Jusqu’à trois millions de travailleurs ont participé à la grève générale
mercredi pour s’opposer aux nouvelles mesures d’austérité annoncées dimanche
dernier par le gouvernement grec. Plus de 100.000 personnes se sont
rassemblées dans des manifestations à Athènes, la capitale grecque.
De nombreux services et commerces sont restés fermés durant la journée, y
compris les aéroports, les ports, les écoles, les administrations et les
sites touristiques. Les journalistes et la plupart des agents des services
hospitaliers ont également participé à la grève qui avait été organisée par
l’organisation syndicale des Travailleurs grecs du secteur privé (GSEE) et
le syndicat ADEDY de la fonction publique.
Les manifestations de masse décrites par certains comme étant les plus
importantes de ces vingt dernières années faisaient face à une présence
policière au caractère provocateur. Le premier ministre grec George
Papandreou a saisi l’occasion de la mort de trois travailleurs dans
l’incendie d’une banque déclenchée par des cocktails Molotov pour incriminer
l’ensemble de l’opposition et adopter rapidement les mesures d’austérité.
Le parlement grec devrait voter jeudi les mesures d’austérité. Les
propositions qui avaient été acceptées par le gouvernement PASOK de
Papandreou sont partie intégrante d’un accord comprenant 110 milliards
d’euros de prêts émanant de gouvernements européens et du Fonds monétaire
international. Ils comprennent des réductions massives des salaires et des
primes versés aux travailleurs du secteur public, un assouplissement de la
procédure de licenciements collectifs dans la fonction publique, la
privatisation de services gouvernementaux et une augmentation drastique des
impôts régressifs ciblant la classe ouvrière.
La vaste majorité de ceux qui ont participé aux manifestations étaient
des salariés ordinaires. Les grèves reflètent la résistance grandissante
face aux attaques contre la classe ouvrière – non seulement en Grèce mais de
par l’Europe et internationalement. Au moment où un endettement massif de l’Etat
menace de provoquer une nouvelle crise financière le clivage séparant les
classes est bien plus clairement défini.
L’énorme préoccupation ressentie par les institutions financières
internationales et les gouvernements européens soutenus par les médias de
masse est que cette résistance entrave les tentatives de faire payer à la
classe ouvrière les déficits budgétaires entraînés par la crise économique
et le renflouement des banques.
Des affrontements ont eu lieu devant le bâtiment du parlement à Athènes
quand des manifestants ont tenté de forcer un cordon de police aux cris de
« voleurs, voleurs ». Dans un nombre d’autres manifestations, des
manifestants ont lancé des pavés et des cocktails Molotov en direction des
policiers qui ont répliqué en usant du spray au poivre, du gaz lacrymogène
et en lançant des grenades incapacitantes.
Des individus non identifiés ont mit le feu à la Marfin Bank à Athènes en
tuant trois employés de banque. Papandreou a immédiatement saisi cette
incident réactionnaire pour essayer de délégitimer l’opposition et générer
une impulsion pour les mesures d’austérité.
« Nous sommes tous profondément choqués par la mort injuste de ces trois
travailleurs qui ont été aujourd’hui victimes d’un acte meurtrier, » a dit
Papandreou. En cherchant à faire un amalgame entre l’incendie provoqué par
des cocktails Molotov et les manifestations, il a ajouté, « C’est ce à quoi
nous conduit la violence incontrôlée et l’irresponsabilité politique. »
Papandreou a souligné que les coupes budgétaires se poursuivraient. Les
attaques écrasantes contre les salaires et les prestations sociales des
travailleurs, a-t-il déclaré, étaient destinées à sauver des emplois, à
protéger des familles, des ménages et des travailleurs. » Le ministre des
Finances, George Papaconstantinou a ajouté, « Nous ne reculerons pas d'un
pas. »
Comme c’est souvent le cas lors d’incidents violents comme celui des
cocktails Molotov qui ont mis le feu à la banque, l’identité des
responsables restent inconnue. La police a parlé d’auteurs masqués et
d’anarchistes. Il est aussi tout à fait possible que des agents provocateurs
de la police y aient été impliqués, chose courante en politique grecque. Il
y a moins de deux ans, la télévision grecque avait montré des séquences où
la police parlait aimablement avec des « anarchistes » qui étaient occupés à
cambrioler et à incendier des boutiques et des banques lors des rébellions
de jeunes en 2008.
Le gouvernement de Papandreou compte sur les syndicats pour démobiliser
l’opposition et pour empêcher qu’elle ne trouve une expression politique
indépendante. Les syndicats soutiennent les mesures d’austérité et Spyros
Papaspyros, le patron d’ADEDY, a déclaré au Financial
Times, la veille de la grève, que les syndicats ne feraient rien qui
risquait de mettre en péril le remboursement de la dette du pays. Selon le
Times, « M. Papaspyros a dit que les syndicats feraient de leur mieux
pour avancer leurs revendications pour une distribution plus équitable des
coûts des mesures d’austérité mais qu’ils n’avaient nullement l’intention
d’aider les spéculateurs qui pariaient sur la défaillance grecque. »
Les grèves et les manifestations en Grèce se sont déroulées au moment où
les dirigeants européens s’apprêtaient à obtenir l’approbation parlementaire
pour un plan d’aide UE-FMI. En Allemagne, la chancelière Angela Merkel a
instamment demandé que le parlement adopte rapidement le volet allemand du
plan d’aide financière – 22 milliards d’euros sur trois ans. Merkel a dit
aux parlementaires, « Ce n'est rien moins que l’avenir de l’Europe et donc
l’avenir de l’Allemagne en Europe qui sont en jeu… Nous sommes à la croisée
des chemins. »
Pour donner une idée des obstacles auxquels est confrontée l’application
du plan d’aide UE-FMI, le gouvernement droitier slovaque a annoncé qu’il
n’approuverait pas l’accord tant que le gouvernement grec n’avait pas
accepté d’entreprendre des mesures d’austérité supplémentaires. Un autre
membre de la zone euro, la Slovénie, a annoncé qu’elle projetait de
contracter un prêt international afin de payer sa part du plan d’aide de
l’UE.
Les marchés financiers grecs et internationaux ont réagi négativement aux
récents développements en Grèce. En Grèce, les cours de bourse ont chuté de
4 pour cent dans la journée de mercredi tandis que les intérêts facturés à
la Grèce pour des obligations sur dix ans ont bondi à plus de 10 pour cent.
Toutes les principales bourses européennes ont clôturé en baisse et l’euro
est tombé sous le seuil de 1,29 dollar pour la première fois en plus d’un
an.
La Grèce prend valeur de test pour des mesures qui sont projetées partout
en Europe. Un analyste financier sis à New York a déclaré à la BBC que la
réaction des marchés financiers américains « est que le peuple [grec]
refusera tout simplement le plan d’austérité. Si les Grecs sont tellement
contrariés, alors nous devrions peut-être nous inquiéter des Portugais et
des Espagnols et des Italiens qui sont contrariés par les réductions qu’ils
vont avoir à faire. »
Avant de procéder à une attaque plus directe contre la classe ouvrière au
Portugal – qui a déjà appliqué d’importantes mesures d’austérité – l’agence
de notation financière Moody’s a menacé mercredi de dégrader la note de la
dette du pays.