du délai, trente jours, n'a pas été déterminée par la menace que pourraient faire peser les armes irakiennes, mais pour assurer qu'il y aura un prétexte pour la guerre à la date que le Pentagone a déjà jugé optimale pour l'invasion américaine, soit janvier ou février.

Les autres clauses de la résolution sont tellement provocatrices qu'elles seront soit automatiquement rejetées par l'Irak, ce qui donnera immédiatement à Washington son casus belli, soit acceptées et mises en oeuvre, ce qui signifiera l'occupation militaire du pays.

Le document exige que l'Irak permette aux inspecteurs des armements «d'accéder immédiatement, sans entrave, inconditionnellement et sans restriction à la totalité des zones, installations, équipements, relevés et moyens de transport». Ils peuvent déclarer des zones d'exclusions autour de toute installation qu'ils désireraient inspecter, interdisant la libre circulation des gens, des véhicules et des avions dans toute une région. Pour finir, la résolution prévoit qu'un «nombre suffisant de gardes de sécurité de l'Organisation des Nations unies» protégera les inspecteurs des armements.

Tout ceci signifie que l'Irak doit accepter un nombre illimité de soldats qui accompagneront les inspecteurs parcourant le pays sans restrictions, forçant l'accès dans tout lieu qu'ils choisiront et empêchant l'accès à toute une région selon leur bon vouloir. Ce n'est rien de moins que d'accorder le contrôle du pays à une armée étrangère.

Les «règles de combat» ne sont nulle part mentionnées dans le document, mais le plus probable est qu'elles seront dictées par le Pentagone. Est-ce que les casques bleus des troupes onusiennes seront autorisés à tirer sur des représentants du gouvernement irakien ou sur des civils qui auraient violé la zone d'exclusion? La résolution n'en souffle mot.

Alors que la résolution finale ne reprend pas les termes d'ébauches précédentes qui permettaient que des pays membres de l'ONU puissent directement envoyer leurs troupes en Irak pour «défendre» les inspecteurs, elle ne l'empêche pas explicitement. Il y a peu de doute que les États-Unis vont faire de grandes pressions pour envoyer des bataillons de leur armée en Irak même.

De plus, la résolution abroge explicitement une résolution du Conseil de sécurité de 1998 qui définissait les modalités pour l'inspection de sites présidentiels utilisés par le président irakien, Saddam Hussein, et par les hauts représentants du gouvernement. Cette résolution prévoyait une présence diplomatique aux côtés des inspecteurs. La nouvelle résolution insiste plutôt que les inspecteurs et leurs gardes armés auront un accès «inconditionnel» à ces sites avec «les mêmes conditions qui s'appliquent à tous les autres sites».

La résolution insiste aussi que toutes les agences d'inspection de l'ONU «détermineront la composition de leurs équipes d'inspection et veilleront à ce qu'elles comprennent les experts les plus qualifiés et les plus expérimentés qui soient disponibles».

Avant que les inspecteurs quittent l'Irak à la demande de Washington en 1998, il avait été révélé que plusieurs membres américains de l'équipe d'inspecteurs étaient des agents de la CIA et des membres d'unités d'élite de l'armée spécialisées dans les opérations extraordinaires qui ne connaissaient rien à l'inspection des armements. Ils avaient pour tâche d'espionner le régime irakien et de concocter des provocations.

Il ne peut y avoir aucun doute que de tels éléments vont encore être envoyés en Irak. Tout ceci en tenant compte que l'administration a publiquement déclaré qu'elle appuie l'assassinat de Saddam Hussein. La résolution demande ainsi un accès sans restrictions aux palais et aux bureaux du président irakien pour des tueurs entraînés envoyés par un régime qui a demandé l'assassinat de Hussein.

La résolution déclare de plus que les inspecteurs «pourront utiliser et faire atterrir librement et sans restriction des aéronefs à voilure fixe et à voilure tournante, y compris des véhicules de reconnaissance avec ou sans pilote». Étant donné l'utilisation d'un drone de la CIA pour assassiner six personnes au Yémen, cette clause vient ajouter sa part de lourdes menaces.

Le régime irakien doit livrer tout scientifique ou représentant gouvernemental que les inspecteurs désireront interroger. La résolution énonce spécifiquement que les agences d'inspection de l'ONU «pourront à leur gré mener des entretiens dans le pays ou à l'extérieur, qu'elles pourront faciliter le voyage à l'étranger des personnes interrogées et des membres de leur famille».

Ces mesures participent à un système qui pourra facilement devenir une expatriation forcée de la communauté scientifique irakienne, minant encore plus l'économie ainsi que l'industrie irakiennes déjà chancelantes. Ceux à qui on demandera de quitter le pays avec leur famille feront l'objet d'intenses pressions pour faire défection et donner des informations incriminantes, qu'elles soient véridiques ou fabriquées, sur le programme d'armement irakien. Sans doute que ceux qui accepteront se verront offrir emplois et argent. Ce sera menaces de châtiment pour ceux qui refuseront.

Pour finir, la résolution déclare que «l'Irak n'accomplira ou ne menacera d'accomplir aucun acte d'hostilité à l'égard de tout représentant ou de tout membre du personnel de l'Organisation des Nations unies ou de l'AIEA, ou de tout Etat membre agissant en vue de faire respecter toute résolution du Conseil». Les termes de cette clause ont été choisis pour interdire toute résistance irakienne aux incessants bombardements et attaques par missiles des Américains dans les zones de restriction aérienne que Washington et Londres ont décrétée et font respectées de façon unilatérale au nord et au sud de l'Irak.

Alors que ces zones ont été imposées sans la sanction d'une résolution de l'ONU, Washington prétend qu'elles avaient pour but de faire respecter d'autres mesures décidées par l'ONU pour protéger la minorité kurde au Nord et la minorité chiite au Sud. En réalité, les patrouilles au-dessus de ces zones ont très clairement violé les résolutions de l'ONU qui garantissait la souveraineté de l'Irak sur son territoire. Personne au Conseil de sécurité n'a toutefois exprimé son désaccord sur ce point.

Pendant ce temps, Washington utilise les zones de restriction aérienne pour mener une guerre aérienne de faible intensité contre l'Irak qui vise à annihiler ses systèmes de défense de l'espace aérien en prévision de l'invasion américaine.

La nouvelle résolution n'interdit pas seulement à l'Irak tout combat contre cette agression, mais elle déclare que le moindre coup de feu contre un avion américain ou britannique qui bombarderait l'Irak sera un prétexte pour la guerre. Ce n'est pas par erreur que la journée avant le vote à l'ONU, le Pentagone repassait ses vidéos autrefois secrètes de batteries sol-air irakiennes tirant directement sur des avions américains.

Considérées dans leur ensemble, ces conditions visent à infliger à l'Irak une humiliation complète sur tous les plans, lui niant tout vestige de souveraineté nationale. En plus de fournir à l'administration Bush de nombreux prétextes pour sa guerre, la résolution vise aussi à miner le gouvernement actuel à Bagdad. Si l'Irak devait accepter la résolution, tous les efforts seront faits pour décrire le régime irakien comme étant impuissant dans le but de fomenter un coup d'état militaire.

L'appui de Conseil de sécurité pour une telle intervention réactionnaire de type néocolonialiste ne laisse aucune place pour des illusions dans le rôle supposément progressiste des Nations unies ou dans la capacité des rivaux impérialistes de Washington à freiner l'éruption mondiale du militarisme américain.


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