Au début de la grève de 55.000 travailleurs de Postes Canada, le 15 novembre, Teamsters Canada a annoncé qu'il manifesterait son « plein appui » aux grévistes, qui sont membres du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP). Ils se sont engagés à demander à leurs membres de l'entreprise de messagerie Purolator, qui appartient majoritairement à la société d'État, de ne pas manipuler les colis portant le cachet de la poste ou identifiés comme provenant du service postal national.
« Purolator est une filiale du groupe Postes Canada. Notre objectif est d'empêcher Postes Canada de détourner ses marchandises en gros et d'utiliser ainsi une filiale pour briser un syndicat », a expliqué Christopher Monette, directeur des affaires publiques du syndicat des Teamsters, à Global News.
« Teamsters Canada croit fermement que de bons emplois syndiqués, assortis d'un salaire décent et d'une retraite assurée, sont des piliers essentiels de la société canadienne. Malheureusement, Postes Canada a adopté une position différente à la table de négociation. »
Cependant, ces assurances de soutien aux travailleurs postaux en grève de la part de la bureaucratie des Teamsters se sont avérées n’avoir aucune valeur.
Alors que la grève en est à sa deuxième semaine, il est clair que l'appareil des Teamsters collabore avec la direction de Purolator et, par son entremise, avec Postes Canada, pour saborder la grève et miner les travailleurs de la livraison au moment où le volume de colis augmente pendant la période des fêtes d'hiver. Pendant ce temps, le STTP garde un silence complice, ne lançant aucun appel aux travailleurs de la base de Purolator.
« Purolator continue de fonctionner. En tant qu'entreprise de messagerie ayant la plus grande portée au Canada, notre réseau est bien préparé et prêt à assurer le succès continu de nos clients et de tous les Canadiens, y compris ceux qui ont été touchés par le récent arrêt de travail de Postes Canada », s'est vanté Chris Spanjaard, premier vice-président et chef de l'exploitation de Purolator, dans une déclaration publiée mercredi dernier.
Ses commentaires ont été inclus dans un communiqué de presse sous le sous-titre « L'entreprise est ouverte pour tous les volumes de clients touchés par la grève de Postes Canada », ce qui indique clairement que l'entreprise de messagerie vise à rediriger les personnes qui passent habituellement par Postes Canada vers les services de sa filiale Purolator pendant la grève. L'entreprise s'attend à traiter 43 millions de colis entre le 1er novembre et le 25 décembre, « dont une partie devrait provenir des personnes touchées par la grève de Postes Canada ».
Et pour attirer davantage de clients de sa société mère pendant la grève, Purolator offre jusqu'à 50 % de rabais sur les frais d'expédition et une nouvelle boîte à tarif fixe pour 15 à 20 $.
Comme l'a souligné le Globe and Mail dans un reportage publié ce week-end, Purolator, qui se concentre principalement sur la livraison de colis, est l'une des seules opérations rentables relevant de la responsabilité de Postes Canada, ayant affiché des bénéfices de 293 millions de dollars en 2023, même si la société a perdu 748 millions de dollars dans l'ensemble. Postes Canada, quant à elle, est responsable de la livraison des lettres, qui a connu un déclin précipité, ce qui a incité la direction à chercher à accroître sa part de livraison de colis en sapant les conditions de travail et en recourant davantage à des travailleurs temporaires et à temps partiel.
Selon un rapport récent de Ian Lee, professeur agrégé de gestion à la Sprott School of Business de l'université Carleton, le coût de la livraison de colis à Postes Canada se situe entre 50 et 60 dollars de l'heure, alors qu'il est de 40 à 50 dollars chez sa filiale Purolator. C'est ce régime de coûts inférieurs que la direction de Postes Canada, avec la collaboration des bureaucraties du STTP et des Teamsters, cherche à imposer aux travailleurs postaux en augmentant la part des travailleurs permanents à temps partiel et des travailleurs temporaires, en déployant l'acheminement dynamique, en élargissant la livraison les fins de semaine et en maintenant les augmentations salariales à un niveau égal ou inférieur au taux d'inflation. Dans un commentaire pour le Globe au début de l'année, Lee a suggéré que Postes Canada devait se débarrasser de dizaines de milliers de travailleurs à temps plein, vendre ses quelque 3000 bureaux de poste et mettre fin à la livraison quotidienne aux adresses résidentielles.
La bureaucratie des Teamsters est responsable de l'affaiblissement des membres du STTP, car elle a fait adopter en 2022 un contrat à rabais qui ne répondait pas aux principales préoccupations des travailleurs de Purolator. Bien que toutes les équipes de négociation locales du pays aient recommandé la convention collective, celle-ci n'a été ratifiée que par 60 % des personnes ayant participé au vote de ratification, 40 % d'entre elles ayant voté « non ».
Teamsters Canada compte plus de 130.000 membres, tandis que la Fraternité internationale des Teamsters (FIT), à laquelle le syndicat est affilié, est l'agent négociateur légal de 1,4 million de travailleurs en Amérique du Nord. Parmi ses membres, on compte des dizaines de milliers de livreurs chez UPS et FedEx, et des milliers d'autres parmi les cheminots, où ils ont imposé une capitulation après l'autre.
Au début de l'année, la Conférence ferroviaire de Teamsters Canada a capitulé face à l'interdiction de grève imposée par le gouvernement à 9300 mécaniciens, chefs de train, agents de triage et contrôleurs ferroviaires des opérations canadiennes du Canadien National (CN) et du Canadien Pacifique Kansas City (CPKC). Le gouvernement libéral a eu recours à l'article 107 du Code canadien du travail, la même disposition qu'il a ensuite utilisée contre les débardeurs de Montréal et de Vancouver, pour que le Conseil canadien des relations industrielles, qui n'est pas élu, impose un arbitrage obligatoire aux travailleurs du rail, garantissant ainsi qu'ils travaillent dans le cadre de conventions collectives conformes aux exigences des barons du rail, motivés par la recherche du profit.
Les Teamsters entretiennent les liens corporatistes les plus étroits avec le gouvernement libéral du Premier ministre Justin Trudeau, soutenu par les syndicats et le NPD, ainsi qu'avec l'administration Biden aux États-Unis. Le président de Teamsters Canada, François Laporte, a participé à une réunion avec d'autres bureaucrates syndicaux convoquée par l'ambassadeur américain et ministre du Travail de l'époque, Seamus O'Regan, en février, pour discuter de la meilleure façon d'étouffer la lutte des classes des deux côtés de la frontière. Pendant ce temps, le président de la FIT, Sean O'Brien, a noué des liens étroits avec l'administration entrante du fasciste Donald Trump, s'exprimant lors de la Convention nationale républicaine plus tôt cette année et aidant à choisir le nouveau secrétaire américain au travail.
À la lumière de ces faits, on comprend pourquoi Teamsters Canada ne prendrait aucune mesure sérieuse pour appuyer la grève du STTP ou pour miner la quête de profits de Postes Canada et de Bay Street. Une véritable lutte des travailleurs de Purolator, aux côtés de leurs frères et sœurs de Postes Canada, nécessiterait une lutte politique contre l'alliance libérale, syndicale et néo-démocrate, qui a systématiquement étouffé la lutte des classes au cours des dernières décennies et qui a servi de mécanisme clé à l'élite dirigeante pour mettre en œuvre une austérité féroce et des attaques contre les droits des travailleurs.
Il faudrait également rejeter la primauté des profits des entreprises et insister sur le fait que tous les travailleurs de la poste et de la livraison, quel que soit leur employeur, ont droit à des emplois décents et sûrs.
La direction des Teamsters, tout comme le STTP et l'ensemble de la bureaucratie du Congrès du travail du Canada, s'oppose à une telle évolution et fait tout ce qu'elle peut pour l'empêcher. Le fait qu'ils se soient sentis obligés de publier une déclaration symbolique de soutien aux grévistes de Postes Canada le premier jour de la grève montre sans aucun doute qu'ils reconnaissent l'existence d'un fort soutien à une lutte unifiée parmi les travailleurs de la base de Purolator.
S'ils veulent sortir d'une course vers le bas, les grévistes de Postes Canada doivent développer une lutte commune avec leurs collègues de Purolator, sans parler de la multitude d'autres entreprises de messagerie à but lucratif et de l'armée grandissante de travailleurs peu rémunérés et employés de façon précaire chez Amazon et d'autres entreprises. Cependant, cela ne viendra pas des déclarations creuses de « soutien » ou de « solidarité » des bureaucrates syndicaux. Les travailleurs de Postes Canada doivent prendre l'initiative et créer des comités de base qui se battront pour ce dont les travailleurs ont besoin, et non pour ce que la direction dit être possible en plaidant la pauvreté.
Ces comités permettront aux travailleurs de développer des liens avec les travailleurs de l'ensemble de l'industrie postale et logistique au Canada et à l'étranger en sortant du carcan de la « négociation collective » imposée par le STTP et le CTC. Les comités doivent faire de la grève le fer de lance d'un mouvement plus large de la classe ouvrière contre l'austérité capitaliste et la guerre, et pour la défense des droits des travailleurs à Postes Canada, chez Purolator et chez tous les autres employeurs du secteur de la logistique et au-delà.
Le développement d'une telle lutte devient d'autant plus urgent que la direction de Postes Canada, enhardie par l'isolement de la grève par les syndicats, passe à l'offensive. Des reportages font état de licenciements d'employés de détail dans les comptoirs postaux de Postes Canada à travers le pays. Fidèle à son habitude, le STTP n'offre aucun moyen aux travailleurs de résister collectivement à cette attaque scandaleuse.
Comme l'a dit un travailleur des postes en grève dans des commentaires adressés au World Socialist Web Site : « La société met à pied des employés de détail, et la mise à jour du STTP prétend qu'il peut s'agir de mises à pied temporaires ou de mises à pied permanentes. Quoi qu'il en soit, à la fin de la grève, les travailleurs licenciés n'auront pas d'emploi à reprendre, et on leur demande de déposer un grief auprès du syndicat. La résolution de ce problème peut prendre des années et, dans l'intervalle, ces travailleurs ne percevront pas de salaire. Ils auront droit à l'assurance-emploi. »
Déjà, avant la grève, les travailleurs de Postes Canada ont formé le Comité de base des travailleurs des postes (CBTP) pour établir un programme de lutte, sortir de l'isolement imposé par la bureaucratie du STTP et organiser l'opposition à une autre capitulation. Le CBPT a exposé sa stratégie dans une résolution adoptée lors de sa réunion publique du 10 novembre :
Nous appelons les travailleurs des postes et tous les travailleurs des secteurs de la livraison et de la logistique à se joindre au Comité de la base des travailleurs des postes et à le bâtir. Nous luttons pour :
1. Obtenir les revendications des travailleurs postaux, y compris une augmentation de salaire de 30 % pour compenser les années de concessions et le contrôle des travailleurs sur le déploiement des nouvelles technologies.
2. Élargir notre lutte à d'autres sections de travailleurs à travers le Canada afin de défier une loi de retour au travail ou toute autre interdiction de grève antidémocratique imposée par l'État.
3. Lancer une lutte politique qui rejette le fait que Postes Canada soit gérée comme une entreprise à but lucratif, et faire de notre lutte contractuelle le fer de lance d'une contre-offensive menée par les travailleurs pour défendre des services publics financés entièrement par les fonds publics, les droits des travailleurs, et contre l'austérité et la guerre.
Tous ceux qui sont intéressés par cette lutte et qui veulent créer un comité de base sur leur lieu de travail peuvent écrire au comité à l'adresse canadapostworkersrfc@gmail.com.
(Article paru en anglais le 26 novembre 2024)