Vous êtes un travailleur postal ou un employé du secteur de la livraison ou de la logistique? Nous vous invitons à communiquer avec le Comité des travailleurs et travailleuses de la base des postes à canadapostworkersrfc@gmail.com ou en remplissant le formulaire à la fin de cet article.
Le Comité de la base des travailleurs et travailleuses des postes (CBTP) a tenu sa première réunion publique dimanche pour discuter de la lutte que mènent actuellement 55.000 travailleurs et travailleuses de Postes Canada autour de leur convention collective. Des dizaines de travailleurs et travailleuses des postes de tout le pays y ont participé pour discuter de la voie à suivre, notamment de la façon de s'opposer aux demandes d'austérité de la société d'État soutenues par le gouvernement, et de la nécessité de rompre avec la bureaucratie du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP), qui s'efforce de saboter leur lutte. Des membres du Parti de l’égalité socialiste, ainsi que des travailleurs de la construction et de l'éducation de l'Ontario, ont également participé à l’événement.
La réunion s'est tenue une semaine après l'adoption d'une date limite de grève fixée au 3 novembre, après que 95% des travailleurs des postes aient voté en faveur de la grève en octobre. Le vote a démontré leur détermination à lutter contre des décennies de concessions, des conditions brutales causées par des itinéraires et des horaires exténuants, la menace posée par le contrôle de l'entreprise sur les nouvelles technologies et des salaires qui ne suivent pas le rythme de l'inflation. Mais la bureaucratie du STTP a fait fi du vote, repoussant indéfiniment la date limite de la grève. Bien qu'il ait annoncé tardivement un préavis de grève de 72 heures mardi, ce qui signifie que les travailleurs pourraient théoriquement être sur la ligne de piquetage à partir du vendredi 15 novembre, l'annonce a carrément admis que le STTP n'avait pas encore décidé si la grève aurait lieu.
Daniel Berkley, travailleur de Postes Canada et membre fondateur du CBTP, a débuté la réunion en déclarant:
Le comité de la base est une forme d'organisation qui permet aux travailleurs de prendre le contrôle de notre lutte au détriment de la bureaucratie syndicale et d'étendre notre lutte à d'autres sections de travailleurs en la liant à la défense de tous les services publics.
Nous sommes engagés dans une bataille acharnée contre une entreprise impitoyable qui ne se soucie pas de notre santé et de notre sécurité. Postes Canada veut que nous nous cassions le dos avec de longs quarts de travail et des itinéraires prolongés pour qu'elle puisse faire des profits. Les libéraux de Trudeau les soutiennent à fond dans cette stratégie capitaliste.
Berkley a expliqué pourquoi les travailleurs et travailleuses des postes doivent mener une lutte politique non seulement contre Postes Canada, mais aussi contre le gouvernement libéral de Justin Trudeau et la bureaucratie du STTP:
Les bureaucraties syndicales de tout le pays ont activement collaboré avec le gouvernement libéral et les gouvernements provinciaux de toutes allégeances politiques pour saboter de nombreuses luttes ouvrières au cours des deux dernières années, notamment en appliquant des interdictions de grève antidémocratiques. Les travailleurs de l'éducation de l'Ontario en 2022, les débardeurs de la côte ouest en 2023 et les cheminots de CN Rail et de CPKC cette année n'en sont que quelques exemples. Ces développements montrent qu'il y a une grande colère et une grande volonté de se battre parmi la classe ouvrière, mais aussi que la bureaucratie syndicale est déterminée à l'étouffer. Leurs intérêts sont liés au programme de guerre de classe du gouvernement libéral, qui consiste à imposer l'austérité aux services publics pour financer les guerres à l'étranger, le réarmement militaire et les subventions à l'élite des entreprises. C'est pourquoi nous devons prendre notre lutte en main.
La base pour développer une telle lutte existe, a-t-il souligné:
Bien que nous ayons assisté à des attaques sauvages contre nos conditions de travail au cours de ce cycle de négociations, y compris des attaques contre notre régime de retraite à prestations définies et des attaques contre nos week-ends et nos vacances, nous sommes aujourd'hui dans une position bien plus forte que nos frères et soeurs ne l'étaient dans le passé pour défier les attaques du gouvernement et des syndicats et gagner nos justes revendications dans la lutte. En effet, des sections importantes de la classe ouvrière sont déjà en grève ou en rébellion contre la bureaucratie syndicale dans toute l'Amérique du Nord, et se battent pour un grand nombre des mêmes revendications que les nôtres.
La correspondance étroite entre les conclusions politiques tirées par le CBTP et la réalité objective à laquelle sont confrontés les travailleurs de Postes Canada a été démontrée dans les commentaires des travailleurs qui ont partagé leurs expériences et leurs préoccupations à la suite de l'introduction de Berkley.
Un facteur a déclaré: «Je travaille avec un collègue qui n'a pas eu droit à trois augmentations de salaire à cause d'une erreur d'ordinateur. Lorsque nous avons déposé ce grief au niveau régional puis national du STTP, on nous a dit qu'ils n'allaient pas le discuter parce qu'ils avaient déjà eu une situation où il s'agissait simplement d'une erreur informatique. Or, s'il s'agit d'une erreur informatique, qui l'a entrée dans l'ordinateur? Ils ne veulent donc pas se battre pour nous lorsque nous en avons besoin. Je sais que beaucoup de gens ressentent la même chose que moi. Et je sais que beaucoup de gens veulent faire entendre leur voix parce qu'ils ne sont pas satisfaits de la représentation que nous avons aujourd'hui au niveau syndical».
Un autre travailleur a déclaré:
L'inflation a atteint 18% ces dernières années et ils ne veulent pas nous accorder une augmentation décente. Nous avons travaillé durant la COVID. Nous étions considérés comme des travailleurs essentiels, et pourtant ils ne veulent pas nous traiter comme tels. Les membres du syndicat se sentent abandonnés. Je connais beaucoup de gens qui se sont fait avoir et qui, lorsqu'ils ont déposé un grief, se sont vu répondre que le syndicat auquel ils avaient cotisé ne les aiderait pas et ne défendrait pas leur cause.
Un membre du Parti de l'égalité socialiste a fait remarquer que les postiers avaient gagné un immense respect de la part de l'ensemble de la classe ouvrière pour les sacrifices qu'ils avaient consentis pendant la pandémie de COVID, mais que le STTP avait dilapidé ce capital politique en acceptant arbitrairement de prolonger de deux ans les contrats des postiers. La direction du STTP craignait que la mobilisation d'autres sections de la classe ouvrière pour obtenir leur soutien ne menace ses relations avec d'autres bureaucraties syndicales au sein du Congrès du travail du Canada et, en fin de compte, avec le gouvernement libéral.
L'une des caractéristiques les plus importantes de la réunion était la présence de travailleurs internationaux et de travailleurs d'autres industries. Un travailleur américain présent à la réunion a raconté l'expérience d'un employé des services postaux américains qui est mort d'épuisement par la chaleur sur son lieu de travail:
Sa température était de 40° lorsqu'il a été amené à l'hôpital. Je pense qu'il était déjà mort, mais ils s'en fichent. Ils essaient juste de se débarrasser des gens et de gagner de l'argent. C'est de plus en plus clair. Et tout cela, c'est le capitalisme. Les gens savent que le capitalisme ne les sert pas.
Will Lehman, un travailleur de l'automobile américain qui s'est présenté en tant que socialiste à la présidence du syndicat américain de l’auto (United Auto Workers – UAW) et a obtenu 5.000 voix lors d'une élection où la bureaucratie a étouffé la participation, a apporté les salutations de l’Alliance ouvrière internationale des comités de base. Il a déclaré: «Les travailleurs ont besoin de représentants pour nos luttes qui représentent réellement les intérêts des travailleurs sur le terrain. Lorsque ces représentants ne sont pas trouvés par les moyens traditionnels, les travailleurs doivent aller au-delà de ces moyens».
Au cours de la discussion, une résolution du CBTP fournissant un programme de développement de la lutte a été présentée à l'assemblée. Lue par Berkley, elle stipule que:
Les postiers de base doivent prendre le contrôle de leur lutte entre leurs mains.
Le refus de l'appareil du STTP d'agir sur le mandat de grève écrasant et de fournir une stratégie pour mobiliser le pouvoir des travailleurs afin d'obtenir nos justes revendications et de faire face à la menace du gouvernement d’écraser la grève est une preuve de plus qu'il est dans la poche de la direction de Postes Canada et du gouvernement libéral de Trudeau.
Nous appelons les travailleurs et travailleuses des postes et tous les travailleurs et travailleuses des secteurs de la livraison et de la logistique à se joindre au Comité de base des travailleurs et travailleuses des postes et à lutter pour son expansion. Nous luttons pour:
1. Obtenir les revendications des travailleurs et travailleuses des postes, y compris une augmentation de salaire de 30% pour compenser les années de concessions et pour que les travailleurs et travailleuses aient le contrôle sur le déploiement des nouvelles technologies.
2. Élargir notre lutte à d'autres sections de travailleurs à travers le Canada afin de défier une loi de retour au travail ou toute autre interdiction de grève antidémocratique imposée par l'État.
3. Lancer une lutte politique qui rejette le fait que Postes Canada soit gérée comme une entreprise à but lucratif, et faire de notre lutte le fer de lance d'une contre-offensive menée par les travailleurs pour défendre les services publics entièrement financés et les droits des travailleurs, et contre l'austérité et la guerre.
Après une nouvelle discussion, la résolution a été adoptée à une forte majorité.
Une déléguée syndicale du STTP présente s'est vivement opposée à la résolution, la déclarant «antisyndicale» et accusant le comité de «diviser» les travailleurs. Elle a affirmé que le comité «cherchait à démolir les syndicats, les syndicats qui luttent pour préserver les droits des travailleurs».
Au contraire, le rapport d'ouverture de Berkley, ainsi que les contributions des membres du PES, ont démontré que l'appareil syndical a travaillé systématiquement pendant plus de quatre décennies pour supprimer la lutte des classes et imposer des concessions dictées par les grandes entreprises. À deux reprises au cours des treize dernières années, en 2011 et en 2018, le STTP a cédé sans se battre face aux lois gouvernementales de retour au travail, permettant ainsi d'imposer des reculs majeurs. Ce bilan de trahison et de collaboration avec la direction et le gouvernement ne se limite pas au STTP, mais est le même pour tous les syndicats au Canada et à l'étranger.
Un travailleur de soutien à l'éducation présent a évoqué l'expérience de la grève des travailleurs de soutien à l'éducation de 2022, qui a défié l'interdiction de grève imposée par le gouvernement de droite dure de l'Ontario. Alors que des appels à la grève générale étaient lancés par de larges sections de travailleurs pour soutenir le personnel de soutien scolaire faiblement rémunéré, des personnalités du Congrès du travail du Canada sont intervenues pour étouffer le mouvement en annulant la grève, jetant ainsi les bases de l'imposition d'un contrat de trahison.
Les travailleurs de la base ont également contredit directement les remarques du représentant du STTP.
«Je suis d'accord avec la résolution», a déclaré l'un d'entre eux. « J'ai l'impression que notre syndicat 'démocratique' n'est pas aussi démocratique qu'il devrait l'être. Nous avons tous voté la grève. Le STTP ne nous écoute pas. Il n'écoute pas nos revendications. Je suis un facteur, et le consensus sur le plancher est que notre syndicat s'en moque éperdument».
Lehman a rappelé son expérience: «Lorsque je me suis présenté à l'élection du président de l'UAW avec l'objectif spécifique d'abolir la bureaucratie de notre propre syndicat, de nombreux représentants sont venus me dénoncer comme étant “antisyndical” ou “diviseur”, mais ce qu'ils disaient en réalité, c'est qu'ils étaient hostiles aux intérêts de classe des travailleurs sur le plancher».
La réunion s'est terminée par un appel pressant aux participants pour qu'ils contactent le comité à l'adresse canadapostworkersrfc@gmail.com afin de renforcer son influence dans chaque centre de tri, dépôt et lieu de travail. Cette étape est essentielle pour créer une organisation contrôlée par la base, permettant aux travailleurs de lutter pour obtenir le soutien de l'ensemble de la classe ouvrière en faveur d'une contre-offensive dirigée par les travailleurs contre l'austérité capitaliste et pour la défense de tous les services publics.
On a également rappelé aux travailleurs la campagne pour la libération du socialiste ukrainien Bogdan Syrotiuk, pour laquelle le CBTP a déclaré son soutien lors de son assemblée de fondation en juin. Syrotiuk a été arrêté en avril et est détenu depuis plus de six mois par le régime Zelensky soutenu par l'Occident pour le «crime» d'avoir appelé à l'unité des travailleurs russes et ukrainiens dans l'opposition à tous les gouvernements belligérants impliqués dans la guerre menée par l'impérialisme américain contre la Russie.