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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

La fin des luttes chez Continental et New Fabris

Le rôle de Lutte Ouvrière

Par Marianne Arens
31 août 2009

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Il y a quelques semaines les salariés de New Fabris qui fabriquent des pièces mécaniques pour l’automobile à Châtellerault dans la Vienne, avaient fait la une des médias. Ils avaient menacé de faire sauter leur usine si les 366 salariés qui avaient reçu quelques jours plus tôt leurs lettres de licenciement, n’obtenaient pas une indemnité de 30 000 euros.

Fin juillet, le personnel décidait de mettre fin à sa lutte et d’accepter la proposition du gouvernement d’une prime de départ de 12 000 euro. C’est à peine plus que ce qui leur avait été offert auparavant.

C’est ainsi que s’achève une lutte qui avait clairement montré le degré d’énergie et de détermination à lutter dont ont fait preuve les travailleurs. Dans le même temps, il devint aussi évident que les syndicats, en étroite collaboration avec des organisations politiques, comme entre autres Lutte ouvrière (LO), ont isolé les luttes sociales en les menant dans une impasse et en les forçant à se soumettre.

Un sous-traitant de Renault et de Peugeot

Le 16 juin les salariés avaient appris que l’équipementier automobile New Fabris, un sous-traitant de Renault et Peugeot serait fermé. Les deux principaux constructeurs automobiles français avaient réduit de 90 pour cent leurs commandes. Les travailleurs avaient refusé une première proposition du gouvernement et des deux groupes automobiles prévoyant aune prime de départ de 11 000 euros par salarié.

Les travailleurs avaient adressé leur revendication aux deux grands groupes et au gouvernement. Ils avaient fixé un ultimatum au 31 juillet en réclamant 30 000 euros par personne, menaçant de faire sauter l’usine. Ils installèrent sur le toit de l’établissement des bonbonnes de gaz en les reliant entre elles et ils firent brûler une machine d’usinage de 1,2 tonne pour montrer leur détermination.

Les travailleurs rejetèrent l’argument selon lequel il n’y aurait pas d’argent pour payer les primes de licenciement. L’Etat français détient 15 pour cent des parts de Renault et en février dernier le gouvernement avait débloqué un soi-disant « plan de sauvetage de l’automobile » prévoyant trois milliards d’euros respectivement pour Renault et pour Peugeot, en plus d’une aide de 600 millions d’euros aux sous-traitants.

Officiellement ce plan de sauvetage prévoyait la préservation de l’emploi. En réalité, l’aide publique servit à renflouer la trésorerie des entreprises sévèrement malmenées par la crise. Depuis le début de la crise, les banques ont resserré le crédit et les ventes de voitures neuves ont régressé. « En dépit de cet effort, le groupe doit faire face à un besoin de liquidités de près de 4 milliards d’euros pour l’année 2009 », a déclaré Christian Streiff, l’ex-président du directoire de PSA Peugeot Citroën.

Les salariés ne veulent pas admettre que les deniers publics soient uniquement réservés aux actionnaires et aux PDG des entreprises. Ils revendiquent expressément que cet argent du contribuable bénéficie également aux travailleurs.

Mais pendant des semaines les syndicats ont isolé la lutte, comme ils l’avaient fait ces derniers mois dans le cas des autres conflits contre les licenciements et les fermetures d’usines. Ils avaient même mis en garde les salariés qu’en cas de refus de la nouvelle proposition, ils seraient obligés d’en subir les conséquences en ne recevant que les indemnités légales.

Face à cette pression, les salariés de New Fabris acceptèrent finalement une offre à peine supérieure à l’ancienne. Les 12 000 euros net que chaque salarié doit percevoir à présent, s’ajoutent à l’indemnité légale qui est versée en fonction de l’ancienneté.

Le 31 juillet, lors d’un vote à bulletins secrets en assemblée générale, 204 salariés ont accepté la proposition, 24 ont voté contre. Il y eu sept bulletins nuls ou blancs et 131 salariés n’ont pas participé au vote. Guy Eyermann, le délégué CGT qui n’a pas participé au scrutin s’était plaint auprès des médias du manque de solidarité de la part du syndicat. « J’ai l’impression d’avoir été abandonné par ma direction syndicale… la CGT New Fabris est morte…Les directions syndicales nationales ne se sont pas déplacées ? L’odeur des machines qui brûlent doit leur être insupportable. »

Le syndicat CGT, proche du Parti communiste (PC) stalinien, est majoritaire chez New Fabris. Maryse Dumas, secrétaire confédérale de la CGT, s’est rangée du côté du gouvernement en condamnant la détermination des travailleurs de faire sauter leur usine en déclarant notamment : « Ce sont des modalités d’action que je ne conseillerais pas aux salariés parce qu’elles conduisent à des impasses. »

Les « impasses » dont parle la secrétaire de la CGT sont le résultat de la politique droitière de la CGT qui collabore étroitement avec le gouvernement et qui étouffe dans l’œuf la moindre initiative pour une lutte commune des travailleurs en France, en Europe et de par le monde, en trahissant une lutte après l’autre. En réalité, c’est cette camisole de force qui empêche les travailleurs d’unir ces nombreuses luttes individuelles dans un vaste mouvement politique contre le gouvernement.

Le 30 juillet, la veille de la proposition finale du gouvernement, en tout 3.500 personnes participèrent à une manifestation à Châtellerault en solidarité avec les salariés licenciés. La détermination des travailleurs avaient suscité de nombreuses réactions positives. Selon un sondage IFOP, 50 pour cent des personnes interrogées comprennent les actions des salariés de vouloir faire sauter leur usine et 16 pour cent les approuvent.

Des délégations d’autres usines menacées de fermetures participèrent également à la manifestation du 30 juillet, par exemple, de l’usine Continental de Clairoix. La liste des équipementiers et sous-traitants automobiles qui licencient est très longue. En font partie Caterpillar, Goodyear, Valé, Molex, Arcelor Mittal, Motorola, Tyco, Johnson Controls, Treves, Continental Rambouillet, Mahle, et bien d’autres.

Le cas de Continental-Clairoix et le rôle joué par Lutte ouvrière

La lutte des travailleurs de New Fabris à Châtellerault met en évidence le rôle réactionnaire joué par Lutte ouvrière dans le cas présent. Cette organisation avait à la mi-juin conseillé aux travailleurs de Continental à Clairoix d’accepter une prime de 50 000 euros et de mettre fin à leur lutte.

Ce faisant, elle a brisé l’élan de la lutte au moment précis où elle prenait des dimensions internationales et politiques et qu’elle jouissait d’un fort soutien des travailleurs en Allemagne et en France. Elle a délibérément stoppé un mouvement international commun basé sur une perspective socialiste des travailleurs contre les attaques des patrons, des gouvernements et de l’Union européenne. Ceci a considérablement contribué à réduire la résistance des travailleurs au niveau de protestations individuelles comme à Châtellerault.

Lutte ouvrière est étroitement lié aux couches inférieures et moyennes de la bureaucratie syndicale et amorce avec celle-ci un net virage politique à droite. Un simple regard jeté sur les événements survenus chez Continental à Clairoix le montre clairement.

Les 1120 salariés de Continental-Clairoix avaient à la mi-juin mis fin à leur lutte contre la fermeture de l’usine en échange d’une indemnité de 50 000 euros pour chacun et d’autres concessions. En ce qui concerne ces salariés, Lutte ouvrière s’était fortement impliquée. Le délégué CGT dirigeant la grève chez Continental était, Xavier Mathieu, est un sympathisant de LO et son conseiller est Roland Szpirco, dirigeant LO et conseiller municipal dans la région.

L’hebdomadaire de LO, Lutte ouvrière, avait salué l’accord final de grande victoire et de percée en disant : « … la lutte arrache de nouveaux reculs [du gouvernement et du patronat], peut-être décisifs. »

En réalité, c’est le contraire qui est le cas : en conséquence de cet accord plus d’un millier d’emplois seront à nouveau supprimés en Picardie, une région où le chômage progresse rapidement. La fin de la résistance chez Continental a isolé et affaibli la lutte des travailleurs de New Fabris et ailleurs et qui se sont également mobilisés contre les fermetures d’usine.

Au départ, on aurait pu croire que la direction de la grève chez Continental à Clairoix prendrait le chemin d’une lutte principielle. Elle avait réagi à la détermination des travailleurs de lutter en organisant le 23 avril une manifestation commune rassemblant au-delà des frontières les collègues allemands de Hanovre où une usine Continental sera également fermée. (Voir: Les travailleurs français et allemands de Continental protestent contre les fermetures d’usines)

Les travailleurs allemands de Continental avaient réagi avec enthousiasme à cette manifestation internationale. Ils avaient accueilli leurs collègues français en brandissant des pancartes bilingues disant : « Chers collègues de Clairoix, bienvenus à Hanovre » ainsi que « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! » Il devint immédiatement évident quelle pourrait être l’issue d’une lutte internationale et principielle. Elle aurait brisé le contrôle de la bureaucratie syndicale.

C’est précisément pour cette raison que les dirigeants de la grève, des membres de longue date du syndicat, décidèrent à ce point d’interrompre la lutte. Ils se sont laissé acheter, car avec l’acceptation de l’indemnité, quel qu’en soit le « montant », c’est la direction de Continental qui s’est imposée.

Pour le groupe Continental, cet accord valait bien quelques millions d’euros. Le groupe mondial impose dans le monde entier des réductions de salaire, des licenciements et des fermetures d’usines et a déjà fermé au cours de ces derniers mois onze sites sur les 200 implantés dans 36 pays différents. En Allemagne, Continental impose pour l’heure avec l’aide des syndicats (IG Metall et IG Chemie), le Parti social-démocrate (SPD) et le parti La Gauche, une baisse de salaire de 17 pour cent.

Lutte ouvrière avance cet argument : « C’est une lutte d’ensemble de la classe des travailleurs qui serait nécessaire. Mais tant qu’on ne s’est pas engagé dans cette voie, les travailleurs… qui se battent dans leur entreprise, ont mille fois raison de vendre leur peau le plus cher possible. » La citation est révélatrice, car en réalité les travailleurs sont tout à fait prêts à mener une lutte commune et ils l’ont prouvé à maintes reprises, et pas seulement le 23 avril lors de la manifestation franco-allemande à Hanovre.

La lutte unifiée des travailleurs dont l’organisation Lutte ouvrière ne cesse d’invoquer la nécessité, elle l’a elle-même empêchée à Continental-Clairoix.

(Article original allemand paru le 21 août 2009)


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