Un juge administratif de l'immigration en Louisiane a statué vendredi que l'administration Trump pouvait poursuivre ses efforts d'expulsion contre l'étudiant diplômé de l’Université Columbia et résident permanent légal Mahmoud Khalil parce qu'il s'est opposé au génocide à Gaza.
Le juge Jamee Comans, un employé du ministère de la Justice, a donné à Mahmoud Khalil et à ses avocats jusqu'au 23 avril pour déposer une demande d'exemption, après quoi il serait transporté en Syrie ou en Algérie. Les avocats de Khalil intentent également une action en justice dans le New Jersey pour empêcher son expulsion imminente du pays.
L'administration Trump a enlevé, détenu et cherche à expulser Khalil non pas pour une activité criminelle présumée, mais uniquement pour ses opinions et discours politiques. Dans son élan vers la dictature, le fasciste Trump tente de passer au rouleau compresseur ce qui reste des droits démocratiques aux États-Unis – avant tout, le droit à la liberté d'expression du premier amendement – en utilisant des étudiants immigrés comme fer de lance de l'attaque.
Dans un mémo soumis par le département d'État la semaine dernière, le secrétaire d'État Marco Rubio a affirmé que Khalil devrait être expulsé en raison de ses « opinions, déclarations ou associations passées, présentes ou attendues qui sont par ailleurs légales ». [C’est nous qui soulignons.] (Le mémo affirme que de telles opinions – si elles sont jugées contraires aux «intérêts impérieux de la politique étrangère des États-Unis » – constituent des motifs d'expulsion. La présence de Khalil aux États-Unis, a déclaré Rubio, « compromettrait un intérêt obligatoire de la politique étrangère des États-Unis ».
En d'autres termes, Trump cherche à punir Khalil et des centaines d'autres étudiants étrangers aux États-Unis dont les visas ont été révoqués pour le «crime de pensée » consistant à s'opposer au génocide à Gaza – le plus grand crime de guerre du XXIe siècle –, une position que le gouvernement qualifie d'« antisémite ».
Rubio a invoqué une sous-section rarement utilisée de la Loi sur l'immigration et la nationalité (INA – Immigration and Nationality Act) qui trouve son origine dans les chasses aux sorcières maccartistes des années 1950 et qui a été mise à jour dans l'assaut contre les libertés civiles qui a suivi le 11 septembre. Cette disposition est maintenant utilisée pour affirmer, comme jamais auparavant, que les non-citoyens n'ont pas de droits au titre du premier amendement et ne peuvent pas faire de déclarations critiques à l'égard du gouvernement.
Qu'est-ce que cela signifie d'affirmer que non seulement les « opinions », mais aussi les « opinions attendues » peuvent avoir des « conséquences négatives sur la politique étrangère » ? Cela va au-delà de la violation du premier amendement, en criminalisant non seulement la parole, mais la pensée elle-même, et le potentiel de pensée. Cette affirmation est une répudiation totale des principes qui ont guidé les fondateurs de la République américaine, qui pensaient, comme l'a dit James Madison, que « la conscience est le plus sacré de tous les droits ».
Dans ce cadre, la liberté d'expression devient la liberté d'être d'accord avec les politiques du gouvernement et, en fait, avec Trump lui-même. Il s'agit d'une déclaration selon laquelle il est illégal de s'opposer au gouvernement, un principe défendu par toutes les dictatures de l'histoire.
Une fois que le précédent de la criminalisation de l'opposition à la politique étrangère des États-Unis est établi, il peut être appliqué à tout et à tous. Le gouvernement cherchera à déclarer que ses intérêts nécessitent la rentabilité des entreprises américaines et que, par conséquent, les protestations et les grèves contre des entreprises individuelles sont illégales.
Le précédent direct des positions de l'administration Trump est le concept de Willensstrafrecht (« punition de la volonté »), développé par le régime nazi d'Adolf Hitler. Dans ce système, l'accusé pouvait être reconnu coupable et condamné à mort pour avoir simplement manifesté une attitude mentale susceptible de suggérer, et éventuellement d'encourager chez d'autres, la déloyauté.
Le cas de Khalil est le plus important d'une liste grandissante d'étudiants et d'universitaires persécutés parce qu'ils s'opposent à la politique américaine. Parmi les autres étudiants et universitaires qui font l'objet de persécutions similaires pour ces motifs fascistes, on peut citer :
Rümeysa Öztürk, étudiante à l’Université Tufts, qui a été enlevée par des agents masqués pour avoir co-écrit un article demandant à l'université de reconnaître le génocide et de se désinvestir d'Israël. Elle est toujours détenue en Louisiane.
Momodou Taal, doctorant à Cornell, citoyen britannico-gambien, qui a été contraint de fuir le pays après que l'administration a exercé des représailles contre sa contestation juridique des décrets de Trump attaquant la liberté d'expression.
Helyeh Doutaghi, spécialiste du droit international, qui a été licenciée par la faculté de droit de Yale sans procédure régulière après de fausses accusations émanant d'un média pro-sioniste généré par l'IA.
Un scientifique français qui s'est vu refuser l'entrée aux États-Unis après que des agents frontaliers ont consulté des messages privés critiquant le programme anti-science de Trump sur son téléphone portable.
L'administration fonctionne sur la base d'une stratégie élaborée en vue d'établir une dictature. Le jour même où la décision concernant Khalil a été rendue en Louisiane, les avocats de l'administration ont déclaré devant un tribunal fédéral que le gouvernement ne partagerait pas d'informations sur les mesures prises pour rapatrier Abrego Garcia d'une prison pour terroristes au Salvador.
La Cour suprême a statué jeudi que l'administration Trump devait « faciliter » le retour d'Abrego Garcia, qui a été transporté au Salvador le mois dernier après que la Maison-Blanche a violé de manière flagrante une décision de justice selon laquelle les expulsions en vertu de la Loi sur les ennemis étrangers devaient être arrêtées. (La Cour suprême, dans un arrêt antérieur, avait déclaré que les expulsions au titre de cette loi pouvaient se poursuivre.)
Dans une déclaration publiée jeudi en même temps que l'arrêt de la Cour suprême, les juges Sonia Sotomayor, Elena Kagan et Ketanji Brown Jackson ont lancé un avertissement :
L'argument du gouvernement, en outre, implique qu'il pourrait expulser et incarcérer toute personne, y compris des citoyens américains, sans conséquence juridique, tant qu'il le fait avant qu'un tribunal ne puisse intervenir.
En effet, Trump et ses acolytes fascistes ont ouvertement envisagé l’expulsion de prisonniers citoyens américains vers la même prison du Salvador où Abrego Garcia et d'autres ont disparu.
D'ores et déjà, des travaux sont en cours au sein de l'administration Trump pour examiner comment invoquer l’Insurrection Act de 1807, qui permettrait le déploiement de soldats américains contre la population, avec une date limite fixée au 20 avril pour la remise d'un rapport au président.
La classe ouvrière des États-Unis, qu'elle soit née au pays ou immigrée, doit s'opposer fermement à l'attaque contre Khalil et les autres. Le premier amendement garantit le droit de tous les citoyens américains à la liberté d'expression. Si ce droit est refusé aux non-citoyens, il est refusé aux citoyens. Le premier amendement et la Constitution dans son ensemble deviennent alors lettre morte. Il s'agit d'une étape cruciale dans l'assaut sur la classe ouvrière.
L'érection par Trump d'une dictature fasciste et l'assaut contre les droits démocratiques ne seront pas combattus par le Parti démocrate. À chaque étape, il a permis les actions de Trump, en préparant le terrain pour son attaque contre les étudiants et en collaborant à l'adoption de lois visant à faire fonctionner son gouvernement, alors que le Département de l'efficacité gouvernementale (DOGE), supervisé par la personne la plus riche du monde, Elon Musk, licencie des dizaines de milliers de fonctionnaires fédéraux.
Les manifestations contre le génocide de Gaza ont été brutalement réprimées par la police sous la direction des démocrates et de l'administration Biden, qui a affirmé que les manifestations constituaient une menace pour les étudiants juifs, malgré la participation de nombreux étudiants et sympathisants juifs. Les démocrates ont ainsi préparé le terrain pour les actions dictatoriales de Trump.
Les manifestations du 5 avril, au cours desquelles des millions de personnes sont descendues dans la rue pour s'opposer aux efforts de l'administration Trump visant à instaurer une dictature fasciste, ont marqué un tournant important. Elles ont fait voler en éclats la ligne officielle selon laquelle Trump est invincible et que les démocrates et les bureaucraties syndicales sont impuissants à faire quoi que ce soit pour l'arrêter.
Il y a une opposition de masse grandissante à Trump et au fascisme dans la classe ouvrière, mais les démocrates et les syndicats lui barrent la route. Cette expression puissante mais initiale de l'opposition doit être développée en un mouvement politiquement conscient et indépendant, armé d'un programme socialiste visant à mobiliser la classe ouvrière contre le système capitaliste, qui est la source ultime du fascisme et de l'attaque contre les droits démocratiques.
Le Parti de l'égalité socialiste est le fer de lance de la lutte pour construire un mouvement de masse de la classe ouvrière afin de défendre les droits démocratiques et de s'opposer au fascisme et à la dictature. Nous appelons tous ceux qui veulent participer à ce combat à rejoindre notre parti et à entrer dans la lutte pour le socialisme.
(Article paru en anglais le 12 avril 2025)