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Par le bureau de rédaction
7 novembre 2002
Le balayage républicain aux élections de mi-mandat du 5 novembre prépare le terrain pour une intensification importante de la crise sociale et politique aux États-Unis. Les médias ont fait montre de cynisme en tentant de présenter les résultats électoraux comme une confirmation du bien-fondé des politiques de George W. Bush et de l'appui dont elles bénéficient dans la population.
Seulement parler d'une «victoire» des républicains dans cette élection est trompeur. Elle n'a jamais été sérieusement contestée par le mal nommé parti d'opposition.
Ce fut une débâcle électorale pour les démocrates, une défaite sur tous les fronts. Les démocrates ont cédé le contrôle du Sénat, ont perdu des sièges à la Chambre des représentants et ont connu la défaite dans une majorité des élections au niveau des États. Le Parti républicain détient maintenant la présidence et la majorité dans les deux chambres du Congrès pour la première fois depuis l'élection de Dwight Eisenhower en 1952. Si l'on considère que la Cour suprême est aussi un château fort de la droite, on peut dire que les républicains contrôlent les trois branches du gouvernement américain pour la première fois depuis l'administration Hoover en 1930.
L'administration Bush ne se fait aucune illusion sur l'ampleur de l'appui populaire pour ses politiques, mais elle exploitera l'effondrement de toute opposition au sein de l'establishment politique donner un assaut sans précédent à la classe ouvrière.
Déjà, avec le feu qui vient de passer au vert à la Chambre des représentants et au Congrès, il est attendu que la Maison blanche amorcera sa guerre contre l'Irak au cours des prochains mois, ce qui aura des conséquences incalculables pour la population au Moyen-Orient, aux États-Unis et ailleurs dans le monde.
Bien avant que l'invasion de l'Irak n'ait lieu, les conséquences aux États-Unis mêmes de cette campagne pour la guerre se feront sentir alors qu'un Congrès docile (les républicains contrôlant les deux chambres) se réunira pour adopter les budgets des services sociaux et des affaires intérieures. Dans un contexte où les dépenses militaires s'accroissent remarquablement et que les revenus fiscaux sont toujours plus faibles à cause de la récession et de la chute des marchés, l'administration Bush demande des réductions importantes des dépenses dans le domaine social. Ceci ne sera que le premier paiement à faire sur les compressions massives qui suivront inévitablement une fois que le coût entier de la guerre dans le Golfe Persique, et ailleurs, devra être assumé.
Le premier point à l'ordre du jour de ce Congrès docile est de voter les lois qui établiront un nouveau secrétariat de la Sécurité intérieure pour centraliser toutes les forces de polices et de sécurité qui relèvent du fédéral en une agence unique. La loi était bloquée par une mésentente sur la demande de Bush que tous les travailleurs de ce nouveau département perdent les protections dont jouissent normalement les fonctionnaires de l'État en plus de leurs droits de négocier collectivement. Aujourd'hui, rien n'arrêtera cette mesure qui repose sur la prémisse que les travailleurs américains doivent sacrifier leurs droits démocratiques à la «guerre au terrorisme».
Pratiquement, l'issue de l'élection du 5 novembre a été décidée il y a des semaines lorsque les leaders démocrates en Chambre ont pris la décision de donner tous les pouvoirs à Bush quant à la guerre à l'Irak. Il n'est pas possible qu'un parti puisse mener une campagne électorale sérieuse contre une administration dont l'autorité a été renforcée par un vote de confiance politique.
Les mentors politiques de Bush ont décidé de mener la campagne électorale des républicains comme un référendum sur la politique de guerre de l'administration et les démocrates, sans résistance aucune, les ont suivis sur cette voie. Cela n'était pas une simple erreur tactique. Les politiques du Parti démocrate ont été exposées au grand jour et leur crédibilité a été dévastée.
Les démocrates ont tenté d'expliquer qu'ils appuyaient une guerre impérialiste sans objet de provocation en déclarant que faire autrement signifierait un suicide politique, ajoutant qu'une fois la question de la guerre écartée, ils pourraient concentrer leur feu sur les politiques intérieures de Bush. Ils ont tout bonnement ignoré la série de sondages qui montraient l'inquiétude générale sur la question de la guerre et le déclin de l'appui populaire aux visées militaristes de Bush.
En réalité, en appuyant la guerre, ils donnaient leur appui au programme de l'administration dans son ensemble. Il est impossible de séparer les visées prédatrices de la politique étrangère de Bush de ses politiques de répression et de réaction sociale à l'interne. Elles constituent les deux côtés d'un même programme, un programme mis en oeuvre dans les meilleurs intérêts de l'oligarchie du monde des affaires et des finances, non dans celui de la population américaine.
C'est ce qui a mené à ce que les démocrates ne puissent ni ne veulent proposer une seule mesure sérieuse qui s'adressait à la question de la croissance du chômage ou à la crise grandissante dans le secteur de l'éducation, de la santé et du logement. Ils n'ont pas osé défier les diminutions d'impôts de Bush pour les riches, ses attaques contre les programmes sociaux ou son budget militaire qui a atteint des sommets inégalés. Les démocrates ont capitulé sur tous les points.
L'effondrement des démocrates est encore plus significatif si l'on prend en compte le contexte dans lequel il s'est produit. L'administration des républicains est largement perçue comme illégitime, ayant pris le pouvoir à l'aide de la fraude électorale et par décision de la cour, et ses dirigeants sont impliqués dans d'importants scandales financiers.
Pourtant, au contraire des élections de 1998 et 2000, il n'y a eu aucune tentative de mobilisation dans les quartiers des minorités ou de la classe ouvrière, là où traditionnellement la loyauté aux démocrates est la plus solide. Les démocrates n'ont pas donné une seule raison aux sections opprimées de la population de les appuyer.
Voilà la véritable cause de la victoire des républicains. Ce n'est pas un appui de masse à Bush ou à son programme de droite. L'image que projettent les médias d'un peuple en adoration devant leur chef de guerre est absurde. La population travailleuse aux États-Unis n'a pas soudainement et sans raison décidé qu'elle voulait passionnément la guerre, les diminutions d'impôts en faveur des riches, des aumônes gouvernementales aux grandes entreprises ainsi que l'élimination d'emplois et de services sociaux publics.
Le vote du 5 novembre sera un jalon. Il souligne la fin du système bipartite américain, un système qui n'offre aucune façon d'exprimer ses intérêts à la classe ouvrière. Les deux partis, les médias et le mécanisme électoral existant sont entièrement subordonnés aux intérêts les plus égoïstes et les plus étroits de la très petite élite privilégiée. L'aliénation des masses envers le système politique est reflétée dans le très faible taux de participation aux élections, qui a été estimé à environ 38 ou 39 pour cent, le deuxième plus faible de l'histoire.
Le fait même que les républicains aient pu accaparer tous les leviers du pouvoir de l'État malgré le fait reconnu par tous que l'électorat est à peu près divisé également, démontre le caractère dysfonctionnel et non démocratique du système politique.
La débâcle du Parti démocrate signifie la fin de la période où les préoccupations sociales de la classe ouvrière pouvaient trouver expression dans un système de deux partis capitalistes. L'élite dirigeante américaine ne peut plus offrir un parti des réformes de la grande entreprise crédible.
Des millions de travailleurs perdent leurs illusions dans le Parti démocrate, bien qu'ils ne voient pas présentement d'alternative.
L'immense vide politique sur la gauche a donné ce qui semble être une victoire écrasante aux républicains. Toutefois, on verra bientôt que cela n'est que le prélude d'une crise politique et sociale aux proportions titanesques. Précisément parce que le système politique américain ne permet plus que s'expriment le moindrement les véritables sentiments du peuple américain, la frustration et la colère populaire vont inévitablement prendre la forme de convulsions et de soulèvements. Dans peu de temps, d'importantes luttes sociales vont émerger aux États-Unis.
Le discrédit du parti traditionnel des réformes aux États-Unis signifie que la crise sociale grandissante va avoir tendance à pousser la classe ouvrière vers la voie de la lutte politique indépendante. Ceci doit être reconnu et pris comme base d'une nouvelle stratégie politique.
Il n'y a plus de retour en arrière possible après le 5 novembre. Le temps est venu pour la classe ouvrière américaine de commencer la tâche difficile de construire un parti politique indépendant. Toute l'expérience du Parti démocrate montre sur quelle base programmatique un tel parti doit être construit. Elle démontre qu'il ne peut y avoir d'opposition sérieuse à la réaction politique et à la guerre à moins que cette opposition ne devienne une opposition au système capitaliste lui-même. Les élections de mi-mandat mis à l'ordre du jour de la manière la plus nette qui soit la tâche inéluctable de créer une alternative socialiste de masse aux deux partis de la grande entreprise.
La tâche de construire cette alternative est entreprise
par le Parti de l'égalité socialiste et le World
Socialist Web Site. Nous faisons la promesse à nos
lecteurs et nos partisans aux États-Unis et internationalement
que nous intensifierons nos efforts pour construire le parti socialiste
de masse de la classe ouvrière.
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