Halte au réarmement de l'Allemagne! Le socialisme au lieu de la guerre!

Des soldats allemands chargent des canons automoteurs à la base de la Bundeswehr [nom de l’armée allemande] à Munster, dans le nord de l'Allemagne, pour les transporter vers la Lituanie, le lundi 14 février 2022. [AP Photo/Martin Meissner]

«La classe dirigeante allemande suit une voie similaire» à celle suivie aux États-Unis par le président fasciste Donald Trump, écrit le Parti de l'égalité socialiste (SGP) dans sa déclaration électorale des élections législatives. «Leur réponse au 'Make America Great Again' est 'Deutschland über alles' (L'Allemagne par-dessus de tout) Elle « répond à Trump en se réarmant à un rythme jamais vu depuis Hitler.»

Quelques jours seulement après les élections, les chrétiens-démocrates (CDU/CSU) et les sociaux-démocrates (SPD) ont décidé de lancer un gigantesque programme de réarmement. L'objectif est de réarmer l'Allemagne pour en faire une puissance militaire agressive après avoir perdu deux guerres mondiales et commis de terribles crimes au XXe siècle. Les conséquences de ce programme sont la guerre, la dictature et, à terme, l'anéantissement nucléaire. La propagande officielle ne peut pas le cacher.

L'ampleur du programme de réarmement est colossale. Cinq cents milliards d'euros de prêts doivent être mobilisés pour un ‘fonds spécial’, destiné principalement à rendre les infrastructures sociales «aptes à la guerre» et à militariser l'ensemble de la société: depuis les rétablissement du service militaire obligatoire jusqu’à la subordination de l'enseignement, de la recherche et de la formation aux besoins de l'armée, en passant par la répression et la persécution des opposants, comme c'est déjà le cas pour les opposants au génocide de Gaza.

Le ‘frein à l'endettement’ sera totalement supprimé pour les dépenses de la Bundeswehr permettant ainsi un recours illimité aux emprunts. 500 milliards d'euros supplémentaires seront initialement réservés aux dépenses militaires. Même si l'on ne sait pas encore sur quelle période s'étend ce montant, il s'agit là de sommes colossales, comparables uniquement au réarmement ayant précédé les deux guerres mondiales.

Calculée sur un an, cette augmentation de 500 milliards d'euros correspondrait à elle seule à environ 11 pour cent du produit intérieur brut (PIB), soit plus du double de celle enregistrée lors de la remilitarisation de l'Allemagne après la Seconde Guerre mondiale ou de toute autre année de la Guerre froide. Même durant la première année de la Première Guerre mondiale, les crédits de guerre ne représentaient « que » 8,6 pour cent du PIB estimé de 1913. Hitler n'atteignit un chiffre supérieur qu'en 1938, après cinq années de réarmement massif.

A l’époque également, l'Empire allemand avait accumulé des dettes colossales pour financer sa militarisation. Plus les dettes s'élevaient, plus la guerre devenait inévitable, car ces emprunts ne pouvaient être refinancés que par le butin de guerre. Le réarmement actuel suit la même logique. Il ne sert pas à se défendre contre la soi-disant « agression russe », comme le prétendent les politiciens de tous bords – à l’instar de ce qui s’est passé à la veille de la Première et de la Seconde Guerre mondiale – mais à préparer de brutales guerres d’'agression.

Les principaux idéologues de la classe dirigeante le déclarent ouvertement. Le politologue Herfried Münkler a par exemple écrit dans Der Spiegel que l'«ordre fondé sur des règles» avait été remplacé par «un ordre fondé sur la force». La puissance militaire gagnait de plus en plus d'importance par rapport à la puissance économique.

Münkler conclut que l'Europe doit donc «se réarmer au plus vite et se réorganiser politiquement». Elle doit «produire une classe politique capable de s'adapter intellectuellement et mentalement aux nouvelles configurations politiques mondiales». Pour participer à la «compétition entre les grandes puissances», les Européens devaient « apprendre et assimiler rapidement les règles de cet ordre fondé sur la force».

En d’autres termes: «l’Europe» (Münkler écrit toujours Europe quand il parle de l’Allemagne) a de nouveau besoin d’hommes d’État et de généraux comme le Kaiser Guillaume II, Erich Ludendorff, Adolf Hitler et Wilhelm Keitel, qui n’hésitent pas à se lancer dans des guerres criminelles.

Le programme de réarmement de la CDU et du SPD suit cette ligne. Il est directement dirigé contre la puissance nucléaire russe. Avant même les élections au Bundestag [Parlement], le chancelier Scholz et le ministre de la Défense Pistorius avaient déclaré que l'Allemagne devait être capable de remporter une guerre contre la Russie dans un délai de trois à cinq ans. Le programme de réarmement traduit cette folie en actes. Quatre-vingts ans après la guerre d'anéantissement lancée contre l'Union soviétique, l'Allemagne se prépare à nouveau à une guerre totale contre la Russie, qui entraînerait la destruction du continent tout entier.

Mais l'enjeu est bien plus vaste. En 2018 déjà, la Grande Coalition de l'époque s'était prononcée en faveur d'une militarisation à grande échelle et avait désigné dans son accord de coalition des pays, des régions et des continents entiers que l'impérialisme allemand considère comme ses zones d'influence : des Balkans occidentaux à la Russie, en passant par l'Ukraine, la Turquie, l'Afghanistan, le Moyen-Orient, l'Afrique du Nord, l'Afrique, l'Amérique latine et l'Asie. Les plans actuels s'appuient sur cette feuille de route.

Lorsque les porte-parole de la classe dirigeante parlent de la fin de «l’ordre fondé sur des règles» et de l’utilisation de la puissance militaire pour poursuivre des intérêts économiques, ils sont conscients que cela signifie également un conflit avec l’impérialisme américain.

L'Allemagne ne peut mener sa politique de guerre que si elle parvient à dominer l'Europe. Les dépenses d'armement colossales servent également cet objectif. Parallèlement aux projets de la CDU et du SPD, l'ancienne ministre allemande de la Défense et actuelle présidente de la Commission européenne (UE), Ursula von der Leyen (CDU), a présenté un programme d'armement de l'UE à hauteur de 800 milliards d'euros. En augmentant ses dépenses de guerre, l'Allemagne tente de dominer ce processus de réarmement européen en termes de systèmes d'armes, de capacités de production et de portée.

Cela exacerbera inévitablement les conflits entre les puissances européennes, qui s'arment toutes à un rythme effréné. La France souhaite porter ses dépenses militaires à 5 pour cent du PIB et placer l'Europe sous son «parapluie» nucléaire. Le Premier ministre polonais Donald Tusk a annoncé que tous les hommes du pays recevraient une formation militaire afin de porter le nombre de soldats et de réservistes de 200 000 à 500 000. Et la Grande-Bretagne est prête à déployer ses propres soldats en Ukraine, aux côtés de la France et d'autres pays.

Une déclaration de guerre à la classe ouvrière

Le programme de réarmement n’est pas seulement dirigé contre les adversaires et les rivaux à l’international, il constitue également une déclaration de guerre à la classe ouvrière.

Après avoir réduit le ratio dette/PIB de l'Allemagne de 81 pour cent à 59 pour cent entre 2010 et 2019 en détruisant les écoles et les hôpitaux, en démantelant les systèmes de sécurité sociale et en torpillant les droits des travailleurs, le pays est maintenant poussé à de nouveaux sommets pour l’armement. Pour la classe ouvrière, cela signifie de nouvelles attaques de ses droits sociaux et démocratiques. L'argent est récupéré sous forme de baisses de salaires, de licenciements massifs et de destruction de l'État-social.

De violentes luttes de classe sont inévitables. Les travailleurs du secteur public, de la Poste et des transports régionaux sont déjà en grève contre les baisses de salaires réelles que le gouvernement veut leur imposer. D'âpres luttes de classe se développent également dans d'autres pays européens. En Grèce, des millions de personnes manifestent contre la catastrophe sociale.

Mais ceux qui détiennent le pouvoir ne sont pas prêts à céder aux pressions d'en bas. Pour défendre leurs richesses, leurs privilèges et leur politique de guerre, ils recourent de plus en plus à des méthodes fascistes. L'accession de Donald Trump au sommet du plus puissant État impérialiste n'est ni une coïncidence ni un malentendu, mais l'expression de la crise profonde du capitalisme américain, qui ne peut se maintenir au pouvoir qu'à l'aide du gangstérisme et de la violence. La même évolution se produit en Allemagne.

C'est pourquoi le futur chancelier Friedrich Merz (CDU) a cherché à coopérer avec le parti fasciste Alternative pour l'Allemagne (AfD) peu avant les élections et a fait passer avec lui une motion anti-immigrés au Bundestag. Le SPD et les Verts avaient eux aussi placé l'incitation à la haine contre les réfugiés au cœur de leur campagne électorale, renforçant ainsi l'AfD.

Les négociations en vue d’une coalition de la CDU/CSU et du SPD bafouent le résultat des élections et la démocratie. Durant la campagne électorale, aucun des deux partis n'a déclaré vouloir investir mille milliards d'euros dans le réarmement. Le nouveau gouvernement n'a aucun mandat pour mener sa politique de guerre insensée. Aujourd'hui, la CDU/CSU et le SPD tentent de modifier la Constitution, au mépris flagrant des résultats électoraux, en convoquant de nouveau le Parlement déjà désavoué.

Tous les autres partis du Bundestag soutiennent eux aussi le militarisme. Les Verts réclament même un durcissement du programme de réarmement. Des sommes plus importantes devaient être collectées à travers des coupes budgétaires et d'autres domaines comme les services secrets devaient être exemptés du frein à l'endettement. Les anciens pacifistes sont devenus les pires fauteurs de guerre.

L'AfD a peut-être des divergences tactiques sur la Russie et l'Europe, mais elle est favorable à un budget militaire de 5 pour cent du PIB et plus lorsqu'il s'agit de défendre les intérêts nationaux de l'impérialisme allemand ; elle réclame même une bombe atomique allemande. Elle est de plus en plus directement impliquée dans le travail gouvernemental, car les fascistes sont nécessaires pour réprimer l'opposition au militarisme.

Le Parti de gauche joue un rôle particulièrement néfaste. Il a recueilli les voix de 25 pour cent des jeunes électeurs pour avoir dénoncé l'AfD et le militarisme pendant la campagne électorale. Dès la fermeture des bureaux de vote, ses représentants se sont déclarés «prêts à discuter» avec la CDU et le SPD de la mise en œuvre de projets communs. Le 1er mars, la direction du parti a appelé à un «allègement de la dette de l'Ukraine» et à un « assouplissement du frein à l'endettement» afin de dégager des fonds suffisants pour soutenir l'Ukraine.

Pour l’unité internationale de la classe ouvrière dans la lutte contre la guerre et le capitalisme !

La seule force sociale qui puisse empêcher la catastrophe de la guerre et du fascisme est la classe ouvrière internationale, qui crée toute la richesse et subit les conséquences des guerres et des crises.

Pour ce faire, elle doit briser l'influence paralysante des syndicats. Ces appareils bureaucratiques sont depuis longtemps devenus les suppôts des trusts et du gouvernement, ils sabotent toute action syndicale, divisent la classe ouvrière internationale et organisent licenciements et baisses de salaires pour le compte des trusts. Ils applaudissent les mesures de guerre commerciale et le renforcement des capacités militaires.

La réaction de la présidente du syndicat IG Metall Christiane Benner est caractéristique de ce milieu : elle a salué le programme de réarmement de la CDU/CSU et du SPD en disant : « Les fonds spéciaux annoncés, les mesures annoncées le montrent: les politiciens ont compris qu'il fallait maintenant agir vite et fort.»

Le Sozialistische Gleichheitspartei (SGP – Parti de l’égalité socialiste) appelle donc à la création de comités de la base sur les lieux de travail et dans les quartiers, qui permettront aux travailleurs de prendre en main la lutte contre les licenciements de masse et la baisse des salaires et de la lier à la lutte contre la guerre.

Nous opposons l'unité internationale des travailleurs à la montée du nationalisme, de la guerre commerciale et du réarmement. La guerre ne pourra être stoppée et les droits sociaux et démocratiques défendus que si le capitalisme lui-même est aboli et remplacé par une société socialiste où les besoins des gens, et non les intérêts du profit, sont au centre des préoccupations. Les grandes banques et les grands groupes doivent être expropriés et placés sous contrôle démocratique.

Nous avions mis en garde contre le développement explosif du militarisme allemand dès 2014, lorsque le gouvernement allemand avait annoncé la fin de la retenue militaire allemande et organisé avec les États-Unis le violent coup d'État en Ukraine. Nous avions écrit dans une résolution  (article en anglais):

L'histoire fait un retour en force. Près de 70 ans après les crimes nazis et sa défaite dans la Seconde Guerre mondiale, la classe dirigeante allemande adopte à nouveau la politique impérialiste de grande puissance de l'Empire et d'Hitler. Le rythme de l'escalade de la belligérance dirigée contre la Russie rappelle la veille de la Première et de la Seconde Guerre mondiale.

Les crédits de guerre prévus par la ‘grande coalition’ témoignent de l'ampleur de cette évolution. Il est temps de devenir politiquement actif, d'étudier le programme du SGP et du Comité international de la Quatrième Internationale et d'y adhérer. Construire un mouvement uni de la classe ouvrière européenne et internationale, fondé sur un programme socialiste et révolutionnaire, est le seul moyen de stopper la guerre mondiale qui se développe.

(Article paru en anglais le 14 mars 2025)