La grève générale grecque et le mouvement de protestation qui se poursuit
contre les mesures d’austérité de l’Europe et du FMI négociées la semaine
dernière avec le premier ministre grec George Papandreou, du parti
social-démocrate Pasok, indiquent ce que seront en Europe et à travers le
monde les luttes de classes à venir.
L’opposition à la politique de Papadreou est farouche au sein de la
classe ouvrière grecque. Des centaines de milliers d’emplois doivent être
éliminés, les travailleurs subir des réductions de salaire initiales de 20
pour cent ou plus et les services sociaux et les retraites liquidés.
La semaine dernière les marchés boursiers se sont effondrés, les
investisseurs craignant que Papandreou ne soit pas capable de faire passer
les coupes budgétaires en force et que les protestations contre la crise
financière puissent s’étendre.
Ces événements ont des conséquences révolutionnaires au niveau
international. Alors que la spéculation s’accroît contre le Portugal,
l’Espagne et d’autres pays européens, il devient de plus en plus évident que
les travailleurs dans le monde se trouvent en face d’un ennemi commun : une
classe dirigeante parasitaire qui s’est enrichie à travers les mesures de
renflouement du système financier et qui veut imposer des coupes énormes en
matière d’emplois, de salaire et de prestations sociales et ce, partout dans
le monde.
L’importance internationale des grèves en Grèce est à présent largement
reconnue. Mentionnant le mouvement de protestation grec, l’éditorialiste du
New York Times Thomas Friedman mettait en garde : « Rien à voir
avec nous, d’accord ? Eh bien, moi je ferais attention à la pièce qui se
joue là-bas. Il se peut qu’on vienne la jouer dans un théâtre près de chez
vous. » Et il ajouta que, tout comme en Grèce, les ouvriers américains
« [allaient] devoir accepter des réductions sévères de leurs prestations
sociales et de leurs retraites… »
Tout comme aux Etats-Unis et dans d’autres pays européens, une bonne
partie de la dette grecque vient du renflouement à hauteur de 28 milliards
d’Euros qu’Athènes a voté pour ses banques. Alors que la classe dirigeante
grecque a pour objectif d’extraire des travailleurs 30 milliards d’Euros au
moyen de coupes budgétaires annuelles, les gouvernements de toute l’Europe,
et celui des Etats-Unis, se préparent eux aussi à rayer des centaines de
milliards de leurs budgets.
Cet hiver, les banques ont fait monter les taux d’intérêt sur la dette
grecque, espérant réaliser des profits importants grâce au paiement des
intérêts tout en donnant à Papandreou une excuse pour les coupes sociales
qu’il envisageait d’imposer. Mais ce plan a échoué.
Devant le mouvement de protestation des travailleurs et le fait que les
puissances européennes s’opposaient sur les termes des mesures de
renflouement, les taux d’intérêts ont tellement grimpé que les banques ont
pratiquement mis la Grèce en faillite. Même si la Grèce adhérait au plan de
renflouement de l’Europe et du FMI à hauteur de 110 milliards d’Euros, elle
serait ruinée. Selon certaines estimations, les coupes imposées par les
européens et le FMI feraient chuter l’économie grecque de 30 pour cent. Une
fois cela arrivé, la dette serait supérieure même aux 300 milliards environ
dus à présent.
La crise grecque a fait boule de neige et s’est transformée en une crise
européenne qui menace l’économie mondiale. Les banques deviennent de plus en
plus réticentes quant à prêter de l’argent au Portugal, à l’Espagne, au
Royaume Unis et à d’autres pays. Etant donné le rôle de la Grèce en tant que
créancier, en tant que marché d’exportation pour la Bulgarie, la Roumanie et
la Serbie et en tant qu’employeur d’ouvriers immigrés, la crise risque aussi
de dévaster les pays déjà appauvris et instable des Balkans.
Comme ils craignent que les gouvernements européens n’aillent vers la
banqueroute et que les banques ne perdent des sommes énormes, les banquiers
refusent de plus ne plus de se prêter mutuellement de l’argent. Cela présage
un nouvel étranglement du crédit. Le commissaire européen pour les affaires
monétaires, Olli Rehn avertit de ce que « les conséquences d’une
insolvabilité de la Grèce seraient similaires sinon pires » à celles de
l’effondrement de la banque Lehman Brothers en 2008.
Le renflouement grec, payé aux banques créditrices de la Grèce serait
extrait doublement de la classe ouvrière: une première fois des travailleurs
dans les pays qui ont financé le renflouement et une seconde fois des
travailleurs en Grèce, qui auront à repayer les prêts qui constituent ce
renflouement. Dans les deux cas, on s’en servira comme prétexte pour imposer
des coupes massives.
Alors que grandit le conflit social et que s’approfondit la crise
capitaliste, la classe dirigeante va avoir recours à des formes de
gouvernement de plus en plus ouvertement dictatoriales. Alors que de telles
mesures ont été justifiées jusque-là sur la base de « la guerre à la
terreur » elles seront de plus en plus dirigées contre une opposition
sociale de masse.
L’hebdomadaire britannique Observer de dimanche a interviewé le
Brigadier Stylianos Pattakos, le dernier membre survivant de la junte
militaire qui a gouverné la Grèce de 1967 à 1974. Pattakos loua le bilan de
la junte : « A notre époque, il n’y avait pas de dette. Pas une drachme ne
fut gaspillée. Les Grecs ne sont pas disciplinés comme les allemands ou les
anglais. Ils ont besoin d’autorité » dit-il. Et il ajouta : « Nous ne sommes
pas à mi-chemin et pas à la fin de ces événements politiques… Nous n’en
sommes qu’au début. »
Les travailleurs qui s’opposent au renflouement en Grèce et ailleurs sont
devant une crise mondiale commune et ont besoin d’une stratégie
internationale commune.
Une stratégie politique indépendante de la classe ouvrière entrera
immédiatement en conflit avec les syndicats et les organisations petite
bourgeoises qui oeuvrent à démobiliser l’opposition. En Grèce, les syndicats
et leurs alliés, qui comprennent le Parti communiste grec et Syriza, sont
déterminés à maintenir leur alliance avec Papandreou et leur rôle dans l’establishment
politique. Ils ont promu la candidature de Papandreou et ils discutent
régulièrement la situation politique et les termes du renflouement avec lui.
En faisant la promotion d’une perspective qui est celle d’influencer le
Pasok de Papandreou ces milieux, comme leurs homologues des autres pays,
cherchent délibérément à subordonner la classe ouvrière à l’Etat, à la
politique nationaliste et au programme d’austérité des banques.
Le risque grandissant de la faillite d’Etat impose un choix net : soit la
classe dirigeante gardera ses richesses en appauvrissant les travailleurs,
soit les travailleurs exproprieront la classe dirigeante. Le défi auquel les
travailleurs font face est celui de comprendre toutes les implications
politiques et historiques des luttes qui sont devant eux.
Il faut que les banques deviennent des services publics de façon à ce que
leurs argent passe sous le contrôle de la classe ouvrière et serve à
financer les besoins sociaux et non le profit privé. Cela soulève très
directement la question du socialisme révolutionnaire, car cela signifie la
fin de la propriété privée des leviers de l’économie, du principe de profit
et du système de l’Etat nation.
La tâche politique à laquelle font face les travailleurs en Europe n’est
pas de faire pression sur les gouvernements bourgeois déterminés à imposer
les coupes sociales mais de les faire tomber et de les remplacer par des
Etats socialistes unis d’Europe.
(Article original publié le 10 mai 2010)
Voir aussi :
Les travailleurs grecs font grève contre les mesures d’austérité