Hier soir, les représentants de la Confédération générale du travail
(CGT) stalinienne ont appelé les travailleurs des raffineries Total à cesser
leur grève nationale contre la fermeture de la raffinerie des Flandres à
Dunkerque. Bien qu'il n'ait reçu aucune assurance de la direction de Total
que les revendications des travailleurs seront satisfaites, le syndicat
cherche à trahir la lutte chez Total afin de briser la vague de grèves qui
enfle en France et de par l'Europe.
Les travailleurs des raffineries Total vont voter cet après-midi quant à
la poursuite ou non de la grève dans des assemblées générales qui se
tiendront sur leur lieu de travail.
Hier, au septième jour de leur grève illimitée, les travailleurs ont
fermé toutes les six raffineries de pétrole que la compagnie compte en
France et ont été rejoints mardi par les usines d'Exxon Mobil de France.
Cela ne laisse que quatre raffineries en fonctionnement dans le pays. Les
raffineries de Total à elles seules représentent 53 pour cent de la
production de carburants en France.
Cette grève se produit dans le contexte de luttes qui se développent
contre le chômage, les licenciements, les fermetures et l'austérité dans
toute l'Europe: le personnel des musées et les aiguilleurs du ciel en
France, le personnel naviguant chez British Airways, les pilotes de
Lufthansa, la grève générale en Grèce prévue pour mercredi et la grève
générale du mois prochain au Portugal.
Le représentant de la CGT Charles Foulard a déclaré, «La CGT
considère que des avancées significatives obtenues par la mobilisation des
salariés créent les conditions d'une suspension » de la grève.
Concernant la raffinerie de Dunkerque, Foulard a dit que «Le groupe Total se
déclare prêt à remettre le dossier à plat. » Il a ajouté que la direction de
Total est prête à s'engager sur un plan d'investissement qui n'impliquera
«aucune réduction de capacités, fermeture ou vente de raffinerie » pour les
cinq années à venir.
En fait, la direction de Total ne s'est nullement engagée à garder
ouverte la raffinerie de Dunkerque ou à maintenir les emplois des
travailleurs sur le site. Hier la direction de Total a fait une déclaration
disant que « Au-delà du projet d'évolution de l'établissement des Flandres,
il n'y aura ni fermeture, ni cession de ses raffineries françaises au cours
des cinq prochaines années. »
Le président Nicolas Sarkozy est tout à fait conscient que si la grève se
propage davantage et que les travailleurs s'activent avec détermination à
bloquer la distribution des stocks cela pourrait presque immédiatement
paralyser l'économie et menacer la survie de son gouvernement. Le quotidien
Le Monde écrivait lundi, «La France n'a jamais eu à recourir aux
stocks stratégiques pour ses besoins nationaux et a pour l'instant environ
sept jours de carburant pour faire face à la crise. »
Déjà lundi à 17 heures, malgré l'assurance du PDG de Total Christophe de
Margerie que Total « trouverait une solution » pour éviter la pénurie, 126
des 2 600 stations-service Elf et Total disaient être à court de carburants.
L'AFP écrivait hier, «Sous la pression de l'Elysée et face au spectre
d'une pénurie de carburant Total a donné rendez-vous aux syndicats ce mardi,
sa proposition d'avancer une réunion cruciale pour le site de Dunkerque
n'ayant pas suffi à mettre un terme au conflit dans les raffineries. »
Le gouvernement, craignant une propagation de la grève et un effondrement
aux élections régionales qui se tiendront en mars a prétendu soutenir les
revendications des travailleurs, tout en faisant savoirfinalement
qu'il soutiendra les positions de la direction de Total.
Le Monde du 22 février rapportait que dimanche en milieu de journée
le ministre de l'Industrie Christian Estrosi avait commencé par «exiger que
la raffinerie ne ferme pas. » Sur radio France Inter, il a garanti qu'il
maintiendrait « l'emploi des salariés de Total et la non-fermeture de la
raffinerie. » Mais Le Monde ajoutait, «Dans la soirée, le discours
était corrigé. Il s'agissait de garantir l'emploi, la pérennité du site et
du port de Dunkerque, tandis que le sort de la raffinerie elle-même est jugé
secondaire par l'exécutif. »
Le Monde commentait, «L'espoir entretenu par M. Estrosi sur un
possible maintien en activité de la raffinerie, n'a fait que compliquer une
situation déjà tendue.»
L'AFP rapportait lundi que «Le porte-parole de l'UMP Frédéric Lefebvre a
lui appelé Total à 'des actes précis dans les heures qui viennent', assurant
que la CGT, majoritaire chez Total, 'se bat pour l'emploi'. »
Même François Bayrou du MoDem droitier (Mouvement démocratique) s'est
déclaré solidaire des travailleurs de Total en grève. Les partisans de
Bayrou ont encouragé les automobilistes à boycotter les stations Total, en
contradiction avec l'appel des grévistes, bien soutenus par le public, à se
précipiter sur les stations service et faire le plein pour vider les stocks
de carburants chez Total.
L'attitude réelle d'Estrosi se révèle dans une autre déclaration faite
dimanche et ayant pour but de rassurer le patronat que le gouvernement ne
laisse pas la classe ouvrière faire ce qu'elle veut: « Le temps où les
ministres couraient à la télévision pour agiter leurs grands mouchoirs à
chaque annonce de licenciement dans une entreprise, publique ou non, est un
temps révolu. Au cœur des pleureuses nous avons substitué le cœur des
combattants. »
Alors qu'elle collabore avec le gouvernement dans un effort pour trahir
la grève, la CGT essaie de présenter cette lutte sur une base nationaliste,
en appelant aux intérêts géopolitiques de la classe dirigeante française.
Bernard Thibault, leader de la CGT, a affirmé avant la réunion de
dimanche, «L'accès d'un pays à l'énergie est un enjeu politique à l'échelle
du monde et s'il s'avère que la France a une capacité de raffinage qui va
diminuant pour des raisons de rentabilité financière … Ce que posent les
salariés de Total, c'est par rapport bien sûr à leur propre avenir, mais
aussi un enjeu économique et stratégique pour notre pays.»
Il s'agit là d'une diversion réactionnaire par rapport à la perspective
d'une lutte internationale pour défendre les emplois, l'activité
industrielle et le niveau de vie des travailleurs.
La réponse des cercles patronaux à la crise économique consistera à
réduire de façon draconienne les capacités de production. Le président de
l'Union française des industries pétrolières (UFIP) Jean-Louis Schilansky a
récemment dit à la presse, «Il faudrait fermer 10 à 15% des 114 raffineries
en Europe pour rétablir l'équilibre avec la demande. » La ligne nationaliste
de la CGT se réduit à insister pour que l'impact de la crise retombe sur les
travailleurs d'autres pays.
Ceci correspondant à la réaction anti-ouvrière plus large de la CGT face
à la crise. Depuis leur réunion du 15 février, les syndicats sont en
discussion avec le gouvernement sur la manière de réduire le déficit
budgétaire et la dette nationale de la France, en s'attaquant brutalement
aux retraites et aux services sociaux. En même temps, la France et
l'Allemagne ont pris la tête de l'Union européenne pour exiger du
gouvernement grec qu'il rembourse ses emprunts et évite la faillite
nationale en détruisant le niveau de vie des travailleurs et des jeunes.
Les travailleurs ne peuvent se défendre qu'en rompant politiquement avec
la CGT afin de poursuivre la grève et organiser une large lutte par la
classe ouvrière visant à renverser le gouvernement Sarkozy, en solidarité
avec des luttes similaires de travailleurs de toute l'Europe.