Non à la démission forcée de Claudine Gay, présidente de l’Université Harvard!

Mardi après-midi, la Harvard Corporation annonçait la démission de la présidente de Harvard, Claudine Gay Ph.D., le New York Times publiant sa lettre de démission. Gay n’aura été présidente de Harvard que pendant six mois.

Claudine Gay, alors doyenne de la faculté des arts et des sciences de Harvard, s’adresse à l’auditoire lors de la cérémonie de remise des diplômes, le jeudi 25 mai 2023, sur le campus de l’école, à Cambridge, au Massachusetts. [AP Photo/Steven Senne]

L’International Youth and Students for Social Equality (IYSSE) (Mouvement international des jeunes et des étudiants pour l’égalité sociale) condamne la démission forcée de Gay. Celle-ci marque une étape importante dans la campagne menée par l’État, l’extrême-droite, les forces sionistes et la Maison-Blanche pour réprimer toute opposition au génocide américano-israélien des Palestiniens de la Bande de Gaza. Les étudiants et le personnel de l’Université Harvard, de même que dans tout le pays, doivent s’opposer à cette attaque massive contre la liberté académique et les droits démocratiques et exiger la réintégration immédiate de Gay.

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Sur ce tweet de David North, on peut lire :

La démission forcée de la présidente de Harvard #ClaudineGay est une attaque massive contre la liberté académique et les droits démocratiques. L’opposition au #GenocideByIsrael soutenu par les États-Unis est interdite. L’éviction de Claudine Gay doit être combattue et annulée.

La démission de Claudine Gay intervient après l’éviction de la présidente de l’université de Pennsylvanie, Liz Magill, le 9 décembre. Avec la présidente du Massachusetts Institute of Technology (MIT), Sally Kornbluth, Gay et Magill avaient été convoquées à une audition au Congrès, où la républicaine Elise Stefanik, une adepte de la «théorie du grand remplacement» antisémite, avait ridiculement accusé les présidentes de trois des plus prestigieuses universités du monde de soutenir le «génocide des Juifs».

Cette chasse aux sorcières orchestrée par l’État s’est accompagnée d’une «révolte des donateurs» à grande échelle de la part de donateurs milliardaires et d’anciens étudiants de l’université de Pennsylvanie, de Harvard et d’autres grandes universités. Ils ont menacé de retirer leur financement à moins que les administrations universitaires ne s’alignent complètement sur la politique officielle et interdisent effectivement toute manifestation d’opposition au génocide de Gaza sur le campus, éliminant du coup la liberté d’expression.

Contrairement à Magill, Gay a d’abord refusé de démissionner après l’audition, alors même qu’une résolution bipartisane du Congrès, datée du 13 décembre, appelait à sa démission. Plus de 700 professeurs de Harvard ont signé une lettre ouverte exhortant la Harvard Corporation, le conseil d’administration le plus puissant de l’université, «à défendre l’indépendance de l’université et à résister aux pressions politiques allant à l’encontre de l’engagement de Harvard en faveur de la liberté académique, y compris les appels à la démission de la présidente Claudine Gay». La Harvard Corporation a ensuite publié une déclaration de soutien unanime à Gay.

C’est en réponse à l’opposition massive à sa démission forcée que des accusations de «plagiat» ont été largement diffusées, surtout par le Wall Street Journal. Or, ces allégations sont sans fondement. Dès le mois d’octobre, l’Université Harvard a engagé une équipe de trois politologues non affiliés pour vérifier la validité des allégations selon lesquelles le travail de Gay était entaché de plagiat. Le 10 décembre, l’équipe avait constaté que les erreurs de Gay ne constituaient pas un plagiat, mais simplement un certain nombre de citations incorrectes.

Partout les empreintes des forces fascistes, de l’État et de l’appareil militaire sont présentes dans le complot visant à forcer Gay de démissionner.

Christopher F. Rufo, qui a publié pour la première fois en ligne début décembre des allégations contre Gay et qui est conseiller du gouverneur fasciste de Floride Ron DeSantis, a déclaré qu’il avait immédiatement su que le dossier anonyme qu’il avait reçu et qui mettait en doute l’intégrité du travail de Gay était une «arme de guerre». Rufo, qui défend l’idée que les universités américaines font progresser l’idéologie marxiste, a déclaré que lui et DeSantis étaient en guerre contre les universités «éveillées» (woke).

Dans une interview accordée au Wall Street Journal, Rufo fait directement part de ses intentions: «Je pense que toute la corporation doit démissionner, ainsi que la présidente Gay, déclare Rufo. Je serais heureux de rejoindre la corporation pour l’aider à se redresser.»

Le 17 décembre, le Wall Street Journal publiait un article assassin de l’universitaire républicaine Carol M. Swain, partisane de Donald Trump et figure de proue de la Commission du Rapport 1776 d’extrême-droite, alléguant que Gay avait construit sa carrière en plagiant. Le 20 décembre, la représentante républicaine Virginia Foxx, présidente de la Commission sur l’éducation et la main-d’œuvre de la Chambre des représentants, adressait une lettre à Penny Pritzker, Senior Fellow de la Harvard Corporation, pour lui demander des informations internes concernant la réponse de Harvard aux «allégations crédibles de plagiat» formulées contre Gay au cours des 24 années de sa carrière universitaire.

Une autre figure dans cette campagne mise en avant par le Wall Street Journal en tant que «critique» de Gay est Avi Loeb, professeur de physique à l’Université Harvard. Sur son blogue, Loeb soutient le génocide des Palestiniens et a indiqué avoir rencontré le général David Petraeus, ancien chef de la CIA et l’un des criminels de guerre en chef de l’impérialisme américain au Moyen-Orient.

Immédiatement après l’annonce de Harvard, Stefanik, le quatrième républicain en importance hiérarchique à la Chambre des représentants, déclarait sur Twitter/X que les membres de la Harvard Corporation devraient «envisager de démissionner».

La campagne impitoyable pour forcer Gay à démissionner est d’autant plus significative que la présidente de Harvard a tenté d’adopter une position «neutre» sur le génocide : si elle a condamné la divulgation des informations personnelles (doxxing) d’étudiants pro-palestiniens, elle s’est aussi explicitement opposée à leurs déclarations contre le génocide et s’est abondamment excusée pour ses «erreurs» lors de l’audition au Congrès.

Mais cette position «neutre» ne suffit pas aux milliardaires et aux États partisans du génocide. Leur objectif n’est rien de moins que la destruction du droit à la liberté d’expression sur les campus et la subordination complète du monde universitaire aux intérêts de la politique étrangère américaine et de l’appareil d’État. Dans des conditions où les sondages indiquent que 66 % des électeurs américains et 80 % des électeurs démocrates souhaitent la fin de la guerre d’Israël contre le peuple palestinien, la réaction de la classe dirigeante devant l’opposition populaire massive est de lancer une attaque frontale contre les droits démocratiques.

Cette campagne ne reste pas sans opposition. À l’Université Harvard même, l’opposition au génocide et aux attaques contre les droits démocratiques ne cesse de croître et s’appuie sur des principes. Des centaines d’étudiants faisant l’objet de doxxing et de menaces parce qu’ils s’opposent au génocide continuent de protester.

Quelques jours avant que Gay n’annonce sa démission, le journal étudiant Harvard Crimson publiait un article d’opinion important de l’ex-directeur exécutif de l’organisation sioniste Hillel au campus de Harvard de 1993 à 2010, Bernie Steinberg. S’opposant à la campagne contre Gay, il y dénonce l’«instrumentalisation cynique» de l’antisémitisme par «de puissantes forces cherchant à intimider et en fin de compte à faire taire toute critique légitime contre Israël et la politique américaine à l’égard d’Israël».

Il poursuit :

La campagne de sape menée contre la présidente de l’université de Pennsylvanie est un exemple qui donne à réfléchir sur ce qui peut se produire lorsque nous donnons à des forces sans scrupules le pouvoir de dicter notre conduite en tant que recteurs d’université. Les enjeux sont plus élevés que jamais. Notre vigilance doit être à la hauteur.

En tant que leader de la communauté juive, je suis particulièrement alarmé par les tactiques maccartistes actuelles consistant à fabriquer de toutes pièces la peur de l’antisémitisme, un geste qui, en fait, transforme la question bien réelle de la sécurité des Juifs en simple pion dans un jeu politique cynique visant à couvrir les politiques profondément impopulaires poursuivies par Israël à l’égard de la Palestine [...] L’antisémitisme aux États-Unis est un phénomène bien réel et dangereux, la manifestation la plus criante prenant la forme des politiques de suprématie blanche de l’«alt-right», qui sont devenues alarmantes depuis 2016. Pour lutter contre ces forces antisémites et autres avec clarté et détermination, nous devons mettre de côté toutes accusations fabriquées d’«antisémitisme» utilisées pour faire taire toute critique de la politique israélienne et de ses commanditaires aux États-Unis.

Quelques heures après la démission de Gay, un employé de Harvard soumettait une lettre au World Socialist Web Site appelant ses collègues à l’université et au-delà à «se tourner vers la classe ouvrière, la seule force sociale qui n’est pas organiquement liée à l’État-nation, et qui a un intérêt objectif à remplacer le système capitaliste, la source de la guerre, du sectarisme sous toutes ses formes et de l’autoritarisme».

Le renversement de la présidente de l’Université Harvard par le biais d’une conspiration étatique d’extrême-droite marque une étape importante dans l’assaut contre les droits démocratiques aux États-Unis, le renforcement des forces fascistes et la tentative de criminaliser toute opposition aux crimes de l’impérialisme et du capitalisme.

L’opposition la plus vaste possible à ce scandale doit être organisée de toute urgence. Nous invitons les étudiants et les employés de l’Université Harvard et d’ailleurs à contacter le World Socialist Web Site et l’International Youth and Students for Social Equality: partagez avec nous des informations à propos de toute attaque contre la liberté d’expression sur votre campus et discutons de l’organisation de réunions et de manifestations afin de s’opposer au génocide à Gaza et défendre les droits démocratiques.

(Article paru en anglais le 3 janvier 2024)

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