Le 24 janvier, la section allemande du Comité international de la IVe Internationale (CIQI), le Sozialistische Gleichheitspartei (Parti de l’égalité socialiste, SGP) a porté plainte contre le ministère de l’Intérieur allemand devant la cour administrative à Berlin. Cette plainte attaque la classification du SGP en tant que parti «extrémiste de gauche» par le rapport en 2017 du Verfassungsschutz (Bureau de protection de la constitution, les services secrets intérieurs allemands). Par cette désignation, le Verfassungsschutz ouvre le chemin à une surveillance intensive du SGP.
Le SGP a justifié sa plainte en arguant que son inclusion dans ce rapport et la surveillance des services secrets sont une restriction massive de ses droits démocratiques, dénuée de tout fondement légal. Le Verfassungsschutz n’a même pas tenté de démontrer que le SGP serait soit violent, soit anticonstitutionnel. Il a même explicitement avoué que le parti poursuit ses objectifs par des voies légales. L’État a justifié sa surveillance du SGP seulement par le fait que le SGP avance un programme socialiste et critique le capitalisme.
A présent, le ministère de l’Intérieur a répondu à la plainte du SGP par une déclaration détaillée, rédigée par le professeur Wolfgang Roth du cabinet d’avocats Redeker Sellner Dahs. Elle a la nature non d’un argument légal mais d’une diatribe colérique contre le marxisme et contre toute pensée socialiste, de gauche ou progressiste. Elle aurait pu sortir du parti néofasciste allemand, l’Alternative pour l’Allemagne (AfD). Elle révèle à quel point le Verfassungsschutz s’est fait le porte-parole de l’extrême droite.
Selon le ministère de l’Intérieur, «la lutte pour une société démocratique, égalitaire et socialiste» et «l’agitation contre le prétendu ‘impérialisme’ ou ‘militarisme’» sont en soi anticonstitutionnelles. L’État veut imposer des interdits à la pensée, y compris à «la pensée en catégories de classe» et «la croyance en l’existence de classes concurrentes irréconciliablement opposées.»
La cour a reçu le document du ministère de l’Intérieur deux semaines avant le meurtre néo-nazi de l’homme politique Walter Lübcke, membre de l’Union chrétienne-démocratique (CDU) au pouvoir. Ce meurtre a révélé la large propagation de réseaux terroristes de droite en Allemagne. Le suspect immédiat est Stephan E., déjà jugé coupable à multiples reprises par le passé. Il est depuis 25 ans membre d’un réseau de violentes organisations néo-nazies. Ce réseau est largement infiltré par des dizaines de correspondants du Verfassungsschutz. Le groupe terroriste néo-nazi NSU (Clandestinité nationale-socialiste), qui a assassiné neuf immigrés et une policière, faisait partie de ce réseau.
Alors que le Verfassungsschutz protège les terroristes et que ses agents financent et dirigent le milieu extrémiste de droite, il surveille tout opposant de cette ruée à droite de la politique allemande, des gangs meurtriers d’extrême-droite, et de l’AfD. Cela vaut non seulement pour le SGP, mais aussi pour des musiciens de gauche, des groupes de jeunesse et même le concert Rock contre la Droite à Chemnitz, que le Verfassungsschutz de l’état de Saxonie a calomnié en traitant d’ «extrémiste de gauche.»
Le SGP est dans le viseur du Verfassungsschutz parce qu’il s’oppose à la montée du militarisme et à la ruée vers le droite de toute la classe politique, et qu’il exprime ainsi la large opposition au sein de la population à cette évolution. Il a dévoilé le complot de droite dans l’appareil d’État et lutte pour un programme socialiste parmi les travailleurs. En particulier, il s’est opposé au renouveau des idéologies militaristes et d’extrême-droite dans les universités par des professeurs tels que Herfried Münkler et Jörg Baberowski.
A travers cette lutte, le parti a développé un large soutien parmi les travailleurs et les étudiants ainsi que le travail de son organisation de jeunesse, les International Youth and Students for Social Equality (IYSSE). Ces dernières années, la classe dirigeante l’a de plus en plus attaqué. Des extrémistes de droite du Mouvement identitaire et de l’AfD ont attaqué des réunions publiques du SGP et de l’IYSSE, et des médias de droite dont le journal conservateur Frankfurter Allgemeine Zeitung et le magazine politique influent Cicero ont publié des articles diffammatoires.
A présent tout l’appareil d’État est mis en branle contre le SGP. Le ministère de l’Intérieur déploie d’énormes ressources pour déclarer que le parti est anticonstitutionnel. Il a retenu un cabinet d’avocats de haute volée pour produire un document de 56 pages, qui examine en détail les documents et les déclarations du SGP et de ses partis frères du CIQI.
Mais l’attaque contre le SGP est en fait dirigée contre tout mouvement progressif. Elle reprend les pires traditions autoritaires et fascistes d’Allemagne. Si les arguments de l’État sont retenus, ceci créera un précédent dangeureux. On pourrait s’en servir contre toute personne qui lutte contre les inégalités sociales, la destruction environnementale, la répression étatique, le réarmement militaire et d’autres injustices de la société capitaliste.
Nous faisons donc appel à tous ceux qui luttent pour les droits démocratiques et contre la montée de l’extrême-droite à soutenir la plainte formulée par le SGP contre l’attaque du Verfassungsschutz. Nous exigeons que le Verfassungsschutz arrête de surveiller le SGP et toutes les organisations de gauche, ainsi que la dissolution de ce foyer de conspirations antidémocratiques de droite.
Ce que l’État veut interdire
Réagissant à la plainte du SGP, l’État allemand revient à la tradition de poursuite pénale des seules opinions (Gesinnungsstrafrecht), sans qu’il y ait eu forcément de crime commis, dont l’expression la plus draconienne a été la Willenstrafrecht (punition de la pensée) employée par le régime nazi. Là, l’accusé était coupable dès qu’il avait une attitude jugée déloyale. L’État n’accuse pas le SGP d’actions illégales, d’incitement à la violence ou d’autres actes extrémistes. Dans tout ce document, on ne trouve aucune accusation de ce type. L’affirmation selon laquelle les efforts et les intentions de SGP se dirigent contre l’ordre démocratique libéral se fonde exclusivement sur son analyse de la société et de l’histoire, ses analyses politiques, et les conclusions programmatiques qu’il en tire.
Ainsi toute pensée de gauche est menacée d’illégalité. Au tout début du document, l’État affirme que «la lutte pour une société démocratique, égalitaire et socialiste» est incompatible «avec les valeurs centrales de la constitution.» Les 40 prochaines pages consistent en un long catalogue de positions qui, selon l’État allemand, violent la constitution:
1. Toute référence positive à Karl Marx, Friedrich Engels, Vladimir Lénine, Léon Trotsky, Karl Liebknecht, Rosa Luxembourg ou d’autres marxistes classiques est, selon l’État et ses avocats, anticonstutionnelle. Ceci vaut en particulier pour la conception matérialistes de la société et de l’histoire élaborée par Marx. Evoquant l’interdiction du Parti communiste allemand (KPD) en 1956, à présent considérée comme ayant été anticonstitutionnelle, le document déclare explicitement que «l’idée d’une société de classe … et la conception marxiste-léniniste de l’État et de la société, fondée sur une pensée en termes de classe et la lutte des classes qui en résulte, est incompatible avec l’ordre fondamental libéral démocratique et sa conception de l’homme.»
2. Douter que le capitalisme permettra progressivement la réconciliation mondiale des classes viole également la constitution, selon l’État. Reprenant mot pour mot le texte de l’interdiction du KPD, le document déclare: «La démocratie libérale est pétrie du sentiment qu’il est possible de développer progressivement la liberté et l’égalité des citoyens … de plus en plus efficacement et d’élever ces principes au maximum qu’il est possible d’atteindre.»
Toute personne opposée à cette croyance dictée par l’État en l’harmonie entre les classes, ou qui observe que l’inégalité sociale croît depuis des décennies, est traitée d’ennemi de la constitution. De la sorte, il faudrait interdire les livres de sociologues tels que Thomas Piketty, le rapport sur le pauvreté de l’État allemand lui-même, et de nombreuses statistiques qui soulignent une large montée de la pauvreté et de l’inégalité sociale.
3. L’opposition irréconciliable du SGP aux partis établis, y compris le Parti de gauche (Die Linke), et son refus fondamental de former des coalitions gouvernementales avec ces partis sont également anticonstitutionnelles, selon le ministère de l’Intérieur.
Cette déclaration attaque le SGP parce qu’il rejette «les compromis de la ‘classe ouvrière’ avec les représentations d’autres ‘classes’» et parce qu’il accuse les partis établis d’une «conspiration contre la population» pour imposer «le militarisme, le réarmement et l’austérité sociale». La définition du Parti social-démocrate (SPD) en tant «que ‘parti droitier de l’appareil d’État, qui représente exclusivement les intérets des banques, du patronat, des services secrets et de l’armée’ et provoque ‘une haine méritée’ à cause des réformes qu’il a imposées» est aussi déclarée anticonstitutionnelle.
Cette croyance dictée par l’État en l’harmonie des classes se fait l’écho de l’idéologie nazie de la Volksgemeinschaft (communauté nationale). Elle est imbibée du même esprit qui a animé les autodafés de mai 1933, accompagnés par le prononcement du «serment du feu»: «Contre la lutte de classe et le matérialisme, pour la Volksgemeinschaft et une attitude idéaliste envers la vie! Je livre aux flammes les écrits de Marx et de Kautsky!»
4. Mais le ministère de l’Intérieur ne s’arrête pas à Marx et à Kautsky. Les nazis ont aussi brûlé les livres de l’écrivain Kurt Tucholsky et du journaliste Carl von Ossietzky, et l’État déclare à présent que toute personne qui critiquerait le réarmement et les appels à la guerre, ou qui s’opposerait à l’Union européenne, est un ennemi de la constitution. Entre autres, il dénonce les opinions suivantes pour être «dirigées contre l’ordre libéral démocratique fondamental»: la «revendication du renversement du ‘capitalisme’ et de l’établissement du socialisme», une «agitation contre ce qui est nommé ‘impérialisme’ ou ‘militarisme’», et «le rejet des États-nation et de l’Union européenne.»
5. Toute personne qui justifie une lutte armée contre le régime nazi est aussi un extrémiste de gauche, selon l’État allemand. Afin de démontrer la prétendue volonté du SGP à recourir à la violence, le document cite entre autres le programme fondateur de la IVe Internationale en 1938, qui préconise «l’armement du prolétariat» dans le «lutte contre le fascisme». Selon cette conception, les chefs de la résistance et ceux qui ont menacé la vie d’Hitler, tels que Georg Elsner et les membres de la conspiration faillie du 20 juillet 1944, finiraient toujours sur l’échafaud.
Le résultat logique du catalogue d’interdits du ministère de l’Intérieur est une dictature fasciste. Elle serait destinée à empêcher par tous les moyens la majorité de la population d’intervenir activement dans la vie politique et de transformer la société sur la base de principes socialistes. C’est pourquoi le ministère de l’Intérieur déclare que la révolution socialiste «ne peut être l’expression de la volonté du peuple, car [dans cette révolution] au plus une partie du peuple affirme leurs idées, alors que l’on supprime les droits constitutionnels d’autres parties du peuple.» Tel est le cas, selon le document, «qu’il y ait ou non recours à la violence lors de la révolution socialiste.»
Le droit d’une élite ultra-riche à posséder les banques et les moyens de production est traité de bien suprême et toute critique qu’on en fait, de sacrilège. Des dictateurs tels qu’Hitler, Franco et Pinochet ont tiré les conclusions de ce type d’argument: si la majorité s’oriente vers des idées socialistes, les méthodes répressives les plus brutales se justifient pour défendre le capitalisme. Par «ordre démocratique libéral», l’État entend non pas les droits démocratiques inaliénables protégés par la constitution, mais la propriété capitaliste et l’appareil d’État qui la protège.
De même, le ministère de l’Intérieur ne poursuit pas seulement des actes concrets visant à renverser le capitalisme. Même des actes tels «l’organisation d’évènements publics, la publication d’interventions et la participation aux élections» sont anticonstutionnelles s’ils aident à propager des idées socialistes. Le ministère de l’Intérieur fournit la justifiation suivante: «Si une association telle que le plaignant [le SGP] vise, dans ses objectifs, l’ordre démocratique libéral fondamental, tout comportement actif pertinent constitue une atteinte à l’ordre démocratique libéral fondamental.»
En tant qu’exemple de «comportement actif», l’État allemand cite notamment «la publication des analyses journalières de l’actualité politique et économique sur le World Socialist Web Site» et la publication des «oeuvres de Trotsky et d’oeuvres de David North» par la maison d’édition du parti, Mehring Verlag, la «plus grande maison d’édition trotskyste du monde germanophone.» Il cite aussi le site Web du SGP et ses comptes Facebook, Twitter, et YouTube.
Les lois antisocialistes, Willensstrafrecht et l’interdiction du KPD
Avec ce type de poursuite des seules opinions (Gesinnungsjustiz), l’État allemand renoue avec une tradition antidémocratique qui remonte au milieu du 19e siècle. Déjà au procès des communistes à Cologne en 1851 et le procès pour haute trahison d’August Bebel à Leipzig en 1872, on a condamné les marxistes exclusivement pour leurs convictions. De 1878 à 1890, les lois antisocialistes ont fait passer l’ensemble du Parti social-démocrate allemand dans la clandestinité. Ces lois étaient dirigées contre toute organisation où «des tentatives social-démocrates, socialistes ou communistes de renverser l’État existant ou l’ordre social de manière à troubler l’ordre public, et notamment l’harmonie des différentes classes de la population, voyaient le jour.»
Cette tradition légale réactionnaire a culminé dans la Willensstrafrecht au centre du système légal nazi. Pour faire condamner un prévenu, il n’était plus nécessaire d’établir qu’il avait commis un crime. Il suffisait de démontrer une «intention criminelle» (verbrecherischer Willen) de sa part. Pour permettre à l’État d’éliminer tout opposant politique, l’enfermer dans des camps de concentration et le tuer, les poursuites juridiques étaient de plus en plus séparées de toute action concrète de sa part.
Déjà dans les années 1930, la nouvelle Cour populaire nazie (Volksgeritchtshof) a interprété la loi sur la haute trahison afin de pouvoir condamner les communistes à mort seulement sur la base de leurs convictions. Dans les années 1940, tout mécontentement qui pouvait sembler critique de l’État encourait une punition draconienne. Une plaisanterie sur le «Führer», un doute sur la victoire finale, voire une remarque sur le retard chronique des trains pouvait avoir des conséquences mortelles.
La chute du régime nazi n’a rompu cette continuité que superficiellement. Après une brève période de «dénazification», les élites sont revenues à leurs anciens postes dans la justice, la police, l’administration, les universités et les affaires. Un auteur des lois raciales de Nuremberg, Hans Globke, a dirigé le cabinet de Konrad Adenauer, le premier chancelier de l’Allemagne de l’Ouest d’après-guerre. Globke y gérait les ressources humaines et la construction et le contrôle des services secrets, le BND (renseignement extérieur) et le Verfassungsschutz (renseignement intérieur).
En 1950, un amendement majeur à la loi pénale a réintroduit le conception de poursuite légale des opinions (Gesinnungsjustiz). Cet amendement était l’oeuvre du docteur Josef Schafheutle, qui était responsable de la loi pénale politique sous le Troisième Reich en tant que chef de département au ministère de la Justice. A présent, les mêmes juges qui avaient siégé illégitimement à l’époque nazie poursuivaient les communistes sur la base de leurs opinions. La chasse au sorcières anticommuniste a culminé dans l’interdiction de triste renommée du KPD en 1956 par la Cour consitutionnelle fédérale allemande. A présent, l’État ressort cette interdiction de ses archives pour l’utiliser contre le SGP. Elle sert de principale référence légale au document du ministère de l’Intérieur.
L’interdiction du KPD n’a jamais été abrogée, mais elle est discréditée depuis longtemps. En 1996 la présidente de la cour constitutionnelle fédérale, Jutta Limbach, a déclaré qu’en vue de la jurisprudence actuelle, elle aurait abrogé l’interdiction. Dans son livre Anticonstitutionnel! (Verfassungswidrig!) publié en 2017, l’historien et professeur Joseph Foschepoth a conclu, à travers une analyse détaillée du procès contre le KPD fondée sur des documents inaccessibles jusqu’alors dans les archives de l’État, que l’interdiction violait carrément la constitution et était politiquement motivée. Il écrit, «Dans ce procès il n’y avait plus de séparation des pouvoirs mais simplement un État qui, sous la pression du gouvernement fédéral, insistait que pour que le KPD soit interdit.»
Dans ce procès, des avocats du même milieu de la droite radicale qui avaient persécuté les communistes sous le régime nazi ont représenté le gouvernement Adenauer. Le procureur de l’État (Prozessführungstelle) était Hans Ritter von Lex qui, en tant que parlementaire du Parti populaire bavarois (BVP), avait indiqué le consentement de son parti à l’Acte d’habilitation du 23 mars 1933, qui confiait le pouvoir législatif à Adolf Hitler. Quelques jours auparavant, il avait assuré Hitler en personne qu’il partageait son projet d’ «exterminer le marxisme en Allemagne.»
«La libération de l’Allemagne de ce type de contamination, y compris en appliquant les méthodes les plus draconiennes, est la revendication commune des cercles patriotiques», a-t-il dit.
Une conspiration extrémiste de droite
Avec le retour à la poursuite des opinions (Gesinnungsjustiz) et la réactivation de l’interdiction du KPD, la classe dirigeante renoue avec ces traditions fascistes. Le rapport du Verfassungsschutz et le document des avocats du ministère de l’Intérieur sont les produits d’une consipration extrémiste de droite dans l’appareil d’État, visant à intimider l’opinion et à criminaliser l’opposition au capitalisme, au nationalisme, à l’impérialisme, au militarisme et à l’AfD au motif qu’elle serait «extrémiste de gauche» et «anticonstutionnelle».
On sait à présent que les milieux extrémistes de droite ont participé à la rédaction du rapport du Verfassungsschutz de 2017. Hans-Georg Maaßen, alors chef du Verfassungsschutz, s’est réuni à plusieurs reprises avec des dirigeants de l’AfD pour discuter du rapport avec eux. En novembre 2018, Maaßen a dû prendre sa retraite temporairement après avoir nié que les émeutes de la droite radicale s’étaient déroulées à Chemnitz et après avoir dénoncé «les forces radicales de gauche au sein du SPD.» A présent Maaßen, un membre de la droite du CDU, préconise ouvertement la formation de coalitions gouvernementales avec l’AfD.
Sous son nouveau chef, Thomas Haldenwang, le Verfassungsschutz continue sur cette lancée. Donc il n’y a pas une seule syllabe dans le chapitre sur l’extrémisme de droite du nouveau rapport du Verfassungsschutz pour 2018 sur l’AfD, son aile fasciste dirigée par Björn Höcke, ou le milieu néofasciste qui dirige ce parti. Ils n’apparaissent qu’en tant que «victimes» du prétendu «extrémisme de gauche». Le rapport déclare: «En 2018, à part les membres des partis extrémistes de droite, l’Alternative für Deutschland (AfD) … que les extrémistes de gauche traitent unanimement d’extrémiste de droite, continue à être la cible de l’agitation extrémiste de gauche.»
Le rapport ignore systématiquement les larges réseaux terroristes de droite dans la police et l’armée (Bundeswehr) allemandes. Il ne souffle mot sur Franco A., le chef d’une conspiration fasciste dans l’armée allemande, ou la NSU 2.0, la continuation du réseau terroriste NSU d’extrême-droite. Le Verfassungsschutz traite aussi de simple «milice» le groupe terroriste Révolution Chemnitz, qui a non seulement attaqué des étrangers et des opposants politiques mais aussi planifié une «action» armée et un soulèvement de droite le jour de l’unité allemande en 2018. Le Verfassungsschutz a aussi enlevé le réseau terroriste d’extrême-droite «Combat 18», étroitement lié au NSU et avec lequel le meurtrier présumé de Lübcke était en contact, de son dernier rapport.
Le SGP est par contre à nouveau traité de «parti extrémiste de gauche» et d’ «objet de surveillance». Dans l’esprit de la persécution légale des idées politiques, les services secrets ont ajouté au chapitre pertinent la remarque que les «extrémistes dogmatiques de gauche» tels que le SGP «avec leurs analyses exhaustives» ont «le potentiel» d’agir «en pyromanes intellectuels (geistige Brandstifter) pour inspirer idéologiquement des groupes violents.»
Tout en traitant les analyses marxistes et les idées socialistes de violente pyromanie, le Verfassungsschutz couvre et protège des gangs de meurtries néofascistes! Autour de la seule NSU, le Verfassungsschutz avait recruté 40 correspondants. Un de ces individus était présent à un meurtre du NSU. Le Verfassungsschutz est «l’agence étatique la plus dangereuse d’Allemagne», a déclaré le journaliste Deniz Yücel du journal allemand Die Welt au début de juillet. L’hebdomadaire Stern a appelé à l’abolition du Verfassungsschutz parce qu’il est devenu «un État dans l’État» et «s’est avéré incontrollable.»
En attaquant le SGP, cette agence criminelle veut constituer un précédent pour un nouveau type de poursuite légale des délits d’opinion, visant tout individu critique de la situation sociale et politique réactionnaire actuellement existante. Les grévistes feraient l’objet de poursuites, ainsi que les libraires qui vendent des ouvrages marxistes, ou les artistes, journalistes et intellectuels critiques.
Beaucoup de personnes connaissent le célèbre poème du théologien protestant Martin Niemöller, qui a décrit ainsi son propre chemin vers le camp de concentration:
«Quand les nazis sont venus chercher les communistes, je n’ai rien dit, je n’étais pas communiste.
Quand ils sont venus chercher les sociaux-démocrates, je n’ai rien dit, je n’étais pas social-démocrate.
Quand ils sont venus chercher les syndicalistes, je n’ai rien dit, je n’étais pas syndicaliste.
Quant ils sont venus chercher les Juifs, je n'ai rien dit, je n'étais pas juif.
Puis ils sont venus me chercher, et il ne restait plus personne pour me défendre.»
Cette question se pose à nouveau. Si personne n’arrête la conspiration de droite dans l’appareil d’État ni ne défend le SGP, la voie sera ouverte à des mesures de plus grande portée. Nous faisons donc appel à nouveau à tous ceux qui veulent défendre les droits démocratiques et s’opposer à la montée de la droite: protestez contre l’attaque du Verfassungsschutz et défendez le SGP.
Nous exigeons que le Verfassungsschutz cesse de surveiller le SGP et les autres organisations de gauche, et la dissolution de ce foyer de conspirations antidémocratiques de droite.