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Une section londonienne du syndicat des enseignants dénonce la trahison du conflit sur les retraites

Par Jo March
1er mai 2012

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C'est un jour que la plupart des membres du syndicat NUT (National Union of Teachers) de l'école primaire Edward Wilson pensaient ne jamais voir: le jour où ils ont voté contre un mouvement de grève.

Des années durant et à chaque conflit, les membres du NUT de cette école de Londres ont voté à l'unanimité en faveur de la grève pour défendre les salaires et les conditions de travail. Mais au cours de l'année dernière, les enseignants se sont sentis de plus en plus frustrés par la campagne minimale des syndicats contre l'assaut sur les retraites mené par le gouvernement de coalition Conservateurs-libéraux démocrates, alors même qu'absolument aucune lutte n'était organisée par ces mêmes syndicats contre les suppressions de postes. 

Les enseignants d'Edward Wilson avaient participé le 30 novembre dernier à la grève la plus importante jamais vue en Grande-Bretagne depuis 30 ans et qui avait rassemblé 2,5 millions de travailleurs du secteur public de 20 syndicats différents.

Mais les syndicats ont rapidement fait le nécessaire pour étouffer cette opposition. Le 20 décembre, le Congrès des syndicats (Trades Union Congress) annonçait qu'il annulait tout nouveau mouvement de grève pour entamer des négociations avec le gouvernement. Aux côtés de la majorité des autres syndicats, il a tout fait pour diviser les travailleurs du secteur public selon des lignes sectorielles en tenant des pourparlers « sur des projets spécifiques » concernant des questions plutôt secondaires.

Puis une grève nationale commune prévue pour le 28 mars par les quatre syndicats restants, le NUT, l'UCU (University and College Union), le PCS (Public and Commercial Services) et l'EIS (Educational Institute of Scotland), a été trahie avant même de commencer. Au tout dernier moment, le mouvement de grève a été limité à Londres, avec pour uniques participants les membres du NUT et de l'UNU des universités crées après 1992. Le PCS a décidé d'annuler purement et simplement la grève tandis que l'EIS entamait des négociations séparées avec le gouvernement écossais.

Cela veut dire que juste une semaine avant une journée d'action déjà fortement réduite et deux semaines avant que l'augmentation des cotisations de retraite ne soit appliquée, les membres du NUT d'Edward Wilson ont appris que tous les autres syndicats hormis l'UCU avaient annulé la grève et que le NUT n'appelait à la grève que dans la capitale.

Les quelque 20 enseignants invités à une réunion spéciale étaient écoeurés. Les intervenants ont dénoncé la riposte « pitoyable » des syndicats face aux attaques du gouvernement. Les enseignants ont exprimé leur colère sur le fait que la direction syndicale n'aie aucune intention d'organiser une vraie lutte contre les changements concernant les retraites, mais qu'ils attendaient que les enseignants perdent une journée de salaire juste pour que les bureaucrates puissent sauver la face et avoir l'air de faire quelque chose.

Finalement les membres ont voté à l'unanimité contre la journée de grève.

Plusieurs enseignants ont pris la parole et insisté pour que leur position soit clairement expliquée aux dirigeants syndicaux et aux autres professeurs. Ils voulaient montrer qu'ils n'étaient pas contre la grève mais pensaient qu'ils étaient utilisés et manipulés de la manière la plus cynique et que c'en était trop.

Une lettre a été rédigée et envoyée aux dirigeants syndicaux en ces termes:

« La section syndicale du NUT de Edward Wilson déplore l'appel à une seule journée de grève du NUT sur la question des retraites uniquement alors que que le gouvernement est en train d'organiser dans tout le pays la privatisation complète de l'éducation, conjointement au démantèlement du service de santé et à la destruction du système d'Etat providence.

Nous avons voté contre la journée de grève du 28 mars, non pas parce que nous ne voulons pas lutter contre la destruction de nos retraites mais parce que nous pensons que ces grèves éparpillées d'une journée  ne font pas vraiment pression sur le gouvernement et nous pensons qu'il faut appeler à une grève plus longue, voire illimitée, pour espérer avoir un quelconque impact.

Nous pensons que la question de nos retraites devrait être liée aux attaques massives contre les emplois et contre l'Etat providence et qu'il faut appeler à une grève générale unissant les travailleurs du public et du privé contre ces coupes sociales.

Nous reconnaissons aussi qu'internationalement on fait payer aux travailleurs du monde entier la spéculation des banquiers et les profits des grandes entreprises. Nous nous opposons à la baisse des salaires et à la destruction des services et appelons les travailleurs du monde entier à se rejoindre dans une lutte unie pour le droit à un niveau de vie, une éducation, un service de santé et des services fondamentaux décents. »

Après la réunion, Amanda Darlington, déléguée NUT de Edward Wilson depuis plus de six ans a dit, « Etant donné que 73 pour cent des membres du NUT ont voté pour une grève nationale, les dirigeants du syndicat n'ont pas respecté la décision de la majorité. C'est inacceptable sur une question aussi importante. »

« Lors de notre réunion, la majorité des gens pensaient que cela ne servait à rien de limiter la grève à Londres uniquement. Nous étions convaincus que cela n'aurait aucun impact, donc nous ne pouvions que voter contre. Nous voudrions voir une grève nationale de tous les syndicats sur plusieurs jours. »

« Pour le moment, on a l'impression que les syndicats ne peuvent pas ou ne veulent pas se battre pour nous. Cela sert à quoi de faire un vote sur la grève s'ils ont déjà décidé de ce qu'ils vont faire? »

Lorsqu'on lui a demandé ce qu'elle pensait du fait que les syndicats n'ont mené aucune lutte concernant le programme de transformation des écoles en académies [établissements ouverts au financement privé et indépendants des autorités locales] ou concernant les mesures d'austérité, Hanan Wahabi, coordinateur des matières littéraires a demandé, « Les syndicats font quoi au juste? Ce n'est pas normal. On les paie à quoi faire? Il faut qu'ils nous défendent. »

Phil Baldwin, enseignant du cours préparatoire a dit, « Ce n'est pas que je sois contre la grève, c'est que je ne suis pas d'accord avec la façon dont cet appel à la grève a été organisé. Pourquoi juste à Londres? Il est évident que cela touche tous les enseignants où qu'ils soient. Je ne crois pas qu'une seule journée de grève souligne suffisamment la gravité du problème. Allez, le NUT, il faut se ressaisir, et vraiment prendre le problème à bras le corps. »

« Je ne vois pas comment des grèves dispersées d'une journée peuvent aboutir à quoi que ce soit sinon à agacer de temps en temps les parents, » a dit Brian Keeler, le coordinateur de mathématiques.

« Ce gouvernement a un programme idéologique, » a-t-il dit. « Ils veulent démanteler tous les vestiges de l'Etat et faire passer un maximum de choses dans le secteur privé. De leur point de vue, le service public apporte zéro croissance à l'économie. Ils veulent donner à davantage d'entreprises privées une part du gâteau public; comme ça ils pourront réduire encore plus les salaires et augmenter les profits des entreprises et, mieux encore, des investisseurs privés qui soutiennent les conservateurs. »

« Les mesures d'austérité puent, » a ajouté Brian. « Les soi-disant créateurs de richesses voient leurs avoirs protégés par le gouvernement durant la crise et après on leur laisse carte blanche une fois que les choses recommencent à aller mieux. On n'a emprisonné aucun banquier pour ce qu'ils ont fait, et pourtant la majorité de la population va payer pendant encore des décennies pour les renflouer. Les un pour cent doivent être écroulés de rire en voyant comment la table de la roulette du capitalisme mondial est si bien truquée en leur faveur. C'est gagnant-gagnant à tous les coups.»

 

(Article original publié le 7 avril 2012)

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