Le week-end dernier, les chefs d’Etats et ministres des finances
européens sont tombés d’accord sur une série de mesures de soutien à l’euro
qui inaugure la plus grande offensive menée contre la classe ouvrière depuis
la fin de la seconde Guerre mondiale. Cette offensive doit être repoussée
par la résistance unie de la classe ouvrière européenne.
Vendredi 7 mai au soir, les dirigeants des pays de la zone euro se sont
réunis à Bruxelles afin d’entériner des mesures d’aide à hauteur de 110
milliards d’Euros à la Grèce et qui avait été décidées durant la semaine.
Mais le diner de deux heures prévu à cet effet tourna à la réunion de crise
et dura six heures.
Une grève générale en Grèce avait clairement montré deux jours
auparavant, l’ampleur de la résistance aux mesures d’austérité introduites
par le gouvernment grec. Les marchés financiers qui avaient engrangés des
profits massifs grâce à la spéculation sur une faillite souveraine de la
Grèce ont été saisis de panique. Le jeudi 6 mai, l’indice boursier américian
Dow Jones a chuté pour un temps de plus de 9 pour cent.
Cela a accru la pression sur les gouvernements européens pour qu’ils
fournissent des garanties quant à la dette, non seulement de la Grèce mais
encore de tous les autres pays à forts déficits de la zone euro. Le
président Obama téléphona personnellement à la chancelière allemande Angela
Merkel pour lui demander d’abandonner son opposition à un plan d’aide
financière.
Au cours d’une session nocturne, les chefs d’Etat et de gouvernement de
la zone euro établirent alors les principes d’une aide financière
généralisée qui furent ensuite développés lors d’un nouvelle réunion au
sommet, dimanche 9 mai. Cette aide devait être concrétisée dans les
premières heures de lundi, avant l’ouverture des marchés japonais et avant
une reprise de la vague de spéculation contre l’euro.
Les Etats membres de la zone euro, l’Union européenne et le FMI ont
établi un fonds de 750 milliards d’euros destinés à être utilisés, si
nécessaire, afin de refinancer la dette des pays qui ont des difficultés de
paiement. En outre, la Banque centrale européenne (BCE) a acquis des
obligations gouvernementales d’Etats fortement endettés afin de freiner la
hausse des taux d’intérêts.
Les chefs d’Etat et les ministres des finances ont présenté ces mesures
financières massives comme une mesure indispensable afin de secourir l’union
monétaire et comme une aide aux pays fortment endettés de la zone euro. En
réalité, il s’agit d’un cadeau financier aux banques internationales et aux
fonds d’investissement. Ces mesures sont, dans le langage de la politique
officielle, destinées à « tranquiliser les marchés » et à regagner leur «
confiance ». Il faut que les spéculateurs qui ont gagné de vastes sommes
d’argent en pariant sur la dette souveraine grecque et contre l’euro aient
tous leurs risques garantis sur le dos du public.
Pour cette raison, les bourses ont célébré l’annonce des nouvelles
mesures d’aide financière lundi par un énorme hausse. Après la panique de
jeudi dernier, elles avaient à présent des garanties que les gouvernements
européens étaient à leurs côtés et qu’ils avaient déclaré la guerre à la
classe ouvrière.
L’ampleur de la puissante vague de spéculation contre l’euro fut révélée
par Jochen Sanio, le chef de la Bafin, l’organe allemand de supervision des
banques. S’exprimant la semaine dernière devant la Commision budgétaire du
parlement allemand, Sanio parla d’une «guerre d’agression de la part des
spéclateurs contre la zone euro » où étaient mobilisées des « sommes folles
» atteignant des dizaines de milliards d’euros. Dans le cas de la Grèce, les
spéculateurs exploitant des CDS (assurances de crédit) furent en mesure de
récolter des profits de l’ordre de 500 pour cent en trois ou quatre mois.
Ces pofits records se retrouvent aussi dans les bilans des principales
banques d’investissement. La Deutsche Bank a enregistré un profit hors taxes
de 2,8 milliards d’euros au premier trimestre 2010, un benéfice de 30 pour
cent. Au cours du même trimestre, Goldman Sachs a annoncé pour la première
fois de son histoire un profit quotidien se montant, pour la plupart des
jours, à 100 millions de dollars.
La classe ouvrière va à présent payer pour ces sommes énormes sous la
forme de coupes dans les prestations sociales et sous forme de chômage. Avec
les nouvelles mesures d’aide financière, les pays européens se sont mis
entièrement à la merci du capital financier international. S’ils ne
reduisent pas radicalement leurs déficits budgétaires la prochaine vague
speculative suivra inévitablement. S’ils font alors appel aux garanties
financières, les trous dans les budgets d’Etat augmenteront, exigeant des
mesures d’austérité plus importantes encore.
Les experts s’accordent donc pour dire que les mesures d’aide ne sont que
le début d’un plan d’austérité massif dans toute l’Europe qui signifiera la
destruction de l’Etat social européen. Cela montre le réel caractère de
l’Union européenne en tant qu’instrument des banques et des sections les
plus puissantes de la bourgeoisie européenne.
Le Financial Times commenta les mesures d’aide ainsi : «La plus
grande partie de l’Union européenne vit au-dessus de ses moyens…. de
nombreux européens en sont venus à considérer la retraite anticipée, la
santé publique gratuite et des indemnités de chômage généreuses comme des
droits fondamentaux… Cependant, si les européens n’acceptent pas l’austérité
maintenant, ils vont finalement être confrontés à quelquechose de bien plus
choquant encore – aux faillites souveraines et aux banques qui s’effondrent.
»
En Allemagne aussi, de nombreux économistes exigent de sévères mesures
d’austérité. Le dirigeant du groupe des soi-disant «Sages de l’économie »,
Wolfgang Franz, dit que les mesures d’aide avaient seulement éteint « le feu
dans la maison de l’euro » et qu’il était à présent temps de « faire le
ménage ». L’expert économique Kai Carstensen dit que des mesures radicales
d’austérité étaient à l’ordre du jour dans les pays de la zone euro. « S’ils
ne réduisent pas tous leurs dettes, les problèmes deviendront plus sévères
encore dans trois ans », dit il.
Ce qui a commencé en Grèce – les baisses de salaires de 30 pour cent, les
baisses des retraites et des indemnités, les licenciements de masse dans le
secteur public – constitue à présent un modèle pour toute l’Europe.
L’opposition à ces mesures doit être organisée dans toute l’Europe. Les
travailleurs de tous les pays d’Europe doivent soutenir les travailleurs
grecs et s’unir à la classe ouvrière internationale.
Cela requiert une rupture complète d’avec les partis sociaux-démocrates
et les syndicats qui déclarent qu’il n’y a pas d’alternative à la réduction
massive des budgets et offrent leurs services au capital financier afin
d’imposer les coupes. En Grèce, le parti social-démocrate Pasok remplit la
tâche de faire passer un programme d’austérité radical. En Espagne, le chef
social-démocrate du gouvernement, Zapatero, annonça des réductions de
salaires dans les services publics immédiatement après l’annonce des mesures
d’aide financière et au Portugal, son collègue Socrates poursuit un cours
similaire.
En Angleterre, les Tories et les libéraux démocrates, avec le soutien du
Parti travailliste, sont juste arrivés au gouvernement avec l’objectif de
faire passer un programme d’austérité draconnien. En Allemagne, après
l’élection de Rhénanie-Westphalie on réfléchit une fois de plus à une
participation du SPD social-démocrate au gouvernement afin d’imposer une
nouvelle suite de mesures d’austérité. Les Verts ont eux aussi soutenu les
mesures d’aide aux banques et les mesures d’austérité assorties. Le
politicien droitier chrétien-démocrate Roland Koch, dont on parle comme
futur ministre des finances, appelle déjà à de strictes mesures d’économie
et à l’abandon de toutes les réformes adoptées ces récentes années dans
l’éducation.
Dans tous ces pays, les syndicats jouent un rôle clé dans l’étouffement
de la résistance contre les coupes, divisant les travailleurs et dispersant
l’oppositon. Ils ont le soutien d’une kyrielle d’organisations
petite-bourgeoises qui se disaient „de gauche" dans le passé et qui
aujourd’hui rejettent strictement une perspective révolutionnaire.
Avec les mesures d’aide financière adoptées durant le week-end du 8 mai,
les attaques contre la classe ouvrière prennent une forme pan-européenne.
Plusieurs réglementations gouvernant l’union monétaire – telle que
l’interdiction de l’assistance financière mutuelle et l’indépendance de la
Banque centrale européenne – ont été abandonnées. Si un gouvernement ne
remplit pas son plan d’économie, tous les autres sont directement affectés.
Cela exacebera considérablement les tensions au sein de l’Union européenne.
La classe ouvrière doit se préparer politiquement aux prochaines luttes
de classe. Elle doit rompre avec les partis politiques et les organsiations
qui soutiennent les mesures d’aide financière aux banques et les mesures
d’austérité qui les accompagnent, et avec les syndicats et les nombreuses
organisations petite-bourgeoises qui alimentent le nationalisme afin de
détourner l’attention des questions de classe. Le conflit n’est pas entre
les Allemands et les Grecs ou entre les Européens et les Américains, mais
entre la classe ouvrière internationale d’une part et le capital et ses
laquais politiques de l’autre.
L’opposition aux attaques doit être organisée à tous les niveaux. La
seule alternative à un avenir de pauvreté, de répression, de chômage et de
tensions nationales grandissantes est l’unification de la classe ouvrière
européenne sur la base d’un programme socialiste: la répudiation de toutes
les dettes, la socialisation des banques et des grands groupes sous le
contrôle démocratique de la classe ouvrière, la confiscation des profits dus
à la spéculation et un fort taux d’imposition des gros revenus et des
fortunes.
L’unification de l´Europe sur une base progressiste est seulement
possible sur la base d’un tel programme révolutionnaire et sous la forme des
Etats socialistes unis d’Europe. Le comité international de la Quatrième
internationale avance une telle perspective. Nous appelons tous les
travailleurs, les étudiants, les intellectuels critiques à étudier notre
programme, à suivre le WSWS et à rejoindre les rangs du Comité
international.