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Pourquoi l'Europe bombarde la Serbie?

Par Steve James
Le 6 avril 1999

La prétention à l'indépendance des puissances européennes face à la force de frappe américaine est l'une des victime de l'action militaire de l'OTAN au Kosovo. La rivalité économique croissante entre l'Europe et les États-Unis, intensifiée par le lancement de l'euro et une série de conflits commerciaux, a provoqué des appels pour que l'Europe se dote d'une capacité militaire qui corresponde à son poids économique.

Gardées à l'ombre pendant des années par la force militaire de l'Union soviétique et des États-Unis, les puissances européennes ont pris la guerre du Golfe de 1991 comme le signal pour un retour en force sur la scène de nombreuses vieilles guerres impériales et réaffirmer sa présence par les méthodes traditionnelles de la conspiration, des armées mercenaires, de la guerres par intermédiaires, et de la pure intimidation.

Durant les années 90, les puissances européennes ont de plus en plus cherché à faire valoir leurs propres intérêts contre leurs rivales et à forger une certaine cohésion militaire comme contrepoids à la force prépondérante américaine. Les guerres balkaniques des années 90 ont cependant vu l'Europe chercher à maintes reprises à utiliser ses propres troupes pour contrôler la région pour se voir ensuite déloger par les bombardiers et les intrigues diplomatiques de Washington. L'accord de Dayton était lui-même humiliant pour les puissances européennes dans ce qu'elles considèrent être leur propre cour arrière. L'un des premiers actes du gouvernement travailliste de Blair a été de lancer une révision de la politique de défense afin de permettre une utilisation de la force de frappe britannique indépendante des États-Unis.

L'attaque actuelle sur la Serbie est certainement une guerre menée par les États-Unis ; elle est aussi une nouvelle manifestation du militarisme résurgent de l'élite dirigeante à travers l'Europe. Pour la première fois dans l'histoire, des bombardiers allemands, britanniques, italiens et français, dirigés par des gouvernements social-démocrates, déversent collectivement des tonnes d'explosifs, non pas sur les populations civiles de l'autre, mais sur celles d'un autre pays.

Les raids aériens contre la Serbie arrivent après une série de manuvres politiques et militaires en Europe : La signature d'un pacte militaire anglo-français, conclu l'an dernier, le rapprochement politiques entre les gouvernements Blair (Angleterre) et Schröder (Allemagne), et la décision de la France d'intégrer encore plus ses considérables forces armées à l'OTAN. Bien que l'Angleterre en particulier utilise l'influence américaine pour se tailler une place au sein de l'Europe, ces changements expriment l'intégration économique croissante de l'Europe, et reflètent la rationalisation sur une échelle continentale de l'industrie de la défense européenne, industrie de plusieurs milliards et seul véritable challenger global des États-Unis pour le moment.

Il y a quelques jours à peine, le Scotsman a émis l'opinion suivante : « Si on remonte en 1991, lorsque l'ancienne Yougoslavie commençait à se désintégrer, les leaders européens ont souligné que c'était une occasion pour l'Union européenne de prendre contrôle de son propre destin. Comme l'a déclaré Jacques Poos, ministre des affaires extérieures du Luxembourg : « C'est l'heure de l'Europe, et non celle des Américains ». À peine quelques années plus tard, considérant la misère qui règne en Croatie et en Bosnie, un ancien ministre des affaires extérieures de la Belgique voisine résumait l'ampleur de l'échec européen dans les Balkans : « L'Europe, disait-il, est un géant économique, un nain politique et un ver militaire. Il se fait tard, la guerre actuelle est peut-être l'une des dernières occasions pour les puissances européennes de se bâtir une certaine crédibilité. Elle ne doit pas être gaspillée. »

Le Scotsman a ensuite noté l'échec probable des bombardements, exigé l'envoi de troupes sur le terrain, et appelé l'OTAN à poursuivre la guerre peu importe les conséquences. L'expérience de l'Europe, et en particulier de l'Angleterre, au cours des dernières années, a été qu'une fois les bombardiers américains de retour chez eux, les armées d'occupation balkaniques peuvent arborer un drapeau de l'ONU et se composées en large mesure de troupes britanniques et françaises.

C'était probablement ce qu'espéraient les puissances européennes lorsqu'elles ont répondu aux appels américains pour le lancement de frappes aériennes. Partageant l'opinion de Washington que le gouvernement Milosevic, devant une ferme démonstration de la force de frappe supérieure de l'OTAN, accepterait rapidement une autonomie du Kosovo selon les termes fixés à Rambouillet, elles n'avaient pas le moindre doute que les intérêts européens dans la région pourraient ensuite être facilement sauvegardés par l'insertion de leurs propres bataillons, entraînés et aguerris à Belfast et en Bosnie.

Mais après une semaine, la stratégie militaire de l'OTAN n'avait pas produit la rapide capitulation qui avait été prédite. Entre-temps, la débandade de l'armée de libération du Kosovo et les pressions croissances des États-Unis pour l'envoi d'une force massive d'invasion, les puissances européennes sont mises face à face avec les conséquences de leurs propres faiblesses et divisions.

Les premières frappes aériennes du 24 mars ont mis à nu le déséquilibre militaire. Selon le site web Jane's Defence Information, l'aviation américaine a engagé dans les premiers assauts de la guerre deux escadrons de F-16, quatre escadrons de F-15, douze chasseurs furtifs F-117, dix chasseurs EA6, un escadron de A-10, deux bombardiers furtifs B2 et de nombreux avions ravitailleurs et de reconnaissance. Les renforts ultérieurs comprenaient treize autres F-117 et un escadron de bombardiers B-1.

En comparaison, les puissances européennes les mieux armées, l'Angleterre et la France, ont respectivement engagé huit (maintenant seize) Harriers, et une quarantaine d'avions d'attaque, ainsi que des avions de soutien. L'Allemagne a envoyé quatorze Tornadoes, tandis que les Italiens ont déployé une quarantaine d'avions.

Joe Rogaly a cyniquement noté dans l'édition du 3 avril du Financial Times : « Supposons qu'il y ait un arrangement, disons, quelque chose de franco-allemand. Assumons que l'Angleterre et l'Italie s'y joignent, suivies par presque tout le reste de l'Union européenne. Le résultait resterait fragile, et pas assez puissant. Il ne pourrait faire le poids face aux chasseurs furtifs, à la puissance de bombardement de flottilles de B52, au lancement massif de missiles Cruise que nous avons vus au cours des dix derniers jours. L'Europe n'a pas assez de force de volonté pour accumuler les fonds et l'expertise nécessaires pour égaler la puissance militaire américaine. »

Les discussions sur la nature d'une invasion massive du Kosovo ont dévoilé encore plus l'impotence militaire européenne. Les médias sont généralement d'avis qu'il faudrait un minimum de 150 000 à 200 000 hommes pour prendre d'assaut un Kosovo défendu par l'armée serbe. Tous les commentateurs s'accordent pour dire que l'Europe n'a tout simplement pas les moyens de transporter et de soutenir un tel nombre de soldats, sans parler d'encaisser des pertes estimées par un analyste à un soldat de l'OTAN par dix soldats serbes.

Seuls les États-Unis ont assez d'hommes (il reste encore 100 000 soldats américains en Europe seulement) et de volonté pour passer à l'action. Par contraste, des généraux britanniques se plaignent déjà que l'armée est sur-sollicitée et que le niveau actuel d'engagements outre-mer ne peut être maintenu.

Pour la bourgeoisie européenne, l'implacable stratégie militaire menée contre la Serbie comporte d'immenses dangers. Si elle garde ses distances envers l'assaut OTAN-ÉU présentement engagé dans les Balkans, elle risque d'être exclue du nouveau découpage global orchestré par Washington. Si elle se joint aux États-Unis, elle risque d'être entraînée dans une guerre qui peut rapidement échapper à tout contrôle et enflammer toute la région. Dans les deux cas, la mise à nu des faiblesses de l'Europe va nécessairement provoquer de nouvelles demandes militaires à Londres, Berlin et Paris pour un accroissement des dépenses militaires afin de bâtir une force crédible qui puisse en dernière analyse défier l'hégémonie militaire américaine.

Voir aussi :
Les bombes de l'OTAN tombent sur la Serbie : Le « nouvel ordre mondial » prend forme 25 mars 1999
Les États-Unis et l'OTAN préparent l'opinion publique à la guerre terrestre contre la Serbie 30 mars 1999
Les troupes au sol vont-elles suivre ? Les bombes américaines tombent sur la capitale yougoslave 3 avril 1999
Derrière la guerre de Balkans; Réplique à un partisan des bombardements des États-Unis et de l'OTAN contre la Serbie 6 avril 1999


 

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