Préparatifs de guerre mondiale : Trudeau s’engage à dépenser des dizaines de milliards de dollars de plus par année

Lors du sommet de l’OTAN qui s’est tenu à Washington en début de mois, le Premier ministre canadien Justin Trudeau a annoncé des milliards de dollars en nouvelles dépenses militaires et s’est engagé à ce qu’Ottawa augmente fortement son budget militaire dans les années à venir – pour atteindre le «plancher» de dépenses de 2% du PIB dicté par l’alliance militaire dirigée par les États-Unis d’ici à 2032.

Le sommet de l’OTAN a planifié une escalade majeure de la guerre contre la Russie en Ukraine, en plus d’avoir proféré des menaces contre la Chine. La création d’un bureau permanent en Ukraine, qui pourrait servir de prétexte à une intervention directe de l’OTAN en cas d’attaque, a été annoncée, de même que celle d’un commandement de l’OTAN en Allemagne, chargé de superviser la contribution de l’organisation militaire à la guerre, notamment un approvisionnement illimité en missiles, en chars, en avions de chasse et autre matériel de guerre. Le communiqué final du sommet dénonce la Chine comme étant «un soutien décisif de la guerre de la Russie contre l’Ukraine» et exige hypocritement qu’elle mette fin à ses livraisons de «composants d’armes» à la Russie.

o: Gouvernement du Canada] – https://www.wsws.org/asset/e733743c-0f1a [Photo: Government of Canada]

Le Canada, qui joue un rôle essentiel dans le soutien au régime d’extrême-droite de Zelensky en Ukraine est entièrement intégré dans l’offensive économique et militaro-stratégique menée par les États-Unis contre la Chine, et participe activement aux actions agressives aux côtés de ses alliés de l’OTAN. Depuis son arrivée au pouvoir en 2015, le gouvernement libéral a fortement augmenté les dépenses militaires. En s’engageant à augmenter les dépenses militaires de dizaines de milliards supplémentaires par année, afin de rééquiper et de renforcer les capacités de combat des Forces armées canadiennes (FAC), le gouvernement Trudeau signale qu’il reconnait qu’il doit en faire encore plus pour que l’impérialisme canadien obtienne son «siège à la table» dans la redivision du monde actuellement en cours.

Le budget des FAC sera doublé pour atteindre 60 milliards de dollars par année

Dans une série d’annonces en marge du sommet, culminant avec sa promesse d’atteindre l’objectif de l’OTAN d’ici 2032, Trudeau a présenté plusieurs initiatives majeures en matière de dépenses militaires:

*Le 10 juillet, il a annoncé une aide militaire supplémentaire de 500 millions de dollars canadiens à l’Ukraine. Cette somme s’ajoute aux 4 milliards de dollars en armes et en munitions déjà promises et livrées par le Canada. Le Canada renforcera également son aide à l’Armée de l’air ukrainienne qui doit former des pilotes en prévision de l’arrivée des chasseurs F-16 offerts par les alliés de l’OTAN, et versera des dizaines de millions à des entreprises militaires privées qui seront le fer de lance de cet effort.

*Le même jour, le gouvernement Trudeau confirmait qu’il lançait officiellement un processus d’appel d’offres pour l’achat de «jusqu’à 12 sous-marins à propulsion conventionnelle, capables de naviguer sous la glace». Bien que l’annonce ne comprenne aucune estimation du coût potentiel de ces sous-marins, le ministre de la Défense Bill Blair a signé une lettre d’intention pour rejoindre un partenariat maritime trilatéral avec l’Allemagne et la Norvège, qui construisent actuellement 6 sous-marins dans le cadre d’un programme commun d’une valeur de 8,1 milliards de dollars. En juin, on apprenait que le Canada avait été invité à participer à la deuxième phase de ce programme.

*Le lendemain, le Canada, les États-Unis et la Finlande annonçaient un accord trilatéral pour la construction de nouvelles flottes de brise-glaces. L’accord vise à produire 90 navires brise-glace considérés comme essentiels pour ouvrir les voies de transport et les chaînes d’approvisionnement dans l’Arctique, afin que l’OTAN puisse affirmer sa domination militaire sur la région septentrionale, qui fait l’objet de revendications territoriales concurrentes et qui est directement limitrophe de la Russie.

L’objectif explicite du nouveau Pacte de collaboration sur les brise-glaces, le «Icebreaker Collaboration Effort» (ICE), est de dominer la Russie et la Chine – un pays venant de se déclarer «puissance proche de l’Arctique», en assurant le contrôle des voies maritimes de l’océan Arctique et des vastes richesses en ressources naturelles qui y sont présentes et de plus en plus accessibles en raison du recul des glaces de mer provoqué par le changement climatique.

*Enfin, dans les dernières heures du sommet, Trudeau s’est explicitement engagé à ce que le Canada atteigne le seuil de 2% du PIB fixé par l’OTAN en matière de dépenses militaires d’ici à 2032. Selon le ministre de la Défense Bill Blair, le budget militaire sera haussé à plus de 60 milliards de dollars canadiens par année pour atteindre cet objectif. Vantant le bilan du gouvernement libéral en matière d’augmentation drastique du budget militaire, chose rendue possible grâce au soutien du Nouveau Parti démocratique (NPD) et de ses alliés de la bureaucratie syndicale, Blair s’est vanté que «le Canada est en voie de réussir à quasi tripler ses dépenses en matière de défense dans a période contenue entre les exercices financiers de 2014-2015 et 2029-2030 – et nous ne nous arrêterons pas en si bon chemin».

Comme le souligne Blair dans sa déclaration, les nouvelles initiatives en matière de dépenses militaires annoncées par Trudeau lors du sommet de l’OTAN ne font que s’ajouter à la longue liste de projets d’acquisition de matériel militaire que le gouvernement avait déjà décrit lors de sa récente révision de la politique de défense. Celles-ci comprennent notamment des dépenses de 38 milliards de dollars échelonnées au cours des 20 prochaines années pour «moderniser» le NORAD, 19 milliards de dollars pour l’achat de 88 avions de chasse F-35 pour l’Aviation royale canadienne (ARC) et 84 milliards de dollars pour l’achat de 15 nouveaux navires de guerre de surface pour la Marine royale canadienne (MRC).

L’ampleur de l’augmentation prévue du budget militaire est considérable. De 18,5 milliards de dollars par année qu’il était en 2014-2015, le budget militaire a déjà été augmenté de plus de 60% pour atteindre son niveau actuel de plus de 30 milliards de dollars par année. Pour atteindre le niveau annuel proposé de 60 milliards de dollars, nécessaire pour atteindre le plancher de dépenses fixé par l’OTAN, le budget militaire actuel devra être doublé.

Le budget militaire proposé de 60 milliards de dollars par année représente presque le triple de ce que le gouvernement fédéral a prévu verser en prestations d’assurance-emploi (AE) pour tous les chômeurs au pays lors de son dernier exercice financier (23 milliards de dollars). Ce montant est également supérieur à ce que le gouvernement fédéral transfère aux provinces pour couvrir les dépenses en santé pour 2023-2024 (51,4 milliards de dollars).

L’élite dirigeante exige beaucoup plus, et beaucoup plus vite – et que la classe ouvrière paye

Pour d’importantes sections de l’élite dirigeante au Canada et aux États-Unis, cependant, cette augmentation du budget militaire canadien ne va ni assez loin ni assez vite. De plus, elles veulent que ces projets cumulant des dizaines de milliards en nouvelles dépenses militaires soient «fiscalement viables» – en d’autres termes, ils doivent être financés par des compressions massives dans les services publics et sociaux dont dépendent les travailleurs.

Pendant le sommet même de l’OTAN, d’importantes sections de l’élite politique américaine n’ont pas hésité à critiquer directement les dépenses militaires canadiennes, exigeant du gouvernement libéral qu’il aille encore plus loin: «Il est temps que notre allié du nord investisse sérieusement pour acquérir la puissance militaire nécessaire afin de préserver la prospérité et la sécurité qui règnent dans l’ensemble de l’OTAN», a écrit le leader républicain du Sénat, Mitch McConnell.

Dans un éditorial publié le 10 juillet, le Wall Street Journal qualifie le Canada de «pays se moquant de l’OTAN» et le gouvernement Trudeau de «mauvais payeur», qui «voyage gratuitement sur le dos des États-Unis». Soulignant l’escalade de la guerre en Ukraine, l’intensification de la campagne de confrontation militaire contre la Chine dans le Pacifique et la concurrence croissante dans l’océan Arctique, le comité éditorial du Wall Street Journal écrit de façon provocatrice que «le Canada dort encore, et s’il ne remplit pas ses obligations envers l’Alliance, il est mieux de ne pas venir se plaindre si jamais l’Organisation se demande si le pays peut rester membre».

Dès l’annonce par Trudeau d’une série de nouvelles mesures de dépenses militaires et de son projet d’atteindre le plancher de dépenses de l’OTAN en 2032, des membres éminents de la classe dirigeante canadienne ont immédiatement exigé du gouvernement libéral qu’il concrétise ses projets de dépenses et qu’il veille à ce que les dizaines de milliards supplémentaires consacrés à la guerre soient contrebalancés par des compressions équivalentes dans les dépenses sociales.

Le président de l’Institut canadien des affaires mondiales a fustigé l’annonce de Trudeau en déclarant: «Si tout ce qu’il a à dire, c’est “Nous y arriverons dans huit ans, et vous aurez le plan et les détails dans quatre ans”, je ne pense pas que ce soit bien crédible.» Pour sa part, Goldy Hyder, directeur général du Conseil canadien des affaires, a écrit dans un communiqué que l’annonce de Trudeau «ne comprend aucun détail sur la façon dont cet objectif sera atteint» et «ne clarifie pas la manière dont tout nouvel investissement dans la défense sera fiscalement viable». Il demande que «les nouveaux investissements dans la défense (soient) compensés par une révision stratégique des programmes qui réaffecte des fonds provenant d’autres secteurs du gouvernement». Un directeur principal de l’économie canadienne à la Caisse Desjardins abonde dans le même sens, écrivant que le gouvernement fédéral «doit augmenter les recettes ou réduire les dépenses ailleurs afin de payer les dépenses accrues en matière de défense sans augmenter la taille du déficit».

Pour financer une telle réaffectation massive de fonds vers les Forces armées, les représentants de la classe dirigeante exigent que le gouvernement fédéral supprime des emplois dans la fonction publique et procède à de sombres compressions dans les dépenses consacrées aux services publics. Ils insistent sur le fait que le coût du réarmement de l’impérialisme canadien soit assumé par la classe ouvrière.

Le soutien du NPD et de la bureaucratie syndicale au programme d’agression et de guerre de l’impérialisme canadien

Allié aux Libéraux de Trudeau – suite à la demande expresse de la bureaucratie syndicale – le NPD assure en Chambre le soutien essentiel nécessaire au Canada pour appuyer la guerre en Ukraine, le génocide israélien à Gaza et accélérer son renforcement militaire.

Lors de leur conférence annuelle la semaine dernière, les premiers ministres des provinces canadiennes – allant de Danielle Smith, première ministre d’extrême-droite du Parti conservateur unifié de l’Alberta, à Wab Kinew, premier ministre néo-démocrate du Manitoba – ont tous souligné l’importance d’augmenter les dépenses militaires pour maintenir le partenariat économique et stratégique entre les impérialismes canadien et américain. Les premiers ministres ont écrit dans leur déclaration commune que «le respect par le Canada de son obligation envers l’OTAN de dépenser 2% de son PIB pour la défense est un élément important pour être vu comme un allié stable et un partenaire économique fort».

Le premier ministre néo-démocrate du Manitoba Wab Kinew, en compagnie de Gary Doer, ancien premier ministre et ambassadeur du Canada à Washington nommé par Stephen Harper [Photo: Wab Kinew/Facebook]

De façon révélatrice, le néo-démocrate Wab Kinew, a été le plus belliqueux dans ses remarques publiques, exhortant le gouvernement fédéral à atteindre l’objectif de l’OTAN en quatre ans, plutôt que dans les huit ans proposés par Trudeau. «J’encourage le gouvernement fédéral à agir plus rapidement, a-t-il déclaré aux journalistes mercredi. Je pense que le délai auquel nous devons penser est celui de la prochaine administration aux États-Unis, quelle qu’elle soit. Atteignons donc cet objectif au cours des quatre prochaines années, avec un plan crédible pour y parvenir.»

Kinew, qui est le fils d’un chef anishinaabe et le premier Premier ministre autochtone du Manitoba, est considéré comme un «progressiste» par le Congrès du travail du Canada (CTC), Unifor et la Fédération du travail du Manitoba (FTM). Suivant les traces du premier ministre néo-démocrate du Manitoba et ancien ambassadeur aux États-Unis Gary Doer, qui lui sert de conseiller en matière de commerce entre le Canada et les États-Unis, Kinew a assumé son rôle de gestionnaire «responsable» du capitalisme dans les Prairies. Il lie explicitement le réarmement de l’impérialisme canadien au succès d’un accord de libre-échange à venir entre les États-Unis, le Mexique et le Canada, déclarant que «le Canada a besoin d’un plan pour atteindre les 2% au cours de son premier mandat de quatre ans. Sinon, il deviendra un irritant commercial. Nos conversations en dépendent».

Dans son exhortation à augmenter deux fois plus vite des dépenses militaires se chiffrant à des dizaines de milliards, Kinew s’assure de bien mettre l’accent sur les profits que les capitaux américains et canadiens peuvent amasser en extrayant les ressources naturelles de sa province, en particulier les minéraux essentiels prisés à la fois par le complexe militaro-industriel et pour le développement du capitalisme «vert». Riche en gisements inexploités de lithium, de graphite, de nickel, de cobalt, de cuivre et d’autres éléments des terres rares, le Manitoba est présenté par Kinew comme «le Costco des minéraux essentiels».

Pendant tout ce temps là, dans un silence qui démontre un consentement total, le chef du NPD fédéral, Jagmeet Singh, ne dit pas le moindre mot sur l’engagement de Trudeau de dépenser 2% du PIB du Canada pour les Forces armées. Soucieux d’assurer la «stabilité politique», le NPD a conclu avec les Libéraux de Trudeau, en mars 2022, un mois après le début de la guerre en Ukraine, une «entente de soutien et de confiance» en vertu de laquelle les sociaux-démocrates se sont engagés à maintenir le gouvernement libéral minoritaire au pouvoir jusqu’en juin 2025.

Tout comme le premier ministre néo-démocrate du Manitoba, la ministre libérale des Finances Chrystia Freeland s’efforce de lier la place qu’occupe le Canada dans l’économie mondiale à la posture militaire agressive prise par l’OTAN. La semaine dernière, elle annonçait une consultation publique pour réunir des représentants des constructeurs automobiles et de la bureaucratie syndicale, afin de discuter de l’instauration de nouveaux droits de douane sur les véhicules électriques fabriqués en Chine.

La tenue de ces discussions fait suite à la décision du gouvernement Biden d’imposer de fortes augmentations des droits de douane sur les véhicules électriques chinois et sur les produits de technologie verte fabriqués dans ce pays, ce qui constitue la dernière de toute une série de mesures de guerre commerciale visant la croissance économique de la Chine et préparant l’économie américaine à la guerre, en créant des «chaînes d’approvisionnement sécurisées» dans des secteurs jugés essentiels à la «sécurité nationale».

Freeland embrasse son héritage fasciste ukrainien en se révélant l’un des défenseurs les plus belliqueux de la guerre contre la Russie, et a adopté un ton agressif dans une interview accordée à Bloomberg. «La géopolitique et la géoéconomie sont de retour, déclare-t-elle. Cela signifie que les pays occidentaux – surtout les États-Unis – accordent une très grande importance à la sécurité des chaînes d’approvisionnement et adoptent une attitude différente à l’égard de la surcapacité chinoise. Et cela veut dire que le Canada joue maintenant un rôle encore plus important pour les États-Unis.»

Dans un langage teinté d’anticommunisme qu’elle a sans doute acquis au côté des collaborateurs fascistes qui ont formé le Congrès des Ukrainiens Canadiens (CUC), Freeland qualifie d’erreur l’admission de la Chine dans l’Organisation mondiale du commerce. «Je vois ce précepte léniniste dans la politique économique chinoise – dominer les hauteurs de l’économie mondiale et agir intentionnellement pour saper et éliminer les concurrents occidentaux», déclare-t-elle. «Je pense qu’il est grand temps pour nous de faire preuve de lucidité à ce sujet.»

Freeland a ensuite évoqué la déclaration du sommet de l’OTAN à Washington selon laquelle la Chine est un «catalyseur décisif» dans la guerre menée par la Russie contre l’Ukraine. «Ce que l’OTAN a dit cette semaine au sujet de la Chine est important», a déclaré la ministre des Finances et vice-première ministre du Canada. «J’encourage fortement les gens à y prêter attention.»

(Article paru en anglais le 22 juillet 2024)

Loading