La semaine dernière, l'Office de secours et de travaux des Nations unies (UNRWA) a suspendu l'aide humanitaire aux réfugiés palestiniens de Gaza, invoquant les attaques répétées et systématiques de bandes armées contre les convois d'aide.
Le mois dernier, des bandes criminelles se sont emparées de 98 des 109 camions de l'ONU au vu et au su des soldats, des chars et des drones de surveillance israéliens.
Non seulement les Forces de défense israéliennes (FDI) refusent d'intervenir contre ces criminels armés, mais elles ouvrent également le feu sur la police locale qui tente de mettre fin aux pillages. En tant qu'élément crucial de la stratégie d'Israël qui vise à affamer la population, l'autorisation de ces attaques vise clairement à entraver l'aide humanitaire, à affamer les Palestiniens, à saper l'ordre public et à provoquer l'effondrement de la société. La décision de l'UNRWA montre que cette stratégie fonctionne.
Cela intervient alors que le site ReliefWeb des Nations unies a signalé des niveaux alarmants de pénurie de nourriture et d'eau, ainsi que des signes de famine. Les opérations militaires massives d'Israël, qu'il s'agisse de l'invasion terrestre ou des bombardements aériens, ainsi que la contamination par des bombes non explosées, ont détruit les systèmes locaux de production et de distribution de denrées alimentaires ainsi que les infrastructures publiques, obligeant les Palestiniens à brûler les déchets dans un contexte de grave pénurie de carburant. Les cuisines communautaires risquent de fermer faute d'approvisionnement, tandis que les prix du marché pour les produits de base ont grimpé en flèche.
Cette situation a incité les experts mondiaux en sécurité alimentaire à mettre en garde contre une « forte probabilité de famine imminente dans certaines zones » du nord de la bande de Gaza.
En annonçant cette décision, Philippe Lazzarini, chef de l'UNRWA, a déclaré que plusieurs camions transportant des denrées alimentaires avaient été pillés la veille sur la route de Kerem Shalom, à la frontière israélienne, principal point de passage de l'aide à Gaza, après la fermeture du point de passage sud de Rafah, à la frontière égyptienne.
Il a déclaré que la route n'était pas sûre depuis des mois, faisant référence au détournement de près de 100 camions d'aide au cours du seul mois de novembre. Dans une déclaration sur X, il a expliqué : « Cette décision difficile intervient à un moment où la faim s'aggrave rapidement [...] en raison du siège en cours, des obstacles posés par les autorités israéliennes, des décisions politiques visant à restreindre les quantités d'aide, du manque de sécurité sur les itinéraires d'aide et d’attaques contre la police locale. Tous ces éléments ont conduit à un effondrement de l'ordre public. »
Lazzarini a ajouté qu'il incombait à Israël, en tant que puissance occupante, de protéger les travailleurs humanitaires et les fournitures, en vertu du droit international, et il a une nouvelle fois appelé Israël à « veiller à ce que l'aide parvienne à Gaza en toute sécurité » et à « s'abstenir d'attaquer les travailleurs humanitaires ». Selon les Nations unies, au moins 333 travailleurs humanitaires à Gaza ont été tués lors d'attaques israéliennes.
Ses remarques font suite à des enquêtes approfondies menées par le Washington Post et le Financial Times sur le pillage systématique de l'aide à Gaza. Les journaux décrivent les entretiens qu'ils ont eus avec des chauffeurs de camion, des commerçants, des travailleurs humanitaires, des agents de sécurité et des fonctionnaires de l'ONU à Gaza, dont beaucoup ont eu une expérience directe du pillage. Les gangs et les réseaux criminels ont remplacé les pilleurs individuels lorsque les livraisons d'aide ont chuté après l'invasion de Rafah par les FDI en mai.
Il est difficile d'obtenir des chiffres cohérents sur le nombre de camions entrant dans la bande de Gaza. Avant la guerre, la moyenne était d'environ 500 camions par jour, la plupart d'entre eux transportant des matériaux de construction et d'autres produits commerciaux, ce qui n'était toujours pas suffisant pour répondre aux besoins quotidiens de la population. Ce chiffre est tombé à 800 pour tout le mois d'octobre 2023, avant de remonter en janvier de cette année à environ 100 par jour. Les graphiques de la BBC indiquent qu'environ 310, 370, 310, 450 et 430 camions de nourriture sont entrés à Gaza chaque mois, de mai à septembre respectivement. Au cours des dix premiers jours d'octobre, alors que les FDI lançaient une nouvelle offensive contre les Palestiniens, seuls 30 camions par jour sont entrés, soit le niveau le plus bas depuis le début de la guerre. En novembre, seuls 65 camions humanitaires par jour sont entrés, les FDI refusant délibérément de laisser passer les convois d'aide.
Avec la réduction des livraisons et la destruction de la production alimentaire locale, même les produits de base sont devenus des cibles de choix pour les voleurs. Une caisse de cigarettes se vend 400.000 dollars. Le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA) estime que jusqu'à 30 % de l'aide est volée.
Les principaux gangs seraient dirigés par deux criminels recherchés, dont on pense qu'ils sont liés aux groupes de l'État islamique opérant dans le désert égyptien du Sinaï. Ensemble, ils ont constitué des gangs d'environ 200 personnes et disposent de leurs propres entrepôts pour stocker les biens pillés qu'ils revendent ensuite à des commerçants locaux. Ces gangs exigent également des « frais de protection » de plus de 4000 dollars par camion pour permettre aux agences d'aide de passer en toute sécurité sans être pillées.
L'association des transporteurs de Gaza a refusé de livrer l'aide de l'ONU après que des pillards ont tué leurs chauffeurs et endommagé leurs camions. Les personnes interrogées étaient pratiquement unanimes pour dire que ces criminels, qui opéraient souvent en plein jour sous les yeux des FDI, ne pouvaient pas commettre des vols aussi effrontés sans le soutien des FDI. Toute autre personne opérant aussi près de l'armée serait abattue.
Israël est également soupçonné de fournir directement des armes aux gangs, les FDI ayant explicitement déclaré en mars qu'elles envisageaient d'armer les clans rivaux du Hamas à Gaza.
Alors que l'administration Biden a exigé – à des fins de relations publiques – qu'Israël autorise une aide plus importante, elle n'a rien fait pour s'en assurer, ignorant ses propres agences qui ont conclu qu'Israël avait délibérément bloqué les livraisons de nourriture et de médicaments à Gaza, en violation de la loi américaine qui exige l'arrêt des livraisons d'armes aux pays qui bloquent l'acheminement de l'aide soutenue par les États-Unis. Les États-Unis soutiennent à 100 %, et même dirigent, la guerre d'anéantissement d'Israël contre les Palestiniens.
Depuis octobre 2023, l'assaut d'Israël a tué au moins 44.580 personnes à Gaza, selon les statistiques officielles, et le nombre de morts « indirectes » dues aux maladies, au manque de médicaments, de nourriture et d'eau potable est probablement beaucoup plus élevé – environ 186 000 – selon une étude publiée dans The Lancet au début de l'année. Ce chiffre aura augmenté depuis lors. Contrairement aux affirmations d'Israël selon lesquelles il vise le Hamas, le rapport du bureau des droits de l'homme des Nations unies indique que 70 % des décès vérifiés à Gaza concernent des femmes et des enfants. Plus de 105.000 personnes ont été blessées, Gaza comptant désormais le plus grand nombre d'enfants amputés par habitant au monde.
Plus de 1,9 million de personnes, soit 90 % de la population de Gaza, ont été déplacées à l'intérieur du pays. Mais jusqu'à présent, selon l'UNRWA, seuls 23 % des besoins pour protéger les personnes déplacées à Gaza de la pluie et du froid ont été satisfaits, laissant 945.000 personnes en danger d'exposition cet hiver.
(Article paru en anglais le 11 décembre 2024)