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Le WSWS
s'entretient avec des résidents de la circonscription
du leader du PC français
Par une équipe de reporters
15 juin 2002
Après l'entrevue avec le secrétaire général
du Parti communiste Robert Hue, des reporters du WSWS se sont
entretenus avec des résidents d'Argenteuil à propos
des conditions économiques et politiques dans la région.
Le WSWS s'est entretenu avec Ali Romdhane, membre du
CA du Parti socialiste d'Argenteuil et ancien conseiller municipal
d'Argenteuil.
WSWS: Que pouvez-vous nous dire de cette région?
Ali Romdhane: La cité du Val Nord compte 17.000
habitants. Là où on est, c'est le quartier des
musiciens, qui fait partie du Val Nord. Le taux chômage,
17 à 18 pour cent, est plus élevé que la
moyenne nationale. C'est parce que c'est un quartier populaire,
défavorisé. C'est parce qu'il y a beaucoup de gens
d'origine étrangère: de l'Afrique et de l'Afrique
du Nord notamment.
Cette ville a été administré pendant longtemps
par le Parti communiste. Tout récemment, jusqu'à
l'année dernière, c'était une administration
mixte de la Gauche plurielle: les communistes, les socialistes
et les Verts. En mars 2001, on a perdu les élections et
maintenant c'est la droite qui administre la ville d'Argenteuil.
Le Parti communiste avait administré la ville antérieurement
depuis 60 ans. Même en coalition avec la Gauche plurielle,
le Parti communiste a été le parti qui dominait.
Le Val Nord de façon générale vote à
gauche. Ce qui peut paraître paradoxal, c'est que dans
ce quartier qui est défavorisé, c'est le quartier
qui vote le moins en faveur de l'extrême-droite. C'est
parce qu'il y a toujours ici dans ce quartier un vivier associatif
très actif: culturel, sportif, éducatif aussi,
l'accompagnement scolaire contre l'échec scolaire.
WSWS: Comment se fait-il que, selon les reportages, beaucoup
de membres du Parti communiste ont voté Le Pen?
AR: Il y a plusieurs raisons. Ce n'est pas le cas du quartier
mais en Argenteuil en général Le Pen et Mégret
ont réalisé pratiquement 22 pour cent. Le Pen ici
est arrivé le premier au premier tour. C'est parce qu'il
y a effectivement une insécurité mais il y a aussi
la psychose de l'insécurité qui a joué énormément.
Il y a aussi le chômage, un taux quand même plus
élevé que la moyenne nationale. Il y a aussi une
forte population d'origine étrangère, notamment
magrébine [nord-est africain].
Je crois c'est les facteurs qui ont favorisé réellement
cette tendance de vote de Le Pen. C'est un peu ce qui se passe
dans tous les pays européens, ce n'est pas un particularisme
de la France.
Le Parti socialiste n'a pas de candidat. Si le vote de la gauche
est divisé, il y a le risque de ne pas atteindre les 12,5
pour cent, de ne pas arriver au deuxième tour et de laisser
passer Le Pen encore une fois.
Le WSWS s'est aussi entretenu avec Zam Zamy, dans un
café sur la Dalle, Val Nord
WSWS:Que pensez-vous des élections prochaines?
Zam Zamy: Franchement je ne pense rien du tout puisque
la politique n'apporte rien de bon. Donc je ne me fais plus d'idée
au niveau politique.
La politique, ce n'est pas fait pour penser à nous,
les hommes, avec tout le respect qu'ils nous doivent. On est
utilisés comme consommation et on est consommés
et jetés, et voilà ce que je constate du mouvement
politique.
Parce que la politique c'est économique maintenant, ce
n'est plus... Tant qu'il n'y aura pas une philosophie pour nous,
pour qu'on ait un niveau de vie, pas aisé mais décent.
Là, peut-être elle sera intéressante. Tant
que c'est pour du commerce, nul intérêt de s'y intéresser.
WSWS: Pourquoi pensez-vous que tant de gens ont voté
Le Pen?
ZZ: Question difficile. Peut-être que c'est justement
par rapport à cela, que les politiques n'ont rien apporté
de bon. Dans la décadence peut-être, les gens ont
pensé que c'était la faute aux immigrés.
C'est une histoire de politique, la façon dont elle est
utilisée. Je crois que les gens, ils en ont assez depuis
peut-être 50 ans d'avoir toujours la même chose qui
se répète et qui peut-être s'aggrave encore.
WSWS: Comment sont les conditions sociales ici?
ZZ: Votre question elle est sympa mais un peu complexe.
Moi je la vois d'une façon, d'autres gens la voient d'une
autre façon que moi. Personnellement je pense que ce quartier,
c'est plutôt une bonne ville. C'est les gens qui y habitent
qui donnent l'humeur au quartier. Par rapport au niveau de vie,
cela revient toujours à la même chose. On obtient
un quartier où le niveau de vie est assez décent.
On n'a plus rien d'intéressant, on ne peut plus voyager
comme les anciens, on a mis des frontières partout. À
partir du moment où on paie, je crois qu'on est emprisonnés.
Si tu n'as pas d'argent, c'est une prison autour de vous. Vous
ne pouvez pas vous déplacer. On vous met des barrières
constamment. La dictature, elle est mondialisée.
WSWS: Qu'est-ce qu'il faut faire d'après vous?
ZZ: Enlever la dictature de donner aux riches, nous donner
le pouvoir de mener notre vie. Peut-être il y a des gens
qui sont SDF [sans domicile fixe] qui ont une solution. On ne
donne pas la voix au peuple. Le peuple, il doit participer beaucoup
au niveau de notre vie.
WSWS: Pourquoi pensez-vous que la gauche a perdu à
Argenteuil?
ZZ: La gauche a donné une certaine ouverture, mais
en même temps elle nous a mis un temps en arrière.
J'ai remarqué qu'au temps de Giscard [d'Estaing, président
français 1974-81], j'étais petit, mais au niveau
du business, du marché noir on pouvait s'en sortir. Et
quand la gauche est arrivée, il n'y avait pas de solution
en fait.
Et la droite, je ne sais pas si elle va faire mieux. Je ne
pense pas qu'elle ne contribue pas à ça, mais au
moins je pense qu'elle va finir par penser à nous au niveau
respect, au niveau de vie, qu'on puisse tous manger. Parce que
le plus important dans la politique actuelle, c'est d'essayer
de faire une société. La société
n'existe pas en fait. Personne ne s'entraide , personne ne fait
attention à l'autre.
La seule chose qu'on obtient, c'est les choses négatives
et on va direct dans une descente aux enfers. On ne veut pas
une société américaine: 40 pour cent riches
et 60 pour cent sous le seuil. Ils sont presque enterrés
vivants: les plus gros hypocrites qui existent sur la planète.
Je pense que le monde entier à nous tous, avec tous
les défauts de la droite et les qualités que l'on
a à gauche, on peut peut-être faire quelque chose
de juste valeur.
Bien sûr, en Afrique, il y a des riches et des pauvres.
L'Afrique, ce sont les Européens qui nous ont fait connaître
la richesse et la pauvreté. Avant les valeurs africaines,
elles ne marchaient pas comme ça. Nous, c'était
le troc. Notre richesse c'était ce qu'on avait autour
de nous: l'agriculture, les bêtes, c'est tout. Ce n'était
pas au niveau d'un morceau de papier, d'obtenir, d'avoir des
immeubles. Ce n'est pas le même état d'esprit.
WSWS: Notre position c'est qu'une nation ne devrait pas
mener, mais que les gens opprimés, la classe ouvrière
de part le monde, devraient s'unir.
ZZ: Je suis d'accord avec vous. Mais pour moi, que ce
soit la classe ouvrière ou les riches, peu importe. Tout
le monde doit s'unir en fait parce que, bon d'accord, on est
riche et on ne pense qu'à soi, c'est une chose, mais les
riches ont le temps de penser pour nous améliorer notre
niveau de vie. Nous, on n'a pas le temps parce que on est toujours
là à chercher à payer notre loyer, à
payer nos impôts. On se fait taxer comme des fous. Le but
c'est de vous mettre, excusez l'expression, dans la merde pour
pas que vous ayez le temps de penser aux hommes qui vous mènent
la vie.
Je suis préparateur de commandes dans la gestion dans
l'alimentation. Ce n'est pas bien payé: avec l'euro, le
coût de la vie a augmenté d'un tiers. Je trouve
que 7000 F c'est nul, juste un Smic [salaire minimum] si vous
bûchez juste pour une personne car le coût de la
vie a tellement augmenté.
Mon petit salaire en brut c'est 9000, 9500F pour pouvoir moi
m'en sortir. Maintenant si vous voulez avoir des enfants... Même
si vous voulez évoluer, monter une affaire, on ne va pas
vous laisser entreprendre. On va vous mettre des bâtons
dans les roues parce que demain vous pouvez devenir une multinationale.
Comme on dit tous, peut-être à la grâce de
dieu, peut-être un jour ça s'améliorera.
S'il y a une bonne idée qui vous vient et que vous avez
fait les économies qu'il fallait pour arriver à
monter une affaire. Ok ça, c'est le destin. Le reste,
on ne peut pas le savoir.
Voir aussi :
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