Qu'est-ce que l'Internationale communiste révolutionnaire proclamée par l'ancienne Tendance marxiste internationale d'Alan Woods?

Troisième partie

Voici la troisième et dernière partie de cette série. La première partie a été publiée le 27 décembre et la deuxième le 29 décembre.

Le fascisme et la falsification de l'histoire

L’attitude de l’ICR à l’égard de Trump reproduit essentiellement les erreurs désastreuses du Parti communiste allemand, tristement célèbre pour son slogan: «Après Hitler, ce sera notre tour!» Comme pour la guerre, lorsqu’il s’agit du danger de dictature et de montée du fascisme, la complaisance objectiviste et la passivité politique prennent des formes grotesques.

Le manifeste de l’ICR admet qu’«à un moment donné, la bourgeoisie sera tentée de recourir à une dictature ouverte sous une forme ou une autre», mais insiste pour dire que «cela ne pourrait devenir une perspective réaliste qu'après que la classe ouvrière ait subi une série de défaites sévères, comme ce fut le cas en Allemagne après la Première Guerre mondiale».

A la question «Y a-t-il un risque de fascisme?», le manifeste répond par la négative, car les mouvements d’extrême droite d’aujourd’hui ne correspondent pas au modèle historique des mouvements fascistes des années 1930. «Les impressionnistes superficiels de la soi-disant gauche à l’international considèrent bêtement le trumpisme comme du fascisme […] Il y a beaucoup de démagogues de droite, et certains sont même élus au pouvoir. Mais ce n’est pas la même chose qu’un régime fasciste, qui se fonde sur la mobilisation massive des petits bourgeois enragés comme bélier pour détruire les organisations ouvrières ».

Le président élu Donald Trump à Mar-a-Lago, le lundi 16 décembre 2024, à Palm Beach, en Floride. [AP Photo/Evan Vucci]

Le manifeste insiste pour dire que, comme pour la guerre, la classe dirigeante est devenue plus prudente quant à un virage vers le fascisme :

Dans les années 1930, les contradictions de la société furent résolues dans un laps de temps relativement court et ne pouvaient aboutir qu’à la victoire de la révolution prolétarienne ou à une réaction sous la forme du fascisme ou du bonapartisme.

Mais la classe dirigeante a été gravement échaudée en soutenant les fascistes par le passé. Elle ne s’engagera pas facilement dans cette voie.

Il soutient que : «Ce qui est plus important, c’est qu’aujourd’hui, une solution aussi rapide est exclue par le changement du rapport de forces. Les réserves sociales de la réaction sont bien plus faibles que dans les années 1930, et le poids spécifique de la classe ouvrière est bien plus important.»

De plus, «la paysannerie a largement disparu dans les pays capitalistes avancés» et «de larges couches qui se considéraient autrefois comme appartenant à la classe moyenne […] se sont rapprochées du prolétariat et se sont syndiquées; et les étudiants qui fournissaient les troupes de choc du fascisme ont viré brusquement à gauche et sont ouverts aux idées révolutionnaires ».

Surtout, «la classe ouvrière, dans la plupart des pays, n’a pas subi de défaites graves depuis des décennies. Ses forces sont en grande partie intactes». Par conséquent, «la bourgeoisie se trouve confrontée à la crise la plus grave de son histoire, mais en raison de l’énorme renforcement de la classe ouvrière, elle est incapable d’avancer rapidement dans le sens d’une réaction ouverte». [1]

Prétendre que le déclin de l’influence sociale de la petite bourgeoisie et l’absence de défaites majeures de la classe ouvrière sont une garantie contre la réaction politique est fondamentalement faux. De plus, l’ICR substitue une analogie historique falsifiée à l’analyse politique.

Trump et les autres figures et tendances d’extrême droite du monde ne disposent pas de la base de masse semblable à celle construite par Hitler. En revanche, ils bénéficient du soutien de larges pans de la bourgeoisie et de l’appareil d’État, y compris au sein de l’armée et de la police. C’est ce qui a permis à la tentative de coup d’État de Trump du 6 janvier 2021 d’aller aussi loin qu’elle l’a fait.

Des insurgés violents fidèles au président Donald Trump tentent de franchir une barrière de police au Capitole à Washington, le 6 janvier 2021. [AP Photo/Julio Cortez]

Comme cela a été prouvé pays après pays, y compris en Italie où les héritiers de Mussolini sont au gouvernement et en France et en Allemagne où les tendances fascistes sont désormais les principaux partis d’opposition, le virage à droite de l’impérialisme ouvre la voie à l’arrivée au pouvoir de l’extrême droite à travers l’adoption en bloc de son programme par les partis officiels de la bourgeoisie.

L'accession au pouvoir d'Hitler fut rendue possible avant tout par la paralysie politique de l'avant-garde révolutionnaire de la classe ouvrière par la bureaucratie stalinienne. Sa politique du «social-fascisme» – qui s'opposait à la collaboration entre le Parti communiste et le Parti social-démocrate (SPD) pour défendre la classe ouvrière contre les nazis – empêcha que soit lancé un quelconque défi politique à la social-démocratie, qui aurait rallié la classe ouvrière à une perspective révolutionnaire.

En conséquence, en janvier 1933, Hitler fut nommé chancelier du Reich par des représentants de l'armée, des médias et de la grande entreprise, puis en mars, tous les partis bourgeois lui confièrent des pouvoirs dictatoriaux. C'est après avoir été investi par la bourgeoisie du contrôle de l'ensemble de l'appareil d'État qu'Hitler procéda à la destruction du mouvement ouvrier.

Le 21 mars 1933, jour de la fête de Potsdam, le président Paul von Hindenburg (à droite) accepte la nomination d'Adolf Hitler au poste de chancelier allemand. [Photo by Theo Eisenhart/Bundesarchiv, Bild 183-S38324 / CC BY-NC-SA 3.0]

C'est là l'avertissement qu'il faut adresser aux travailleurs américains: ils ne doivent pas se laisser paralyser par des dirigeants réactionnaires. Il ne s’agit pas d’encourager la complaisance quant à des perspectives favorables à la révolution, mais de mobiliser la classe ouvrière dès maintenant sur la base d’une perspective de lutte révolutionnaire contre les partis démocrate et républicain de la réaction bourgeoise et de la guerre.

Le «communisme automatique» de la jeunesse et l’orientation pro-stalinienne de l’IRC

En réponse à chaque danger qui pèse sur la classe ouvrière, Woods propose la perspective d'une croissance automatique du communisme dans la jeune génération. De plus, lui et l’ICR citent de façon répétée, comme preuve de cela, une montée de l'influence des tendances staliniennes vers lesquelles ils sont clairement orientés.

Dans son rapport de janvier, Woods cite avec approbation les déclarations du Parti communiste des États-Unis selon lesquelles il aurait «recruté 8 000 jeunes au cours des deux dernières années». Si cela était vrai, quiconque se prétend trotskyste serait obligé d’avertir ces jeunes qu’ils viennent de commettre la pire erreur politique de leur vie en raison de leur ignorance de l’histoire contre-révolutionnaire du stalinisme. Mais Woods salue plutôt cela comme la preuve que «beaucoup de gens, surtout les jeunes», «recherchent désormais une alternative, une alternative révolutionnaire».

Il affirme que depuis 2008, le virage des travailleurs et des jeunes radicalisés «vers ce qu’on pourrait appeler les ‘réformistes de gauche’[…] Syriza en Grèce, Podemos en Espagne, Bernie Sanders aux États-Unis et Jeremy Corbyn en Grande-Bretagne», qui «ont suscité d’énormes attentes», pour ensuite les anéantir, conduit aujourd’hui les jeunes à embrasser le communisme.

Autrefois, il fallait lutter pour convaincre les gens de la justesse des idées communistes et marxistes. Ce n'est plus le cas. Dans tous les pays, c'est un fait, un fait empiriquement vérifiable. Je ne l'ai pas inventé: des milliers, des dizaines de milliers, des centaines de milliers, probablement des millions de jeunes en tirent déjà les bonnes conclusions. Ils ont déjà accepté l'idée du communisme. Ils désirent le communisme.

Woods fait peu de cas de tous ses membres qui osent remettre en question un tel scénario de basculement automatique de la classe ouvrière vers la révolution:

Vous me dites: «Eh bien, ces jeunes sont très inexpérimentés. Ils n’ont pas étudié. Ils ne savent pas. Ce ne sont pas de vrais marxistes.» Ce n’est pas correct. Ce sont de vrais marxistes. Ce sont de vrais communistes. Vous savez, je suis communiste depuis que je suis jeune, et [son frère] Rob [Sewell] aussi, nous venons d’une famille communiste de la classe ouvrière. J’étais communiste avant de lire des livres […] le vrai communisme ne vient pas des livres. Il vient de l’âme. Il vient de votre instinct et du besoin de vous battre pour changer les choses. Ces jeunes s’appellent communistes. Ils n’ont peut-être jamais lu le Manifeste communiste. Mais ils sont communistes. Vous n’avez pas besoin de convaincre ces jeunes.

Il exige: «Ne commencez pas par essayer d’identifier les difficultés. Ce n’est pas difficile […] Il vous suffit de vous mettre au coin de la rue, de proclamer le communisme, de prendre une banderole, de prendre un journal si possible, et l’or viendra à vous ».

L’«or» que recherche Woods ce sont les jeunes qui ont rejoint les partis staliniens. Les « sectes misérables» – qui professent le soutien au trotskysme et l’opposition au stalinisme – « n’ont jamais rien compris au communisme […] Ils ne servent à rien […] Nous devons nous tourner vers les partis communistes. Nous avons commencé à le faire au Brésil et dans d’autres endroits. C’est cet espace que nous allons maintenant chercher à occuper ».[2]

L'attaque lancée contre le Que faire? de Lénine

La diatribe de Woods est un rejet radical et total du marxisme, du développement de la conscience socialiste et de la théorie léniniste du parti. Cela est explicité dans le matériel pédagogique du parti destiné à ses membres, «Le Que faire de Lénine: un guide de lecture». On y lit :

Tout en polémiquant à juste titre contre le culte servile de la «spontanéité» des économistes, Lénine s’est laissé tomber dans l’erreur d’exagérer une idée juste et de la transformer en son contraire. Il affirme notamment que la conscience socialiste:

« Celle-ci [la conscience social-démocrate] ne pouvait leur [les travailleurs] venir que du dehors. L'histoire de tous les pays atteste que, par ses seules forces, la classe ouvrière ne peut arriver qu'à la conscience trade-unioniste, c'est-à-dire à la conviction qu'il faut s'unir en syndicats, mener la lutte contre le patronat, réclamer du gouvernement telles ou telles lois nécessaires aux ouvriers, etc. »

Cette présentation partiale et erronée des rapports entre la classe ouvrière et la conscience socialiste n’était pas une invention originale de Lénine, mais était empruntée directement à Kautsky, qu’il considérait à l’époque comme le principal défenseur du marxisme orthodoxe contre Bernstein. Lénine lui-même déclara plus tard qu’il avait «exagéré le raisonnement» dans un sens pour corriger une erreur du genre opposé. [3]

La victoire de la révolution d’Octobre 1917 n’a été possible que parce que Lénine avait construit le parti révolutionnaire nécessaire pour imprégner la classe ouvrière d’une conscience authentiquement socialiste et avait ainsi créé les bases de la révolution socialiste. Comme l’explique le président du WSWS, David North, dans son essai «La théorie de la conscience socialiste de Lénine: les origines du bolchevisme et Que faire?» (article en anglais), la « question cruciale analysée par Lénine est la nature de la relation entre le marxisme et le parti révolutionnaire d’un côté et, de l’autre, le mouvement spontané de la classe ouvrière et les formes de conscience sociale qui se développent parmi les travailleurs au cours de ce mouvement ». [4]

Lénine à son bureau, 1918

En formulant cette relation, Lénine a retracé l’évolution des formes de conscience parmi les ouvriers russes dans les années 1860 et 1870, depuis la destruction primitive des machines jusqu’aux grèves hautement organisées.

Cependant, explique North :

La conscience manifestée par les travailleurs dans ces luttes était de nature syndicaliste plutôt que sociale-démocrate…

Cette limitation était inévitable, dans la mesure où le mouvement spontané de la classe ouvrière ne pouvait pas développer de lui-même, «spontanément», une conscience social-démocrate, c'est-à-dire révolutionnaire. C'est ici que Lénine introduit l'argument qui a provoqué tant de dénonciations. Il écrit:

« Les ouvriers, avons-nous dit, ne pouvaient pas avoir encore la conscience social-démocrate. Celle-ci ne pouvait leur venir que du dehors. L'histoire de tous les pays atteste que, par ses seules forces, la classe ouvrière ne peut arriver qu'à la conscience trade-unioniste, c'est-à-dire à la conviction qu'il faut s'unir en syndicats, mener la lutte contre le patronat, réclamer du gouvernement telles ou telles lois nécessaires aux ouvriers, etc. Quant à la doctrine socialiste, elle est née des théories philosophiques, historiques, économiques élaborées par les représentants instruits des classes possédantes, par les intellectuels. Les fondateurs du socialisme scientifique contemporain, Marx et Engels, étaient eux-mêmes, par leur situation sociale, des intellectuels bourgeois. De même en Russie, la doctrine théorique de la social-démocratie surgit d'une façon tout à fait indépendante de la croissance spontanée du mouvement ouvrier; elle y fut le résultat naturel, inéluctable du développement de la pensée chez les intellectuels révolutionnaires socialistes. »

North cite la conclusion centrale de Lénine sur la nécessité pour le parti révolutionnaire de développer une véritable conscience révolutionnaire dans la classe ouvrière :

Du moment qu'il ne saurait être question d'une idéologie indépendante, élaborée par les masses ouvrières elles-mêmes au cours de leur mouvement, le problème se pose uniquement ainsi: idéologie bourgeoise ou idéologie socialiste. Il n'y a pas de milieu (car l'humanité n’a pas élaboré une 'troisième' idéologie; et puis d’ailleurs, dans une société déchirée par les antagonismes de classes, il ne saurait jamais exister d'idéologie en dehors ou au-dessus des classes). C'est pourquoi tout rapetissement de l'idéologie socialiste, tout éloignement vis-à-vis de cette dernière implique un renforcement de l'idéologie bourgeoise. On parle de spontanéité. Mais le développement spontané du mouvement ouvrier aboutit justement à le subordonner à l'idéologie bourgeoise, Il s'effectue justement selon le programme du Credo, car le mouvement ouvrier spontané, c'est le trade-unionisme, la Nur-Gewerkschaftlerei; or le trade-unionisme, c'est justement l'asservissement idéologique des ouvriers par la bourgeoisie. C'est pourquoi notre tâche, celle de la social-démocratie est de combattre la spontanéité, de détourner le mouvement ouvrier de cette tendance spontanée qu'a le trade-unionisme à se réfugier sous l'aile de la bourgeoisie, et de l'attirer sous l'aile de la social-démocratie révolutionnaire.

Œuvres essentielles de Lénine «Que faire?» et autres écrits [Photo: Mehring Books]

L’essence du dénigrement de la lutte du parti pour la conscience socialiste par Woods est la suivante: en glorifiant la conscience bourgeoise de la classe ouvrière, la TMI crée une justification théorique à la domination politique de la classe ouvrière par la bourgeoisie. Cette justification s'exerce avant tout par le biais des syndicats bureaucratiques pro-capitalistes et des partis staliniens auxquels la jeunesse instinctivement communiste de Woods prête allégeance politique ou qui, par une mauvaise éducation, est rendue incapable de voir à travers les sophismes pro-staliniens de la TMI.

L’ICR, le stalinisme et le dénigrement du trotskysme

Suivant le modèle établi par Woods, le Manifeste de l’ICR parle aussi de jeunes gens tirant « instinctivement des conclusions révolutionnaires […] Ils n’ont pas lu les trois volumes du Capital de Marx, ni peut-être même le Manifeste communiste. Mais ils sont communistes, cœur et âme […] Seul un pédant désespéré sera offensé par leur manque d’éducation marxiste. On peut facilement apprendre des idées dans les livres. Mais la simple connaissance des livres ne peut jamais nous fournir l’enthousiasme et l’esprit révolutionnaire qui sont l’âme enflammée du révolutionnarisme prolétarien ».

Cet hymne à la jeunesse s’accompagne d’un rejet de toutes les autres générations de travailleurs, qui sont «complètement démoralisées» et «passent tout leur temps à se plaindre de la situation, dont ils conviennent tous qu’elle est désespérée. Beaucoup de membres de la vieille génération sont infectés par la maladie du scepticisme et du pessimisme, contre laquelle il n’existe aucun antidote. Par conséquent, la plupart d’entre eux ne sont bons à rien.» [7]

L’insistance à dire que la jeunesse «communiste» n’a pas besoin de «l’éducation par les livres» et la tentative de la couper des travailleurs ayant une expérience réelle de la lutte des classes et de la trahison politique des bureaucraties est politiquement sinistre, étant donné que ceux dont on parle gravitent autour des divers vestiges des anciens partis staliniens, la tendance la plus consciemment contre-révolutionnaire sur la surface de la terre.

Léon Trotsky

Fondamentalement, le manifeste rend explicite le rejet de facto par la tendance Woods de la lutte de Trotsky pour construire la Quatrième Internationale et son orientation vers les vestiges staliniens de la Troisième Internationale aujourd’hui inexistante. Il tente essentiellement de ressusciter la perspective de réformer les partis staliniens et de les gagner à la révolution – plus de 90 ans après que Trotsky eut déclaré ces partis «morts pour les objectifs de la révolution» en 1933 – après que le Komintern eut permis qu’Hitler parvienne au pouvoir sans opposition.

Le manifeste de l’ICR affirme que «depuis la dégénérescence stalinienne de l’Internationale communiste», il n’existe plus d’Internationale révolutionnaire. Il poursuit ainsi: «En ce moment critique de l’histoire du monde, le mouvement communiste international se trouve dans un désarroi complet», par quoi il entend les «partis communistes du monde entier».

Cette description générale est contrecarrée par une référence au Parti communiste grec (KKE), tristement célèbre pour son nationalisme virulent et son soutien aux crimes de Staline. L’ICR décrit le KKE comme ayant «indubitablement pris des mesures importantes pour rejeter la vieille idée stalinienne-menchévique discréditée des deux étapes» et pour adopter « une position internationaliste correcte sur la guerre en Ukraine, qu’il qualifie de conflit inter-impérialiste».

La tâche de l’Internationale communiste révolutionnaire était de veiller à ce que le KKE et «les autres partis communistes qui partagent sa position sur la guerre en Ukraine» s’engagent dans un «front uni léniniste» et «un débat ouvert et démocratique»:

Il nous appartient de ramener le mouvement à ses origines véritables, de rompre avec le révisionnisme lâche et d'embrasser le drapeau de Lénine. A cette fin, nous tendons une main amicale à tout parti ou organisation qui partage cet objectif.

Lorsque Trotsky lança l’Opposition de gauche internationale, il la considérait comme l’opposition de gauche du mouvement communiste international. Nous sommes de véritables communistes – des bolcheviks-léninistes – qui furent bureaucratiquement exclus des rangs du mouvement communiste par Staline.

Nous avons toujours lutté pour maintenir le drapeau rouge d’Octobre et le véritable léninisme, et nous devons maintenant reprendre la place qui nous revient en tant que partie intégrante du mouvement communiste mondial.

Le temps est venu d’ouvrir au sein du mouvement une discussion honnête sur le passé, qui rompra enfin avec les derniers vestiges du stalinisme et préparera le terrain pour une unité communiste durable sur les bases solides du léninisme. [8]

Cette orientation vers les partis staliniens est en cours.

En novembre 2023, la TMI a fait état d'une réunion conjointe entre la Gauche marxiste et le Parti communiste brésilien - Reconstruction révolutionnaire (PCB-RR) sur l'Ukraine et la Palestine au cours de laquelle le leader de la section brésilienne de la TMI, Jorge Martin, a salué la «campagne de défense de l'internationalisme prolétarien» du PCB-RR et a déclaré que tous les «vrais communistes se trouvent du même côté de la barricade». [9]

Jorge Martin s'exprimant lors d'un événement de la TMI en 2018 [Photo: Revolutionary Communist Party/YouTube]

Jorge Martin a occupé une place d'honneur à la conférence de fondation de l'Internationale communiste révolutionnaire.

Le 27 mars 2024, une lettre ouverte aux «militants du Parti communiste portugais [PCP]» – publiée par Collectivo Marxista, après les élections anticipées du 10 mars, a commencé par rassurer les staliniens en leur disant que «ces critiques ne visent pas à attaquer le PCP. Au contraire, le Collectivo Marxista est profondément préoccupé par la crise du parti ouvrier le plus important de l’histoire du Portugal, un parti qui rassemble certains des meilleurs et des plus conscients combattants du prolétariat portugais».

Elle exhortait les militants du PCP à «étudier les idées de Marx et de Lénine qui ont donné vie à votre organisation il y a plus d’un siècle» et «les membres révolutionnaires du PCP et de la Jeunesse communiste portugaise à lutter côte à côte pour régénérer le communisme au Portugal, pour un parti communiste véritablement révolutionnaire, sur la base de l’Internationale communiste de Lénine et des principes de Marx et d’Engels». [10]

Le manifeste de la nouvelle Internationale communiste révolutionnaire précise aussi que la tendance Woods n’a nullement abandonné son orientation traditionnelle vers les partis sociaux-démocrates et l’appareil syndical. Il dénonce les «sectaires pseudo-trotskystes» qui « s’imaginent que les organisations de masse peuvent être simplement considérées comme des anachronismes historiques» et se limitent «à dénoncer avec virulence la trahison» ; et insiste pour dire que «la grande majorité de la classe ouvrière […] reste sous l’influence des organisations réformistes traditionnelles» et «qu’il n’y a aucun moyen pour la classe ouvrière d’éviter de passer par la douloureuse école des réformismes».

Les nouveaux Partis communistes révolutionnaires ne doivent donc rien faire qui puisse amener les travailleurs à considérer le groupe de Woods comme des «éléments étrangers ou des ennemis» et proposent dans certaines circonstances d’envoyer «toutes nos forces dans les organisations réformistes afin de rallier les ouvriers qui se dirigent vers la gauche à une position révolutionnaire ferme ». [11]

A ces développements positifs, et comme preuve de la radicalisation d’une partie de la bureaucratie syndicale, s’ajoutent les «déclarations publiques très intéressantes d’un homme appelé Shawn Fain, qui est le président de l’UAW, c’est-à-dire du puissant United Auto Workers of America, un syndicat très puissant… »

Woods cite la déclaration de Fain soutenant «les étudiants contre la répression au sujet du mouvement palestinien» et la vidéo du 1er mai de l'UAW «où cet homme appelle réellement à une grève générale en Amérique» en invitant d'autres syndicats à aligner leurs dates d'expiration de contrat sur celles de l'UAW.

Le président de l'UAW, Shawn Fain, à gauche, accueille le président Joe Biden à son arrivée dans le Michigan pour un événement de campagne en février 2024 [AP Photo/Evan Vucci]

Il dit de Fain qu'il «n'est pas marxiste et qu'il est très confus et qu'il fait des déclarations contradictoires», mais insiste ensuite à nouveau pour dire que «la classe ouvrière, ce ne sont pas les syndicats, ni le Parti travailliste».

Mais «nous ne rejetons ni les syndicats ni le Parti travailliste. Nous ne faisons pas cela. Nous ne commettons pas cette erreur sectaire.» [12]

Tirez les leçons de l’histoire: construisez le Comité international de la Quatrième Internationale

Le fait que l’ancienne TMI proclame sa clairvoyance politique en reconnaissant qu’un mouvement vers la gauche, en particulier parmi les jeunes, est en train de se développer – animé par la haine du Parti travailliste et le mépris pour la «gauche» – est d’une hypocrisie époustouflante.

Mais c’est bien ce qu’il fait, le Manifeste de l’Internationale communiste révolutionnaire proclamant désormais avec audace «la faillite de la “gauche”» et citant Syriza, Podemos en Espagne, Bernie Sanders aux États-Unis et Corbyn comme ayant «initialement suscité les espoirs de beaucoup de gens» avant qu’ils ne «capitulent face aux pressions de la droite».

Celà aussi est une suffisance politique nécessaire, une tentative de dissimuler le véritable bilan politique de la tendance Grant-Woods et de lui donner un certain degré de crédibilité auprès des jeunes qui n’en savent pas assez pour les dénoncer.

Cela ne fait que souligner le danger que représente le manque de connaissances historiques chez les jeunes, dont Woods fait l’éloge positive. La voie vers le socialisme ne passe pas par la formation d’une nouvelle Internationale communiste (non) révolutionnaire dirigée par des banqueroutiers politiques comme Woods, cherchant un regroupement avec les débris du stalinisme.

Pendant une grande partie de la période d’après-guerre, les véritables représentants du trotskysme ont mené une lutte prolongée non seulement contre les partis staliniens et sociaux-démocrates et les syndicats, mais aussi contre une pléthore de groupes pseudo de gauche qui se consacraient à s’opposer à un tournant révolutionnaire indépendant de la classe ouvrière.

Ce que Woods et consorts osent maintenant rejeter comme la défense par une «secte» d’une «orthodoxie» démentie par les événements, en même temps qu’ils s’orientaient eux-mêmes vers les bureaucraties contre-révolutionnaires, représentait la lutte essentielle pour la perspective de la révolution socialiste mondiale et pour le parti international nécessaire à sa réalisation .

Cette lutte a été justifiée par la restauration du capitalisme en Union soviétique et par l’effondrement et la transformation droitière de toutes les vieilles organisations bureaucratiques en partisans de l’austérité et de la guerre.

Lorsque le CIQI a analysé la mondialisation en 1988 dans son document de Perspectives mondiales, il en a tiré la conclusion que l’ internationalisation de la lutte des classes qui en résultait posait les bases objectives de la construction de la Quatrième Internationale en tant que nouvelle direction de la classe ouvrière. [13] Dans la période qui a suivi, alors que la TMI s’accrochait aux décombres du stalinisme et de la social-démocratie, le CIQI s’est attaché non seulement à analyser la crise en cours de l’impérialisme mondial, mais aussi à éduquer un cadre sur les leçons centrales de la lutte historique pour le trotskysme, qui s’est étendue sur plus d’un siècle depuis la fondation de l’Opposition de gauche en 1923. [14]

La Quatrième Internationale et la perspective de la révolution socialiste mondiale: 1986-1995 [Photo by Available from Mehring Books (www.wsws.org/en/articles/2020/06/19/intr-j19.html)]

L’impérialisme mondial est entré dans une période de crise révolutionnaire. L’assaut contre la classe ouvrière, imposé depuis des décennies principalement par l’intermédiaire des syndicats, la destruction continue des droits démocratiques, le développement délibéré des forces d’extrême droite et le lancement d’une série de guerres sanglantes qui menacent l’humanité d’annihilation nucléaire créent les bases d’un affrontement révolutionnaire entre la classe ouvrière et la bourgeoisie.

Pour empêcher les puissances impérialistes de précipiter l’humanité dans une catastrophe, il faut rien moins que le renversement révolutionnaire du capitalisme. Mais le développement du mouvement spontané de la classe ouvrière ne peut pas accomplir cette tâche. Il faut une direction révolutionnaire.

Pour les jeunes qui cherchent une voie pour aller de l’avant, cela signifie rejeter les flatteries insincères de l’Internationale communiste révolutionnaire et commencer à assimiler consciemment toutes les leçons qui doivent être tirées de l’histoire de la lutte pour le socialisme et sont incarnées par le CIQI.

Fin

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[1]

Internationale communiste révolutionnaire, «Manifeste de l’Internationale communiste révolutionnaire» (2024), [https://marxist.com/manifesto-of-the-revolutionary-communist-international.htm].

[2]

Alan Woods, «Alan Woods sur les perspectives mondiales: crise, lutte des classes et les tâches des communistes » (2024), [https://marxist.com/alan-woods-on-world-perspectives-crisis-class-struggle-and-the-tasks-of-the-communists.htm].

[3]

Alan Woods, Bolshevism - The Road to Revolution (1999), reproduit dans «Que faire? – un guide de lecture» (2023), [https://communist.red/what-is-to-be-done-a-reading-guide/].

[4]

David North, «La théorie de la conscience socialiste de Lénine: les origines du bolchevisme et Que faire» (2005), [https://www.wsws.org/en/special/library/russian-revolution-unfinished-twentieth-century/08.html].

[5]

Vladimir Lénine, Que faire? (1902), [https://www.marxists.org/archive/lenin/works/1901/witbd/ii.htm].

[6]

Ibid.

[7]

Alan Woods, «Éditorial» dans In Defence of Marxism No. 43 (2023), [https://marxist.com/are-you-a-communist-alan-woods-editorial-for-idom-43-order-now.htm].

[8]

Internationale communiste révolutionnaire, «Manifeste de l’Internationale communiste révolutionnaire» (2024), [https://marxist.com/manifesto-of-the-revolutionary-communist-international.htm].

[9]

Rannah Brasil, « Brésil: rassemblement conjoint contre la guerre impérialiste de la gauche marxiste et du PCB-RR» (2023), [https://marxist.com/brazil-joint-rally-against-imperialist-war-by-the-marxist-left-and-the-pcb-rr.htm].

[10]

Arturo Rodriguez, «Une lettre urgente aux militants du Parti communiste portugais» (2024), [https://marxist.com/an-urgent-letter-to-the-activists-of-the-portuguese-communist-party.htm].

[11]

Internationale communiste révolutionnaire, «Manifeste de l’Internationale communiste révolutionnaire» (2024), [https://marxist.com/manifesto-of-the-revolutionary-communist-international.htm].

[12]

Alan Woods, Discours lors du «Lancement de l’Internationale communiste révolutionnaire», [https://www.youtube.com/watch?v=_5zYwvsB_Fo].

[13]

Comité international de la Quatrième Internationale, « La crise capitaliste mondiale et les tâches de la Quatrième Internationale » (1988), [https://www.wsws.org/fr/special/bibliotheque/crise-capitaliste-mondiale-et-les-taches-de-la-quatrième-internationale-1988/00.html].

[14]

Voir : https://www.wsws.org/en/special/pages/icfi/about.html.

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