L’inculpation de l’éminent antisioniste Tony Greenstein en vertu des lois antiterroristes est la dernière décision prise par l’État britannique pour intimider et faire taire l’opposition à la guerre à Gaza.
Greenstein, âgé de 70 ans, a été inculpé en vertu de la loi antiterroriste de 2000 par le Crown Prosecution Service (CPS, Ministère public) pour avoir appelé au soutien d'une organisation interdite, le Hamas. Il a été libéré sous caution et comparaîtra devant le tribunal de Westminster le 12 décembre.
Greenstein est le cofondateur de la Palestine Solidarity Campaign (PSC), qui, avec la Stop the War Coalition et la Campaign for Nuclear Disarmament, a organisé plus de 20 manifestations nationales contre le génocide des Palestiniens par Israël. Partisan de l'ancien leader travailliste Jeremy Corbyn, Greenstein a été expulsé du parti en 2018 – alors que Corbyn était toujours aux commandes – sur la base d'accusations fabriquées d'antisémitisme. Son père était un rabbin qui a manifesté contre l'Union britannique des fascistes d'Oswald Mosley dans les années 1930.
Le 25 novembre, Greenstein a reçu un courriel intitulé « Mise à jour de l’affaire » du DC 5520 de l’équipe d’enquête 3 de la police antiterroriste du sud-est. Ce courriel mentionnait : « J’ai reçu aujourd’hui une réponse du CPS concernant l’affaire en cours contre vous. Le CPS a confirmé un chef d’accusation, en vertu de l’article 12(1) de la loi sur le terrorisme de 2000, qui relève de l’expression d’un soutien à une organisation interdite. »
Le courriel continuait ainsi : « Je suis conscient qu’il a fallu beaucoup de temps pour parvenir à cette décision et que le résultat sera décevant pour vous. » La lettre demandait à Greenstein de se rendre à un poste de police le 27 novembre, « où l’accusation vous sera lue et vous serez libéré sous les mêmes conditions de caution que celles auxquelles vous êtes actuellement soumis. »
Le site Skwawkbox a rapporté que Greenstein s'était rendu au poste de police le 29 novembre « en raison d'un traitement hospitalier ». L'infraction présumée pourrait lui valoir une peine de prison maximale de 14 ans. Cette peine a été augmentée de 10 ans lorsque la loi de 2021 sur la lutte contre le terrorisme et la détermination des peines est entrée en vigueur.
Cela fait presque un an que la police a perquisitionné le domicile de Greenstein aux premières heures du 20 décembre 2023 motivée par un message sur les réseaux sociaux défendant le droit des Palestiniens à résister au génocide israélien à Gaza. Au cours de l’opération, la police a saisi son téléphone et son ordinateur portable et l’a détenu pendant neuf heures. Le World Socialist Web Site a noté (article en anglais) : « Bien que Greenstein n’ait été inculpé d’aucune infraction, des conditions de mise en liberté sous caution draconiennes ont été imposées. Il lui est interdit de publier des déclarations sur Twitter/X au sujet de la guerre d’Israël contre Gaza, il doit informer la police s’il prévoit de dormir ailleurs qu’à Brighton, et doit donner à la police le numéro de téléphone, l’IMEI et le numéro SIM de tout nouvel appareil dans les 24 heures. »
Dénonçant la rafle policière et la saisie de ses appareils électroniques comme un exercice de collecte de renseignements contre les « ennemis de l'État à gauche et dans le mouvement de solidarité avec la Palestine », Greenstein a déclaré au World Socialist Web Site que son arrestation était « une attaque fondamentale contre la liberté d'expression et doit être combattue pour ces raisons, entre autres ».
Expliquant ce qui s'est passé, il a déclaré : « Mon arrestation est due à un tweet que j'ai posté le 15 novembre 2023 en réponse à une personne s'identifiant uniquement comme James et qui demandait :
« Envoyez un tweet pour dire que vous soutenez le Hamas ! Il vous suffit de tweeter trois mots et nous saurons de quel côté vous êtes. »
« J’ai refusé de tomber dans le piège et j’ai répondu : “Je soutiens les Palestiniens, ça suffit”, avant de poursuivre : “Je soutiens le Hamas contre l’armée israélienne”. Comme je l’ai dit à mes interrogateurs de police après mon arrestation, j’aurais soutenu le diable contre l’armée génocidaire d’Israël. »
Greenstein a déclaré à Skwawkbox : « J'ai été mis en examen en vertu du tristement célèbre article 12 de la loi sur le terrorisme de 2000 d'avoir exprimé une opinion ou une croyance en faveur d'une organisation interdite.
« Il est clair qu'il s'agit d'une attaque flagrante contre le droit des citoyens à exprimer leurs opinions et contre le droit des Palestiniens à résister à l'armée israélienne génocidaire. Il est parfaitement acceptable de soutenir les massacres génocidaires perpétrés par Israël, mais c'est un délit de soutenir toute forme de résistance. »
« Cette situation absurde revient à criminaliser la Résistance contre l’occupation nazie de la France. Elle criminalise l’opinion politique et n’a absolument rien à voir avec le terrorisme. Il va sans dire que je vais monter une défense vigoureuse en faveur de la liberté d’expression sur la Palestine. »
Greenstein a été victime de persécutions et d'arrestations répétées pour avoir protesté contre le massacre de masse des Palestiniens par les forces de défense israéliennes.
Le 6 septembre 2023, il a été condamné à neuf mois de prison avec sursis pendant deux ans pour sa participation à une activité planifiée de Palestine Action dans une usine d'armes à Shenstone, en Angleterre, appartenant à la plus grande entreprise d'armement d'Israël, Elbit Systems. Le site Internet de Palestine Action a rapporté que « cinq militants de Palestine Action devaient être condamnés après avoir été reconnus coupables de “possession d'objets dans l'intention de commettre des dommages criminels”. Le juge Michael Chambers a déclaré qu'il les condamnerait comme s'ils avaient commis plus de 30.000 £ de dommages criminels […]
« Au départ, six militants ont été arrêtés dans une camionnette en route vers une usine d’armes israélienne à Shenstone. Le 15 mai 2023, après un procès de sept semaines, quatre des six ont été condamnés par un jury. Cela s’est produit après que le juge a refusé d’autoriser toute défense justifiant les actions des militants, y compris la prévention du crime plus grave, les crimes de guerre d’Israël contre le peuple palestinien commis par l’armement d’Elbit. »
L'usine a été ciblée parce qu'elle était spécialisée dans la fabrication de moteurs pour drones de combat, qu'Elbit commercialise ouvertement comme étant « testés au combat » sur la population palestinienne. L'avion Hermes 450 est utilisé pour surveiller et attaquer la population de Gaza depuis plus d'une décennie, décimant des milliers de vies.
« L'usine fabrique également des pièces pour le Watchkeeper, utilisé pour surveiller les migrants cherchant refuge au Royaume-Uni, et le drone Shadow, qui fait partie de l'arsenal militaire américain, notamment utilisé lors de l'invasion américaine de l'Irak et susceptible d'être utilisé dans les attaques en cours au Yémen. »
La répression contre les manifestants anti-Elbit s'intensifie (article en anglais). Un groupe d'activistes, les Filton 10, qui a pris pour cible l'usine Elbit Systems à Filton, Bristol, est toujours derrière les barreaux quatre mois après avoir été arrêté et détenu en vertu des lois antiterroristes. Les 10 ont ensuite été inculpés de délits non liés au terrorisme, notamment de dégradations de biens, mais ont été emprisonnés en détention provisoire dans des conditions dures et répressives en raison de leur interrogatoire initial par la police antiterroriste.
Le 4 octobre, Greenstein a été arrêté pour « infraction à motivation raciale » alors qu’il manifestait devant la résidence officielle de l’ambassadrice israélienne Tzipi Hotovely à Londres. Des manifestations devant la résidence demandant au gouvernement d’expulser Hotovely en raison de ses opinions en faveur du génocide ont lieu chaque semaine.
Greenstein a écrit : « J'ai pris la parole en tant qu'antisioniste juif dans le hall et j'ai comparé le comportement des nazis au génocide des Palestiniens par Israël. » Ces propos ont été tenus quatre mois après que le prestigieux Lancet ait conclu que, selon une estimation « conservatrice », l'armée israélienne avait déjà tué environ 186.000 hommes, femmes et enfants de Gaza.
Le génocide israélien à Gaza a commencé avec un gouvernement conservateur en crise toujours au pouvoir en Grande-Bretagne. Sous la direction du Premier ministre Rishi Sunak, les conservateurs ont apporté un soutien total à Israël en alliance avec l'opposition travailliste dirigée par sir Keir Starmer. Sunak avait le soutien du Parti travailliste pour soutenir la guerre menée par l'OTAN contre la Russie en Ukraine.
Depuis l’arrivée au pouvoir du Parti travailliste en juillet, la répression du sentiment anti-guerre s’est accélérée. Des manifestants et un nombre croissant de journalistes ont été arrêtés et ont vu leurs droits démocratiques bafoués.
Le 29 octobre, le professeur Haim Bresheeth (article en anglais), historien juif israélien de renommée mondiale, militant pacifiste et antisioniste de longue date, a été arrêté devant la résidence de Hotovely lors d'une manifestation contre le génocide israélien des Palestiniens.
Le 24 novembre, huit autres militants de Palestine Action ont été placés en détention provisoire après une action visant l’usine de Filton. Ils ont eux aussi été arrêtés et interrogés en vertu de la loi sur le terrorisme, avant d’être inculpés de délits criminels, et non de terrorisme.
Suite à l'arrestation, en avril 2023, d'Ernest Moret, directeur des droits étrangers des Éditions La Fabrique, en vertu des lois antiterroristes, l’écrivain Kit Klarenberg de Grayzone fut arrêté à l'aéroport de Luton en vertu de la loi sur la lutte contre le terrorisme et la sécurité des frontières (2019). En octobre de l'année dernière, le journaliste indépendant Craig Murray fut arrêté en vertu de l'annexe 7 de la loi sur le terrorisme (2000).
Au cours des six mois de gouvernement travailliste, les journalistes indépendants Richard Medhurst, Sarah Wilkinson et Asa Winstanley (articles en anglais) ont tous été arrêtés lors d'opérations impliquant des agents antiterroristes de l’État.
(Article paru en anglais le 2 décembre 2024)