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France: Chirac nomme un conservateur néo-libéral comme premier ministre intérimaire

par David Walsh à Paris
7 mai 2002

Jacques Chirac, réélu le 5 mai à la présidence avec une majorité importante au deuxième tour face à Jean-Marie Le Pen, a annoncé qu'il nommait Jean-Pierre Raffarin comme premier ministre intérimaire. Il sera à la tête du gouvernement jusqu'aux élections législatives de juin. C'est lundi matin que Raffarin a officiellement remplacé Lionel Jospin, le précédent premier ministre du Parti socialiste.

Le nouveau premier ministre de Chirac est relativement peu connu hors des cercles politiques. Membre de Démocratie libérale et ancien ministre du Commerce, Raffarin est considéré un adepte de la politique du libre marché. Ancien directeur de marketing, il est vu comme plus consensuel que Nicolas Sarkozy, un des chefs de file de l'aile droite du parti gaulliste de Chirac, qui avait été désigné comme un candidat au poste de premier ministre.

Durant la campagne électorale, Raffarin a fait un effort pour «tendre la main» aux étudiants et aux jeunes qui manifestaient contre Le Pen et l'extrême droite. À un rallye du premier mai, il est monté sur les tribunes aux côtés de représentants du Parti socialiste, des Verts et de la Ligue communiste révolutionnaire.

Chirac cherche à unir la droite le plus largement possible dans l'espoir d'obtenir une majorité de droite à l'Assemblée nationale lors des législatives qui auront lieu le mois prochain. Dans la première déclaration publique qu'il a donnée depuis sa victoire le 5 mai, il a réitéré sa promesse électorale de faire de « a lutte contre le crime» la plus haute priorité de son nouveau mandat. Il envoie ainsi un message sans équivoque à ses parrains de la grande entreprise et à la droite politique qu'il a l'intention, peu importe l'appui que lui ont donné les socialistes, les communistes et les verts, d'appliquer un programme d'attaques intensifiées contre la classe ouvrière.

Le Rassemblement pour la République de Chirac n'est qu'une des nombreuses factions conservatrices. Son équipe, menée par l'ancien premier ministre Alain Juppé, a préparé le terrain pour les législatives en créant une organisation parapluie pour les organisations officielles de droite, l'Union pour la majorité présidentielle (UMP). Ce geste a provoqué la colère chez certains de ses rivaux conservateurs, notamment François Bayrou, président de l'Union pour la démocratie française, qui a accusé Chirac et son camp de tenter de détruire son parti. Un représentant de l'UDF a dit à Libération: «Quand le RPR nous invite à déjeuner, je suis toujours un peu inquiet, j'ai l'impression qu'on est à la fois l'invité et le plat du jour.»

Mais alors même qu'il fait appel à la droite politique, Chirac laisse la porte ouverte à une défection des électeurs traditionnels de la gauche et à une possible collaboration avec les dirigeants du Parti socialiste. C'est ce qu'il a voulu signifier en choisissant Raffarin comme premier ministre intérimaire.

Au second tour, Chirac a reçu 82 pour cent du vote national, pour un total de 25,3 millions de voix contre 5,5 millions pour son adversaire d'extrême droite. L'écart qui a séparé les deux hommes le 5 mai est d'autant plus remarquable, et d'autant moins signifiant, qu'au premier tour de l'élection présidentielle du 21 avril, il n'avait obtenu que 19,88 pour cent du vote exprimé ou 13,75 pour cent des électeurs inscrits. Jamais un président sortant n'avait aussi mal fait depuis les débuts de la Ve République, établie en 1958 par le général Charles de Gaulle.

Alors que le taux d'abstention du 5 mai, qui a atteint 19,06 pour cent, fut moins élevé que celui du premier tour (28,4 pour cent) à cause d'une campagne massive de l'ensemble de l'establishment politique et médiatique, aussi bien celui de gauche que celui de droite, pour un vote pour Chirac, il demeure que ce taux d'abstention est le troisième en importance de l'histoire de la Ve République pour un deuxième tour. Après la grève générale de mai-juin 1968, devant le choix de deux candidats de droite au second tour (Georges Pompidou et Alain Poher), les électeurs de la gauche et de la classe ouvrière avaient boycotté l'élection en grand nombre.

Si on ajoute aux 19 pour cent d'électeurs inscrits qui se sont abstenus les cinq pour cent d'électeurs qui ont déposé un bulletin blanc ou nul dans l'urne, on arrive à près du quart de l'électorat français, soit environ dix millions de personnes, qui a refusé de voter pour Chirac ou pour Le Pen. Ce n'est pas ce que l'on peut appeler un vote de confiance si l'on prend en considération la campagne concertée de l'establishment politique et médiatique pour convaincre la population d'aller voter.

Le Pen a nettement perdu l'élection, mais il a gardé les voix qu'il avait obtenues lors du premier tour, les augmentant un peu. Le président du Front national a reçu 50.000 votes de plus que le total de ses voix et de celles de son ancien collègue, Bruno Mégret, le président du Mouvement national républicain, parti d'extrême droite né d'une scission d'avec le Front national.

Le Pen a le mieux fait dans le Sud-Est, en Provence-Alpes-Côte d'Azur, région qui comprend Nice, Marseille, Avignon et Toulon. Cette région a dépassé l'Alsace au second tour pour l'appui qu'elle a donné à Le Pen, soit 27,69 pour cent du vote exprimé. Le vote pour Le Pen a diminué dans 29 des quelque 85 départements que compte la France et a augmenté de plus de quatre pour cent dans sept.

Le Monde a noté dans son analyse des résultats que c'était dans les régions traditionnellement gagnées à la gauche que Chirac a connu ses plus grands succès. Il a vu son appui augmenter de 70 pour cent dans certaines régions telles les Hautes-Pyrénées, Ariège et la Haute-Garonne, dans le Sud-Ouest et la Loire-Atlantique dans le Nord-Ouest.

Alors que l'issue du second tour ne faisait aucun doute après la défaite de Jospin le 21 avril, le camp Chirac a commencé à manoeuvrer pour se mettre en position de gagner une majorité de députés pour la droite lors des élections législatives. Dans un de ses derniers discours de la campagne électorale, Chirac a déclaré que si la droite ne réussissait pas à gagner une majorité pour les élections à l'Assemblée nationale, «tout sera à recommencer».

Ceci a été interprété par certains, notamment le New York Times, comme une indication que Chirac pourrait chercher à imposer un changement important de la constitution. Le Times a cité un politicologue français bien connu qui suggérait que Chirac pourrait appeler de nouvelles élections ou organiser un référendum pour changer le processus électoral si une coalition menée par le Parti socialiste gagnait la majorité à l'Assemblée nationale.

Une autre possibilité serait la formation d'un gouvernement d' «unité nationale» ou d' «union sacrée» (expression déjà utilisée pour désigner la coalition contre Le Pen) qui comprendrait des membres des partis officiels de la droite et de la gauche, dont les programmes sont déjà pratiquement interchangeables. Présentement, les deux camps rejettent publiquement cette voie, mais la perspective d'une autre cohabitation paralysante (le président et l'Assemblée nationale venant de camps opposés) et les pressions de l'élite dirigeante pourraient faire pencher la balance de l'autre côté.

Dans un éditorial qui a suivi les élections françaises, le Times notait : «Peu importe le résultat [des élections législatives], les partis dominants en France devront s'attarder aux griefs des électeurs et à leur aliénation envers le processus politique. Ce serait déjà un bon début qu'ils se demandent si ce long labyrinthe électoral est la meilleure façon d'élire un gouvernement. »

L'endossement par le Times d'une «réforme» des lois électorales françaises est en large part une réponse aux dix pour cent des votes qu'ont obtenus au premier tour trois partis qui se décrivent comme étant des partis révolutionnaires socialistes: Lutte ouvrière, la Ligue communiste révolutionnaire et le Parti des travailleurs. Les rédacteurs de ce quotidien préféreraient imposer aux Français un système beaucoup plus proche de l'étouffant système bipartite américain, système qui exclut effectivement toute expression d'une politique indépendante ouvrière et socialiste.

Les résultats des élections législatives du mois prochain sont loin d'être certains, les forces lepénistes menaçant de rendre les choses aussi difficiles que possible pour le camp Chirac. Les conseillers de Le Pen considèrent que les candidats du Front national pourraient se rendre au deuxième tour dans 237 des 577 circonscriptions (un candidat doit recevoir au moins 12,5 pour cent des votes exprimés pour passer au second tour). Au moins publiquement, la stratégie du Front national est de diviser le vote de la droite pour priver Chirac d'une majorité à l'Assemblée nationale.

Pendant ce temps, le Parti socialiste (PS) se trouve dans un désarroi total, sans président et profondément discrédité. Il a été estimé en se basant sur les résultats obtenus par Jospin le 21 avril que seulement 134 députés socialistes se rendraient au deuxième tour.

Dans un effort pour conserver son influence et même former le prochain gouvernement, le PS fait campagne pour qu'il n'y ait dans chaque circonscription qu'un seul candidat de la gauche, qui proviendrait surtout de ses propres rangs. Les socialistes sont présentement en négociation avec les staliniens (le Parti communiste), les Verts, le Parti radical de gauche et même le Mouvement des citoyens de Jean-Pierre Chevènement.

Les dirigeants du PS déclarent que la gauche ne pourra ressusciter que si elle se rallie aux sociaux-démocrates. Selon François Hollande, secrétaire général et président intérimaire du parti: «La force du PS, c'est le mélange de générations, mais c'est aussi sa capacité à couvrir un espace politique large allant du centre gauche jusqu'à la gauche mouvementiste. C'est enfin son sens de la synthèse qui doit lui permettre aujourd'hui de répondre plus facilement que d'autres aux aspirations les plus diverses de la société.»

Ce langage obscur a pour but de cacher le fait que pendant 5 ans, un gouvernement du PS sous Jospin, loin de répondre «aux aspirations les plus diverses de la société», a défendu les intérêts de la grande entreprise française, décourageant et désorientant par là de larges couches de la population travailleuse, surtout les chômeurs et les travailleurs précaires, à un point tel qu'ils en deviennent vulnérables à la démagogie de Le Pen. Hollande ne promet rien de plus que la continuation de cet état de fait.

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