Au cours du week-end, de nombreux médias ont rapporté que le président Joe Biden avait déclaré à des responsables ukrainiens que les États-Unis enverraient des missiles à longue portée capables de frapper à 300 kilomètres à l’intérieur du territoire russe.
Alors que les frappes ukrainiennes à l’intérieur de la Russie sont quasi quotidiennes, cette décision marque une escalade significative de l’implication directe des États-Unis dans le conflit ukrainien, ouvrant potentiellement la voie au déploiement de forces américaines et de l’OTAN sur le champ de bataille.
Alors que le gouvernement Biden lève tous les derniers freins à son implication directe dans la guerre en Ukraine, l’affirmation de Washington selon laquelle les États-Unis ne sont pas en guerre contre la Russie est de moins en moins crédible.
En mai, le président américain, Joe Biden, a déclaré aux journalistes que les États-Unis «n’allaient pas envoyer à l’Ukraine des systèmes de roquettes pouvant frapper la Russie», ajoutant: «Nous n’encourageons pas l’Ukraine à frapper au-delà de ses frontières et nous ne lui donnons pas les moyens de le faire».
Cette annonce s’inscrit dans le cadre d’un scénario désormais bien connu, dans lequel les États-Unis prennent des mesures d’escalade qui avaient été publiquement exclues. Il s’agit notamment de l’envoi du lanceur de missiles HIMARS, du véhicule de combat Bradley, du char M1 Abrams, des chasseurs F-16 et, à présent, du système de missiles ATACMS.
Depuis le début du conflit, le gouvernement Biden insiste sur le fait que les États-Unis ne sont pas en guerre avec la Russie. En mai 2022, Jen Psaki, alors porte-parole de la Maison-Blanche, avait déclaré lors d’une conférence de presse: «Il ne s’agit pas d’une guerre par procuration. Il s’agit d’une guerre entre la Russie et l’Ukraine. L’OTAN n’est pas impliquée.»
Mais depuis lors, les États-Unis ont considérablement accru leur implication directe dans le conflit, non seulement en envoyant des armes de plus en plus meurtrières et de plus longue portée, mais aussi en justifiant ouvertement leur utilisation pour attaquer des cibles à l’intérieur de la Russie.
Au début de l’année, les États-Unis ont publiquement approuvé les frappes ukrainiennes en Crimée. «Ce sont des cibles légitimes», a déclaré la sous-secrétaire d’État Victoria Nuland. «L’Ukraine les frappe. Nous la soutenons.»
Aujourd’hui, ce mandat a été effectivement étendu à l’ensemble de la Russie. Au début du mois, le secrétaire d’État américain Antony Blinken a publiquement approuvé l’utilisation par l’Ukraine de missiles à longue portée de l’OTAN pour frapper à l’intérieur de la Russie. Il a déclaré qu’il «leur appartient de prendre des décisions sur ce qui peut être le plus efficace lorsqu’il s’agit de restaurer leur intégrité territoriale».
L’ATACMS a une portée de plus 300 kilomètres et est tiré à partir du système de lance-missiles HIMARS. Les États-Unis ont déjà fourni à l’Ukraine des bombes de petit diamètre (GLSDB) d’une portée de 150 kilomètres, tandis que la Grande-Bretagne, alliée des États-Unis au sein de l’OTAN, a envoyé des missiles Storm Shadow, d’une portée de plus de 290 kilomètres.
Le missile Storm Shadow a été utilisé lors de deux grandes frappes aériennes en Crimée ce mois-ci. Le 13 septembre, les missiles ont été utilisés pour détruire un navire de débarquement amphibie russe et un sous-marin qui se trouvaient en cale sèche dans le port de Sébastopol. Un peu plus d’une semaine plus tard, vendredi, l’Ukraine a lancé une attaque massive contre le quartier général de la marine russe en Crimée.
En d’autres termes, les armes de l’OTAN sont utilisées pour mener des frappes sur des cibles russes, chacune pouvant faire des dizaines de victimes parmi l’armée russe.
Au cours du week-end, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, s’est rendu à l’évidence en déclarant que l’OTAN était directement en guerre contre la Russie. «Vous pouvez appeler cela comme vous voulez, mais ils sont directement en guerre contre nous. On peut appeler cela une guerre hybride, mais cela ne change rien à la réalité», a déclaré Lavrov. «Ils sont effectivement engagés dans des hostilités avec nous, en utilisant les Ukrainiens comme chair à canon».
La doctrine militaire russe autorise l’utilisation d’armes nucléaires pour défendre les territoires revendiqués par la Russie, y compris la Crimée.
Face à l’échec de la contre-offensive ukrainienne, les États-Unis renforcent leur implication directe dans la guerre, en encourageant l’Ukraine à mener elle-même des frappes contre la Russie. Mais pour atteindre l’objectif des États-Unis, à savoir infliger une défaite stratégique à la Russie en Ukraine, il faudrait que les troupes de l’OTAN interviennent directement dans le conflit.
De plus en plus d’éléments indiquent que les États-Unis s’orientent dans cette direction. Samedi, le New York Times a fait état de l’existence d’un hôpital militaire américain en Allemagne, financé par le ministère américain de la Défense, qui soigne actuellement plus d’une dizaine de citoyens américains qui se battent en Ukraine.
Le Times rapporte que «l’armée a discrètement commencé à traiter les Américains blessés et les autres combattants évacués d’Ukraine dans son centre médical régional de Landstuhl. Bien que le nombre de blessés soit faible – 14 actuellement – il marque une nouvelle étape notable dans l’implication grandissante des États-Unis dans le conflit».
En juillet, le Pentagone a approuvé la prime de risque pour les troupes américaines servant en Ukraine. La prime de risque est généralement approuvée dans les zones de combat actives, comme lors des guerres du Vietnam, d’Irak et d’Afghanistan.
En novembre dernier, le général de brigade, Pat Ryder, de l’armée de l’air américaine, a reconnu que des troupes du Pentagone étaient déjà déployées en Ukraine. Il a confirmé que ces troupes étaient en fait dispersées dans tout le pays et qu’elles «menaient des inspections en divers endroits pour l’aide à la sécurité».
Foreign Affairs a publié vendredi un article intitulé «Pourquoi les États-Unis devraient-ils envoyer des conseillers militaires en Ukraine» (Why America Should Send Military Advisers to Ukraine) qui constitue l’un des premiers arguments en faveur de l’envoi de troupes américaines supplémentaires en Ukraine.
L’article, dont l’un des auteurs est un lieutenant-colonel américain en service actif, affirme que «Washington devrait donc lever les restrictions strictes sur le nombre de fonctionnaires du gouvernement américain autorisés en Ukraine et commencer à stationner des conseillers militaires dans le pays et dans tout son appareil de défense».
L’article précise que «le déploiement de conseillers militaires est, en fin de compte, l’un des meilleurs moyens pour Washington d’aider Kiev à gagner, surtout si l’on tient compte du coût. Le déploiement de routine d’une force opérationnelle d’un seul bataillon d’une brigade d’assistance des forces de sécurité américaines coûte environ 12 millions de dollars».
Un bataillon comprend jusqu’à 1.000 hommes.
L’article indique ensuite que «les conseillers contribueront, en d’autres termes, au dénouement de la guerre: une Ukraine libre intégrée dans les institutions qui sont à la base de l’Europe».
L’article se poursuit ainsi: «Les conseillers américains pourraient, bien sûr, être attaqués: personne en Ukraine n’est vraiment à l’abri de la Russie. Les experts pourraient également craindre que, si Washington met des bottes sur le terrain, cela conduise invariablement à un engagement militaire sans fin des États-Unis».
En fait, certains éléments indiquent que les forces de l’OTAN sont déjà engagées dans des opérations de combat. Samedi, le radiodiffuseur public russe RIA Novosti a affirmé que les forces russes avaient mis hors d’état de nuire un char Léopard piloté par des forces allemandes, qui se sont identifiées comme des membres de l’armée allemande (Bundeswehr) avant de succomber à leurs blessures.
(Article paru en anglais le 25 septembre 2023)
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